Tau est une protéine essentielle à la stabilisation des cellules, notamment les neurones du cerveau. Dans le cas de nombreuses maladies appelées Tauopathies dont la plus connue est la maladie d’Alzheimer, les protéines Tau s’agrègent anormalement et seraient à l’origine de la dégénérescence neuronale. Aujourd’hui, l’équipe “Alzheimer & Tauopathies” dirigée par Luc Buée, directeur de recherche CNRS au sein de l’Unité Mixte 837 Inserm/Université Lille Nord de France/CHRU de Lille, vient d’identifier un nouveau rôle de cette famille de protéines. Tau serait impliquée dans la protection de l’ADN dans des conditions de stress cellulaire. Ces travaux ouvrent la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques permettant de progresser plus rapidement dans la lutte contre la maladie d’Alzheimer et les pathologies apparentées.
Les résultats, publiés dans l’édition du mois de février de la revue The Journal of Biological Chemistry, sont disponibles en ligne.
Avec plus de 860 000 personnes atteintes en France, la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées représentent la première cause de perte des fonctions intellectuelles liée à l’âge. Cette altération cognitive est le résultat de l’accumulation de protéines Tau anormales dans les cellules nerveuses qui entraine leurs dégénérescences (cf. schéma). Le dysfonctionnement de Tau provient d’un excès de phosphorylation (addition d’un groupe phosphate à une protéine ou à une petite molécule) conduisant à l’agrégation des protéines. La raison pour laquelle celles-ci subissent une phosphorylation anormale reste inconnue.
L’équipe “Alzheimer & Tauopathies” dirigée par Luc Buée révèle qu’une fraction de la protéine Tau sous sa forme “déphosphorylée” est capable, en conditions de stress cellulaire, de se fixer à l’ADN pour le protéger.
Les chercheurs ont observé, dans des neurones de souris déficients en protéines Tau, des dommages de leur l’ADN, en condition de stress cellulaire (choc thermique), ce qui n’est pas le cas dans des neurones normaux. L’ajout de protéines Tau normales (déphosphorylées) dans ces neurones déficients a permis de les protéger à nouveau des dommages à l’ADN. Ces résultats montrent que la protéine Tau est l’élément protecteur, ce qui lui confère un rôle clé dans la réponse au stress.
L’équipe de recherche a également montré que seules les protéines Tau « déphosphorylées » sont capables de passer dans le noyau de la cellule nerveuse pour protéger l’ADN. Dans le cas de la maladie d’Alzheimer et de nombreuses Tauopathies où l’on observe d’importants dommages à l’ADN, la phosphorylation anormale des protéines Tau empêcherait leur passage dans le noyau. Ainsi Tau ne pourrait pas exercer son rôle entrainant des dommages accrus à l’ADN.
Ces travaux ouvrent la voie à de nouvelles pistes de recherche permettant de progresser plus rapidement dans la lutte contre cette maladie et les pathologies apparentées. “Nous cherchons aujourd’hui à identifier la région de Tau impliquée dans la liaison à l’ADN et proposons d’étudier les mécanismes du passage de Tau dans le noyau, explique Luc Buée. En effet, moduler la phosphorylation permettrait de restaurer l’ensemble des fonctions normales de Tau et de protéger à nouveau les neurones des malades”.
Zoom sur la dégénérescence des neurones dans la maladie d’Alzheimer – Dans le cas des neurones sains (en haut), la protéine Tau est normale. Dans le cas de neurones malades (en bas), des amas de protéines Tau anormales (phosphorylées) se forment entrainant la dégénérescence. © Wikimedia Commons