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L’exposition au plomb au cours de la grossesse est associée à une diminution du poids à la naissance de l’enfant. C’est ce que confirme une étude menée auprès d’une cohorte européenne mères-enfants coordonnée par Rémy Slama, directeur de recherche Inserm à l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/CNRS/Université de Grenoble). Elle s’inscrit dans le vaste projet HELIX (Early-Life Exposome) mené par l’Inserm et des partenaires européens, dont l’objectif est d’évaluer l’exposition précoce à 131 facteurs environnementaux sur la santé. Ce travail a été publié dans l’International Journal of Epidemiology.
Chaque jour, nous sommes exposés à de nombreux facteurs environnementaux : bruit, pollution atmosphérique, conditions météorologiques, pesticides, perturbateurs endocriniens, métaux lourds, etc. L’ensemble de ces éléments constitue ce que l’on appelle l’exposome. Ce concept désigne en effet toutes les expositions qui peuvent influencer la santé humaine tout au long de la vie, à l’exception des facteurs génétiques.
Des équipes de recherche décrivent et étudient l’impact de l’exposome sur différents paramètres de santé. Le directeur de recherche Inserm Rémy Slama et son équipe spécialisée en épidémiologie environnementale à l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/CNRS/Université de Grenoble) travaille en particulier sur les liens entre exposome et poids de naissance dans le cadre du projet européen HELIX (voir encadré).
Dans leur récente publication, ils ont étudié les relations entre l’exposition à 131 facteurs environnementaux au cours de la grossesse, et le poids des enfants à la naissance dans une cohorte européenne composée de 1287 paires mères-enfants. L’exposition à ces différents facteurs a été mesurée de plusieurs manières. Dans le cas des particules fines, les chercheurs ont par exemple utilisé des mesures et des modélisations de la pollution atmosphérique tandis que des dosages biologiques de prélèvements sanguins ou urinaires ont été réalisés pour étudier des substances chimiques comme les PCB (polychlorobiphényles), les phtalates ou encore le bisphénol A.
En moyenne, les enfants issus de la cohorte sont nés à 39 semaines de gestation révolues ; 90 % d’entre eux avaient un poids de naissance compris entre 2 550 g et 4 240 g. L’analyse statistique des chercheurs a permis d’identifier trois facteurs associés à des poids de naissance s’écartant de la moyenne, parmi lesquels l’exposition au plomb. Après correction sur les facteurs comportementaux et physiologiques connus pour influencer la croissance fœtale (durée de gestation, sexe, tabagisme maternel…), les chercheurs ont montré que le poids des enfants à la naissance diminuait de 97g à chaque fois que la concentration sanguine de plomb chez la mère était multipliée par deux.
En France, le niveau moyen d’exposition au plomb des femmes est relativement élevé, notamment en raison d’une interdiction tardive du plomb dans l’essence dans l’hexagone (en 2000) par rapport à d’autres pays comme les États-Unis. Dans l’étude, même chez les femmes présentant une plombémie inférieure à 10 µg / litre, soit une valeur très inférieure au seuil de déclenchement d’une déclaration obligatoire aux autorités sanitaires pour la prévention du saturnisme infantile (50 μg/L)[1], l’association avec le poids de naissance se maintenait.
Par ailleurs, deux autres types d’exposition ayant un impact sur le poids de naissance ont été identifiées, même si le lien était statistiquement moins robuste. L’exposition aux particules fines atmosphériques (les PM2,5) au cours du troisième trimestre de grossesse a été associée à un plus petit poids de naissance, tandis que l’exposition des garçons aux éthyl- et propyl-parabènes (des conservateurs utilisés dans les cosmétiques, les médicaments et les aliments pour leurs propriétés antibactériennes et antifongiques), était associée à un poids de naissance plus élevé.
En considérant des dizaines de facteurs environnementaux simultanément au cours d’une étude et en proposant une description fine de l’exposome des femmes enceintes européennes, ces travaux marquent une avancée dans l’étude de l’exposome.
Qu’est-ce que le projet HELIX ?
Le projet HELIX (Early-Life Exposome) est un projet européen, précurseur dans l’étude de l’exposome. Lancé en 2013, il est destiné à mesurer l’exposition de la population à de nombreux facteurs environnementaux au cours des premières années de vie et à évaluer leur impact sur la santé (neuro-développement, santé respiratoire ou encore corpulence de l’enfant).
De nombreux agents chimiques préoccupants d’après les connaissances toxicologiques et épidémiologiques actuelles sont inclus dans l’analyse, ainsi que des facteurs physiques comme les rayons UV. Dans ce projet, les chercheurs étudient l’exposome durant la vie intra-utérine via les expositions de la femme enceinte, et pendant l’enfance à partir de dosages et de mesures réalisés chez l’enfant de 6 à 10 ans.
Le consortium HELIX regroupe six cohortes européennes, correspondant à un total d’environ 1300 familles. La partie française du projet s’est appuyée sur un peu moins de 200 familles, recrutées et suivies dans le cadre de la cohorte Eden mise en place par l’Inserm et les CHU de Poitiers et Nancy. A la suite d’une première série de projets sur l’exposome soutenus en 2013, parmi lesquels le projet HELIX, l’Union Européenne a soutenu 9 nouveaux projets sur l’exposome en 2020, dont deux associant l’Inserm.
[1]En France, pour toute concentration sanguine en plomb supérieure ou égale 50 µg/l de sang à chez la femme enceinte ou l’enfant, le médecin doit faire une déclaration obligatoire auprès de l’ARS.
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