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Communiqués et dossiers de presse

Survivants d’Ebola : la vie d’après

14 Jan 2017 | Par INSERM (Salle de presse) | Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie

photo-postebogui

© Livia Saavadra REA / Pour Waha International : consultation ophtalmique dans le cadre du programme PostEbogui en Guinée.

Les conséquences cliniques et sociales à long terme après avoir survécu à l’infection par Ebola sont inconnues. Dès novembre 2014, soit moins d’un an après le début de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, l’Inserm a organisé, en partenariat avec l’IRD, et le département des Maladies Infectieuses du CHU de Donka à Conakry en Guinée, un suivi médical des personnes ayant survécu à l’infection par le virus dans le cadre d’une large cohorte de recherche. 802 personnes (adultes et enfants) ont été incluses dans la cohorte PostEbogui[1] à partir de mars 2015.

Les résultats de leur suivi montrent qu’un an après leur hospitalisation initiale, 3 survivants sur 4 déclarent encore des problèmes de santé. 40 % souffrent de fatigue ou de fièvre mais également de douleurs musculaires (38 %) et abdominales (22 %), de problèmes visuels parfois graves pouvant conduire à la cécité  (18 %) et de dépression (17%). Un quart des survivants dit en plus être victime de stigmatisation. Quant à la persistance du virus dans le sperme, elle est avérée : celui–ci a pu être retrouvé jusqu’à 18 mois après la phase aiguë. Cette étude a conduit les chercheurs à définir ce qu’ils appellent désormais le syndrome post Ebola. Ces travaux sont publiés dans la revue The Lancet Infectious Diseases.

Peu de données existent concernant les personnes ayant survécu aux épidémies d’Ebola par le passé. En cause : le nombre trop faible de survivants et des structures de recherche en état d’urgences inadaptées. La dernière épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest a été d’une telle ampleur qu’elle a entrainé à la fois un nombre de décès sans précédent mais également un nombre de survivants jamais atteint par le passé (17 000 survivants). Face à cette situation inédite, des questions médicales fondamentales et de recherche ont émergé. Quelles complications le virus pouvait-ils entrainer à long terme ? Quelles pouvaient être les conséquences psychosociales pour les survivants ? Un risque de réactivation tardive du virus existait-t-il ? Quelle est sa persistance dans l’organisme et quelles en sont les possibles transmissions sexuelles ?

Afin de répondre à toutes ces questions, l’Inserm s’est engagé avec les autorités sanitaires Guinéennes, à organiser le suivi des survivants à l’infection. Des chercheurs de l’Unité mixte mixte internationale de recherches translationnelles sur le VIH et les maladies infectieuses (Inserm/IRD) ont mis en place une cohorte de suivi de personnes ayant survécu à l’infection par le virus Ebola en Guinée en mars 2015 : la cohorte PostEbogui. 802 personnes (sur les 1270 survivants de l’épidémie déclarés en Guinée) sont entrées dans cette étude multidisciplinaire, un an en moyenne après leur infection initiale.

Leur suivi biologique, psychologique, sociologique ainsi que la mesure de leur charge virale ont été réalisés 1, 3, 6, 9 et 12 mois après leur inclusion dans la cohorte. Les données de cette étude portent sur un suivi jusqu’en juillet 2016. Un suivi des réponses immunologiques sera effectué chez une partie des personnes en partenariat avec les chercheurs du Vaccine Research Institute Inserm/ANRS).

45 % des participants sont des hommes. L’âge médian est de 28 ans (de 1 à 79 ans). Un patient sur 5 est un enfant de moins de 18 ans.

Un an après leur hospitalisation, les 3 quarts des survivants déclarent encore des symptômes cliniques.

Données cliniques

40 % des patients de la cohorte souffrent de symptômes dits d’ordres généraux (fatigue/fièvre/anorexie). Des troubles de la vision touchent 18 % des patients (conjonctivites; déficiences visuelles (allant jusqu’à la cécité) et douleurs oculaires). 38 % des patients souffrent de douleurs musculo-squelettiques (douleurs aux articulations et faiblesse musculaire) 35% se plaignent de maux de tête, 2% de surdité et 22 % de douleurs abdominales.

« La fréquence de ces symptômes a heureusement tendance à s’atténuer dans le temps et deviennent moins prégnants à mesure que l’on s’éloigne de la phase aiguë de l’infection «  explique Eric Delaporte, directeur de l’Unité Mixte internationale « Recherches translationnelles sur le VIH et les maladies infectieuses ».

Comparés aux adultes, les enfants ont eu plus d’épisodes de fièvre sur le long terme mais moins de douleurs musculo-squelettiques et de problèmes oculaires que les adultes.

Données biologiques et virologiques

26 % des survivants souffrent d’anémie. Le virus Ebola était encore présent dans le sperme de 5 % des hommes entre un mois et 18 mois après l’infection Ces derniers résultats ont été publiés avec plus de précisions dans the The journal of infectious disease en mai 2016.

Données psychologiques et sociologiques

Le risque de dépression est augmenté chez les survivants. De plus, 26 % des patients se disent stigmatisés après avoir contracté la maladie.

« Les résultats de cette première grande cohorte nous permettent de mieux caractériser ce que nous appelons désormais le syndrome post Ebola. Des complications médicales perdurent ou apparaissent après la phase aiguë de l’infection et ne sont pas négligeables. Elles justifient qu’un suivi médical des patients atteints d’Ebola soit effectué au moins pendant les 18 mois qui suivent l’infection » conclut Eric Delaporte.

[1] Ce programme de recherche opérationnelle « [Re]vivre après Ebola en Guinée », dont le promoteur est l’Inserm, est développé par l’Unité Mixte Internationale TransVIHMI (UMI 233 IRD / U 1175 Inserm) en partenariat en Guinée avec plusieurs services du CHU de Donka, l’INSP, les hôpitaux de Macenta, N’Zérékoré et Forécariah, l’association ALIMA, le Laboratoire d’Analyse Socio-Anthropologique de Guinée (LASAG) de l’Université de Sonfonia, et en France avec l’Unité de Biologie des Infections Virales Emergentes de l’Institut Pasteur de Lyon, la Plateforme d’Immunomonitoring Inserm U955 et le Laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses Inserm U980.

Contacts
Contact Chercheur
Eric Delaporte
Directeur de l'Unité 1175 "Recherche translationnelle sur le VIH et les maladies infectieuses "transvihmi"
Email :  rf.dri@etropaled.cire Tel : 04 67 41 62 97
Sources
Multidisciplinary assessment of post Ebola sequelae: an observational cohort study in Guinea (Postebogui) Jean-François Etard*, Mamadou Saliou Sow*, Sandrine Leroy*, Abdoulaye Touré*, BernardTaverne, Alpha Kabinet Keita, Philippe Msellati, N’Fally Magassouba, Sylvain Baize, HervéRaoul, Suzanne Izard, Cécé Kpamou, Laura March, Ibrahima Savane, Moumié Barry, Eric Delaporte, and Postebogui study group *Equally contributed IRD UMI 233-INSERM U1175-Montpellier University, Montpellier, France (JF Etard MD PhD, Abdoulaye Touré PharmD PhD, Sandrine Leroy MD PhD, B Taverne MD PhD, PMsellati MD PhD, AK Keita MD PhD, S Izard, C Kapmou, L March, E Delaporte MD PhD, Postebogui Study Group Donka National Hospital, Conakry, Guinea (M S Sow MD, M Barry MD, NF Magassouba PhD) Conakry University, Department of Public Health, Conakry, Guinea (A Touré, PharmD PhD) Episcience, London, UK (S Leroy MD PhD) Pasteur Institute/Unit of Biology of Emerging Viral Infections, International Center for Infectiology Research, INSERM, CNRS, Lyon I University, Ecole Normale Supérieure de Lyon, France (S Baize, PhD) Laboratoire P4 Inserm-Jean Mérieux, US003 Inserm, 69365 Lyon, France (H Raoul,PhD) Macenta Prefectoral Hospital, Macenta, Guinea (I Savane MD) The Lancet Infectious Diseases
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