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Le cancer du poumon diagnostiqué avant sa détection par imagerie

Une équipe de chercheurs de l’Inserm dirigée par Paul Hofman, (Unité Inserm 1081/Université de Nice), vient d’effectuer une avancée significative dans le domaine du diagnostic précoce des cancers invasifs. Dans une étude qui vient de paraître dans la revue Plos One, l’équipe montre qu’il est possible de détecter, chez des patients à risque de développer un cancer du poumon, des signes précoces, sous forme de cellules cancéreuses circulantes plusieurs mois et dans certains cas plusieurs années avant que le cancer ne devienne détectable par scanner. Cette alerte pourrait jouer un rôle clé dans la précocité de l’intervention chirurgicale, permettant ainsi de viser l’éradication précoce de la localisation primitive du cancer.

PhotoCP web cancer poumon © fotolia

Des études menées chez l’animal ont clairement montré que les tumeurs invasives diffusent dans le sang des cellules cancéreuses depuis les toutes premières étapes de leur formation, avant même que les tumeurs ne soient détectables par un examen d’imagerie. La possibilité d’identifier ces cellules « sentinelles » est considérée comme un atout majeur dans la course contre la montre visant à détecter, et donc à traiter, précocement le cancer. Les cellules cancéreuses circulantes sont extrêmement rares dans le sang, très hétérogènes et fragiles, et difficiles à extraire sans biais ni perte.

L’équipe de chercheurs dirigée par Paul Hofman a utilisé un test sanguin issu de la recherche française[1], qui isole du sang tous les types de cellules tumorales, sans perte et en les laissant intactes. L’équipe a étudié un groupe de 245 personnes sans cancer, y compris 168 patients à risque de développer ultérieurement un cancer du poumon car atteints de Bronchopathie Chronique Obstructive (BPCO). Les participants ont systématiquement subi le test sanguin et les examens classiques d’imagerie. Via le test sanguin, des cellules cancéreuses circulantes ont été identifiées chez 5 patients (3%), alors que l’imagerie ne révélait aucun nodule au niveau pulmonaire.

Chez ces 5 patients, un nodule est devenu détectable, de 1 à 4 ans après la détection des cellules cancéreuses circulantes par le test sanguins. Ils ont été immédiatement opérés et l’analyse effectuée sur le nodule a confirmé le diagnostic de cancer du poumon. Le suivi d’un an minimum après chirurgie n’a montré aucun signe de récidive chez les 5 patients, laissant espérer que le cancer avait été éradiqué. En parallèle, aucun nodule n’a été détecté dans le suivi des sujets sans cellules cancéreuses circulantes et aucune cellule cancéreuse n’a été détectée dans le sang des sujets « contrôle » sans BPCO.

La détection de ces cellules circulantes via ce test sanguin pourrait jouer un rôle clé dans la précocité de l’intervention chirurgicale, permettant ainsi de viser l’éradication précoce de la localisation primitive du cancer.

Le cancer du poumon est parmi les plus meurtriers. Selon l’American Cancer Society (ACS), la survie de ces patients à un an est de 44% et à 5 ans elle est de seulement 16%. Seulement 15% de ces cancers sont actuellement diagnostiqués à un stade de maladie localisée. Sa détection précoce pourrait à la fois améliorer la survie des patients et permettre des économies de santé. La BPCO est la 3ème cause de décès aux US et sa cause principale est le tabagisme.

[1] Appelé ISET (Isolation by SizE of Tumor cells) et développé par la compagnie Rarecells Diagnostics.

Ebola : le point sur la recherche en France

L’épidémie d’Ebola continue de s’étendre, en Afrique de l’Ouest en particulier. Selon le dernier bilan de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), daté du 17 octobre, 9.216 cas d’Ebola ont été recensés et 4.555 personnes en sont décédées.

Laboratoire P4 Jean Mérieux/Inserm.

F. Guenet/Inserm

Dans le contexte actuel de l’épidémie d’Ebola, la nécessité d’une mobilisation rapide de la recherche française pour y répondre s’est vite imposée.

A ce titre, la Ministre de la Santé et la Secrétaire d’Etat à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche ont confié à Aviesan en août 2014, la préparation et l’organisation de la réponse de la recherche française aux émergences infectieuses.

Fort de son expérience passée et reconnue dans la coordination de la recherche lors de l’épidémie H1N1 en 2009 et plus récemment en réponse à l’émergence du virus Chikungunya dans les Caraïbes en 2013, l’Institut de microbiologie et maladie infectieuse d’Aviesan a bénéficié du savoir-faire du réseau REACTing (voir p. 11 dossier de presse)pour monter le programme de recherche Ebola.

Ce réseau s’appuie sur les équipes, centres de recherche et plateformes existantes en France et dans les pays du Sud.

Dans leur mise en place, ces projets sont coordonnés principalement par des équipes de l’Inserm, du CEA, de l’Institut Pasteur, de l’IRD, des Universités, sans oublier un partenariat étroit avec des équipes en Guinée, Côte d’Ivoire et Sénégal. Le réseau des sites ANRS ainsi que des chercheurs de l’Afrique de l’Ouest ont aussi été mobilisés.

infographie-aviesan-ebola copyright Inserm

© Inserm

Lire l’intégralité du dossier de presse sur le site d’Aviesan

Les enfants de la cohorte Elfe ont 3 ans et demi : première rencontre avec l’enfant, premiers résultats

À l’occasion des 3 ans et demi des enfants Elfe1, une nouvelle enquête est lancée ce 21 octobre, pour approfondir le recueil d’informations sur la petite enfance, par téléphone mais également au domicile des familles pour la première fois. La réussite de cette nouvelle étape résulte de l’investissement de toutes les familles convaincues de l’intérêt de cette recherche, qui va se poursuivre jusqu’aux 20 ans de leur enfant. Pilotée par l’Ined, l’Inserm et en partenariat avec l’EFS, cette étude nécessite de nombreuses étapes depuis la collecte des données jusqu’à la publication des résultats par les chercheurs. Certains viennent de paraître, dans les trois domaines de la santé, de l’environnement et des sciences sociales.



Éclairage sur les premiers résultats de l’étude Elfe, par Marie-Aline Charles,
Directrice de recherche Inserm au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP),
Directrice de l’étude Elfe (unité mixte Ined-Inserm-EFS)

Dans le domaine de la santé, l’enquête a permis d’apprendre que 70 % de mères allaitent à la maternité, un chiffre en forte progression depuis les années 19702:

Bien que les préparations pour nourrissons représentent aujourd’hui une alternative tout à fait acceptable pour les mères ne souhaitant ou ne pouvant pas allaiter, de nombreuses recherches scientifiques concluent à un effet positif de l’allaitement sur la santé de la mère et de l’enfant. Les résultats de cette étude Elfe confirment la tendance à l’augmentation de l’initiation de l’allaitement maternel en maternité, documentée depuis plusieurs années, en parallèle des nombreuses actions de santé publique qui ont été initiées pour promouvoir l’allaitement maternel.

À la maternité, 59 % des mères allaitent exclusivement et 11 % donnent un biberon en plus du lait maternel. Les mères qui allaitent plus fréquemment sont plus âgées, de corpulence normale et appartiennent à une catégorie socioprofessionnelle supérieure. Les mamans nées à l’étranger allaitent plus souvent, de même que les mères qui ont suivi des séances de préparation à la naissance et qui ne fument pas pendant leur grossesse. Il apparaît aussi que l’allaitement est plus fréquent lorsque les pères sont impliqués, présents à la naissance et que les couples sont mariés.

Pour poursuivre les efforts en matière de promotion de l’allaitement, les chercheurs proposent donc d’impliquer davantage les pères tout en permettant à plus de femmes d’assister aux séances de préparation à l’accouchement (par exemple, 70 % des ouvrières n’y ont pas assisté en 2011, contre 27 % des cadres).

Pour en savoir plus: BEH n°27 du 07 octobre 2014, Prévalence de l’allaitement à la maternité selon les caractéristiques des parents et les conditions de l’accouchement. Résultats de l’enquête Elfe maternité, France métropolitaine, 2011, par Claire Kersuzan et coll., Institut national de la recherche agronomique (Inra)

Dans le domaine de la santé-environnement, les premiers résultats sur la contamination des logements par des micro-organismes vont être publiés3

Grâce aux 3 000 capteurs à poussières qui ont été déposés dans les chambres des enfants au cours des 2 premiers mois de leur vie, les micro-organismes recueillis (acariens, moisissures) ont été analysés afin d’évaluer leur influence sur la santé ultérieure, notamment respiratoire. Six profils différents de contamination des logements ont été identifiés, dont deux sont assez fréquents dans l’Ouest de la France (l’un étant riche en acariens et bactéries, l’autre en acariens, bactéries et moisissures). Un plus fort taux d’humidité et des températures plus favorables au développement de ces micro-organismes pourraient expliquer ces résultats. La répartition géographique de ces profils se superpose avec celle issue d’une étude récente menée dans les crèches sur la fréquence de l’asthme des jeunes enfants4. Les données de suivi des enfants Elfe vont permettre de confirmer ou non l’existence d’une relation entre ces profils de contamination et la santé respiratoire des enfants. L’objectif, dans le cadre de l’étude Elfe, est d’observer plus attentivement les maladies respiratoires dans ces régions en corrélation avec la qualité du logement, la ventilation, l’isolation…

Dans le domaine des sciences sociales, les prochaines publications renseigneront sur la façon dont les parents se préparent à la naissance d’un enfant et en particulier sur leur désir de connaître son sexe5

Les résultats d’Elfe montrent que près de 9 futurs parents sur 10 souhaitent connaître le sexe de leur enfant avant sa naissance. Pour leur premier enfant, 60 % des parents n’expriment pas de préférence. Lorsqu’ils en ont une, elle est équilibrée chez les mères (20 % pour une fille et 20 % pour un garçon) alors que les pères privilégient davantage les garçons (25 % préfèrent un garçon et 14 % une fille). Lorsqu’il s’agit du deuxième enfant, la proportion de parents qui n’ont pas de préférence diminue légèrement. Et quand elle est exprimée, elle est très dépendante du sexe de l’aîné, les parents souhaitant souvent des fratries mixtes. Un objectif de ce projet de recherche est de mesurer si cette préférence influence le début de la parentalité…


Une nouvelle enquête aux 3 ans ½ de l’enfant, au moment de l’entrée à l’école maternelle

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2 contacts sont prévus lors de cette étape importante de la vie des jeunes enfants :

  • Une interview téléphonique auprès de l’un des parents portera notamment sur l’actualisation des informations concernant l’environnement de l’enfant (familial, social, économique, culturel, alimentaire, etc.), les pratiques éducatives des parents, le développement psychomoteur de l’enfant et les évènements de santé… De nouveaux thèmes dont l’entrée à l’école maternelle seront également abordés.
  • Une visite à domicile chez environ 10 000 familles permettra un contact direct avec l’enfant. La réalisation d’un dessin, quelques jeux visuels et d’association d’images renseigneront les chercheurs sur le développement cognitif et les apprentissages de l’enfant.

Vidéo ELFE enquêteur

Vidéo – La visite de l’enquêteur à domicile

Pour les familles qui ont déjà participé au volet biologique en maternité, de nouveaux recueils non invasifs, comme les urines de l’enfant, sont prévus. Une collecte de poussières sera également réalisée dans quelques foyers afin de mesurer différentes substances présentes dans l’environnement des enfants. Enfin, des familles volontaires pourront faire porter à leur enfant un « compteur de mouvements », ou accéléromètre, pour mesurer son activité physique et la qualité de son sommeil.

L’évolution de cette étude sans précédent, qui compte 1 enfant sur 50 parmi les naissances de 2011 en France, repose sur l’implication des familles qui, dès la maternité, ont accepté le principe d’un entretien initial puis d’un suivi régulier. Les familles de l’étude Elfe sont des acteurs essentiels de la recherche, mobilisées sur… 20 ans.

À propos de l’étude Elfe
L’étude Elfe mobilise un grand nombre de chercheurs français appartenant à diverses disciplines scientifiques. Pilotée par l’Institut national d’études démographiques (Ined), l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), en partenariat avec l’Établissement Français du Sang (EFS), l’étude Elfe est soutenue par les ministères chargés de la Recherche, du Développement durable, des Affaires sociales et de la Santé, et par des institutions publiques : Institut de Veille Sanitaire (InVS), Caisse nationale des Allocations familiales (Cnaf) et Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). L’étude Elfe bénéficie d’une aide de l’Etat gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre du programme « Investissements d’avenir » portant la référence ANR-11-EQPX-0038.

1 Elfe est la première étude longitudinale française consacrée au suivi des enfants, de la naissance à l’âge adulte. Elle aborde les multiples aspects de la vie de l’enfant sous l’angle des sciences sociales, de la santé et de la santé-environnement, pour mieux comprendre leurs interactions. Au cours de 4 périodes d’inclusion en 2011, plus de 18 000 familles ont accepté de rejoindre l’aventure Elfe en France métropolitaine.
2 BEH n°27 du 07 octobre 2014, Prévalence de l’allaitement à la maternité selon les caractéristiques des parents et les conditions de l’accouchement. Résultats de l’enquête Elfe maternité, France métropolitaine, 2011, par Claire Kersuzan et coll., Institut national de la recherche agronomique (Inra)
3 Steffi Rocchi, Gabriel Reboux et coll., Université de Franche Comté, UMR 6249 Chrono-environnement, publication à paraître dans Sciences of total Environment sous le titre : Microbiological characterization of 3193 French dwellings of Elfe cohort children.
4 Etude menée auprès de 20 000 enfants en crèche, qui présentaient des sifflements et de l’asthme : Delmas MC, Prévalence et contrôle de l’asthme chez le jeune enfant, Revue des maladies respiratoires, 2012.
5 XVIIIe colloque international de l’Aidelf, Université de Bari, 26-30 mai 2014, Olivia SAMUEL et coll., Université Versailles St Quentin, Printemps/Ined-IPOPs

Le papillomavirus humain associé à une maladie auto-immune

Le lichen plan érosif muqueux (LPEM) est une maladie dermatologique auto-immune dans laquelle le système immunitaire s’active anormalement contre les cellules des muqueuses. Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier et du CNRS apportent aujourd’hui la preuve que les cellules immunitaires impliquées dans le LPEM sont les mêmes que celles qui sont activées en réaction à une infection par le papillomavirus humain (de type HPV-16), ce qui indiquerait un lien entre la maladie et le HPV. Ces résultats sont publiés dans la revue Journal of Investigative Dermatology.

Le lichen plan érosif muqueux (LPEM) est une maladie inflammatoire, suspectée d’être auto-immune : elle s’expliquerait par une activation anormale des cellules immunitaires contre les cellules de l’organisme. La maladie touche les muqueuses buccales et génitales et se manifeste par des lésions et la destruction de cellules de la peau appelées kératinocytes. Elle est chronique et récidivante, puisque les traitements actuels ne sont que partiellement efficaces. Bien que rare – elle affecte de 0,1 à 4% de la population générale – la maladie du LPEM peut engendrer des complications sévères (douleurs, difficultés à s’alimenter, transformation cancéreuse…).
Papillomavirus

Papillomavirus© Institut Pasteur


Les mécanismes biologiques sous-jacents du LPEM étaient jusqu’à présent mal connus. Les équipes de Marie-Lise Gougeon (Institut Pasteur), de Nicolas Fazilleau (Inserm, Université Toulouse III – Paul Sabatier, CNRS) et de Hervé Bachelez (Sorbonne Paris Cité, Université Paris Diderot) ont mis en évidence que la réaction immunitaire aboutissant à la destruction des cellules des muqueuses impliquait des lymphocytes spécifiques de la réponse contre le papillomavirus humain (HPV). Cela indiquerait un lien entre le LPEM et l’infection par la souche HPV-16, virus déjà connu pour être responsable de verrues génitales et cancers du col de l’utérus.

Une première analyse des biopsies des tissus lésés et du sang des patients avait déjà révélé aux chercheurs la présence de lymphocytes cytotoxiques autour des cellules détruites. Les scientifiques ont donc cherché à caractériser précisément le rôle et l’origine de ces lymphocytes.

Chez les dix patients étudiés par Manuelle Viguier (Institut Pasteur, Sorbonne Paris Cité, Université Paris Diderot) l’analyse a mis en évidence une population de lymphocytes particuliers anormalement abondante : les lymphocytes T CD8, de type Vβ3, agissant spécifiquement contre le HPV-16.

Puis, la proportion de ce type de lymphocytes a été mesurée au cours des différentes phases de la maladie (poussée ou rémission). Les chercheurs ont ainsi démontré que ces cellules sont moins nombreuses pendant les phases de rémission clinique et se multiplient pendant les poussées.

Une des hypothèses émises par les chercheurs est que les kératinocytes des patients exprimeraient à leur surface un auto-antigène (molécule propre aux cellules de l’organisme) très semblable à l’antigène de HPV-16. Celui-ci induirait la confusion chez les lymphocytes T ayant gardé la mémoire d’une ancienne infection HPV : croyant reconnaître un antigène HPV à la surface des kératinocytes, les lymphocytes des malades déclencheraient une action cytotoxique contre les kératinocytes.

Ces travaux indiquent que le LPEM pourrait être une maladie auto-immune impliquant les lymphocytes T CD8 spécifiques du HPV-16. C’est la première fois qu’un lien est établi entre l’infection par le HPV-16 et une maladie auto-immune.

Ces résultats ouvrent de nouvelles pistes thérapeutiques pour les formes sévères de LPEM. Ces travaux ont fait l’objet d’un dépôt de brevet par l’Institut Pasteur dans l’objectif d’étendre l’indication d’un vaccin thérapeutique contre le HPV, au LPEM.

Cette étude a été financée par la Société Française de Dermatologie, la Fondation ARC, la Ligue Nationale Contre le Cancer, l’Inca, le Conseil Régional Midi-Pyrénées et International Re-integration Grant Marie Curie.

Une étape clé des réactions allergiques dévoilée

En étudiant le mode d’action de la protéine interleukine-33, un signal d’alarme pour les globules blancs, une équipe de l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale (IPBS  – CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier) a pu mettre en évidence des formes tronquées de cette protéine qui fonctionnent comme de puissants activateurs des cellules à l’origine des réactions allergiques. Cette avancée majeure dans la compréhension des mécanismes de l’allergie pourrait avoir des applications importantes pour le traitement de l’asthme et des autres maladies allergiques telles que l’eczéma et la rhinite allergique. Ces travaux codirigés par Corinne Cayrol, chercheur CNRS, et Jean-Philippe Girard, directeur de recherche Inserm sont publiés dans la revue PNAS du 13 octobre 2014.


L’interleukine-33 (IL-33), découverte en 2003 par l’équipe de Jean-Philippe Girard, est une protéine de la famille des interleukines, des messagers solubles qui permettent aux cellules du système immunitaire de communiquer entre elles et qui ont un rôle majeur dans l’inflammation des tissus. Cette protéine, stockée dans les vaisseaux sanguins, les poumons, la peau ou l’intestin n’est libérée qu’en cas de dommage cellulaire. Elle agit comme un signal d’alarme qui prévient l’organisme lors d’un traumatisme ou d’une infection en stimulant de nombreuses cellules du système immunitaire.

Depuis plusieurs années, les chercheurs s’efforcent de comprendre comment l’activité de l’interleukine-33 est régulée. Ils ont découvert que la protéine est libérée par les cellules endommagées et qu’elle est par la suite tronquée par des enzymes sécrétées par les mastocytes, des globules blancs qui jouent un rôle prépondérant dans l’allergie. Ces formes tronquées se sont avérées être 30 fois plus puissantes que la forme originelle de l’interleukine-33 en amplifiant le signal d’alerte auprès du système immunitaire.

Les chercheurs ont mis en évidence que ce signal surpuissant a la capacité d’alerter des cellules apparentées aux lymphocytes, les cellules lymphoïdes innées de type 2 (ILC2). Ces cellules jouent un rôle clé dans l’allergie en déclenchant les réactions en chaîne responsables des symptômes allergiques de l’asthme, de l’eczéma ou de la rhinite allergique.

Empêcher la production des formes tronquées de l’interleukine-33 afin de réduire les réactions allergiques causées par les ILC2 représente donc pour les chercheurs une stratégie prometteuse pour le traitement de l’asthme et des autres maladies allergiques.

Ces travaux sont notamment financés par l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR), la Fondation ARC et la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM)colo

L’Inserm lance le Labo des Métiers : une immersion 3D à la découverte des métiers de la recherche

L’Inserm lance, en partenariat avec Sisso, le Labo virtuel des Métiers. Ce dispositif de médiation interactif, résolument innovant et ludique, vise à sensibiliser les 14-25 ans à l’ensemble des maillons composant la grande famille de la recherche scientifique.

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Capture d’écran – metiers.inserm.fr

Accessible dès maintenant via metiers.inserm.fr depuis ordinateurs, tablettes et smartphones, cet espace virtuel permet à ces jeunes adultes, séduits par les métiers de la recherche mais découragés par des études présumées longues, de découvrir l’éventail des carrières qu’offre le secteur.

« Quel est le quotidien d’un chercheur ? Quelles sont les études qui mènent à ce métier ? Quelle est la mission d’un ingénieur dans un projet scientifique ou bien d’une assistante de gestion dans un laboratoire ? Autant de questions auxquelles nous tentons de répondre via le Labo virtuel des Métiers » explique Claire Lissalde, responsable du pôle audiovisuel au département de l’information scientifique et de la communication de l’Inserm.

L’internaute, immergé au cœur d’un laboratoire, est guidé par une voix off à la rencontre des professionnels de la recherche biomédicale. L’occasion de découvrir leur parcours et de mettre en lumière des métiers souvent méconnus, ou considérés inaccessibles.

Ainsi, Marie, assistante en techniques biologiques, Stéphanie, chercheuse et co-responsable d’une équipe Inserm, Boris, responsable d’une plateforme de phénotypage, Joanna, technicienne en expérimentation animale, Pablo, post-doctorant, ou encore Lila, secrétaire/gestionnaire d’unité de recherche, partageront avec vous la passion de leur métier.

Dépression à répétition : quels effets sur le cerveau ?

La dépression n’est pas un banal coup de cafard et altère les fonctions intellectuelles de manière pérenne si elle n’est pas prise en charge. D’après les résultats d’une étude menée par Philip Gorwood (Unité Inserm 894  » Centre de psychiatrie et neurosciences », Clinique des Maladies Mentales et de l’Encéphale- CMME, Centre Hospitalier Sainte-Anne), les personnes qui ont déjà connu 2 épisodes dépressifs ou plus exécutent de manière anormalement lente des tâches cognitives courantes qui requièrent notamment attention, concentration et rapidité. Ces résultats publiés dans la revue European Neuropsychopharmacology semblent confirmer que la dépression est une maladie qui serait « neurotoxique ». Prévenir les rechutes s’avère donc essentiel.Fotolia_12376795_Scredits]fotolia[/credits]La dépression est une maladie fréquente qui a touché, touche ou touchera au moins une personne sur dix. Elle se caractérise par une tristesse permanente, une perte d’envie et de plaisir, une altération de l’appétit, du sommeil et de la libido. Son diagnostic correspond à des critères précis établis par des standards internationaux de psychiatrie. Si les différentes prises en charge, médicamenteuses comme psychothérapeutiques, ont démontré leur efficacité, le risque de rechute reste élevé, même plusieurs années après la rémission.

Ce sont les conséquences de ces rechutes à répétition qui inquiètent les médecins et chercheurs. S’il est maintenant prouvé qu’il existe un ralentissement psychomoteur chez les personnes déprimées (c’est d’ailleurs un des critères de diagnostic de la maladie), rien n’indiquait jusqu’alors que cette altération pouvait persister après l’épisode dépressif.

Pour en savoir plus, les chercheurs de l’Inserm ont mené une étude chez plus de 2000 patients ayant connu entre 1 et plus de 5 épisodes dépressifs au cours de leur vie. Afin d’évaluer leurs capacités cognitives, ils ont mesuré la rapidité à exécuter un test simple (le TMT : trail making test) qui consiste à relier des cercles numérotés et placés dans le désordre sur une feuille. Le test a été effectué deux fois chez chacun des patients : pendant l’épisode dépressif, puis 6 semaines après, lorsqu’une bonne partie de ces patients était en rémission complète (sans aucun symptôme dépressif résiduel).

Juste après une 1ère dépression, le temps nécessaire pour réaliser ce test est de 35 secondes. Ces performances sont à peu près identiques chez les personnes qui subissent le deuxième épisode dépressif de leur vie. Mais, pour les personnes qui ont déjà vécu 2, 3 ou plus d’épisodes dépressifs dans leurs antécédents, ce temps se rallonge considérablement, et ce même chez les sujets rétablis (1min20 au lieu des 35 sec).


« Plusieurs autres variables sont potentiellement explicatives (âge, niveau d’étude, activité professionnelle…) mais si on ajuste les paramètres, nos résultats restent extrêmement robustes » précise Philip Gorwood.Trails_Screenshot2           test TMA

Fig 1 : Exemple de test TMT    
Fig 2 : Rapidité d’exécution du test TMT pendant et après la dépression selon le nombre d’épisodes dépressifs vécus auparavant.

Ce résultat est le premier à montrer aussi simplement les effets « neurotoxiques » de la dépression. Il conforte également les observations quotidiennes des médecins et les conclusions de précédentes études épidémiologiques, à savoir que la dépression est une maladie qui s’aggrave avec le temps. Les chercheurs estiment donc qu’après le traitement, la prévention des rechutes doit être une des priorités de la prise en charge.

Par ailleurs, cette étude pourrait aussi fournir une explication possible à ce cercle vicieux : plus j’ai connu d’épisodes dépressifs plus je risque de rechuter. Si la rapidité et l’efficacité sont de plus en plus altérées au fur et à mesure des rechutes, on conçoit qu’il soit plus difficile de s’adapter à de nouvelles situations. Par exemple, un employé travaillant sur ordinateur, manifestant des capacités d’attention limitée, des oublis dans les tâches demandées et une lenteur dans l’ensemble de la réalisation de son travail, aura une estime de lui plus faible, moins de reconnaissance de son entourage professionnel ce qui pourrait le rendre plus vulnérable aux rechutes dépressives en cas de stress quel qu’il soit.

Enfin, le fait que ces altérations cognitives soient une séquelle de la dépression pourrait aussi être considéré comme un argument en faveur de l’utilisation de la « remédiation cognitive ». Cette thérapie est basée sur une sollicitation encadrée de fonctions cognitives défectueuses afin de réduire le risque de rechute. Elle est très utilisée dans la schizophrénie ou les addictions mais est peu employée pour remédier aux troubles de la dépression. »

L’Inserm reçoit une mention honorable au « Digital PR Award » dans la catégorie « Online Newsroom » pour sa salle de presse

Lors d’une cérémonie à New York qui s’est tenue le 10 octobre 2014, l’Inserm a reçu l’une des quatre mentions honorables du « Digital PR award » qui distingue sa salle de presse en ligne bilingue, presse.inserm.fr, dans la catégorie de la meilleure « Online Newsroom ».


Le concours international Digital PR Award, organisé par le groupe PR News, salue les initiatives digitales les plus innovantes dans le domaine des relations publiques digitales. Il reconnaît les organisations qui ont pris des risques, ont fait d’énormes progrès et comprennent la puissance de la communication digitale dans les relations publiques.

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Juliette Hardy, attachée de presse à l’Inserm, à la cérémonie des Digital PR Awards © Susan


La salle de presse de l’Inserm, lancée par le service de presse depuis le début de l’année 2013, en collaboration avec les professionnels de Newround, a été réalisée afin de faciliter l’accès des journalistes aux résultats des travaux menés par des chercheurs de l’Inserm. Cette initiative digitale, mise en place pour répondre à leurs besoins d’information, s’adapte à l’évolution des pratiques dans un contexte où les médias sociaux notamment ne cessent de se développer. La salle de presse est en moyenne consultée par 21 500 utilisateurs par mois (visiteurs uniques), en France comme à l’étranger, ce qui permet d’accroître la notoriété internationale de l’Inserm.

Le service de presse de l’Inserm, service du Département de l’Information Scientifique et de la Communication de l’Inserm (DISC), est honoré de l’attribution de cette mention honorable à une institution publique française. 
Celle-ci contribue à récompenser les efforts réalisés par l’Inserm pour assurer sa mission de diffusion auprès d’un large public, notamment via les médias, de l’information scientifique.

A propos de l’Inserm :

Créé en 1964, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) est un établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la double tutelle du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche et du ministère de la Santé. Ses chercheurs ont pour vocation l’étude de toutes les maladies, des plus fréquentes aux plus rares, à travers leurs travaux de recherches biologiques, médicales et en santé des populations. L’Inserm célèbre ses 50 ans en 2014.

Pour en savoir plus:

Sur PR News
Sur le PR Digital Award

Cancer du côlon : Deux altérations génétiques à l’origine des métastases

Avec environ 42 000 nouveaux cas estimés en 2012 en France, le cancer du côlon se situe, tous sexes confondus, au troisième rang des cancers les plus fréquents, et au deuxième en termes de mortalité après le cancer du poumon. L’un des défis à relever est de réussir à le traiter dès lors que des métastases sont présentes. Les chercheurs de l’Institut Curie, de l’Inserm et du CNRS décrivent – théoriquement et expérimentalement – dans la revue Nature Communications la combinaison de deux altérations génétiques responsables de la dissémination tumorale. En plus des connaissances sur la progression tumorale, le modèle de cancer du côlon ainsi mis au point offre la possibilité de tester de nouvelles thérapies pour enrayer les métastases.

Au moment du diagnostic d’un cancer du côlon, 25 % des personnes présentent déjà des métastases et 25 % à 35 % en développeront lors la progression de leur maladie. Si le point de départ de tout processus tumoral est l’altération de l’ADN d’une cellule, la survenue de métastases résulte d’une succession d’accidents génétiques. Toutes les altérations ne présentent pas le même risque. Alors quelles sont les étapes indispensables à la survenue des métastases ? Cette question est clé pour les chercheurs et les soignants en cancérologie, car tant que le cancer reste localisé, l’association de la chirurgie et de la radiothérapie peut en venir à bout. En revanche, dès lors que celui-ci a commencé à disséminer son traitement devient plus difficile. La mise au point de thérapies efficaces, ciblées sur les défauts de la cellule, réclame une compréhension de la biologie de la tumeur.

Afin de mieux comprendre ce processus long et extrêmement complexe et de découvrir de nouvelles voies thérapeutiques, il est crucial d’élucider l’ensemble des étapes de la progression tumorale, de la mutation initiale jusqu’au développement des métastases.

Kcôlon

De la tumeur aux métastases, une multitude d’événements
© Eléonore Lamoglia/Institut Curie

L’alliance de la théorie et de l’expérience
« Grâce à un modèle mathématique compilant les données de plus de 200 publications scientifiques, nous avons tout d’abord identifié deux acteurs indispensables à la transition épithélio-mésenchymateuse dans les cellules intestinales », explique Inna Kuperstein, chercheuse dans l’équipe d’Emmanuel Barillot. Cette transition convertit les cellules épithéliales en une forme dite mésenchymateuse[1]. Ces cellules moins spécialisées et plus plastiques perdent notamment leur capacité d’adhésion entre elles et acquièrent des propriétés leur permettant de migrer et se « fondre » dans l’environnement proche. La transition épithélio-mésenchymateuse représenterait pour les cellules tumorales le premier pas vers la dissémination.

« Pour passer ce cap, notre modèle montre que deux verrous doivent sauter dans les cellules de l’intestin : le récepteur Notch doit être activé et le gène p53 doit être perdu », commente Andrei Zinovyev, coordinateur de l’étude mathématique à l’Institut Curie.

Ensuite les chercheurs ont développé un modèle animal porteur de ces deux altérations dans le tissu intestinal. « Ce modèle offre la possibilité d’étudier les cellules tumorales tout au long de leur développement et ainsi mieux comprendre les modifications nécessaires à la formation des métastases », explique Sylvie Robine, directrice de recherche Inserm à l’Institut Curie.

Premier constat : ces souris développent de nombreuses métastases et ce, dans plusieurs organes. La combinaison des altérations de Notch et de p53 forme le terreau essentiel au développement de métastases d’un cancer du côlon.

« Lorsque les cellules issues du cancer du côlon commencent à disséminer, elles perdent progressivement les caractéristiques de cellules de l’épithélium, tissu dont elles sont originaires, pour acquérir les spécificités des cellules du mésenchyme », poursuit-elle.

En outre, les marques du tissu mésenchymateux sont uniquement présentes dans les cellules du front invasif de la tumeur, dans les cellules qui se dirigent vers la « sortie » du tissu intestinal (le stroma). Les cellules qui échappent au tissu originel sont donc celles qui ont amorcé la transition épithélio-mésenchymateuse. « Ce résultat est corroboré par l’analyse d’échantillons de cancers de côlon invasif et de métastases prélevés chez des patients, souligne le Pr Daniel Louvard[2], directeur de recherche CNRS à l’Institut Curie, les cellules présentes dans ces prélèvements possèdent les spécificités du mésenchyme, et pas celles des épithéliums. »

Grâce aux recherches conjointes des bioinformaticiens de l’équipe d’Emmanuel Barillot et des biologistes de l’équipe du Pr Daniel Louvard, les étapes de la progression tumorale et les divers chemins conduisant au cancer du côlon livrent progressivement leurs secrets.

« La combinaison des altérations de p53 et Notch crée les conditions les plus favorables au développement de métastases dans les cancers du côlon » précise le Pr Daniel Louvard.

Les souris mises au point constituent un excellent modèle pré-clinique et à ce titre elles pourront servir de base à la recherche de nouvelles cibles thérapeutiques. C’est en connaissant les altérations spécifiques de la tumeur d’un individu que des traitements personnalisés mieux ciblés et d’autant plus efficaces pourront voir le jour.

[1] Le mésenchyme est un tissu de soutien embryonnaire à l’origine de diverses formes de ces tissus chez l’adulte.

[2] Le Pr Daniel Louvard est directeur honoraire du Centre de Recherche de l’Institut Curie et actuellement conseiller du président pour les relations internationales de l’Institut Curie. Maia Chanrion membre de l’équipe de Daniel Louvard a contribué aux travaux expérimentaux, Inna Kuperstein et David Cohen membres de l’équipe d’Emmanuel Barrillot ont participé à l’étude Bioinformatique.

Anorexie / boulimie : une protéine bactérienne mise en cause

Les troubles du comportement alimentaire (TCA) tels que l’anorexie mentale, la boulimie, l’hyperphagie touchent environ 5% à 10% de la population générale sans que l’on connaisse les mécanismes biologiques en cause. Des chercheurs de l’Unité Inserm 1073 « Nutrition, inflammation et dysfonction de l’axe intestin-cerveau » (Inserm/Université de Rouen) révèlent l’implication d’une protéine produite par certaines bactéries intestinales qui serait à l’origine de ces troubles. Les anticorps produits par l’organisme contre cette protéine réagissent aussi avec la principale hormone de la satiété en raison d’analogies de structures. Selon les chercheurs, ce mécanisme qui induit des variations de la prise alimentaire pourrait à terme être corrigé.

Ces résultats sont publiés dans la revue Translational Psychiatry, publiée on-line le 7 octobre 2014. Voir la découverte en vidéo :

L’anorexie mentale, la boulimie et l’hyperphagie sont des troubles du comportement alimentaire (TCA). Si l’on ajoute les formes moins bien définies ou atypiques, les TCA concernent 15-20% de la population, en particulier chez l’adolescent et l’adulte jeune. Malgré différentes études psychiatriques, génétiques ou neurobiologiques, le mécanisme moléculaire à l’origine de ces troubles reste mystérieux. La caractéristique commune aux différentes formes de TCA est la dérégulation de la prise alimentaire, diminuée ou augmentée selon les cas.

L’équipe de Sergueï Fetissov au sein de l’unité mixte de recherche 1073 « Nutrition, inflammation et dysfonction de l’axe intestin-cerveau » (Inserm/Université de Rouen) dirigée par Pierre Déchelotte, étudie les liens entre l’intestin et le cerveau qui pourraient expliquer ce dérèglement.

Le sosie de l’hormone de la satiété

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont identifié une protéine qui s’avère être le sosie de l’hormone de la satiété (mélanotropine). Cette protéine (ClpB) est fabriquée par certaines bactéries telles qu’Escherichia coli présentes naturellement dans la flore intestinale. En présence de la protéine, des anticorps sont produits par l’organisme et dirigés contre celle-ci. Ils vont aussi se lier à l’hormone de la satiété du fait de son homologie de structure et donc modifier l’effet satiétogène de l’hormone. La sensation de satiété est atteinte (anorexie) ou n’est plus atteinte (boulimie – hyperphagie). Par ailleurs, la protéine bactérienne apparait elle-même avoir des propriétés anorexigènes.

Des variations de la prise alimentaire en présence de la protéine bactérienne

Pour aboutir à ces résultats, les chercheurs ont modifié la composition de la flore intestinale de souris pour étudier leur réponse immunologique et comportementale. La prise alimentaire et le taux d’anticorps contre la melanotropine du 1er groupe de souris, ayant reçu des bactéries E.coli mutées (pas de production de ClpB), n’ont pas changé. Au contraire, le taux d’anticorps et la prise alimentaire varient pour le 2ème groupe d’animaux ayant reçu des E. coli produisant des protéines ClpB.

L’implication probable de cette protéine bactérienne dans les troubles du comportement alimentaire chez l’homme a été établie grâce à l’analyse des données de 60 patients.

L’échelle standardisée « Eating disorders inventory-2 » a permis le diagnostic des patients et l’évaluation de la sévérité de leurs troubles à partir d’un questionnaire sur leurs comportements et leurs émotions (envie de maigrir, boulimie, peur de la maturité…). Les taux plasmatiques d’anticorps dirigés contre ClpB et la mélanotropine sont plus élevés chez ces patients. De plus, leur réponse immunologique va déterminer le développement des troubles alimentaires vers l’anorexie ou la boulimie.

Ces données valident ainsi l’implication de la protéine bactérienne dans la régulation de l’appétit et ouvre de nouvelles perspectives de diagnostic et de traitement spécifique des troubles du comportement alimentaire.

Corriger l’action du sosie de l’hormone de la satiété

« Nous travaillons actuellement au développement d’un test sanguin basé sur la détection de la protéine bactérienne ClpB. Si nous y arrivons, il permettrait la mise en place de thérapies spécifiques et individualisées des troubles du comportement alimentaire » soulignent Pierre Déchelotte et Sergueï Fetissov, auteurs de cette étude.

En parallèle, les chercheurs étudient chez la souris comment corriger l’action de la protéine bactérienne pour empêcher la dérégulation de la prise alimentaire qu’elle engendre. « D’après nos premières observations, il serait en effet possible de neutraliser cette protéine bactérienne par des anticorps spécifiques sans affecter l’hormone de la satiété » concluent-ils.

Cette étude a été réalisée en collaboration avec d’autres équipes et plateformes de l’Institut de Recherche et de l’Innovation de Normandie (IRIB) à Rouen et avec l’Université de Tartu (Estonie). Elle étude prolonge d’autres travaux de l’équipe de recherche publiés en 2013 qui révélaient des mécanismes moléculaires d’augmentation de l’appétit par des immunoglobulines protégeant l’hormone de la faim (ghréline) au cours de l’obésité.

Ces travaux ont fait l’objet de deux demandes de brevets déposés par Inserm Transfert.

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