Un groupe européen de laboratoires universitaires et de scientifiques travaillant pour des PME industrielles s’apprête à combiner la biologie des systèmes intégrés & la génomique comparative afin d’étudier le vieillissement du cerveau humain et/ou les pathologies les plus fréquemment liées à l’âge. Une attention toute spéciale sera portée à la maladie d’Alzheimer, avec pour but d’identifier et de valider de nouvelles cibles moléculaires et de nouveaux biomarqueurs. Ce programme de recherche de quatre ans est coordonné à l’Inserm par le professeur Michel Simonneau.
Le projet AgedBrainSYSBIO sur la biologie des systèmes des protéines synaptiques et du vieillissement a été officiellement lancé le 18 mars à Paris. AgedBrainSYSBIO est un projet de recherche collaboratif européen financé par la Commission européenne au sein du programme Health Work du 7e programme cadre. Ce consortium pluridisciplinaire réunit 14 équipes de recherche universitaire et de l’industrie de renommée internationale travaillant en Belgique, en Estonie, en France, en Allemagne, en Israël, au Royaume-Uni et en Suisse.
Le vieillissement est sans conteste un processus complexe car il affecte la détérioration de la plupart des aspects de notre vie. Le déclin cognitif est en passe de devenir l’un des principaux problèmes de santé publique liés au vieillissement : près de 50 % des adultes de plus de 85 ans souffrent de la maladie d’Alzheimer, qui représente le type de démence le plus fréquent.
©E Eugène/Inserm
Comme d’autres autres maladies neurodégénératives chroniques, la maladie d’Alzheimer évolue lentement et progressivement. Toutefois, s’ajoute pour les personnes qui en souffrent une perte constante de contact avec les autres en raison des pertes de mémoire, des difficultés à s’orienter, de la perte des capacités de langage, de parole et de jugement et de la dépression qu’elle engendre – entre autres nombreux symptômes.
En 2013, d’après les estimations, plus de 24 millions de personnes souffrent de la maladie d’Alzheimer. 4,6 millions de nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année, soit un nouveau cas toutes les 7 secondes. Cette maladie constitue donc bien l’un des principaux problèmes de santé publique aujourd’hui, en termes de coûts tout autant qu’en termes d’étiologie, de guérison et de prise en charge. Pour répondre à ces questions, le financement pour la recherche par la Commission européenne est crucial en l’absence actuelle de médicaments curatifs.
Au cours des dernières années, les études d’association pangénomiques (GWAS, Genome-Wide Association Studies) ont joué un rôle important dans l’identification de gènes responsables du risque génétique associé à la maladie d’Alzheimer. Ces approches, qui se fondent sur la comparaison génétique de grandes cohortes de patients et de personnes âgées non malades, et auxquelles trois partenaires universitaires ont participé (Inserm U894, Institut Pasteur de Lille, Université d’Anvers), ont été largement financées par l’Europe.
De plus, de nouveaux ensembles de données ont été construits et ont apporté des informations de pointe sur les interactions protéine-protéine, leur localisation dans le neurones humains. Dans un autre domaine, de nouveaux modèles (drosophile et souris) ont aussi été produits . Enfin, l’analyse de gènes dont l’évolution est accélérée chez les êtres humains ouvre une voie intéressante pour la recherche. Toutefois, jusqu’à présent, malgré l’importance des données disponibles et des modèles in vitro et in vivo existants, ces approches n’ont pas été traduites en succès cliniques.
Le projet AgedBrainSYSBIO rassemble 14 équipes de recherche universitaires et issues de l’industrie Ces scientifiques partageront leurs résultats et leur savoir-faire sur :
– la découverte de gènes de la maladie d’Alzheimer d’apparition tardive grâce aux études GWAS,
– la génomique fonctionnelle comparative dans les modèles de souris et de drosophile,
– les approches transgéniques chez la souris, concernant la recherche sur les cellules souches pluripotentes humaines induites (hiPSC)
. Les PME européennes participant au projet apporteront leur expertise complémentaire. QURETEC (Estonie) sera un partenaire capital pour les solutions de gestion des données et les analyses bioinformatiques. HYBRIGENICS (France) est un leader mondial du domaine de la protéomique comparative et des analyses d’interactions protéine-protéine. GENEBRIDGES (Allemagne) commercialise de nouvelles stratégies de modification de l’ADN dans les cellules de mammifère. ReMYND (Belgique) est un leader dans le domaine du développement de traitements de modification du repliement incorrect des protéines contre la maladie d’Alzheimer.
L’une des premières étapes du projet consistera à identifier les interactions menant au développement du phénotype au cours du vieillissement normal et en cas de pathologies. Ces travaux permettront en fin de compte la validation de nouvelles cibles pour des médicaments et de nouveaux marqueurs, avec pour objectif la prévention et la guérison des problèmes cognitifs liés au vieillissement.
Pour Michel Simonneau, professeur à l’École Normale Supérieure de Cachan et coordinateur de cet effort « ce projet ambitieux intègre les nombreuses initiatives européennes, comme JPND[1], ainsi que des programmes de recherche nationaux traitant du problème sociétal que posent les maladies neurodégénératives. Ce projet reçoit l’aide décisive de 4 petites et moyennes entreprises (PME), ce qui nous permettra d’obtenir des solutions potentielles pour la guérison et la prévention de ces maladies fréquentes liées à l’âge. Les liens établis entre l’université et l’industrie constituent la force motrice de ce programme de recherche et nous espérons qu’ils seront à terme bénéfiques à tous. »
[1] JPND, EU Joint Programme – Neurodegenerative Disease Research (programme conjoint européen – recherche sur les maladies neurodégénératives), voir https://www.neurodegenerationresearch.eu