Le champagne contient des acides phénoliques, composés organiques étudies dans de nombreux travaux scientifiques. Crédits : Adobe Stock
À l’approche des fêtes de fin d’année et du défi sans alcool du mois de janvier (Dry January), certains sujets de santé se retrouvent régulièrement sur le devant de la scène. De nombreux articles se penchent ainsi sur les effets à long terme sur l’organisme d’une consommation élevée de boissons alcoolisées. Certains sujets sont aussi consacrés à la consommation de boissons festives, comme le champagne, sur la santé cardiovasculaire et neurologique.
La plupart des études portant sur les effets du champagne sur la santé s’intéresse au rôle des acides phénoliques (dont des flavonoïdes). Ces composés organiques, présents dans les vins et le champagne mais aussi dans des aliments comme le cacao et l’huile d’olive, favoriseraient la santé cardiovasculaire d’après plusieurs études épidémiologiques. Les mécanismes biologiques ne sont pas encore entièrement élucidés, mais ces composés auraient un rôle dans le maintien de l’intégrité des tissus vasculaires (artères, vaisseaux, capillaires) ainsi que des propriétés anti-inflammatoires et anti-oxydantes. Des limites méthodologiques ont cependant été rapportées dans plusieurs travaux de recherche sur le sujet.
Des rats et du champagne
C’est le cas d’une étude parue en 2013 menée à l’université de Reading. Celle-ci fait régulièrement parler d’elle à l’approche de noël sur les réseaux sociaux : ses résultats suggèrent en effet que le champagne pourrait être bénéfique pour la mémoire et même avoir dans certains cas des effets protecteurs contre des maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer.
Menée sur des rats, l’étude montre que les animaux qui avaient reçu du champagne quotidiennement pendant 6 semaines avaient une meilleure capacité à s’orienter dans un labyrinthe et à mémoriser le chemin pour accéder à une récompense alimentaire par rapport à ceux qui avaient reçu un autre type de boisson alcoolisée (sans acides phénoliques) ou une boisson sans alcool. Les chercheurs ont également observé des modifications de l’hippocampe cérébral chez les rats qui avaient consommé le champagne, témoignant d’une neuroplasticité accrue.
Toutefois, cette étude souffre de plusieurs biais méthodologiques. Il est d’abord très difficile d’extrapoler des résultats obtenus chez l’animal à l’humain et de tirer des conclusions à partir d’exercices de mémorisation sur la pathologie d’Alzheimer et la prévention des maladies neurodégénératives. De plus, les rats ayant reçu le champagne semblaient obtenir de meilleurs résultats que les autres mais la différence n’était pas statistiquement significative. Autrement dit, cette étude n’est pas en mesure de démontrer que les acides phénoliques contenus dans le champagne sont bien responsables des effets observés sur la mémoire des animaux.
L’alcool impliqué dans le développement des démences
Par ailleurs, de nombreux articles sensationnalistes ou billets sur les réseaux sociaux qui vantent les mérites de l’alcool sur le cerveau, en s’appuyant ou non sur cette étude de 2013, occultent les risques avérés et largement documentés d’une consommation excessive d’alcool. Le champagne, même s’il contient des composés pouvant avoir certains effets bénéfiques, reste une boisson alcoolisée dont les effets sur l’organisme peuvent être délétères. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime ainsi que la surconsommation d’alcool est responsable d’environ un décès sur vingt dans le monde – liés à des maladies mais aussi à des accidents, blessures ou homicides se produisant sous les effets de l’alcool.
Les maladies neurodégénératives, dont la maladie d’Alzheimer, arrivent d’ailleurs en tête des pathologies pour lesquelles la consommation d’alcool joue un rôle défavorable. Une étude publiée par le Lancet Public Health en 2018, portant non pas sur des animaux mais sur les données de 57 000 personnes atteintes de démences précoces (avant l’âge de 65 ans) dans les hôpitaux français entre 2008 et 2013, souligne que la surconsommation d’alcool était impliquée dans près de la moitié des cas constatés.
Ces résultats sont confirmés par une autre large étude de cohorte dans BMJ coordonnée par l’Inserm et publiée la même année, qui a suivi sur une période de 23 ans plus de 9 000 personnes âgés d’environ 50 ans lors de la mesure de la consommation d’alcool. Elle montre que la consommation excessive d’alcool à long terme est associée à une augmentation du risque de démence. Au-delà de la limite de 10 verres[1] par semaine, tous les 7 verres par semaine supplémentaires (équivalent à 1 verre par jour) augmentaient le risque de démence de 20 % pour atteindre un risque pouvant être multiplié par 4 chez les plus gros buveurs.
Plus récemment, des travaux menés par ces chercheurs de l’Inserm publiés dans JAMA ont aussi mis au jour un lien entre perte de connaissance suite à une consommation excessive d’alcool et risque accru de développer la maladie d’Alzheimer à plus long terme. Ce risque était évident, que la consommation habituelle d’alcool soit modérée ou excessive, soulignant le rôle propre d’une forte consommation d’alcool en une seule et même occasion, qui peut amener à une perte de connaissance.
Le respect des recommandations officielles des autorités sanitaires joue un rôle majeur dans la prévention à long terme des maladies chroniques et des pathologies neurodégénératives, tandis qu’à court terme, il permet d’éviter les accidents et les intoxications liées à une surconsommation d’alcool. Pour rappel, les recommandations françaises soulignent qu’au cours d’une semaine, il est conseillé d’avoir plusieurs jours sans consommation d’alcool, de ne pas boire plus de deux verres dits « standards » les jours où l’on consomme de l’alcool, et de ne pas consommer plus de dix verres standards par semaine.
[1] Un verre « standard » équivaut environ à 25 cl de bière à 5°, à 12,5 cl de vin de 10° à 12° ou encore à 3 cl d’alcool distillé à 40°.