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Communiqués et dossiers de presse

Anorexie / boulimie : une protéine bactérienne mise en cause

07 Oct 2014 | Par Inserm (Salle de presse) | Physiopathologie, métabolisme, nutrition

Les troubles du comportement alimentaire (TCA) tels que l’anorexie mentale, la boulimie, l’hyperphagie touchent environ 5% à 10% de la population générale sans que l’on connaisse les mécanismes biologiques en cause. Des chercheurs de l’Unité Inserm 1073 « Nutrition, inflammation et dysfonction de l’axe intestin-cerveau » (Inserm/Université de Rouen) révèlent l’implication d’une protéine produite par certaines bactéries intestinales qui serait à l’origine de ces troubles. Les anticorps produits par l’organisme contre cette protéine réagissent aussi avec la principale hormone de la satiété en raison d’analogies de structures. Selon les chercheurs, ce mécanisme qui induit des variations de la prise alimentaire pourrait à terme être corrigé.

Ces résultats sont publiés dans la revue Translational Psychiatry, publiée on-line le 7 octobre 2014. Voir la découverte en vidéo :

L’anorexie mentale, la boulimie et l’hyperphagie sont des troubles du comportement alimentaire (TCA). Si l’on ajoute les formes moins bien définies ou atypiques, les TCA concernent 15-20% de la population, en particulier chez l’adolescent et l’adulte jeune. Malgré différentes études psychiatriques, génétiques ou neurobiologiques, le mécanisme moléculaire à l’origine de ces troubles reste mystérieux. La caractéristique commune aux différentes formes de TCA est la dérégulation de la prise alimentaire, diminuée ou augmentée selon les cas.

L’équipe de Sergueï Fetissov au sein de l’unité mixte de recherche 1073 « Nutrition, inflammation et dysfonction de l’axe intestin-cerveau » (Inserm/Université de Rouen) dirigée par Pierre Déchelotte, étudie les liens entre l’intestin et le cerveau qui pourraient expliquer ce dérèglement.

Le sosie de l’hormone de la satiété

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont identifié une protéine qui s’avère être le sosie de l’hormone de la satiété (mélanotropine). Cette protéine (ClpB) est fabriquée par certaines bactéries telles qu’Escherichia coli présentes naturellement dans la flore intestinale. En présence de la protéine, des anticorps sont produits par l’organisme et dirigés contre celle-ci. Ils vont aussi se lier à l’hormone de la satiété du fait de son homologie de structure et donc modifier l’effet satiétogène de l’hormone. La sensation de satiété est atteinte (anorexie) ou n’est plus atteinte (boulimie – hyperphagie). Par ailleurs, la protéine bactérienne apparait elle-même avoir des propriétés anorexigènes.

Des variations de la prise alimentaire en présence de la protéine bactérienne

Pour aboutir à ces résultats, les chercheurs ont modifié la composition de la flore intestinale de souris pour étudier leur réponse immunologique et comportementale. La prise alimentaire et le taux d’anticorps contre la melanotropine du 1er groupe de souris, ayant reçu des bactéries E.coli mutées (pas de production de ClpB), n’ont pas changé. Au contraire, le taux d’anticorps et la prise alimentaire varient pour le 2ème groupe d’animaux ayant reçu des E. coli produisant des protéines ClpB.

L’implication probable de cette protéine bactérienne dans les troubles du comportement alimentaire chez l’homme a été établie grâce à l’analyse des données de 60 patients.

L’échelle standardisée « Eating disorders inventory-2 » a permis le diagnostic des patients et l’évaluation de la sévérité de leurs troubles à partir d’un questionnaire sur leurs comportements et leurs émotions (envie de maigrir, boulimie, peur de la maturité…). Les taux plasmatiques d’anticorps dirigés contre ClpB et la mélanotropine sont plus élevés chez ces patients. De plus, leur réponse immunologique va déterminer le développement des troubles alimentaires vers l’anorexie ou la boulimie.

Ces données valident ainsi l’implication de la protéine bactérienne dans la régulation de l’appétit et ouvre de nouvelles perspectives de diagnostic et de traitement spécifique des troubles du comportement alimentaire.

Corriger l’action du sosie de l’hormone de la satiété

“Nous travaillons actuellement au développement d’un test sanguin basé sur la détection de la protéine bactérienne ClpB. Si nous y arrivons, il permettrait la mise en place de thérapies spécifiques et individualisées des troubles du comportement alimentaire” soulignent Pierre Déchelotte et Sergueï Fetissov, auteurs de cette étude.

En parallèle, les chercheurs étudient chez la souris comment corriger l’action de la protéine bactérienne pour empêcher la dérégulation de la prise alimentaire qu’elle engendre. “D’après nos premières observations, il serait en effet possible de neutraliser cette protéine bactérienne par des anticorps spécifiques sans affecter l’hormone de la satiétéconcluent-ils.

Cette étude a été réalisée en collaboration avec d’autres équipes et plateformes de l’Institut de Recherche et de l’Innovation de Normandie (IRIB) à Rouen et avec l’Université de Tartu (Estonie). Elle étude prolonge d’autres travaux de l’équipe de recherche publiés en 2013 qui révélaient des mécanismes moléculaires d’augmentation de l’appétit par des immunoglobulines protégeant l’hormone de la faim (ghréline) au cours de l’obésité.

Ces travaux ont fait l’objet de deux demandes de brevets déposés par Inserm Transfert.

Contacts
Contact Chercheur

Pierre Déchelotte

Directeur de l’Unité Inserm 1073 « Nutrition, inflammation et dysfonction de l’axe intestin-cerveau » (Inserm/Université de Rouen)

Tel : 02 32 88 64 65 / 02 35 14 82 40

Cvreer.Qrpurybggr@puh-ebhra.se

Sergueï Fetissov

Chercheur Unité Inserm 1073 « Nutrition, inflammation et dysfonction de l’axe intestin-cerveau » (Inserm/Université de Rouen)

frethrv.srgvffbi@havi-ebhra.se

Tel : 02 35 14 82 55 / 40

Secrétariat du laboratoire : 02 35 14 82 40

Contact Presse

Inserm - Juliette Hardy

01 44 23 60 98 / cerffr@vafrez.se

Sources

Bacterial ClpB heat-shock protein, an antigen-mimetic of the anorexigenic peptide α-MSH, at the origin of eating disorders

Naouel Tennoune1,2, Philippe Chan4,2, Jonathan Breton1,2, Romain Legrand1,2, Yassine Naït Chabane3,2, Kirsti Akkermann7, Anu Järv8, Wassila Ouelaa1,2, Kuniko Takagi1,2, Ibtissem Ghouzali1,2, Marie Francois1,2, Nicolas Lucas1,2, Christine Bole-Feysot1,2, Martine Pestel-Caron6,2,9, Jean-Claude do Rego5,2, David Vaudry4,2, Jaanus Harro7, Emmanuelle Dé 3,2,Pierre Déchelotte1,2,9, Sergueï O. Fetissov1,2*

 1Inserm UMR1073, Nutrition, Gut and Brain Laboratory, Rouen, 76183, France;

2Institute for Research and Innovation in Biomedicine (IRIB), Rouen University, Normandy University, 76000, France;

3Polymères, Biopolymères, Surfaces, UMR 6270 CNRS, Mont-Saint-Aignan, 76821, France;

4PISSARO Proteomic Platform, Mont-Saint-Aignan, 76821, France;

5Animal Behavior Platform (SCAC), Rouen, 76183, France;

6Microbiology Laboratory GRAM, EA2656, Rouen, 76183, France;

7Department of Psychology, Estonian Centre of Behavioural and Health Sciences, Tartu, 50409, Estonia;

8Tartu University Clinics, Psychiatric Hospital, University of Tartu, Tartu, 50417, Estonia;

9Rouen University Hospital, CHU Charles Nicolle, 76183, Rouen, France.

Translational Psychiatry, octobre 2014

Doi:10.1038/tp.2014.98

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