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Canal Détox

C’est normal d’avoir mal pendant les règles, vraiment ?

Combien de fois les femmes n’ont-elles pas entendu qu’il était normal d’avoir des douleurs au moment des règles ? Dans ce nouveau Canal Détox, l’Inserm revient sur les idées reçues, mais aussi sur l’importance de proposer une prise en charge plus adaptée et plus complète, prenant réellement en compte la parole et les expériences des femmes.

Le 31 Oct 2023 | Par INSERM (Salle de presse)

Modélisation en 3D d’un utérusModélisation en 3D d’un utérus. © Adobe Stock

Combien de fois les femmes n’ont-elles pas entendu qu’il était normal d’avoir des douleurs au moment des règles ? Au point que peu d’entre elles consultent aujourd’hui pour ces douleurs et d’autres symptômes prémenstruels et/ou menstruels.  

Pourtant, depuis quelques années, la parole se libère. La visibilité nouvelle donnée à l’endométriose a notamment permis de positionner le sujet des maladies gynécologiques, et plus spécifiquement des douleurs de règles, dans le débat public. Sur les réseaux sociaux, les comptes dédiés aux problématiques gynécologiques se multiplient, on parle de règles sans tabou, et des termes comme « syndrome prémenstruel », « trouble dysphorique prémenstruel » ou « dysménorrhée » commencent à émerger dans les discussions.

Dans ce nouveau Canal Détox, l’Inserm revient sur ces différentes notions qui font souvent l’objet de confusions et d’idées reçues, mais aussi sur l’importance de proposer une prise en charge plus adaptée et plus complète, prenant réellement en compte la parole et les expériences des femmes.

 

Comprendre la situation et la prévalence de la douleur  

On dit souvent que les douleurs associées aux règles sont « normales ». En fait, dans la pratique clinique, la question est rarement posée aux femmes et nombre d’entre elles choisissent de ne pas consulter, craignant qu’il ne s’agisse pas d’un problème de santé considéré « légitime » et redoutant de ne pas être prises au sérieux, comme l’ont rapporté plusieurs études qualitatives portant sur l’expérience des femmes face aux services de santé. Dans les faits, le tableau complet de situation concernant les douleurs de règles – scientifiquement appelées « dysménorrhées » – est souvent mal compris, de même que leur impact sanitaire et socio-économique.

Une équipe de recherche impliquant des scientifiques de l’Inserm a permis d’y voir plus clair sur la situation française, en menant une large étude s’appuyant sur les données de la cohorte Constances[1]. Plus spécifiquement, les chercheurs se sont intéressés à 21 287 femmes âgées de 18 à 49 ans ayant répondu à des questionnaires de santé, et notamment à des questions sur d’éventuelles dysménorrhées, dyspareunies (douleurs pendant et après les rapports sexuels) et douleurs pelviennes non liées aux règles.

Le résultat concernant les dysménorrhées est sans appel : les douleurs de règles seraient particulièrement fréquentes dans la population française. Environ 90 % des femmes réglées de 18 à 49 ans présentent une dysménorrhée cotée de 1 à 10 (sur une échelle où 0 correspond à aucune douleur et 10 à une douleur maximale insupportable). Parmi elles, 40 % vont présenter une dysménorrhée modérée à sévère avec une douleur comprise entre 4 et 10.

Les causes de ces douleurs peuvent être variées. L’endométriose concerne environ 1 femme sur 10 : les formes symptomatiques pourraient donc expliquer une partie des cas, mais ne peuvent seules être mises en cause dans la prévalence élevée des douleurs menstruelles. D’autres facteurs ont parfois été avancés comme des malformations utérines, des maladies inflammatoires du bas ventre… Il faut néanmoins souligner que les douleurs ne sont pas toujours associées à une pathologie sous-jacente. Au moment des règles, l’utérus produit des substances inflammatoires nommées prostaglandines, provoquant des contractions musculaires pouvant être douloureuses, sans qu’une maladie particulière ne soit responsable.

Pourquoi certaines femmes sont-elles tout de même plus sujettes que d’autres à ces douleurs ? La réponse n’est pas encore tout à fait claire. Des publications, comme par exemple une revue de littérature dans Epidemiologic Reviews, suggèrent que les antécédents familiaux de dysménorrhée augmentent fortement le risque pour une femme de souffrir à son tour de ces douleurs. Par ailleurs, des données épidémiologiques indiquent que des facteurs modifiables tels que le tabagisme, l’alimentation ou l’obésité pourraient jouer un rôle, mais ces données ne sont pas encore assez nombreuses ni assez solides pour être concluantes, et les scientifiques ne comprennent pas encore quels pourraient être les mécanismes physiopathologiques sous-jacents.

Il est surtout crucial de s’intéresser au retentissement de ces douleurs sur le quotidien des femmes, en prenant le temps de les écouter et de leur poser des questions spécifiquement sur ce sujet. Avoir mal pendant les règles n’est ni normal, ni une fatalité et une prise en charge adaptée, passant parfois par l’utilisation de certains traitements (antidouleurs, traitements hormonaux dans certains cas…) peut avoir des effets bénéfiques.

Des études plus précises pour comprendre l’impact des douleurs sur les activités quotidiennes mais aussi sur les barrières à l’accès aux soins pourraient apporter de précieuses informations, permettant de mieux prendre en charge les patientes à l’avenir.

 

Et le syndrome prémenstruel dans tout cela ?

Au-delà de la discussion qui commence à s’ouvrir au sujet des douleurs, quand on aborde le sujet des règles, c’est surtout les termes de « syndrome prémenstruel » et de « trouble dysphorique prémenstruel » qui sont le plus souvent évoqués dans les médias et sur les réseaux sociaux. Les deux notions sont parfois confondues et pas toujours bien définies – d’autant qu’aucun mécanisme physiopathologique n’a été bien décrit dans la littérature scientifique jusqu’ici.

On s’accorde toutefois généralement pour dire que le syndrome prémenstruel est une série de symptômes physiques et psychiques qui démarrent entre quelques heures et plusieurs jours avant les règles, et qui disparaissent généralement peu après leur arrivée. A priori sans gravité, ces symptômes sont néanmoins désagréables, franchement pénibles voire handicapants pour certaines femmes. Comme on ne comprend pas encore bien l’origine de ces symptômes, il n’existe aucun traitement spécifique actuellement.

Lire notre article sur le sujet : C’est quoi le syndrome prémenstruel ?

Cependant, plusieurs approches peuvent être proposées aux patientes pour réduire les désagréments, notamment en agissant sur certaines habitudes (tenter d’avoir un meilleur sommeil, pratiquer une activité physique, réduire la consommation d’alcool et de caféine…) ou en prescrivant des traitements pour lutter contre les symptômes. En gardant en tête que toutes les femmes sont différentes et que ce qui fonctionne pour l’une n’est pas toujours efficace pour une autre. Là encore, écouter la parole des patientes, s’efforcer de personnaliser l’approche thérapeutique et prendre en compte le vécu de la personne est essentiel.

Que sait-on du trouble dysphorique prémenstruel ?

Depuis quelque temps, on entend aussi souvent parler de « trouble dysphorique prémenstruel ». Celui-ci est souvent défini comme une forme sévère de syndrome prémenstruel, avec au premier plan d’importants symptômes psychologiques (symptômes dépressifs, anxiété, sautes d’humeur…). Au point que certains médecins le rangent même dans la catégorie des troubles psychiatriques. Ce point fait néanmoins débat dans la communauté scientifique, d’autant que les mécanismes biologiques et fonctionnels sous-jacents ne sont pas encore compris.

En bref, il n’y a pas encore de définition claire et consensuelle de ce trouble, de sa prévalence et de qui sont les personnes qui sont le plus touchées. La bonne nouvelle, c’est que de plus en plus de recherches s’intéressent au sujet, et plus précisément au rôle des hormones et d’autres mécanismes biologiques. Mais les limites méthodologiques demeurent importantes et la distinction avec la notion de « trouble prémenstruel » n’est pas toujours faite dans ces études. Des travaux de qualité, s’appuyant sur une définition plus précise de ce trouble, seraient nécessaires pour y voir plus clair et pour apporter de véritables réponses aux patientes.

 

Quelques idées reçues sur les règles et le cycle menstruel

1) « L’ovulation se produit nécessairement le 14e jour après le début des règles » : la première moitié du cycle menstruel (phase folliculaire) peut avoir une longueur très variable, entre 5 et 20 jours sans que ce soit pathologique. L’ovulation peut donc intervenir plus tôt ou plus tard que le 14e jour.

2) « Le sport et les règles sont incompatibles » : cette idée est répandue, probablement parce que les douleurs et autres symptômes que l’on peut ressentir pendant les règles peuvent décourager la pratique de l’exercice. Et pourtant, de nombreuses études ont permis de montrer que l’activité physique a au contraire un impact bénéfique sur les douleurs. Une revue Cochrane a récemment montré que les exercices de faible intensité, comme le yoga, ou de forte intensité, comme l’aérobic, peuvent réduire considérablement l’intensité des douleurs par rapport à l’absence d’exercice.

3) « Il est impossible de tomber enceinte pendant ses règles » : si la probabilité est effectivement proche de 0, il faut garder en tête que les cycles ne sont pas toujours réguliers et varient aussi d’une femme à l’autre. Les femmes sont généralement fertiles environ entre les jours 10 et 21 du cycle. Si les règles durent 5 à 7 jours et qu’un rapport sexuel intervient vers la fin de celles-ci, il est théoriquement possible de concevoir, car le sperme peut survivre jusqu’à 5 jours après les rapports sexuels dans le tractus génital féminin.

4) « Notre cycle menstruel se synchronise avec celui de nos proches » : si vous habitez avec d’autres femmes, vous avez peut-être déjà eu vos règles au même moment et vous vous êtes donc fait la réflexion que vos cycles se calaient l’un sur l’autre. La plupart des études qui tentent de confirmer ce phénomène ont été critiquées pour leur méthodologie peu rigoureuse et il n’existe pour l’heure aucune preuve d’une possible « synchronisation des cycles ». Comme les règles durent plusieurs jours par mois et reviennent en moyenne toutes les trois semaines, le fait de les avoir en même temps qu’une proche tient plus de la probabilité statistique que d’un phénomène biologique. On peut ici aussi rappeler qu’aucune étude non plus n’a apporté de preuve concernant un quelconque lien entre le cycle lunaire et le cycle menstruel.

5) « Un cycle irrégulier est un signe d’infertilité » :  cette idée est également fausse. Une femme peut ovuler un jour différent à chaque cycle et donc présenter des cycles irréguliers, sans qu’il y ait infertilité. D’ailleurs, il est utile de rappeler que lorsqu’on parle d’« infertilité », on parle d’un couple et non d’une personne seule.

[1] Constances est une cohorte épidémiologique « généraliste » constituée d’un échantillon représentatif de 200 000 adultes âgés de 18 à 69 ans à l’inclusion, consultant des centres d’examens de santé (CES) de la Sécurité sociale.

 

Texte rédigé avec le soutien du Dr François Margueritte, gynécologue obstétricien et  chercheur au CESP Inserm U1018, équipe soins primaires et prévention

 

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