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Communiqués et dossiers de presse

L’odorologie policière corroborée par la science

10 Fév 2016 | Par INSERM (Salle de presse) | Non classifié(e)

L’odorologie est une technique d’identification des odeurs humaines par des chiens spécialement entraînés. Elle est utilisée dans les enquêtes policières pour démontrer la présence d’un individu sur une scène d’infraction. Cependant, il n’existe à l’heure actuelle aucun standard international concernant l’entraînement des chiens. Au Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/Inserm), des chercheurs spécialisés dans les odeurs et leur mémorisation ont analysé les données, consignées depuis 2003 par la Sous-direction de la police technique et scientifique d’Ecully, sur les performances des chiens face à une tâche d’identification d’odeurs. Leurs résultats montrent qu’au terme d’un programme d’entrainement de 24 mois, les chiens parviennent à reconnaître l’odeur d’une même personne dans 80 à 90 % des cas, et ne commettent jamais d’erreur en la confondant avec des odeurs de personnes différentes. Ces résultats valident les procédures appliquées et devraient convaincre la communauté internationale de la fiabilité de cette méthode. Ils sont publiés le 10 février 2016 dans la revue PLOS ONE.

PhotoCP odorologie

Cisko, l’un des chiens policiers, qui effectue un test d’identification (c) DGPN – SICOP

L’odorologie est une méthode d’identification des odeurs humaines, utilisée depuis 2003 en France par les services de la police judiciaire pour démontrer la présence d’un individu sur une scène de crime. Cette méthode repose sur le fait que l’odeur humaine est propre à chaque individu, et sur l’incroyable odorat des chiens (dont la sensibilité peut être de 200 à 10 000 fois plus grande que celle de l’homme selon le type d’odeur considérée1), associé à un long entraînement.

Concrètement, elle consiste à faire comparer, à des chiens spécialement entraînés, une odeur humaine prélevée sur un objet de la scène d’infraction à celle de plusieurs individus parmi lesquelles se trouve l’odeur d’un suspect ou d’une victime. Les résultats de ces tests étant déterminants pour les enquêteurs, ils doivent résulter d’études fiables et reproductibles. Or, jusqu’à maintenant, il n’existait aucun standard international concernant l’entraînement des chiens ou leur inclusion dans les enquêtes. Par conséquent, il y a parfois des réticences à considérer cet indice comme élément de preuve. En analysant les résultats obtenus depuis 2003 à la Sous-direction de la police technique et scientifique (SDPTS) d’Ecully, des chercheurs du Centre de recherche en neurosciences de Lyon viennent de démontrer la fiabilité de la méthode employée.

Durant leur formation initiale, les bergers allemands et belges malinois utilisés par la police scientifique doivent apprendre à faire l’association entre deux odeurs provenant d’un même individu, au cours de tâches de plus en plus complexes. Au terme de cette formation, les chiens sont aptes à effectuer des tâches d’identification. Au cours de cette tâche, les animaux flairent une odeur humaine de référence puis doivent la comparer à une série de cinq odeurs humaines différentes parmi lesquelles se trouve l’odeur de référence. Lorsque le chien exprime la reconnaissance entre les deux odeurs (en se couchant devant le bocal qui contient l’odeur de référence), il est récompensé par une friandise ou par un jeu. Les odeurs humaines peuvent correspondre à des traces odorantes prélevées sur un objet ayant été préalablement manipulé ou à une odeur corporelle directement prélevée sur un individu.

L’analyse des données obtenues avec les 13 chiens de la SDPTS depuis 2003 montre qu’à l’issue de l’acquisition des principes de la tâche, un entraînement régulier de 24 mois est nécessaire pour obtenir des performances stables et optimales. A l’issue des 12 premiers mois, les chiens ne commettent plus aucune erreur de reconnaissance (c’est-à-dire qu’ils ne confondent pas les odeurs de deux personnes différentes). Et leur sensibilité olfactive augmente significativement au cours de l’entraînement : en moyenne, au bout de deux ans, ils parviennent à reconnaître deux odeurs provenant de la même personne dans 85 % des cas, les 15% d’absences d’association résultant majoritairement de la qualité du prélèvement ou de l’odeur elle-même et non d’un déficit de reconnaissance.

Les chercheurs ont aussi mis en évidence que les bergers allemands étaient plus performants que les bergers belges malinois, sans doute parce qu’ils sont plus disciplinés et plus attentifs.

Au terme de leur formation initiale, les chiens peuvent donc participer aux procédures judiciaires et continuent à bénéficier, tout au long de leur vie, d’un entraînement continu entre les procédures. En pratique, chaque test d’identification est réalisé par au moins deux chiens. Et chaque chien réalise au moins deux tests avec le même assortiment d’odeurs : l’odeur prélevée est présentée soit dans l’échantillon flairé au début de la tâche, soit dans l’un des bocaux qu’il flaire successivement.

Entre 2003 et 2016, l’odorologie a été utilisée dans 522 cas à la SDPTS, et a permis de résoudre 162 affaires judiciaires.

Dans ces procédures judiciaires, les odeurs prélevées dataient de quelques heures ou quelques jours. Les chercheurs aimeraient maintenant étudier les performances des chiens sur des odeurs plus anciennes. Les prélèvements d’odeurs sont en effet stockés dans des odorothèques, pendant plusieurs années.

1Marshall and Moulton, Chem Senses,1981 ; Krestel et al., Neurosci Biobehav Rev, 1984.

Contacts
Contact Chercheur
Barbara Ferry Chercheure CNRS 04 37 28 74 63 rf.srnc@yrref.arabrab
Contact Presse
Presse CNRS Véronique Etienne 01 44 96 51 37 rf.rid-srnc@enneite.euqinorev
Sources
Rigorous training of dogs leads to high accuracy in human scent matching-to-sample performance, Sophie Marchal, Olivier Bregeras, Didier Puaux, Rémi Gervais et Barbara Ferry. PLOS ONE, 10 février 2016. DOI:10.1371/journal.pone.0146963
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