© Inserm/Flore Avram
On s’attaque peut-être ici à l’un des mythes les plus répandus en matière de sport et de récupération après l’effort : les étirements permettent-ils de limiter les courbatures ? Malgré tout ce qu’on peut entendre lorsqu’on se rend dans certaines salles de sport ou sur quelques comptes « fitness » sur les réseaux sociaux, la réponse est non. Les étirements ne sont pas un exercice utile pour récupérer après un effort sportif. Mais alors pourquoi faire des étirements ? De nombreuses publications scientifiques se penchent sur le sujet des étirements notamment pour tenter d’optimiser les entraînements des sportifs, qu’ils soient des athlètes occasionnels ou de haut niveau, mais leurs conclusions sont parfois contradictoires. On tente donc d’y voir plus clair avec ce nouveau Canal Détox, le troisième de notre série publiée à l’occasion des JOP 2024 !
Avant même de se poser la question du meilleur moment pour réaliser les étirements ou du type d’étirements qui serait le plus bénéfique, il faut bien comprendre à quoi ils servent. Les données disponibles convergent sur ce point : les étirements permettent d’accroître la souplesse mais aussi d’améliorer la mobilité. En effet, plus l’on est souple, plus l’on est capable de maintenir l’amplitude des mouvements des articulations. Et perdre en souplesse, c’est risquer que les muscles ne puissent s’étendre complètement lors d’un mouvement, ce qui peut se traduire par une augmentation du risque de douleurs articulaires et de lésions musculaires. Ces bénéfices des étirements sont observés à des degrés divers selon l’état de santé et le niveau sportif d’une personne mais globalement, on peut dire que s’étirer est une pratique intéressante et utile à tous.
Il est néanmoins faux de considérer que les étirements sont un exercice facile qu’il faut nécessairement pratiquer après une session de sport pour récupérer et lutter contre les courbatures.
Les courbatures sont en fait dues à des microlésions musculaires qui apparaîssent au cours de l’effort, la douleur survenant ensuite, plusieurs heures à quelques jours après, sous l’effet de processus inflammatoires. Or, aucune donnée dans la littérature scientifique ne permet d’affirmer que les étirements ont un effet anti-inflammatoire et donc anti-douleur, même s’ils peuvent momentanément produire une sensation agréable. Qui plus est, des étirements mal réalisés et/ou trop intenses juste après un effort peuvent accentuer les microlésions dans les muscles et donc accroitre la douleur qui sera associée aux courbatures.
Étirements et vieillissement
Des travaux scientifiques essayent de capitaliser sur les bénéfices des étirements dans le contexte du vieillissement, avec l’idée que favoriser les étirements chez les personnes âgées est bénéfique pour favoriser la souplesse et la mobilité, augmenter la force musculaire et donc pour améliorer l’état de santé général.
C’est d’autant plus crucial que le manque de souplesse chez les personnes âgées peut causer des troubles de l’équilibre, une limitation des mouvements et une altération des paramètres spatio-temporels pendant la marche (vitesse de marche, longueur de la foulée, fréquence de la marche et amplitude des mouvements). Ces altérations peuvent entraver les activités quotidiennes et réduire par conséquent la qualité de vie. De plus, la réduction de l’amplitude des mouvements peut augmenter le risque de chute chez les personnes d’âgées.
Les recherches se poursuivent pour définir les programmes d’étirements les plus adaptés pour les personnes âgées, mais aussi pour des populations en contexte clinique, dans le cadre d’une rééducation après une opération de chirurgie orthopédique par exemple.
Quand, comment, pour qui ?
Au-delà de ces considérations générales, que faut-il recommander aux sportifs en matière d’étirements, que ce soit lorsque l’on pratique en amateur ou pour des athlètes de haut niveau ? Quand est-il pertinent de s’étirer et comment ?
La littérature scientifique est assez hétérogène sur le sujet. On l’a vu, les étirements après un effort ne favorisent pas la récupération et ne limitent pas les courbatures.
Et avant l’effort alors ? De manière générale, les études s’accordent pour dire que des exercices d’étirements de courte durée peuvent être réalisés dans le cadre d’un échauffement complet et que les étirements dynamiques sont plus souvent recommandés par rapport aux étirements statiques[1]. Cependant, l’intérêt des étirements dynamiques par rapport à d’autres types d’étirements reste encore débattu par les spécialistes.
De plus, il faut être prudent lorsqu’on pratique à haut niveau. Si de toute évidence pour certains sports (par exemple la gymnastique ou le patinage artistique), la souplesse fait partie des facteurs déterminants de la performance et les étirements doivent être intégrés à la routine pré-exercice, pour d’autre types de sport où la force et la vitesse sont des paramètres centraux, les étirements peuvent avoir un impact délétère sur la performance. L’une des raisons est qu’avoir des muscles moins « raides », comme c’est le cas après un étirement, ne favorise pas la vitesse des gestes ni l’explosivité[2].
Si l’on résume donc, dans l’absolu, pour un sportif occasionnel sans objectif compétitif, un étirement bien réalisé avant un effort n’handicapera pas outre mesure sa recherche de performance et participera à améliorer sa souplesse globale. Mais pour un sportif compétiteur, l’étirement juste avant l’activité peut se faire au détriment de sa force, et n’est donc pas toujours recommandé. Les conseils de l’entraîneur et la prise en compte du sport pratiqué, de l’entraînement global du sportif, de son niveau de souplesse et de son état physique général seront dans tous les cas déterminants pour décider ou non de s’étirer avant l’effort, et de quelle manière.
Enfin, plus largement, il pourrait être intéressant, peu importe le niveau sportif, de pratiquer des étirements plutôt au cours de sessions dédiées, à distance dans le temps d’un effort sportif, afin d’améliorer le niveau de souplesse globale sans impact sur la performance. C’est d’autant plus intéressant qu’il a aussi été montré que plus l’on est souple, moins le fait de réaliser des étirements avant un effort aura un impact délétère sur la performance.
Une chose est certaine : lorsque l’on fait du sport, surtout avec un objectif précis en tête, il est utile de bien s’entourer, et de se faire conseiller par un professionnel, qu’il s’agisse d’un entraîneur, d’un athlète plus aguerri, d’un kinésithérapeute, d’un médecin du sport…
Dans une récente étude, des sportifs (occasionnels et de haut niveau) ont été interrogés sur leur pratique des étirements. Seuls 37 % d’entre eux rapportaient avoir été supervisés pour la réalisation de leurs étirements. Il pourrait être intéressant de renverser cette tendance, en encourageant toutes les personnes qui font régulièrement du sport à aller chercher les conseils et l’accompagnement d’un professionnel, afin d’apprendre à s’étirer avec la bonne intensité, la bonne technique et le bon positionnement, et en accord avec ses propres objectifs de performance et de souplesse.
Texte rédigé avec le soutien de Nicolas Babault, chercheur au CAPS de l’Inserm (unité 1093 Inserm/Université de Bourgogne) et professeur à l’université de Bourgogne
[1]Les étirements statiques consistent à pratiquer un mouvement pour « tendre » un muscle et à maintenir la position pendant plusieurs secondes. À l’inverse, les étirements dynamiques se caractérisent par l’absence de maintien d’une position. En effet, il s’agit d’effectuer lentement des mouvements actifs, répétés dans des amplitudes de plus en plus grandes, pour amener les muscles en position d’étirement.
[2]L’explosivité est la capacité à enclencher, en un temps court, une forte contraction musculaire.