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Communiqués et dossiers de presse

La crise d’épilepsie : une activité primitive du cerveau dont les mécanismes sont conservés à travers les espèces

11 Juin 2014 | Par INSERM (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie

Tout semble différencier une mouche d’un homme. Et pourtant, aussi étonnant que cela puisse paraitre, des chercheurs de l’Inserm dirigés par Christophe Bernard et Viktor Jirsa au sein de l’Institut de Neurosciences des Systèmes (INS) – Inserm U1106 à Marseille viennent de montrer que les crises d’épilepsie suivent des règles mathématiques simples et conservées à travers les espèces. La crise d’épilepsie est une forme d’activité neuronale qui est encodée dans tout cerveau sain, mais qui ne s’exprime que dans situations pathologiques. Grâce à l’identification de ces principes de base, les chercheurs ont pu classer rigoureusement les crises en 16 types distincts ; une classification qui sera très utile aux cliniciens pour envisager des traitements de plus en plus personnalisés et rechercher de nouveaux médicaments. Ces travaux sont publiés dans la revue Brain.

Photo CP Brain epilepsie
Qu’est-ce qu’une crise d’épilepsie? Cette question constitue une énigme pour les patients, leurs proches, les chercheurs et les médecins depuis des siècles. Les crises arrivent souvent sans signe avant-coureur avec des manifestations cliniques qui peuvent être spectaculaires. Pour les chercheurs et les médecins, la crise est considérée comme un problème très difficile à résoudre, faisant appel à des mécanismes très complexes.

Une percée majeure vient d’être faite par deux équipes de l’Institut de Neurosciences des Systèmes (INS) – Inserm U1106 à Marseille. Combinant neuroscience théorique, recherche fondamentale et clinique, les chercheurs ont apporté la preuve que les principes qui régissent le début, le décours et la fin des crises d’épilepsie focales (une forme d’épilepsie très répandue) sont d’une très grande simplicité et invariantes entre les régions du cerveau et les espèces, de la mouche à l’Homme.

Le point de départ est simple : tout cerveau sain peut faire une crise, par exemple après un électrochoc, un traumatisme crânien etc. sans être et sans forcément devenir épileptique. Autrement dit, cette activité du cerveau qu’est la crise existe à l’état latent chez chacun d’entre nous. La crise est naturellement codée dans nos neurones. Elle est toujours possible, mais dans un cerveau « sain » la probabilité qu’elle se produise est très faible.

Nous allons utiliser une métaphore pour décrire le résultat principal. Représentons-nous l’activité du cerveau au moyen d’un personnage qui se déplace dans un pays composé de montagnes, de vallées, de plaines, de plages etc. Les différentes régions du pays constituent autant d’activités dans lesquelles le cerveau est engagé (par exemple, lire un livre, faire du vélo etc.). Au sein de ce pays, il y a un endroit très particulier : une zone interdite entourée d’une très haute barrière. Cette zone interdite est toujours là, elle fait partie du paysage, mais notre personnage ne peut pas y pénétrer. Cette zone interdite, c’est la crise d’épilepsie. Il faut des conditions extrêmes pour rentrer dedans – comme par exemple après un électrochoc.

Les chercheurs de l’Institut de Neurosciences des Systèmes ont construit un modèle mathématique décrivant ce qui se passe à partir du moment où la barrière est franchie (début de la crise) jusqu’au moment où le personnage finit par ressortir de la zone interdite (fin de la crise) et retrouve une activité normale à l’extérieur. Ils ont montré que les trajectoires d’entrée et de sortie de la crise suivent des règles mathématiques simples et précises. Ils ont aussi montré que la crise est peut-être la forme d’activité la plus simple – ou primitive – que le cerveau peut générer.

« Le modèle mathématique prédit l’existence de 16 types de crises, ce qui permet de classer rigoureusement les crises ; une classification qui sera très utile aux cliniciens pour le traitement de ces crises et la recherche de nouveaux médicaments. » Explique Christophe Bernard, directeur de recherche à l’Inserm.

Les chercheurs ont ensuite vérifié expérimentalement les prédictions du modèle mathématique, en analysant les crises enregistrées chez différentes espèces, y compris chez l’Homme (en utilisant une base de données internationale). 

Ils ont pu ainsi montrer que les règles d’entrée et de sortie de la crise étaient invariantes de la mouche à l’Homme. C’est donc la même zone interdite qui est présente dans la plupart des régions du cerveau à travers les espèces.

Pourquoi l’épilepsie est-elle si difficile à traiter ?

En utilisant un modèle expérimental d’épilepsie chez la souris, les chercheurs ont démontré que la zone interdite peut être pénétrée à de multiples endroits. Autrement il y a de nombreuses façons d’effriter la barrière. Cette multiplicité de possibilités explique pourquoi les traitements doivent être adaptés à chaque patient, parce que le passage de la barrière ne se fait pas forcément au même endroit d’un individu à l’autre.

Ces travaux revêtent une importance majeure, non seulement parce qu’ils contribuent à démythifier l’épilepsie, mais aussi parce qu’ils fournissent un cadre conceptuel pour mieux comprendre les mécanismes des crises et proposer de nouvelles solutions thérapeutiques.

Que se passe-t-il chez les patients qui font des crises ?
Chez les patients, la barrière s’est effritée, et il est beaucoup plus facile de rentrer dans la zone interdite. Cette destruction de la barrière est un phénomène très courant. Elle se produit naturellement au cours du vieillissement, et c’est pour cette raison que la fréquence de l’épilepsie augmente avec l’âge. Les enfants sont aussi très susceptibles aux crises d’épilepsie, parce que leur barrière n’est pas assez haute. De nombreuses pathologies comme l’autisme, la maladie d’Alzheimer, la maladie de Huntington sont associées à des crises d’épilepsies, parce que les effets destructeurs que ces pathologies engendrent dans le cerveau finissent par éroder la barrière. C’est pour cette raison que l’épilepsie peut exister seule ou associée à d’autres pathologies. Les conditions pathologiques, la maladie, ne font que révéler une activité qui existe potentiellement en chacun de nous.

Contacts
Contact Chercheur
Christophe Bernard
Directeur de recherche Inserm
INS - Institut de Neurosciences des Systèmes (Unité mixte de recherche Inserm 1106, Aix-Marseille Université)

Email : rf.uma-vinu@dranreb.ehpotsirhc
Tel : 06 18 04 49 13
Sources
On The Nature of Seizure Dynamics
VK Jirsa1,2,*, WC Stacey3, PP Quilichini1,2, AI Ivanov1,2, C Bernard1,2,*
1 Aix Marseille Université, Institut de Neurosciences des Systèmes, Marseille, France
2 Inserm, UMR_S 1106, Marseille, France3 Department of Neurology, Department of Biomedical Engineering, University of Michigan,Ann Arbor, MI 48109, USA


Brain, juin 2014
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