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Les « bébés bulle » ont 11 ans : L’efficacité de la thérapie génique est démontrée

11 ans déjà ! En mars 1999, Alain Fischer, Marina Cavazzana-Calvo et Salima Hacein- Bey-Abina et leurs équipes de l’Inserm, de l’AP-HP et de l’Université Paris Descartes traitaient pour la première fois par thérapie génique des enfants atteints d’une maladie les privant de défenses immunitaires. Aujourd’hui, sept enfants pris en charge en France vont bien et mènent une vie normale. Ces onze années ont permis aux chercheurs de perfectionner la thérapie, de comprendre et de tenter de s’affranchir des problèmes de toxicité rencontrés aux débuts de cette aventure. En écho à cette réussite, deux nouveaux essais cliniques démarrent en 2010. Ils concernent le DICS-X et le syndrome de Wiskott Aldrich. Le suivi de cette étude est publié ce jour dans The New England Journal of Medicine. Ces travaux remarquables ont reçu le soutien de l’AFM grâce aux dons du Téléthon.

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Alain Fischer, Unité Inserm 768, « Développement normal et pathologique du système immunitaire », Département de Biothérapies et Unité d’Immunologie et d’Hématologie pédiatrique, Hôpital Necker Enfants Malades AP-HP, Université Paris Descartes, Paris © AP-HP, Julian Renard

Le déficit immunitaire combiné sévère lié au chromosome X est une maladie génétique rare caractérisée par une absence totale de cellules responsables de la défense de l’organisme contre les infections. Afin de combler ce manque de défenses immunitaires, les enfants touchés par cette maladie sont placés dès la naissance dans des chambres stériles. Pour ces « bébés-bulle », l’espoir de bénéficier un jour de la reconstitution de leur système immunitaire passe par une greffe de moelle osseuse issue d’un donneur familial compatible (idéalement un frère ou une soeur). Toutefois, la réussite de ces greffes est conditionnée par un certain nombre de facteurs limitants (manque de donneurs, risque de mortalité, reconstitution incomplète des défenses immunitaires, etc.).
11 ans déjà !

En 1999, Alain Fischer, Marina Cavazzana-Calvo et Salima Hacein-Bey-Abina (Unité Inserm 768, « Développement normal et pathologique du système immunitaire », Département de Biothérapies et Unité d’Immunologie et d’Hématologie pédiatrique, Hôpital Necker Enfants Malades AP-HP, Université Paris Descartes, Paris) proposent une nouvelle méthode de thérapie génique qui permet de s’affranchir des inconvénients liés à la greffe de moelle osseuse. Elle consiste à insérer une copie normale du gène altéré dans l’organisme des enfants malades.

Pour cela, le gène médicament est inséré en dehors de l’organisme (ex vivo) dans les cellules du patient grâce à un vecteur viral de type rétrovirus. Ce vecteur permet la pénétration du gène dans la cellule, son insertion au sein du génome et la production de la protéine défectueuse chez les enfants. Une fois cette étape réalisée, les cellules corrigées à l’origine des éléments responsables des défenses immunitaires (les lymphocytes T) sont réinjectés au patient.

Les différentes étapes de la thérapie génique du DICS-X

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Les premiers enfants ainsi traités par thérapie génique ont pu retrouver un système immunitaire fonctionnel et échapper aux infections à répétition. Quatre d’entre eux ont néanmoins développé une leucémie à la suite de la thérapie. Cette complication était due à l’insertion dans des sites inappropriés (1) du rétrovirus utilisé pour transporter le gène correcteur.
Une efficacité démontrée

Malgré ces problèmes de toxicité liés au rétrovirus, sept enfants pris en charge en France ont continué à produire suffisamment de lymphocytes T et, ce, de façon durable. « A ce jour les taux de lymphocytes T chez ces enfants sont vraiment très bons » nous explique Salima Hacein-Bey-Abina, professeur à l’Université Paris Descartes, « La capacité des précurseurs des lymphocytes T à se diviser a persisté même chez les enfants qui ont dû subir une chimiothérapie. Bien entendu, notre défi est maintenant de pouvoir proposer cette méthode mise au point en 1999 avec des vecteurs plus sûrs, mais son efficacité est aujourd’hui démontrée ».

Deux nouveaux essais en 2010

Deux déficits immunitaires héréditaires feront l’objet d’essais cliniques de thérapie génique en 2010. 5 enfants atteints de DICS-X intégreront un nouvel essai promu par l’AP-HP tandis que 10 enfants atteints du syndrome de Wiskott Aldrich (2) prendront part, en France et en Angleterre, à un essai promu par Généthon (le centre de recherche et de développement des thérapies géniques de l’AFM). Ce dernier essai a débuté en février dernier. Par ailleurs, l’équipe de chercheurs de l’Inserm est toujours impliquée dans l’essai clinique de thérapie génique contre l’adénoleucodystrophie (3).

Notes
(1) Thérapie Génique du déficit immunitaire DICS-X : résultats des premières investigations sur la complication survenue chez deux enfants traités

(2) Le syndrome de Wiskott-Aldrich (WAS) est un déficit immunitaire génétique lié à l’X. Cette pathologie rare, causée par des mutations dans le gène WAS, se caractérise par des hémorragies, des infections récurrentes et de l’eczéma. Les patients souffrent parfois de manifestations auto-immunes ou de lymphomes. Les patients sont traités par greffe de moelle si un donneur compatible est disponible.

(3) Succès dans le traitement de l’adrénoleucodystrophie par greffe de cellules souches porteuses d’un nouveau vecteur de thérapie génique

Utiliser le système immunitaire pour traiter le cancer

Une étude française publiée dans la revue Science Translational Medicine (S. Maury et al). Une équipe de chercheurs et de médecins français, associant l’AP-HP, le CNRS, l’Inserm ainsi que les Universités Pierre et Marie Curie et Paris-Est Créteil Val de Marne, a mis au point une nouvelle approche de thérapie cellulaire pour des patients atteints de cancer et en échec thérapeutique. Les résultats de l’essai clinique évaluant la sécurité et l’efficacité de ce nouveau traitement s’avèrent très positifs. Ces travaux ouvrent des perspectives thérapeutiques importantes en cancérologie. Ils sont publiés dans la revue Science Translational Medicine.

Un grand nombre de maladies cancéreuses de la moelle osseuse et du sang, comme les leucémies ou les lymphomes par exemple, peuvent être soignées de façon efficace en remplaçant totalement la moelle osseuse du patient atteint par celle d’un donneur sain.

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Frottis de moelle osseuse. x16. © Inserm, M. Depardieu

Ce traitement correspond à ce que l’on appelle une « greffe de moelle osseuse », plus généralement dénommée aujourd’hui « greffe de cellules souches sanguines ». Le donneur peut être soit un membre de la famille du patient soit, de plus en plus souvent aujourd’hui, un donneur volontaire sans lien familial avec le patient. Des cellules provenant du cordon ombilical peuvent aussi être utilisées dans ce type d’approche. Actuellement, en incluant tous ces types de donneurs possibles, près de 1500 greffes de cellules souches sanguines sont effectuées en France par an.

L’effet anticancéreux de ce type de greffe repose d’une part sur le remplacement complet de la moelle osseuse malade par celle du donneur mais aussi sur l’injection, au moment de la greffe, de cellules immunitaires provenant de ce même donneur. En effet, ces cellules – et en particulier celles qu’on appelle les lymphocytes – ont dans certaines conditions la capacité d’éliminer les cellules cancéreuses du patient. Malheureusement, trop souvent, la maladie cancéreuse n’est pas totalement contrôlée par la greffe.

C’est dans cette situation et donc pour une population de patients en échec thérapeutique qu’une équipe française a mis au point avec succès une nouvelle approche de thérapie cellulaire.
Celle-ci repose sur l’injection de lymphocytes préalablement manipulés afin d’augmenter leur activité anticancéreuse. Cette manipulation consiste à éliminer spécifiquement une fraction des lymphocytes injectés – les T-régulateurs – car ils inhibent l’activité anticancéreuse des autres lymphocytes.

Les résultats de l’essai clinique évaluant la sécurité et l’efficacité de cette nouvelle thérapie cellulaire sont très positifs. Le traitement a été très bien toléré et un tiers des 17 patients traités ont répondu au traitement alors qu’ils n’avaient plus d’autres options thérapeutiques. Ces travaux ouvrent des perspectives thérapeutiques importantes et les équipes travaillent déjà à des améliorations de la préparation cellulaire qui devraient augmenter encore l’effet thérapeutique.

Ces résultats ont pu être obtenus grâce à une étroite collaboration entre des chercheurs et des médecins français spécialisés en transplantation, en cancérologie et en biothérapie au sein de deux hôpitaux (Henri Mondor et Pitié-Salpêtrière) de l’AP-HP. La grande implication combinée du CNRS, de l’Inserm et des Universités Pierre et Marie Curie (UPMC) et Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC) a aussi été déterminante pour la conduite de ces travaux qui ouvrent des perspectives nombreuses à la fois en cancérologie et dans le domaine de la transplantation.

Une voie immunitaire inédite de lutte contre l’athérosclérose

L’athérosclérose ou accumulation de plaques graisseuses sur la paroi artérielle est à l’origine de la plupart des maladies cardiovasculaires. Alors que les lymphocytes B du système immunitaire étaient considérés jusqu’alors comme des éléments de protection contre la formation de ces plaques, des chercheurs du « Paris Centre de recherche cardiovasculaire » (unité 970 Inserm) réfutent cette hypothèse sur trois modèles animaux. Ils montrent à l’inverse que des anticorps dirigés contre ces cellules de l’immunité et très efficaces en traitement du lupus ou de la polyarthrite rhumatoïde protègent significativement contre l’athérosclérose. Ces travaux, en cours de validation par un essai clinique chez l’homme, sont publiés dans The Journal of Experimental Medicine. Ils pourraient notamment offrir de nouvelles perspectives en prévention des récidives après un infarctus du myocarde.

L’athérosclérose est une pathologie inflammatoire des artères déclenchée par plusieurs facteurs, notamment l’augmentation du cholestérol, et caractérisée par une accumulation de lipides dans la paroi artérielle, sous forme de plaques. La rupture de ces plaques est à l’origine de la majorité des maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral) et responsable de la première cause de mortalité dans les pays industrialisés. Il est donc essentiel de repérer les patients à risque et de comprendre la progression de la maladie, pour la prévenir et la traiter.

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Athérosclérose à divers stades au sein d’un vaisseau. Cliché le plus clair : normal, cliché le plus foncé : athérosclérose massive. © Inserm, JC Fruchart

La réponse immunitaire (macrophages, lymphocytes B, lymphocytes T), variable selon les individus, joue un rôle important dans la progression de ces plaques d’athérome et la survenue des complications des maladies cardiovasculaires. A ce jour le rôle attribué à l’ensemble des lymphocytes B semblait protecteur de l’athérosclérose.

Pourtant, les travaux dirigés par Ziad Mallat réfutent aujourd’hui clairement cette hypothèse. Les chercheurs démontrent en effet que l’utilisation d’un anticorps dirigé contre les lymphocytes B et entraînant la disparition de 96% d’entre eux fournit une protection significative contre le développement de l’athérosclérose dans 3 modèles expérimentaux chez la souris. Cet anticorps dirigé contre une protéine de surface des cellules B est utilisé très efficacement chez l’homme en traitement de certaines pathologies inflammatoires. L’effet protecteur est en partie lié à une désactivation parallèle des lymphocytes T qui produisent alors moins d’interféron gamma, une hormone du système immunitaire favorisant l’athérosclérose, et plus d’interleukine-17, une hormone protectrice.

Ces résultats ont des implications cliniques importantes. Ils suggèrent que les traitements dirigés contre les lymphocytes B, actuellement administrés à des patients souffrant de maladies inflammatoires comme le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde, pourraient réduire le risque cardiovasculaire. Des essais cliniques ont été engagés en ce sens par l’équipe et visent à évaluer l’étendue de l’athérosclérose avant et après traitement chez ces patients.
Les chercheurs envisagent également d’autres applications cliniques, notamment évaluer cet anticorps en traitement à court terme du risque de récidive après un infarctus du myocarde.

Maladie de Parkinson, une nouvelle cible thérapeutique des troubles de la marche

Deuxième cause de handicap d’origine neurologique chez les personnes âgées, la maladie de Parkinson touche près de 150 000 personnes en France. Les tremblements et les raideurs caractéristiques de la maladie sont dus essentiellement à l’altération dans le cerveau des neurones qui véhiculent la dopamine. Aujourd’hui, l’équipe de Chantal François et d’Etienne Hirsch (Centre de recherche de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière, CNRS/Inserm/UPMC) suggère que les troubles de la marche, observés chez les patients à un stade avancé de la maladie, seraient liés à la dégénérescence d’un autre type de neurones, les neurones cholinergiques. Selon les auteurs, ils pourraient constituer une nouvelle cible potentielle pour le traitement pharmacologique des patients devenus résistants au traitement initial par la dopamine. Ces travaux, menés en étroite collaboration avec des cliniciens du groupe Pitié-Salpêtrière (AP-HP) sont publiés dans l’édition d’août de The Journal of Clinical Investigation.

Dans la maladie de Parkinson, les symptômes moteurs sont dus à la mort de certains neurones utilisant la dopamine comme messager chimique : les neurones dopaminergiques. Ces symptômes disparaissent généralement grâce au traitement par la dopamine. Cependant, dans les formes avancées de la maladie, une résistance à ce traitement apparaît, et des troubles de la marche et des chutes surviennent. L’hypothèse la plus probable est qu’il existe une structure non médiée par la dopamine et impliquée dans le contrôle de l’équilibre. Le noyau pédonculopontin (PPN), structure cérébrale constituée, en partie, de neurones dont le messager chimique est l’acétylcholine (neurones cholinergiques), constituait alors un candidat potentiel pour les chercheurs.

Pour déterminer son rôle dans le contrôle de la marche et de la posture, les chercheurs et cliniciens ont utilisé une approche expérimentale multidisciplinaire originale. Celle-ci combine des techniques d’IRM fonctionnelle, d’anatomie et de neurochirurgie. Sur la base d’analyses réalisées chez les sujets sains et malades, plusieurs observations ont permis de conclure à l’importance de ce noyau dans le contrôle de la marche et de la posture. Elles ont aussi permis de conforter l’hypothèse selon laquelle les troubles de la marche observés au cours de la maladie de Parkinson étaient dus à une lésion ou à un dysfonctionnement de cette petite structure cérébrale.

Grâce à des études réalisées sur des sujets sains, les chercheurs ont montré que le noyau « s’active » lorsque les sujets s’imaginent marcher le long d’un couloir. Cette activation croît d’autant plus que la marche imaginaire s’accélère. Une analyse du tissu cérébral prélevé en post-mortem a montré par ailleurs que seuls les patients parkinsoniens ayant souffert de troubles de la marche et de l’équilibre présentent une perte de neurones cholinergiques dans le noyau pédonculopontin. Chez des primates âgés parkinsoniens, on observe également une forte corrélation entre la perte d’équilibre et la perte de neurones cholinergiques du noyau. Enfin, les chercheurs ont prouvé que la lésion expérimentale des neurones cholinergiques dans cette structure conduit à des troubles de la marche et des déficits posturaux.

« Ces résultats sont très prometteurs, et constituent une nouvelle piste de recherche pour développer des stratégies thérapeutiques différentes. Par exemple, chez les patients parkinsoniens à un stade avancé de la maladie, on peut imaginer stimuler les neurones cholinergiques au niveau du tronc cérébral pour améliorer de façon efficace leurs troubles de l’équilibre » concluent Chantal François et Etienne Hirsch.

Pourquoi l’arsenic est-il si efficace dans le traitement d’une leucémie ?

Soigner des patients à l’aide d’un violent poison peut sembler paradoxal. Pourtant, l’arsenic était déjà utilisé dans la Grèce antique pour traiter la toux, la lèpre ou encore la syphilis. Aujourd’hui, l’équipe de Hugues de Thé (Inserm/CNRS/Université Paris Diderot), située à l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), vient de montrer pourquoi l’arsenic est capable de traiter si efficacement la leucémie aiguë promyélocytaire, une forme grave de cancer du sang. Ces travaux, qui constituent un modèle de traitement ciblé du cancer, sont soutenus par la Ligue contre le cancer dans le cadre du programme « Equipes Labellisées ». Ils paraissent dans l’édition du 13 juillet 2010 de la revue Cancer Cell.

Les leucémies se traduisent par une prolifération de cellules malignes dans la moelle osseuse et le sang. Il en existe de très nombreuses formes, dont la leucémie aiguë promyélocytaire à l’évolution rapide, particulièrement grave, atteignant des sujets de tous âges (environ 100 nouveaux cas par an en France). Les cellules de la moelle osseuse de ces patients sont porteuses d’une anomalie spécifique de deux chromosomes ; celle-ci mène à la synthèse d’une oncoprotéine(1) dite PML/RARA et permet la prolifération de cellules malignes.

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Agrégation progressive de la partie PML de l’oncoprotéine en réponse aux radicaux libres (ROS) et à l’arsenic, modification par le peptide SUMO, puis destruction © U944/UNMR7212. Cancer Cell.13 juillet 2010. Version modifiée

L’incroyable efficacité du trioxyde d’arsenic (As2O3) dans le traitement des leucémies aiguës promyélocytaires a été mise en évidence en Chine dans les années 90. On sait aujourd’hui, notamment grâce à des travaux précédents de l’équipe de Hugues de Thé, que ce dérivé de l’arsenic induit de manière spécifique la dégradation de l’oncoprotéine PML/RARA et l’élimination des cellules souches leucémiques, en ciblant cette protéine. Il s’agit donc en quelque sorte de tuer les cellules souches cancéreuses en détruisant la protéine qui les fait vivre. Mais les mécanismes précis restaient mal compris, notamment le rôle exact d’un peptide, SUMO, qui se fixe sur la protéine anormale.

Hugues de Thé et son équipe ont montré que l’arsenic induisait un stress oxydant et la libération de radicaux libres favorisant la création de fortes liaisons (ponts disulfure) entre les protéines PML/RARA qui s’agglutinent alors les unes aux autres. L’apparition de ces liaisons favorise ensuite la fixation du peptide SUMO et déclenche la dégradation de l’oncoprotéine PML/RARA. Parallèlement, l’arsenic lui-même se fixe directement à l’oncoprotéine, ce qui renforce les interactions dans les agrégats et favorise aussi leur destruction. Ces résultats expliquent donc la spécificité d’action de l’arsenic dans la leucémie aiguë promyélocytaire.

« L’action de l’arsenic dans la leucémie promyélocytaire représente aujourd’hui l’un des meilleurs exemples de compréhension des bases moléculaires d’un traitement anti-cancéreux qui guérit définitivement les patients. Il constitue un modèle de thérapeutique ciblée pour d’autres cancers » explique Hugues de Thé.

La leucémie aiguë promyélocytaire
Les leucémies aiguës sont caractérisées par la prolifération rapide de cellules anormales de la moelle osseuse. La leucémie promyélocytaire représente 5 à 15% des leucémies aiguës myéloides. Les symptômes ne sont pas spécifiques (fièvre, pâleur, hémorragies), cependant les patients présentent un risque hémorragique plus sévère. Environ 100 nouveaux cas sont diagnostiqués par an en France. La leucémie aiguë promyélocytaire est hypersensible à deux agents non-conventionnels, l’acide rétinoïque et l’arsenic, dont l’équipe du Pr. de Thé avait préalablement démontré qu’ils induisent tous les deux la destruction de la protéine responsable de la maladie, PML/RARA.

Le médicament en première ligne dans le traitement du diabète de type 2 dévoile ses secrets de fonctionnement

La metformine est le médicament le plus prescrit pour traiter les patients atteints de diabète de type 2 appelé aussi diabète non insulinodépendant. Cette molécule réduit l’hyperglycémie en diminuant la production de glucose par le foie. Dans un article publié le 1er juillet 2010 dans The Journal of Clinical Investigation, une équipe de chercheurs français vient d’identifier le mécanisme non élucidé d’inhibition de la production hépatique de glucose par la metformine.

La metformine est un antidiabétique oral commercialisé en France depuis 1979 sous l’appellation de Glucophage®. Ce médicament est utilisé avec succès depuis plus de 40 ans dans le traitement du diabète de type 2, en particulier chez les patients en surpoids ou obèses, pour son efficacité, sa faible capacité à provoquer des hypoglycémies et l’absence de prise de poids. Malgré ces performances et une large utilisation, le mécanisme d’action de la metformine reste mal compris.

Chez les personnes atteintes de diabète de type 2, la glycémie se maintient au-dessus des valeurs normales. À long terme, de graves complications vasculaires peuvent survenir si la glycémie n’est pas abaissée. Chez les diabétiques de type 2, la metformine réduit l’hyperglycémie par inhibition de la production excessive de glucose par le foie.

En 2001, une équipe américaine a montré que la metformine active une enzyme sensible aux variations des niveaux d’énergie dans la cellule : l’AMPK (AMP-activated protein kinase). Depuis quelques années, il est admis mais pas formellement démontré que la metformine améliore l’hyperglycémie en inhibant les gènes responsables de la production de glucose dans le foie via l’activation de l’AMPK.

La metformine inhibe la production de glucose en diminuant le niveau énergétique du foie

Dans cette nouvelle étude, Marc Foretz, chercheur au CNRS, Benoit Viollet, chercheur à l’Inserm et leur équipe (Inserm U1016, CNRS, UMR8104, Université Paris Descartes) ont démontré que la modulation de l’activité de l’AMPK n’a pas de conséquence directe sur la régulation de la production de glucose par le foie. De plus, ils ont prouvé que le mode d’action à court terme de la metformine est indépendant de l’AMPK et d’un effet génique. Finalement, ces chercheurs montrent que le médicament inhibe la production de glucose hépatique par un mécanisme purement énergétique en modifiant le fonctionnement des mitochondries, un organite cellulaire produisant de l’énergie sous forme d’ATP(1).

En effet, la formation de glucose par le foie nécessite un apport important d’énergie sous forme d’ATP. L’administration de metformine entraîne une diminution modérée de la production d’ATP dans les cellules du foie mais suffisante pour réduire le flux de la production de glucose hépatique.

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Mécanisme d’action de la metformine © M. Foretz/CNRS

Par ailleurs, les chercheurs suggèrent qu’un autre mécanisme pourrait être impliqué dans l’action antidiabétique de la metformine sur le long terme. Ils proposent que l’activation de l’AMPK par la metformine pourrait améliorer la stéatose hépatique, une accumulation de lipides dans le foie fréquemment associée au diabète de type 2. Cette seconde voie déclencherait une meilleure sensibilité à l’insuline et empêcherait l’emballement de la production hépatique de glucose. Ce travail a permis d’identifier un nouveau mécanisme permettant le contrôle de la production de glucose dans le foie et offre également des perspectives thérapeutiques dans le traitement de la stéatose hépatique.

(1) L’adénosine triphosphate ou ATP sert notamment à emmagasiner et à transporter de l’énergie dans la cellule.

Réduction des risques chez les usagers de drogues – Une Expertise collective de l’Inserm

La mise en évidence chez les usagers de drogue d’une proportion élevée de contaminations par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) dès les années 1985, puis par le virus de l’hépatite C dans les années 1990, a été à l’origine dans divers pays de nombreuses actions engagées par des associations et des professionnels de santé pour aboutir progressivement à des politiques publiques de réduction des risques. En France, cette thématique a été inscrite dans la loi de santé publique d’août 2004, puis dans différents plans gouvernementaux de santé publique : plans de prise en charge et de prévention des addictions, le plan national de lutte contre les hépatites B et C et le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies.

La Ministre de la santé et des sports a demandé à l’Inserm de réaliser une expertise collective afin de disposer du bilan des connaissances sur les dispositifs et les programmes de réduction des risques chez les usagers de drogue existant au niveau international, et sur les projets en expérimentation. Cette expertise doit contribuer à la définition de critères d’orientation, afin d’améliorer les outils de réduction des risques, les modes d’intervention et les pratiques des intervenants.

Pour répondre à cette demande, l’Inserm a constitué un groupe pluridisciplinaire de 14 experts regroupant des épidémiologistes, sociologues, économistes, professionnels de santé publique, psychiatres, hépatologues et addictologues. Plus de 700 articles scientifiques ont été analysés.

Le groupe d’experts a également auditionné plusieurs intervenants sur les politiques de réduction des risques menées en France et à l’étranger.

En outre, plusieurs rencontres-débats organisées à différentes étapes de l’expertise collective ont permis aux associations et aux représentants des usagers de drogue de préciser leurs attentes vis-à-vis de la politique de réduction des risques à mener dans notre pays et les perspectives d’avenir à envisager.
Le contexte

La politique de réduction des risques (RDR) chez les usagers de drogues, fondée en France sur la mise en place d’un accès élargi au matériel d’injection stérile, aux traitements de substitution aux opiacés (TSO), au dépistage de l’infection par le VIH et aux traitements antirétroviraux, a permis d’une part, de réduire drastiquement l’incidence de l’infection par le VIH et le nombre de décès liés à l’usage de drogues et d’autre part d’améliorer l’accès aux soins des usagers de drogues. Cependant, vingt ans plus tard, la prévalence des hépatites C touchant prés de 60% des usagers, de nouvelles populations échappant aux dispositifs existants ainsi que la survenue de nouvelles pratiques à risque sont autant de paramètres imposant d’adapter la politique de RDR menée.

Les risques et les complications liés aux usages de drogues, notamment le risque de transmission du VIH et des hépatites virales B (VHB) et C (VHC), sont liés à de multiples facteurs : épidémiologiques (quantité dans le sang de ces virus, modalités de partage du petit matériel notamment et susceptibilité individuelle), psychosociaux (connaissances et attitudes par rapport à la prise de risques), consommation d’alcool, troubles psychiatriques et lieux de consommation (usage « pressé » dans des lieux publics, absence d’accès au matériel stérile, prisons). L’injection d’opioïdes (héroïne, morphine, buprénorphine) ou de cocaïne requérant des injections fréquentes, la persistance d’autres pratiques à risque comme le sniffing, le tatouage et le piercing et la surconsommation de stimulants et d’alcool, facilitant une prise de risque en particulier sexuelle, contribuent de façon significative à la transmission du VIH, du VHC et du VHB.
Les constats

La politique de RDR ne doit pas être réduite à la seule mise à disposition d’outils ; elle doit impérativement faire partie d’une stratégie plus globale de réduction des inégalités sociales de santé. Dans cet objectif, une culture commune doit être partagée par l’ensemble des acteurs intervenant dans le champ de la toxicomanie : les professionnels de santé (médecins libéraux, pharmaciens, médecins hospitaliers…), les associations et les acteurs des champs médico-social et social.
Les recommandations

A l’issue de l’analyse des travaux de la littérature et des rencontres avec les différents acteurs de terrain, les experts ont conclu à la nécessité de renforcer la cohérence des différentes politiques publiques sanitaire, sociale et pénale, afin de proposer une approche globale de la réduction des risques intégrant les spécificités individuelles et l’évolution des modes de consommation. Certaines populations, notamment les femmes, les mineurs et les personnes détenues devront faire l’objet de politiques spécifiques. Il est recommandé, de plus, de s’assurer du respect de l’équité de soins prodigués en détention et en milieu libre.

La RDR chez les usagers de drogues doit s’inscrire dans une logique de continuum, et non d’opposition, avec les stratégies de prise en charge de la dépendance. La RDR doit adapter, en fonction des besoins et leurs évolutions, la palette des mesures et des approches, tout en renforçant l’accès à des projets thérapeutiques personnalisés et à un suivi médical et social. Il s’agit en tout premier lieu de prévenir le passage à l’injection et de limiter, pour les usagers qui ne peuvent se passer de l’acte d’injection, d’en limiter les risques associés.

Les différents acteurs intervenant dans le champ sanitaire, social et judiciaire de la RDR doivent être sensibilisés, formés et coordonnés. De même, de nouvelles recherches devront être menées en réunissant les compétences des équipes universitaires à l’expérience et au savoir-faire des acteurs de terrain, des associations et des représentants d’usagers.

L’intégralité des recommandations du groupe d’experts est consultable en ligne.

Groupe d’experts

Pierre-Yves BELLO, Cellule de l’InVS en région (CIRE) d’Île-de-France, Institut national de veille sanitaire (InVS), Agence régionale de santé d’Île-de-France, Paris

Christian BEN LAKHDAR, Université Catholique de Lille (FLSEG) et LEM, UMR 8179 CNRS, Lille

Maria Patrizia CARRIERI, Sciences économiques et sociales, système et santé, sociétés, Inserm U 912, Observatoire régional de la santé Paca, Marseille

Jean-Michel COSTES, Observatoire français des drogues et de la toxicomanie (OFDT), Saint-Denis

Patrice COUZIGOU, Service d’hépatogastroentérologie, Hôpital Haut-Lévèque, Pessac

Françoise DUBOIS-ARBER, Institut universitaire de médecine sociale et préventive, Université de Lausanne

Anne GUICHARD, Direction des affaires scientifiques, Institut national de prévention et éducation pour la santé (INPES)

Marie JAUFFRET-ROUSTIDE, Département des maladies infectieuses, Institut national de veille sanitaire (InVS), Saint-Maurice

Gwenola LE NAOUR, Laboratoire Triangle UMR 5206, Institut d’Études Politiques de Lyon, Université de Lyon

Damien LUCIDARME, Département de pathologie digestive, Groupe hospitalier de l’Institut catholique de Lille

Laurent MICHEL, Santé mentale de l’adolescent, Inserm U 669, Maison de Solenn, Paris ; Centre de traitement des addictions, Hôpital Émile Roux, Limeil-Brevannes

Pierre POLOMENI, Service d’addictologie, Hôpital Jean Verdier, Bondy

André-Jean REMY, Service d’hépato-gastroentérologie digestive, Coordonnateur UCSA, Centre hospitalier de Perpignan

Laurence SIMMAT-DURAND, Université Paris Descartes, CERMES3 équipe CESAMES, Inserm U 988, Paris

Qu’est-ce que l’expertise collective de l’Inserm ?
L’expertise collective est une mission de l’Inserm depuis 1994. Une soixantaine d’expertises collectives ont été réalisées dans de nombreux domaines de la santé.
L’Expertise collective Inserm apporte un éclairage scientifique sur un sujet donné dans le domaine de la santé à partir de l’analyse critique et de la synthèse de la littérature scientifique internationale. Elle est réalisée à la demande d’institutions souhaitant disposer des données récentes issues de la recherche, utiles à leurs processus décisionnels en matière de politique publique. L’expertise doit être considérée comme une étape initiale nécessaire pour aboutir, à terme, aux prises de décision.
Pour répondre à la question posée, l’Inserm réunit un groupe pluridisciplinaire d’experts reconnus composé de scientifiques et de médecins. Ces experts rassemblent, analysent les publications scientifiques et en font une synthèse. Des « lignes forces » sont dégagées et des recommandations parfois élaborées.
Les conclusions apportées par les travaux d’expertise collective contribuent au débat des professionnels concernés et au débat de société.

Sida : la transmission du virus passe aussi par les cellules

Le virus responsable du sida peut-être transmis sexuellement par des cellules infectées présentes dans le sperme. C’est ce que viennent de démontrer pour la première fois sur un modèle animal des chercheurs du CEA, de l’Université Paris-Sud 11 et de l’Inserm. Même si des soupçons portaient déjà sur le pouvoir contaminant de ces cellules, jusqu’à présent, les recherches avaient seulement démontré l’implication des virions (virus libres) dans ce type de transmission. Mieux connaître l’action et l’incidence des différentes sources de virus participant à la transmission par voie sexuelle est essentiel pour pouvoir développer des moyens de protection contre le sida plus efficaces et adaptés. Ces résultats viennent d’être publiés dans The Journal of Infectious Diseases (online).

Afin de limiter l’épidémie de sida, les espoirs reposent, en plus du préservatif, sur des méthodes pouvant être plus facilement contrôlées par les femmes. De nombreuses recherches se concentrent actuellement sur le développement de microbicides, de gels ou crèmes à appliquer dans le vagin. Malheureusement, les résultats des essais réalisés chez l’être humain n’atteignent pas les résultats obtenus en laboratoire. La compréhension de la transmission du virus par la muqueuse vaginale est donc essentielle pour concevoir de nouveaux moyens de protection plus efficaces.

Le sperme contient trois sources majeures de virus : des cellules leucocytaires infectées, des virions libres et des virions associés aux spermatozoïdes. Pourtant, la contribution de chacune de ces sources à la transmission sexuelle du virus n’est pas bien connue. Et si les cellules infectées étaient aussi contaminantes que les virus libres ? Cette question est d’importance quand on sait que le sperme de personnes séropositives peut contenir un niveau élevé de cellules infectées par le VIH. Les chercheurs du CEA, de l’Université Paris-Sud 11 et de l’Inserm viennent d’apporter de nouveaux éléments de réponse en étudiant chez le primate la capacité de transmission du virus par des cellules infectées déposées dans le vagin. Ces travaux ont été soutenus par l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS).

Pour cela, ils ont utilisé le modèle animal le plus pertinent pour étudier et comprendre les mécanismes de transmission du virus et de développement du sida chez l’homme : l’infection de macaques par le virus de l’immunodéficience simienne (SIV), virus responsable du sida du primate. Les chercheurs ont utilisé un stock de cellules prélevées dans la rate de macaques infectés par le SIV, contenant une majorité de lymphocytes T et de macrophages. Ce stock de cellules est représentatif des populations de cellules infectées par le VIH présentes dans le sperme humain. Une quantité de cellules, équivalente à celle présente dans un éjaculat, a été déposée sur la muqueuse vaginale de macaques femelles.

Les résultats montrent que les femelles sont effectivement fortement contaminées.

« Cette étude met en évidence le rôle important des cellules présentes dans le sperme dans la transmission par voie sexuelle du virus, mais les mécanismes impliqués doivent encore être décryptés », précise Roger Le Grand, responsable du Service d’immuno-virologie de l’iMETI (1).

« C’est ce que nous allons maintenant faire dans le cadre d’un projet européen. Nos données préliminaires suggèrent que les cellules infectées peuvent facilement franchir les barrières de la muqueuse et se propager dans l’hôte. »

L’implication des cellules infectées dans la transmission du VIH doit désormais être confirmée chez l’homme, mais ces résultats soulignent néanmoins l’importance de développer des approches préventives complémentaires de celles actuellement disponibles. Des approches capables d’arrêter le virus sous toutes ses formes, qu’il soit libre ou au sein de cellules.

Note :
(1) : le service d’immuno-virologie est une unité mixte de recherche CEA / Université Paris-Sud 11. Il fait partie de l’Institut des maladies émergentes du CEA.cp_inserm_cea_aphp_sida_05072010

Détection des ARN du virus VIH en périphérie cellulaire, par hybridation in situ (hybridation acide nucléique)  © Inserm, Fournier, JG

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