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Paludisme : identification d’une machinerie moléculaire essentielle à la transmission par le moustique

Glande salivaire de moustique (noyau des cellules marqué en bleu) infectée par Plasmodium (parasite marqué en rouge). Olivier Silvie/Inserm

Le paludisme reste une cause majeure de mortalité dans le monde, notamment en Afrique. La maladie est due à un parasite du genre Plasmodium transmis à l’homme par un moustique. Le parasite s’accumule dans les glandes salivaires de l’insecte, avant d’être injecté dans la peau à l’occasion d’une piqûre. Au cours des premières heures d’infection, le parasite injecté par le moustique migre de la peau jusqu’au foie, où il se multiplie avant d’infecter les globules rouges dans le sang. Jusqu’à présent, les mécanismes moléculaires d’entrée du parasite dans les glandes salivaires chez le moustique ou dans les cellules du foie chez l’homme étaient mal connus.

En combinant une approche génétique originale à une technique de microscopie électronique tridimensionnelle, une équipe dirigée par Olivier Silvie, et associant des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et de Sorbonne Université, au sein du Centre d’Immunologie et des Maladies Infectieuses, a identifié un complexe de protéines essentiel à la transmission du paludisme. Ce complexe, appelé AMA1-RON, est nécessaire non seulement pour l’invasion des globules rouges, mais aussi pour l’infection des cellules hépatiques et pour la colonisation des glandes salivaires chez le moustique.

Ce travail, réalisé en collaboration avec la plateforme d’imagerie de l’Institut Jacques Monod, révèle de nouveaux aspects des interactions hôte-parasite au cours du paludisme. Les résultats ouvrent de nouvelles pistes pour le développement de stratégies antipaludiques visant à bloquer la transmission du paludisme. Ils font l’objet d’une publication dans la revue Plos Pathogens.

Et si les fourmis pouvaient aider à diagnostiquer certains cancers ?

Formica fusca © Paul Devienne, Laboratoire d’éthologie expérimentale et comparée de l’Université Sorbonne Paris Nord

La détection des cancers est un enjeu majeur de santé publique, mais les méthodes disponibles actuellement, par exemple les IRM ou les mammographies, sont souvent chères et invasives, ce qui limite leur utilisation à grande échelle. Des méthodes alternatives comme l’utilisation de l’odorat animal sont à l’étude pour dépasser ces contraintes. Une équipe regroupant des scientifiques du CNRS, de l’Université Sorbonne Paris Nord, de l’Institut Curie et de l’Inserm a mis en évidence les performances d’une espèce de fourmis, Formica fusca, dans ce domaine. Après un apprentissage de quelques minutes, ces insectes, qui utilisent l’olfaction pour leurs tâches quotidiennes, sont parvenus à différencier des cellules humaines saines de cellules humaines cancéreuses. En analysant les composés émis par les différentes cellules, les scientifiques ont démontré que chaque lignée cellulaire avait bien sa propre odeur qui pouvait être utilisée par les fourmis pour les détecter.

L’efficacité de cette méthode doit être évaluée grâce à des tests cliniques sur un organisme humain complet ; mais cette première étude montre le potentiel élevé des fourmis, capables d’apprendre très rapidement, à un moindre coût, tout en étant efficaces. Ces résultats sont à découvrir dans la revue iScience.

Covid-19 : Une revue pour comprendre les facteurs génétiques et immunologiques responsables des pneumopathies

Coronavirus SARS-CoV-2

Coronavirus SARS-CoV-2 accrochés au niveau des cils de cellule épithéliale respiratoire humaine. © Manuel Rosa-Calatrava, INSERM ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C

 

Comment expliquer que certains patients infectés par le SARS-CoV-2 ne présentent aucun symptôme alors que d’autres développent une pneumopathie pouvant aller jusqu’au décès ? Cette question, qui intrigue beaucoup les scientifiques depuis le début de la pandémie, a longuement été étudiée dans le cadre d’une collaboration internationale pilotée par des équipes de l’Inserm, d’Université de Paris et de l’AP-HP au laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, dans ses deux branches : à l’Institut Imagine, situé à l’Hôpital Necker-Enfants Malades AP-HP, et à l’Université Rockefeller de New-York.

Dans une revue publiée dans la revue Nature, ils reviennent sur différentes études qui ont permis de montrer qu’au moins 20 % des cas de pneumopathies graves suite à une infection par le SARS-CoV-2 s’expliquent par des anomalies génétiques et immunologiques qui fragilisent la réponse immunitaire portée par les interférons de type I. Les auteurs décryptent également les mécanismes permettant d’expliquer comment ce défaut de la réponse immunitaire mène à la diffusion du virus dans tout l’organisme et aux états inflammatoires observés dans les formes sévères de la maladie.

Près de 10% des individus développent une pneumopathie hypoxémique[1] suite à l’infection par le SARS-CoV-2, qui peut devenir critique dans 3 % des cas et justifier le recours à la ventilation mécanique. Les personnes âgées et les hommes sont particulièrement à risque.

Depuis le début de la pandémie, des recherches ont été menées pour expliquer la grande hétérogénéité clinique du Covid-19 et identifier les causes des formes sévères. Les travaux des scientifiques de l’Inserm, d’Université de Paris et de l’AP-HP à l’Institut Imagine et à l’Université Rockefeller, coordonnés par Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel, ont permis des avancées dans ce domaine.

Déficit de la réponse interféron

Dans plusieurs études, qui sont décrites dans la revue publiée dans Nature, ils ont en effet montré que les patients qui développent des pneumopathies présentent tous un déficit dans la voie de l’interféron de type I (IFN 1), un groupe de 17 protéines habituellement produites de manière rapide par les cellules de l’organisme en réponse à une infection virale et qui a pour principal effet d’inhiber la réplication du virus dans les cellules infectées.

Les équipes ont également montré que des mutations des gènes TLR3 et TLR7, conduisent au développement de formes critiques. Respectivement dans les cellules de l’épithélium respiratoires et dans les cellules dendritiques plasmacytoïdes (un type de cellule immunitaire), ces gènes sont essentiels pour la production des interférons de type 1 qui participent la défense de l’organisme contre le SARS-CoV-2.

D’autres publications ont aussi mis en évidence la présence chez ces patients d’auto-anticorps qui visent spécifiquement les interférons de type 1.

Dans la revue, les chercheurs expliquent ainsi qu’une réponse immunitaire insuffisante au niveau des voies respiratoires dans les premiers jours qui suivent l’infection pourrait expliquer la diffusion du virus dans l’organisme et l’inflammation pulmonaire et systémique qui en résulte.

Répondre aux questions qui subsistent

Ces données sont désormais confirmées et complétées par d’autres études. Les scientifiques ont notamment montré dans une cohorte de 34,000 individus âgés de 18 à 100 ans que la concentration de ces auto-anticorps dans le sang est plus élevée chez les hommes et chez les personnes de plus de 70 ans. Cela permettrait en partie d’expliquer pourquoi ceux-ci sont plus à risque de développer une pneumopathie grave.

Ces travaux ont plusieurs implications cliniques qui sont également décrites dans l’article. En effet, on pourrait envisager de tester facilement les individus à risque de formes graves afin de savoir s’ils présentent des auto-anticorps visant les interférons de type 1 et de leur proposer des traitements par interférons de manière précoce.  Dans le contexte de la vaccination, les doses de rappel pourraient aussi être proposées en priorité à cette population.

Parmi les questions qu’il reste à élucider, les scientifiques souhaitent désormais mieux comprendre pourquoi les quantités d’auto-anticorps visant les interférons augmentent chez les personnes âgées, mais également identifier les facteurs immunologiques et génétiques qui expliquent l’apparition des pneumopathies dans les 80 % des cas restants.

 

[1] L’hypoxémie est définie comme un faible taux d’oxygène dans le sang.

Un vaccin contre l’asthme efficace chez la souris

coupes de poumon de souris dans un modèle d'asthme

Visualisation au microscope de coupes de poumon de souris dans un modèle d’asthme avec une coloration à l’acide périodique et Schiff montrant une forte production de mucus (violet foncé) et un infiltrat de globules blancs autour des bronches dans le groupe contrôle (gauche) mais pas dans le groupe vacciné (droite). © Dr Eva Conde

Les équipes Inserm dirigées par Laurent Reber (Infinity, Toulouse) et Pierre Bruhns (Immunité Humorale, Institut Pasteur, Paris) et l’entreprise française NEOVACS ont mis au point un vaccin qui pourrait induire une protection à long-terme contre l’asthme allergique, réduisant la sévérité des symptômes de la maladie et améliorant ainsi significativement la qualité de vie des malades. Leurs travaux menés chez l’animal font l’objet d’une publication dans la revue Nature Communications.

L’asthme est une maladie chronique qui touche environ 4 millions de personnes en France et 340 millions dans le monde. L’asthme allergique se caractérise par une inflammation des bronches et une gêne respiratoire provoquée par l’inhalation d’allergènes, le plus souvent des acariens. Cette exposition aux acariens et autres allergènes entraine la production d’anticorps appelés immunoglobulines E (IgE) et des cytokines de type 2 (comme les interleukines IL-4 et IL-13) dans les voies aériennes. Cela entraine alors une cascade de réactions aboutissant à une hyperréactivité des voies respiratoires, une surproduction de mucus et une éosinophilie (taux trop élevé de globules blancs appelés éosinophiles dans les voies aériennes).

Les corticoïdes inhalés sont les médicaments de référence pour contrôler l’asthme. Cependant, dans le cas d’asthme sévère, ce traitement ne suffit pas. Il faut alors avoir recours à des traitements par anticorps monoclonaux thérapeutiques ciblant justement les IgE où les voies IL-4 et IL-13, qui sont très onéreux et contraignent les patients à effectuer des injections pendant des années, voire tout au long de leur vie.

Pour pallier ce problème, les chercheurs de l’Inserm, de l’Institut Pasteur et l’entreprise NEOVACS ont mis au point un vaccin conjugué, appelé kinoïde, en couplant les cytokines recombinantes IL-4 et IL-13 avec une protéine porteuse appelée CRM197 (forme mutée non pathogène de la toxine diphtérique, utilisée dans de nombreux vaccins conjugués).

Les résultats précliniques (dans des modèles animaux) démontrent que ce vaccin induit une production durable d’anticorps dirigés spécifiquement contre l’IL-4 et l’IL-13. En effet, six semaines après la première injection du vaccin conjugué, 90 % des souris présentaient des fort taux d’anticorps. Plus d’un an après la primo-immunisation, 60 % d’entre elles avaient encore des anticorps capables de neutraliser l’activité de l’IL-4 et l’IL-13.

Les chercheurs ont aussi montré un effet sur les symptômes de l’asthme : ce vaccin était capable de fortement diminuer les taux d’IgE, l’éosinophilie, la production de mucus et l’hyperréactivité des voies respiratoires dans un modèle d’asthme allergique aux acariens.

Cette étude suggère donc l’efficacité à la fois prophylactique et thérapeutique du vaccin dans ce modèle d’asthme et aucun effet indésirable n’a été observé chez l’animal.

Les travaux de l’équipe de recherche doivent désormais faire l’objet d’un essai clinique.

La souche historique du SARS-CoV-2 décroît alors que progression du variant britannique s’intensifie

 

Cellule infectée par le SARS-CoV-2. © Sébastien Eymieux et Philippe Roingeard, INSERM – Université de Tours.

Face à l’apparition des variants du SARS-COV2, les cartes de progression de l’épidémie de Covid 19 ont été rebattues. D’après les derniers scénarios élaborés par les chercheurs de l’Inserm sous la direction de Vittoria Colizza, le variant « britannique » pourrait devenir dominant en France la dernière semaine de février ou la première semaine de mars, avec de grandes disparités régionales. Pour le moment, le déploiement prévu de la vaccination aurait un impact limité sur ces trajectoires mais le renforcement des « mesures barrières » pourrait permettre de gagner du temps.

Les données relatives aux admissions à l’hôpital montrent qu’après une augmentation de leur nombre de décembre (6 700 hospitalisations hebdomadaires en moyenne) à début janvier (environ 9 000), l’épidémie a plafonné dans la deuxième moitié du mois, après la mise en œuvre du couvre-feu à 18H et le renforcement des mesures de distanciation sociales en France.

Sur la base de la circulation du variant britannique estimée début janvier, les chercheurs de l’Inserm considèrent que ce plateau observé résulte du contrepoids de deux dynamiques opposées : une circulation décroissante de la souche historique (avec des effectifs reproducteurs passant sous la barre du chiffre 1[1]) opposée à l’augmentation exponentielle de celle de la variante. Celle-ci pourrait devenir dominant d’ici la fin du mois de février ou le début du mois de mars.

Un possible ralentissement lié aux vacances scolaires, avec des mesures de distanciation sociale plus contraignantes, ainsi que le renforcement du dispositif tracer-tester-isoler permettrait de gagner du temps supplémentaire avant une résurgence des cas attendue, associée à la diffusion des variants.

[1] (0,95 en France, 0,95 en île de France)

Covid-19 : optimiser la surveillance dans les établissements de soins de longue durée

© Adobestock

Depuis l’émergence de l’épidémie de Covid-19, les établissements de soins de longue durée ont été, partout dans le monde, des lieux à haut risque de circulation du virus. Dans ce contexte, il est essentiel pour ces établissements de pouvoir surveiller et contrôler au plus tôt le nombre de cas. Des chercheurs de l’Institut Pasteur, en collaboration avec l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, l’Inserm et le Conservatoire national des arts et métier, ont analysé différentes méthodes de surveillance et de tests des pensionnaires de ces établissements. Les résultats de cette étude montrent l’importance d’adapter les stratégies de surveillance en fonction des capacités de tests des établissements. Si les capacités sont suffisantes, une stratégie de dépistage dite « en cascade » sera plus efficace. Si elles sont faibles, une stratégie de dépistage par tests groupés sera plus efficace. Les résultats ont été publiés dans le journal BMC Medicine le 8 décembre 2020.

Face à la pandémie de Covid-19, les hôpitaux sont en première ligne dans la lutte contre la maladie et constituent des lieux à haut risque de circulation du virus. Dans les hôpitaux de soins de suite et de long séjour, qui ne sont pas censés accueillir de patients atteints du Covid-19, le virus peut également circuler activement via l’admission, entre autres, de patients ou de personnels qui auraient été infectés par le virus en communauté ou dans un autre lieu de soin.

Lorsque des épidémies nosocomiales (c’est-à-dire développées dans un établissement de soins) en résultent, il est crucial pour ces établissements de les détecter au plus tôt afin de mettre en place les mesures de contrôle adéquates, évitant ainsi que le virus ne se propage largement dans l’établissement et ne vienne contaminer des patients déjà fragiles.

Pourtant, la détection rapide du virus est rendue difficile par plusieurs facteurs : une importante part de personnes infectées est peu ou pas symptomatique et la plupart de ces lieux de soin ne disposent que de faibles ressources en termes de dépistage des patients et personnels.

Des stratégies différentes en fonction des capacités de tests

Afin d’aider à la mise en œuvre de stratégies de surveillance efficace des cas de Covid-19 dans les établissements de soins de longue durée, des chercheurs de l’Institut Pasteur, en collaboration avec l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, l’Inserm et le Conservatoire national des arts et métiers, ont mené une étude de modélisation s’appuyant sur une description fine des contacts au sein d’un de ces établissements. 

Pour cela, les chercheurs ont analysé l’efficacité d’une large gamme de stratégies de surveillance. « Les résultats montrent que les stratégies initialement recommandées et mises en place depuis le mois de mars en établissements de soins de longue durée peuvent être adaptées en fonction des capacités de dépistage de chaque établissement » explique Lulla Opatowski, chercheuse au sein de l’unité d’Épidémiologie et modélisation de la résistance aux antimicrobiens à l’Institut Pasteur et co-dernière auteur de l’étude. Ces stratégies consistent à dépister seulement, par le biais de tests RT-PCR, les personnes présentant des symptômes de Covid-19.

Les chercheurs ont ensuite identifié, selon la capacité locale des établissements en matière de tests, les stratégies d’usage de ceux-ci permettant une surveillance plus efficace. Si les ressources en tests sont suffisantes (à partir de 5 tests pour 100 lits par jour), les méthodes de tests en « cascade » permettent de détecter significativement et rapidement la circulation du virus et d’éviter ainsi des épidémies nosocomiales de tailles importantes. Cette stratégie dite « en cascade » consiste à tester les personnes à haut risque d’infection en priorité, c’est-à-dire les personnes présentant des symptômes ou les patients nouvellement admis à l’hôpital.

En revanche, lorsque les ressources sont faibles (moins de 2 tests disponibles par 100 lits par jour), les résultats de l’étude montrent l’intérêt d’une stratégie basée sur les tests groupés.

Cette stratégie, déjà mise en place dans plusieurs pays, consiste à combiner des échantillons de plusieurs individus [1]afin de les analyser sous un seul test RT-PCR. Malgré une certaine perte de sensibilité, ces tests groupés permettent de réduire le délai de détection et donc le nombre d’infections secondaires dans l’hôpital et ce, avec relativement peu de ressources.

« Dans l’ensemble, nos résultats montrent les défis liés à la surveillance des épidémies de Covid-19 dans les milieux à long séjour. Alors que d’autres technologies de dépistage apparaissent, les tests RT-PCR restent les plus courants dans ces milieux de soins et la stratégie standard dans les systèmes de surveillance de la Covid-19 » conclut Lulla Opatowski.

Ce travail constitue une des premières études de modélisation qui traite de la surveillance de Covid-19 dans les milieux de soins de longue durée. L’augmentation de la capacité de dépistage et la mise à jour des protocoles de surveillance en conséquence pourraient ainsi faciliter la détection précoce des flambées épidémiques dans les établissements de soins.

 

[1] Les tests groupés (ou « poolés ») consistent à mélanger plusieurs échantillons naso-pharyngés prélevés sur des patients dans un seul et même test RT-PCR. Si le résultat est positif, cela signifie qu’au moins un patient du pool est positif. Dans ce cas, l’ensemble des personnes faisant partie du pool doivent être testées à nouveau. En cas de résultat négatif, aucun autre test n’est nécessaire.

Covid-19 : Un modèle mathématique pour améliorer le système de dépistage français et mieux contrôler l’épidémie

L’étude s’intéresse au système de dépistage de nouveaux cas de Covid-19 au moment du premier déconfinement. © Adobe Stock

Comment améliorer les politiques de santé publique mises en place pour détecter les nouveaux cas de Covid-19 ? A l’heure du déconfinement et à l’approche des fêtes de fin d’année, cette question est plus que jamais d’actualité. Avec l’objectif d’éclairer les politiques publiques sur ce sujet et de continuer à freiner l’épidémie en France, la directrice de recherche Inserm Vittoria Colizza et son équipe à l’Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique (Inserm/Sorbonne Université) ont développé un nouveau modèle mathématique permettant de tirer de premiers enseignements scientifiques du dispositif « tester – tracer – isoler » mis en place au moment du premier déconfinement de l’été 2020. Leurs travaux sont publiés dans le journal Nature.

 A l’approche des fêtes de Noël et au moment où les pouvoirs publics envisagent les prochaines étapes pour alléger les restrictions, la mise en place d’une politique efficace de dépistage des cas de Covid-19 et de traçage des « cas-contacts » est considérée comme une priorité afin de garder le contrôle de l’épidémie.

Vittoria Colizza, directrice de recherche Inserm à l’Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique (Inserm/Sorbonne Université) publie avec ses collègues une nouvelle étude pour faire le bilan de la stratégie « tester – tracer – isoler » mise en place lors du dernier déconfinement.

L’idée est de mieux appréhender son efficacité et d’identifier ses éventuelles limites en utilisant un modèle mathématique pour estimer le nombre de cas symptomatiques de Covid-19 n’ayant pas été détectés en France métropolitaine entre le 11 mai 2020 et le 28 juin 2020.

Afin de renseigner les paramètres du modèle mathématique et estimer le nombre de cas symptomatiques de Covid-19 pendant le déconfinement, les chercheurs ont eu recours à différents types de données : les chiffres d’admission à l’hôpital région par région, des données socio-démographiques, des estimations de Santé Publique France indiquant le pourcentage de personnes respectant les mesures barrières ou encore à des données de mobilité de Google permettant d’avoir une meilleure idée du nombre de personnes retournant en présentiel sur leur lieu de travail.

En parallèle, pour mieux appréhender les comportements des Français en matière de santé pendant le déconfinement et évaluer les éventuels retards dans leur prise en charge, les chercheurs se sont aussi appuyés sur des données issues du système de surveillance participative mis en place par l’Inserm, Santé Publique France et Sorbonne Université. Initialement connu sous le nom de « grippenet.fr » et visant à suivre l’évolution des épidémies de grippe sur le territoire français, ce système est devenu Covidnet.fr au printemps. Par ce biais, ils ont peu avoir accès à des données portant sur l’état de santé et les comportements de près de 7500 personnes entre mai et juin 2020.

Enfin, les chercheurs se sont penchés sur les données du système de surveillance virologique national SI-DEP qui comprend tous les résultats de tests Covid-19 réalisés par les laboratoires de biologie médicale, afin de comparer le nombre de cas de Covid-19 estimés grâce à leur modèle au nombre de cas positifs rapportés via ce dispositif de surveillance.

Mieux cibler les personnes à dépister

A partir de leur modèle, les scientifiques estiment qu’au cours de la période étudiée le nombre de cas symptomatiques de Covid-19 a été sous-estimé : environ 90 000 cas symptomatiques de Covid-19 n’auraient pas été identifiés dans le cadre du système de dépistage mis en place dans la période suivant le déconfinement.

Le nombre de personnes positives au Covid-19 aurait donc été supérieur au nombre estimé à partir des données issues de la surveillance virologique via le système SI-DEP. Par ailleurs, les données issues de Covidnet.fr suggèrent que seul 31 % des personnes ayant présenté des symptômes de Covid-19 ont consulté un médecin sur cette période. 

Pour les chercheurs, il est donc important de mieux sensibiliser la population et de continuer à adapter le système de dépistage pour qu’il soit mieux ciblé en direction des personnes symptomatiques, dès les premières manifestations cliniques. 

En identifiant la majorité des cas de Covid-19 présentant des symptômes, il sera ensuite plus aisé de tracer leurs contacts et d’identifier d’éventuels cas asymptomatiques. A noter que depuis la période de l’étude, le système de dépistage a largement évolué avec notamment l’arrivée des tests antigéniques facilitant ainsi l’accès aux tests à un plus grand nombre. 

L’étude suggère aussi que même une augmentation faible du taux d’incidence (nombre de tests positifs pour 100 000 habitants) a un impact délétère sur la capacité à identifier de nouveaux cas. Pour les chercheurs, il s’agit surtout de mieux cibler les personnes qui doivent se faire tester, même lorsque le virus circule faiblement et que le nombre de nouveaux cas est faible.

« Une forte sous-estimation des cas est un frein majeur au contrôle de l’épidémie. En effet, les cas non identifiés continuent de propager le virus mettant à risque notre stratégie de contrôle. Tester-tracer-isoler est le seul moyen dont nous disposons pour continuer à freiner la propagation du virus en allégeant les mesures restrictives ciblant toute la population. La tâche est d’autant plus ardue que nous sommes en période hivernale. Notre étude suggère qu’il faut continuer à renforcer les capacités de dépistage pour qu’elles soient plus ciblées, efficaces et accessibles à tous pour lutter contre la pandémie », conclut Vittoria Colizza.

Nouvelle analyse de la mobilité des Français au cours de la première semaine du confinement

Comment la mobilité est-elle impactée par le reconfinement ? Crédits : Adobe Stock

Depuis fin octobre, la France est entrée dans un deuxième confinement afin de ralentir la circulation du virus et le nombre d’hospitalisations. Bien que plus légères que lors du confinement mis en place au printemps, ces mesures restrictives ont un impact sur la mobilité des personnes à différentes échelles spatiales et temporelles.

Une équipe de recherche, coordonnée par les chercheurs Inserm Vittoria Colizza et Eugenio Valdano en collaboration avec l’opérateur  téléphonique Orange, s’est appuyé sur les données des téléphones mobiles pour analyser la mobilité de la population française au cours de la première semaine ouvrée du confinement actuel (du 2 au 6 novembre 2020). Ces données rendent compte pour chaque journée des déplacements sur 1436 différentes zones géographiques réparties sur tout le territoire français et sont stratifiées en fonction de l’âge des personnes et de l’heure de la journée à laquelle intervient le déplacement.

Dans un nouveau rapport, les chercheurs présentent donc une analyse spatiale (mobilité nationale, régionale et locale), temporelle (par semaine, par jour, par heure) et par classe d’âge (jeunes, adultes, seniors) des déplacements au cours de la première semaine du confinement. De plus, la mobilité est comparée avec celle enregistrée au cours de la première semaine de travail du premier confinement (23-27 mars 2020).

Les données suggèrent que la mobilité a bien diminué depuis l’annonce de ce deuxième confinement. En effet, elle est inférieure de 33 % par rapport aux niveaux de mobilités observés en 2020 avant que la pandémie ne prenne de l’ampleur. Elle est toutefois plus importante que celle observée en mars, au début du premier confinement (elle atteignait alors – 67% des niveaux de mobilité pré-pandémique) et est caractérisée par de fortes disparités régionales.

Cette moindre réduction est notamment expliquée par les mesures de confinement moins restrictives, notamment le maintien de l’ouverture des écoles et d’un plus grand nombre de secteurs d’activité.

Autre résultat d’intérêt : les chercheurs mesurent aussi une forte association entre la réduction de la mobilité et les indicateurs socio-économiques, indiquant que les restrictions de mobilité sont les plus prononcées parmi les catégories de population les plus aisées, confirmant les résultats déjà trouvés lors du premier confinement, apparus sur Lancet Digital Health.

Cette première analyse constitue un outil supplémentaire pour évaluer l’impact des politiques publiques actuelles mises en place dans le contexte de la crise sanitaire et pour éclairer les futurs ajustements possibles.

Obésité et « maladie du foie gras » augmentent la vulnérabilité des patients atteints de Covid-19

 

Crédits : Adobe Stock

L’obésité est un facteur de risque de développer une forme grave de Covid-19. Des chercheurs espagnols de l’Université de Saint Jacques de Compostelle ont mené une étude en collaboration avec des chercheurs français de l’Inserm, de l’Université de Lille et du CHU de Lille et des chercheurs allemands de l’Université de Lübeck pour comprendre la vulnérabilité de cette population de patients. Ils ont identifié des biomarqueurs chez les patients obèses atteints de stéatohépatite (ou « maladie du foie gras ») expliquant ce risque plus élevé de maladie sévère. Leurs résultats sont publiés dans le Journal of Hepatology. 

La stéatohépatite non alcoolique ou « maladie du foie gras » non alcoolique se caractérise par une inflammation et par une fibrose hépatique (tissu cicatriciel remplacant les cellules hépatiques endommagées). Cette pathologie est parfois associée à l’obésité, maladie chronique touchant 1,9 milliard de personnes dans le monde.

Alors que la pandémie de Covid-19 continue de frapper toutes les régions du monde, les patients présentant une obésité et une stéatohépatite non alcoolique associée sont particulièrement à risque.

Ces nouveaux travaux ont permis de mettre en évidence chez ces personnes une expression plus élevée de l’ACE2, le récepteur cellulaire du virus, et l’enzyme Tmprss2 qui facilite l’union des membranes du virus et de la cellule.

« Ces patients sont dotés d’un mécanisme très efficace permettant l’entrée du virus, ce qui accroit leur vulnérabilité en cas d’infection », indique le chercheur espagnol Ruben Nogueiras qui a coordonné l’étude. Curieusement, ces observations ne s’appliquent pas aux patients obèses présentant une stéatose simple (un stade plus léger que la stéatohépatite) ou aux patients obèses atteints de diabète de type 2.

Fruit d’une collaboration internationale, ces travaux ont été pilotés par le Centre de Recherche de Médecine Moléculaire et de Maladie Chronique (CIMUS) de l’Université de Saint Jacques de Compostelle (Espagne), en collaboration avec des chercheurs du réseau espagnol étudiant la physiopathologie de l’obésité et de la nutrition (CIBERobn) des chercheurs de Lille (Université de Lille, Inserm, CHU de Lille) dont le directeur de recherche Inserm Vincent Prévot, et de Lühbeck (Allemagne). Ces recherches ont été financées par le Conseil Européen de la Recherche (ERC Synergy-2019-WATCH-810331).

L’exposition au plomb pendant la grossesse associée à une diminution du poids de naissance

Photo by Aditya Romansa on Unsplash

L’exposition au plomb au cours de la grossesse est associée à une diminution du poids à la naissance de l’enfant. C’est ce que confirme une étude menée auprès d’une cohorte européenne mères-enfants coordonnée par Rémy Slama, directeur de recherche Inserm à l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/CNRS/Université de Grenoble). Elle s’inscrit dans le vaste projet HELIX (Early-Life Exposome) mené par l’Inserm et des partenaires européens, dont l’objectif est d’évaluer l’exposition précoce à 131 facteurs environnementaux sur la santé. Ce travail a été publié dans l’International Journal of Epidemiology.

Chaque jour, nous sommes exposés à de nombreux facteurs environnementaux : bruit, pollution atmosphérique, conditions météorologiques, pesticides, perturbateurs endocriniens, métaux lourds, etc. L’ensemble de ces éléments constitue ce que l’on appelle l’exposome. Ce concept désigne en effet toutes les expositions qui peuvent influencer la santé humaine tout au long de la vie, à l’exception des facteurs génétiques.

Des équipes de recherche décrivent et étudient l’impact de l’exposome sur différents paramètres de santé. Le directeur de recherche Inserm Rémy Slama et son équipe spécialisée en épidémiologie environnementale à l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/CNRS/Université de Grenoble) travaille en particulier sur les liens entre exposome et poids de naissance dans le cadre du projet européen HELIX (voir encadré).

Dans leur récente publication, ils ont étudié les relations entre l’exposition à 131 facteurs environnementaux au cours de la grossesse, et le poids des enfants à la naissance dans une cohorte européenne composée de 1287 paires mères-enfants. L’exposition à ces différents facteurs a été mesurée de plusieurs manières. Dans le cas des particules fines, les chercheurs ont par exemple utilisé des mesures et des modélisations de la pollution atmosphérique tandis que des dosages biologiques de prélèvements sanguins ou urinaires ont été réalisés pour étudier des substances chimiques comme les PCB (polychlorobiphényles), les phtalates ou encore le bisphénol A.

En moyenne, les enfants issus de la cohorte sont nés à 39 semaines de gestation révolues ; 90 % d’entre eux avaient un poids de naissance compris entre 2 550 g et 4 240 g. L’analyse statistique des chercheurs a permis d’identifier trois facteurs associés à des poids de naissance s’écartant de la moyenne, parmi lesquels l’exposition au plomb. Après correction sur les facteurs comportementaux et physiologiques connus pour influencer la croissance fœtale (durée de gestation, sexe, tabagisme maternel…), les chercheurs ont montré que le poids des enfants à la naissance diminuait de 97g à chaque fois que la concentration sanguine de plomb chez la mère était multipliée par deux.

En France, le niveau moyen d’exposition au plomb des femmes est relativement élevé, notamment en raison d’une interdiction tardive du plomb dans l’essence dans l’hexagone (en 2000) par rapport à d’autres pays comme les États-Unis. Dans l’étude, même chez les femmes présentant une plombémie inférieure à 10 µg / litre, soit une valeur très inférieure au seuil de déclenchement d’une déclaration obligatoire aux autorités sanitaires pour la prévention du saturnisme infantile (50 μg/L)[1], l’association avec le poids de naissance se maintenait.

Par ailleurs, deux autres types d’exposition ayant un impact sur le poids de naissance ont été identifiées, même si le lien était statistiquement moins robuste. L’exposition aux particules fines atmosphériques (les PM2,5) au cours du troisième trimestre de grossesse a été associée à un plus petit poids de naissance, tandis que l’exposition des garçons aux éthyl- et propyl-parabènes (des conservateurs utilisés dans les cosmétiques, les médicaments et les aliments pour leurs propriétés antibactériennes et antifongiques), était associée à un poids de naissance plus élevé. 

En considérant des dizaines de facteurs environnementaux simultanément au cours d’une étude et en proposant une description fine de l’exposome des femmes enceintes européennes, ces travaux marquent une avancée dans l’étude de l’exposome. 

Qu’est-ce que le projet HELIX ? 

Le projet HELIX (Early-Life Exposome) est un projet européen, précurseur dans l’étude de l’exposome. Lancé en 2013, il est destiné à mesurer l’exposition de la population à de nombreux facteurs environnementaux au cours des premières années de vie et à évaluer leur impact sur la santé (neuro-développement, santé respiratoire ou encore corpulence de l’enfant).

De nombreux agents chimiques préoccupants d’après les connaissances toxicologiques et épidémiologiques actuelles sont inclus dans l’analyse, ainsi que des facteurs physiques comme les rayons UV. Dans ce projet, les chercheurs étudient l’exposome durant la vie intra-utérine via les expositions de la femme enceinte, et pendant l’enfance à partir de dosages et de mesures réalisés chez l’enfant de 6 à 10 ans.

Le consortium HELIX regroupe six cohortes européennes, correspondant à un total d’environ 1300 familles. La partie française du projet s’est appuyée sur un peu moins de 200 familles, recrutées et suivies dans le cadre de la cohorte Eden mise en place par l’Inserm et les CHU de Poitiers et Nancy. A la suite d’une première série de projets sur l’exposome soutenus en 2013, parmi lesquels le projet HELIX, l’Union Européenne a soutenu 9 nouveaux projets sur l’exposome en 2020, dont deux associant l’Inserm.

[1]En France, pour toute concentration sanguine en plomb supérieure ou égale 50 µg/l de sang à chez la femme enceinte ou l’enfant, le médecin doit faire une déclaration obligatoire auprès de l’ARS.

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