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Des bactéries intelligentes pour détecter les maladies

Un pas de plus vient d’être franchi dans le domaine de la biologie synthétique. Des équipes de chercheurs de l’Inserm et du CNRS de Montpellier, associées au CHRU de Montpellier et à luniversité de Stanford ont transformé des bactéries en espions détecteurs » capables de signaler une pathologie sur la simple présence dans lurine ou le sang de molécules caractéristiques. Pour réaliser cette prouesse, les chercheurs ont introduit l’équivalent d’un programme informatique dans l’ADN des cellules. Les bactéries ainsi programmées détectent notamment la présence anormale de glucose dans les urines de patients diabétiques. Ces travaux publiés dans la revue Science Translational Medicine marquent les premiers pas de lutilisation de cellules programmables pour le diagnostic médical.



Les bactéries ont mauvaise réputation et sont souvent considérées comme nos ennemis causant de nombreuses maladies comme la tuberculose ou le choléra. Cependant, elles peuvent aussi être des alliées comme en témoignent les travaux de plus en plus nombreux sur notre flore bactérienne, ou microbiote, qui joue un rôle majeur dans le fonctionnement de l’organisme. Depuis l’avènement des biotechnologies, les chercheurs ont modifié des bactéries pour produire des molécules thérapeutiques ou des antibiotiques. Dans ce nouveau travail, elles deviennent un véritable outil de diagnostic.

Le diagnostic in vitro est basé sur la présence dans les liquides physiologiques (sang, urine par exemple) de molécules caractéristiques d’une pathologie donnée. Du fait de sa non-invasivité et facilité d’usage, le diagnostic in vitro est un enjeu majeur pour la détection précoce des maladies ainsi que pour leur suivi. Cependant, les tests in vitro sont parfois complexes et nécessitent des technologies sophistiquées souvent uniquement disponibles dans les centres hospitaliers.

C’est à ce stade que les systèmes biologiques entrent en jeu. Les cellules vivantes sont de véritables nano-machines capables de détecter et traiter de nombreux signaux et d’y répondre. Elles représentent donc des candidats évidents pour le développement de nouveaux tests diagnostiques puissants. Encore faut-il leur fournir le « programme » adéquat pour réussir à leur faire accomplir les tâches souhaitées.

Pour cela, l’équipe de Jérôme Bonnet au Centre de Biochimie Structurale de Montpellier (Inserm/CNRS/Université de Montpellier) a eu l’idée d’utiliser des concepts de biologie synthétique[1] dérivés de l’électronique pour construire des systèmes génétiques permettant de “programmer” les cellules vivantes à la manière d’un ordinateur.

Le transcriptor : pièce maitresse de la programmation génétique

Le transistor est l’élément central des systèmes électroniques modernes. Il joue à la fois le rôle d’interrupteur et d’amplificateur de signal. En informatique, en combinant plusieurs transistors, il est possible de construire des « portes logiques », c’est à dire des systèmes répondant à différentes combinaisons de signaux selon une logique prédéterminée. Par exemple une porte logique “ET” à deux entrées produira un signal uniquement si deux signaux entrant sont présents. Tous les calculs effectués par les appareils électroniques que nous utilisons quotidiennement, comme les smartphones, reposent sur l’utilisation de transistors et des « portes logiques ».

Lors de son séjour postdoctoral à l’université de Stanford aux Etats-Unis, Jérôme Bonnet a inventé un transistor génétique, le transcriptor.

L’insertion d’un ou plusieurs transcriptors dans les bactéries les transforme en calculateurs microscopiques. Les signaux électriques utilisés en électronique sont remplacés par des signaux moléculaires contrôlant l’expression génétique. Ainsi, il est à présent possible d’implanter dans les cellules vivantes des “programmes” génétiques simples en réponse à différentes combinaisons de molécules[2].

Dans ce nouveau travail, les équipes de Jérôme Bonnet (CBS, Inserm U1054, CNRS, Université de Montpellier), de Franck Molina (SysDiag, CNRS) associées au professeur Eric Renard (CHRU de Montpellier) et de Drew Endy (Université de Stanford) ont appliqué cette nouvelle technologie à la détection de signaux pathologiques dans des échantillons cliniques.

Les échantillons cliniques sont des milieux complexes dans lesquels la détection de signaux est difficile. Les auteurs ont utilisé les capacités d’amplification du transcriptor pour détecter des marqueurs pathologiques présents même en très petite quantité. Ils ont aussi réussi à stocker plusieurs mois le résultat du test dans l’ADN des bactéries.

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Figure 1: Principe de l’utilisation de bactéries modifiées pour le diagnostic médical. ©J. Bonnet/ Inserm.

Les cellules deviennent ainsi capables de réaliser différentes opérations en fonction de la présence de plusieurs marqueurs, ouvrant la voie à des tests diagnostiques plus précis reposant sur la détection de “signatures” moléculaires.

Nous avons standardisé notre méthode puis confirmé la robustesse de nos systèmes bactériens synthétiques dans les échantillons cliniques. Nous avons aussi mis au point une technique rapide pour connecter le transcriptor à de nouveaux systèmes de détection. Tout ceci devrait faciliter la réutilisation de notre système précise Alexis Courbet, étudiant en thèse et premier auteur de l’article.

Les auteurs ont connecté au transistor génétique un système bactérien répondant au glucose et détecté la présence anormale de glucose dans les urines de patients diabétiques.

Nous avons déposé les éléments génétiques utilisés dans ce travail dans le domaine public pour permettre leur libre réutilisation par dautres chercheurs publics ou privés[3]” précise Jérôme Bonnet.

Nos travaux se concentrent à présent sur lingénierie de systèmes génétiques artificiels pouvant être modifiés à la demande pour détecter différentes molécules marqueurs de maladie ajoute-t-il. Dans le futur, ces travaux pourraient aussi être appliqués à l’ingénierie de la flore microbienne pour le traitement de diverses pathologies, notamment les maladies intestinales.

Ces travaux ont bénéficié du soutien financier de l’Inserm, du CNRS, du Centre Stanford-France pour la recherche interdisciplinaire, de l’université de Stanford. Jérôme Bonnet est lauréat du programme Atip-Avenir, et est soutenu par la fondation Bettencourt-Schueller.

[1] Disponible sur : https://biobricks.org/bpa/

[2] Bonnet et al. Science, 2013

[3] Qui vise à l’ingénierie rationnelle de systèmes et fonctions biologiques artificiels

 

Les congrès des Apprentis Chercheurs, spécialité « addictions », dans 5 villes de France

Pendant toute l’année scolaire, 38 collégiens et lycéens ont été accueillis chaque mois dans 9 laboratoires de neurosciences spécialisés dans l’étude des addictions. Objectif : modifier le regard des jeunes Apprentis Chercheurs sur la face cachée des drogues (alcool, tabac, cannabis, etc…) et des addictions et les former aux démarches et aux métiers de la recherche. A partir du 1er juin prochain, les « Apprentis Chercheurs » présenteront leurs recherches lors de 5 congrès organisés à Marseille (1er juin), Amiens (2 juin), Paris (3 juin), Bordeaux (4 juin), Poitiers (9 juin).


Le programme MAAD (Mécanismes des addictions à l’alcool et aux drogues), lancé par l’Inserm avec le soutien de la MILDECA (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et les conduites addictives), est fondé sur une approche de type « éducation scientifique », destinée à renforcer les connaissances des jeunes sur ces produits, à travers une initiation à la démarche scientifique.

Neuf laboratoires de recherche[1] spécialisés dans la physiopathologie des addictions ont accueilli un mercredi par mois deux binômes constitués d’un collégien de 3ème et d’un lycéen de 1ère. Encadrés par un chercheur senior, les adolescents ont mené un programme de recherche, réalisé les expériences et interprété les données. Ces congrès vont permettre à ces « Apprentis Chercheurs » de partager leurs résultats. L’audience sera composée de leurs camarades de classe, de leurs parents, de leurs enseignants, etc.

Programme :

À Paris, le congrès se tiendra le mercredi 3 Juin 2015 à 18h, au Ministère de l’Agriculture, Salle Gambetta
(78 rue de Varennes, Paris 5ème).
Inscription obligatoire via acmaad.tumblr.com ou en contactant moc.liamg@ossa.rspa

Danièle Jourdain-Menninger présidente de la MILDECA ouvrira la manifestation.

Les présentations des « Apprentis Chercheurs » seront suivies d’une conférence-débat intitulée « Nicotine et prise de décision » animée par Philippe Faure, chercheur CNRS à l’UMR 7102.

À Marseille le lundi 1er Juin, 18h30

À Amiens le mardi 2 Juin, 18h

À Bordeaux le jeudi 4 Juin, 18h30

À Poitiers le mardi 9 Juin, 18h

Ces congrès ouverts à tous sont gratuits.

La consommation par les jeunes de produits psycho-actifs (alcool, tabac, cannabis etc…) est une préoccupation constante des autorités de santé car il est désormais acquis que la consommation précoce, sur un cerveau en développement, est un facteur favorisant le risque de développer une dépendance à l’âge adulte. Ce dispositif de sensibilisation à la toxicité des drogues se veut innovant dans le paysage des actions de prévention plus classiques (spots radio, vidéo clips télé, journaux, mini-conférences au sein d’établissements scolaires).

[1] Les neuf laboratoires participants sont : Amiens : Inserm ERI 24, Mickaël Naassila ; Bordeaux : Inserm U862 Neurosciences Magendie, Véronique Deroche ; CNRS UMR 5287, Martine Cador / Stéphanie caillé-Garnier ; Marseille : Institut Neurobiologie de la méditerrannée, Olivier Manzoni ; UMR 7289 CNRS Laboratoire de Neurobiologie de la Cognition, Christelle Baunez ; Paris : Inserm UMR 894, Laurence Lanfumey, Nicolas Ramoz Inserm UMR-S 839 Institut du Fer à Moulin, Denis Hervé, Marika Nosten-Bertrand, Manuel Mameli ; CNRS UMR 7102, Philippe Faure ; Poitiers : Laboratoire de Neurosciences Expérimentales et Clinique Inserm U1084, Marcello Solinas.

Finale du concours FameLab : 10 jeunes scientifiques relèvent le défi !

Après des sélections en région et une Masterclass au CERN, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, les dix finalistes du concours FameLab montreront l’étendue de leur talent oratoire à la Cité des sciences et de l’industrie le vendredi 22 mai, à 18h30.

Les candidats auront chacun trois minutes pour expliquer un concept scientifique, technique ou mathématique sur scène. Munis des accessoires de leur choix, ils devront convaincre un jury de leur capacité à communiquer leurs travaux de recherche tout en étant accessible aux non-spécialistes.

Florence Porcel, animatrice, comédienne et auteure, animera la soirée accompagnée de professionnels des sciences, de la communication et des médias :

Claudie Haigneré, Conseillère auprès du Directeur général de l’Agence spatiale européenne (ESA), ex Présidente d’Universcience,

Cécile Lestienne, Directrice de la rédaction, magazine Pour la Science,

Roland Lehoucq, Astrophysicien, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

Le public pourra voter pour son candidat préféré. Le lauréat, choisi par le jury, participera ensuite à la grande finale internationale, organisée le 4 juin à Cheltenham, au Royaume-Uni.

Les finalistes de FameLab France

Ils sont doctorant(e)s, assistant(e)s de recherche, assistant(e)s ingénieur, étudiants, et viennent de toute la France pour partager leur passion des sciences.

Leurs sujets d’étude touchent des domaines divers et variés de la recherche scientifique : physique, chimie, biologie et même histoire. Lors de la finale, les candidats vous parleront de sauvegarde des espèces animales, d’hydrophobie des nénuphars, de troubles psychiatriques, ou encore de monnaie médiévale.

Ils participent à FameLab pour :

  • Relever le défi des 3 C : contenu, clarté et charisme,
  • Faire connaître leurs travaux de recherche.

Quentin Vincent, épidémiologiste, membre du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses de l’Institut Imagine, à Paris, représentera l’Inserm lors de cette finale.

Selon ce jeune médecin spécialisé en santé publique, partager les progrès de la science avec des non-spécialistes est à la fois essentiel, et amusant.

Affiche famelab FINALE 2015
Pour en savoir plus

Propulsée cette année par le British Council, la deuxième édition française de FameLab réunit de nombreux partenaires institutionnels, académiques et associatifs : Amcsti, Inserm, CNES, CEA, CERN et Ifremer.

Créé en 2005 par le Festival de Cheltenham en partenariat avec l’agence britannique de l’innovation, FameLab soutient les jeunes scientifiques et ingénieurs dans une démarche de communication des sciences.

Événement accessible sur inscription uniquement

Plus d’informations sur le concours sur le site du British Council

FameLab sur les réseaux sociaux : @FameLabFrance  #FameLabFr

Comment la tumeur transforme mécaniquement ses voisines saines en cellules tumorales et amplifie son propre développement

Le développement d’une tumeur exerce une pression permanente anormale non négligeable sur les cellules saines avoisinantes. L’équipe CNRS/UPMC/Institut Curie dirigée par Emmanuel Farge, directeur de recherche Inserm à l’Institut Curie, vient de découvrir que cette force pouvait y induire l’expression de gènes tumoraux. La contrainte physique provoquée par la croissance tumorale provoquerait même les premières phases d’une transformation tumorale des tissus avoisinants. Cette découverte majeure est publiée dans Nature du 11 mai 2015.

Lorsqu’une tumeur prolifère, elle induit progressivement une pression anormale et permanente sur les cellules saines avoisinantes. Cette contrainte peut-elle transformer les cellules saines comprimées en cellules tumorales et avoir un effet sur le développement de la tumeur ? C’est l’approche originale qu’étudie l’équipe Mécanique et génétique du développement embryonnaire et tumoral[1] dirigée par Emmanuel Farge, directeur de recherche Inserm.

Dans un premier temps, les chercheurs ont évalué, dans des modèles expérimentaux, la pression exercée par la croissance d’une tumeur du côlon sur les tissus voisins. Au passage, ils démontrent que  cette contrainte mécanique active la voie de signalisation béta-caténine  dans les tissus sains voisins de la tumeur, et entraîne l’activation de gènes tumoraux. « La béta-caténine est bien connue pour activer le processus tumoral dans de nombreux cancers », note Emmanuel Farge.

La mécanique du cancer : des ruses pour se propager

Grâce à des aimants, l’équipe a ensuite mimé dans des tissus sains chargés de vésicules magnétiques  les forces mécaniques induites par une tumeur sur les tissus alentours et en a observé les conséquences. « Après deux semaines d’une telle contrainte mécanique, on observe une augmentation de la phosphorylation (i.e. l’activation) de la béta-caténine ainsi que sa relocalisation dans le noyau des cellules », observent les scientifiques. Sous l’effet de la pression, la protéine béta-caténine se détache de la membrane cellulaire pour aller dans le noyau où elle active alors des oncogènes qui favorisent la croissance tumorale.

Au bout d’un mois, une surexpression du gène tumoral c-Myc, cible de la béta-caténine, est alors détectée, provoquant la division anarchique des cellules saines, mais aussi celle du gène cible Zeb-1, responsable de la perte d’adhésion cellulaire à l’origine de l’invasivité et de la métastase.

Après 2-3 mois, il se forme des foyers d’anomalies au niveau des cryptes du colon (accroissement de la taille des cryptes et altération de leur structure) qui correspondent aux premières étapes de la transformation tumorale. « L’activation par une contrainte mécanique de la voie de signalisation de la béta-caténine dans les tissus sains entourant la tumeur présage d’un nouveau mode de propagation tumorale, indique Emmanuel Farge.  Elle crée une boucle d’autorégulation amplificatrice, une réaction en chaîne, un véritable « effet domino » : les modifications tumorales mécaniquement induites par la tumeur sur les cellules génétiquement saines voisines vont provoquer une croissance anormale de ces cellules, qui elle-même va appliquer des contraintes anormales sur ses cellules non encore tumorales avoisinantes, et ainsi de suite, selon un processus susceptible d’amplifier considérablement la croissance et la propagation tumorale. »

En outre, elle pourrait contribuer à l’hétérogénéité tumorale : les processus tumoraux enclenchés dans les cellules avoisinantes pourraient engendrer des cellules tumorales aux caractéristiques distinctes  du cœur de la tumeur et ne répondant pas de la même manière au traitement. Ce mode de prolifération constituerait alors un facteur de résistance aux traitements thérapeutiques. 

Tout n’est donc pas purement biochimique dans le développement du cancer du côlon. Les contraintes mécaniques anormales, activatrices de biomolécules tumorales, apparaissent comme un nouveau rouage possible de la progression et de l’invasion tumorale.

Cette découverte révèle que les compressions mécaniques provoquées par la croissance de la tumeur sont susceptibles de modifier ses cellules saines avoisinantes y activant les transformations tumorales amplifiant son développement.


Ces données devraient être intégrées dans les approches thérapeutiques car l’élimination complète des tumeurs devra passer par une action sur l’ensemble des mécanismes mis en œuvre par la tumeur pour croître.

[1] Unité « Physico-chimie Curie » UMR 168 CNRS/UPMC/Institut Curie

Le Viagra: nouvelle piste contre la transmission du parasite du paludisme ?

En augmentant la rigidité des globules rouges infectés par l’agent du paludisme, le Viagra favorise leur élimination de la circulation sanguine et pourrait donc réduire la transmission du parasite de l’homme au moustique. Cette étonnante découverte, réalisée par des chercheurs du CNRS, de l’Inserm et de l’Université Paris Descartes – à l’Institut Cochin –  et de l’Institut Pasteur, en collaboration avec une équipe de la London School of Tropical Medicine and Hygiene, pourrait être à l’origine d’un traitement réduisant la propagation du paludisme dans la population. Leurs travaux sont publiés dans la revue PLOS Pathogens le 7 mai 2015.

Plasmodium falciparum, le parasite responsable du paludisme, a un cycle de développement complexe se déroulant pour partie chez l’homme et pour partie chez le moustique anophèle. Les traitements contre le paludisme ciblent les formes asexuées de ce parasite, responsables des symptômes, mais pas les formes sexuées transmises de l’homme au moustique lors d’une piqûre. L’éradication de cette maladie nécessite donc le développement de nouveaux types de traitements contre les formes sexuées du parasite pour bloquer cette transmission et ainsi éviter la dissémination du parasite dans la population.

Les formes sexuées du parasite se développent chez l’homme dans des globules rouges séquestrés dans la moelle osseuse avant d’être libérés dans le sang. Ils sont alors accessibles aux moustiques qui peuvent les absorber lors d’une piqûre (voir le haut de l’image page 2). Or, les globules rouges circulants, parasités ou non, sont déformables, ce qui évite leur élimination par la rate : cet organe, qui filtre le sang en permanence, ne retient en effet que les globules rouges rigides, vieux ou anormaux. Mais les globules rouges parasités, déformables, traversent aisément la rate et persistent plusieurs jours dans la circulation sanguine.

Dans une nouvelle étude, des scientifiques ont donc cherché à rendre plus rigides les globules rouges infectés. Ils ont montré que la déformabilité du globule rouge parasité est régulée par une voie de signalisation impliquant l’AMP cyclique. Quand les molécules d’AMP cyclique s’accumulent, le globule rouge devient plus rigide. Or, l’AMP cyclique est dégradé par des enzymes appelées phosphodiestérases, qui favorisent donc par leur action la déformabilité des globules rouges.

A l’aide d’un modèle in vitro reproduisant la filtration de la rate, les chercheurs ont identifié plusieurs molécules pharmaceutiques qui inhibent les phosphodiestérases et peuvent donc augmenter la rigidité des globules rouges infectés. Un de ces inhibiteurs est le sildenafil citrate, plus connu sous son nom commercial de « Viagra ». Les auteurs ont montré que cette molécule, à la dose habituellement administrée, a le potentiel d’augmenter la rigidité des formes sexuées du parasite et ainsi de favoriser l’élimination des globules rouges parasités par la rate.image1

La déformabilité des globules rouges parasités, facilitée quand la voie de l’AMP cyclique est inhibée, leur permet de circuler librement à travers la rate et de rester accessibles aux moustiques dans la circulation sanguine (en haut). L’action du Viagra augmente la rigidité des globules rouges parasités en activant la voie de l’AMP cyclique, empêchant leur passage à travers l’endothélium de la rate et éliminant les parasites de la circulation sanguine (en bas).© Catherine Lavazec

Cette découverte ouvre la voie à une nouvelle approche pour bloquer la propagation du paludisme à travers la population. 

Modifier le principe actif du Viagra pour éviter son effet érectile, ou tester des molécules similaires dépourvues de cet effet secondaire pourrait en effet déboucher sur un traitement contre la transmission du parasite de l’homme au moustique.

Cette étude, réunissant les équipes de Catherine Lavazec et de Gordon Langsley à l’Institut Cochin et à l’Institut Pasteur et celle de David Baker à la London School of Tropical Medicine and Hygiene, a été soutenue par le programme ATIP-Avenir du CNRS et de l’Inserm, les Labex Gr-EX et Parafrap, le Fonds Inkermann et la Fondation Bill and Melinda Gates dans le cadre d’un projet en collaboration avec l’équipe de Pierre Buffet de l’Université Pierre et Marie Curie.

IRF5, nouvel acteur dans la survenue des complications de l’obésité

Les complications métaboliques de l’obésité et de la surcharge pondérale comme le diabète de type 2 représentent d’importants enjeux de santé publique. Les équipes Inserm de Nicolas Venteclef, Dominique Langin, Karine Clément, et d’Irina Udalova (Institut de Rhumatologie, Université de Oxford, Royaume-Uni) en collaboration avec plusieurs équipes[1], ont réussi à élucider une partie des mécanismes impliquées dans le développement de ces complications métaboliques associées à l’obésité. Les résultats de ces travaux sont publiés en ligne dans la revue Nature Medicine.

Actuellement, plus d’un milliard et demi de personnes souffrent dans le monde de surcharge pondérale ou d’obésité. On sait depuis une dizaine d’années qu’un état inflammatoire chronique est présent chez les patients obèses. Cet état pourrait jouer un rôle fondamental dans le développement des pathologies métaboliques associées. Cette inflammation résulte d’une activité anormale du système immunitaire observée à la fois au niveau systémique (dans le sang) et locale (dans les organes métaboliques comme le foie, les muscles, le pancréas et surtout le tissu adipeux).

À la suite d’une prise de poids excessive, le tissu adipeux se développe de manière anormale dans la région intra-abdominale (obésité androïde) et devient une source importante de médiateurs pro-inflammatoires, ces « messagers chimiques » activant l’inflammation, aux conséquences métaboliques délétères. Ce phénomène est notamment provoqué par l’accumulation dans ce tissu de macrophages de type pro-inflammatoire. Paradoxalement, certains sujets obèses ne développent pas d’altérations métaboliques. En effet, lorsque l’expansion du tissu adipeux se situe au niveau des dépôts plus superficiels comme le tissu adipeux sous-cutané (obésité gynoïde), le risque de développer des complications métaboliques est réduit.

Dans une étude précédente (Dalmas et al. Diabetes 2014), l’équipe de Karine Clément (Guerre-Millo et coll., UMR_S 1166, Paris, France) en collaboration avec Nicolas Venteclef avait observé l’importance d’un dialogue inflammatoire et pro-diabétogène entre macrophages et lymphocytes dans le tissu adipeux viscéral de patients obèses.

La caractérisation de ces macrophages leur a permis d’identifier le facteur de transcription IRF5 (Interferon Regulatory Factor 5) comme le chef d’orchestre de l’activation des macrophages du tissu adipeux dans l’obésité.

Afin de démontrer l’importance d’IRF5 dans l’obésité et le diabète de type 2, les auteurs ont généré des souris déficientes pour ce facteur puis les ont soumises à un régime riche en graisses qui provoque habituellement une obésité et un diabète de type 2. De manière surprenante, les souris déficientes pour IRF5 ont bien développé une obésité mais sans complications métaboliques, contrairement aux souris sauvages exprimant IRF5. Cette adaptation bénéfique des souris déficientes pour IRF5 s’explique notamment par un stockage préférentiel des graisses dans la région sous-cutanée (protectrice) et non intra-abdominale (délétère). Le décodage des mécanismes moléculaires et cellulaires a permis de révéler une importante reprogrammation de l’inflammation du tissu adipeux intra-abdominal en l’absence d’IRF5 contribuant à limiter son expansion. En effet, en l’absence d’IRF5, l’obésité induit une réponse immunitaire caractérisée par la présence de macrophages anti-inflammatoires et une diminution de l’activation de la réponse immunitaire. Cette modification induit un remodelage tissulaire limitant l’expansion du tissu adipeux intra-abdominal. Ceci permet la redistribution des lipides de la cavité intra-abdominale vers les dépôts sous-cutanés, un stockage moins délétère pour l’organisme.
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Influence d’IRF5 dans la nature du tissu adipeux de patients obèses et ses conséquences métaboliques ©Inserm/N.Venteclef (viscTA : Tissu adipeux viscéral. scTA : Tissu adipeux sous-cutané)

Les données obtenues sur la souris ont été confirmées chez des patients en surpoids, obèses ou massivement obèses, en montrant que l’expression d’IRF5 dans le tissu adipeux intra-abdominal est significativement corrélée aux dysfonctions métaboliques associées à l’obésité.

Cette étude pionnière suggère que le système immunitaire (ici les macrophages du tissu adipeux) influence directement l’accumulation de la masse grasse dans la région viscérale, susceptible d’être ciblée dans la prévention du diabète de type 2. Pour les chercheurs, « il est donc crucial de déchiffrer les différentes facettes de l’inflammation pour mieux appréhender les pathologies multifactorielles associées à l’obésité comme le diabète de type-2 ».

La démarche mise en œuvre dans cette étude est emblématique de la recherche translationnelle dont l’objectif est d’accélérer la mise au point de thérapies efficaces pour les patients en instaurant un dialogue fécond entre cliniciens et chercheurs, afin de produire des résultats robustes, à la fois approfondis grâce aux modèles murins et pertinents chez l’homme.

Ces travaux ont bénéficié du soutien financier de l’ANR, de l’Inserm, de l’UPMC, de la FRM, d’ICAN et de la Région Ile-de-France (CORDDIM).

[1] Cette étude a été effectuée en collaboration avec des chercheurs du CNRS, de l’Université Paris-Diderot, d’ICAN, de l’Université Paul Sabatier de Toulouse et de l’Université Charles de Prague (République Tchèque)

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