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Diagnostiquer l’endométriose avec un test salivaire, vraiment ? Un point sur les nouvelles données

L’endométriose est une maladie gynécologique répandue qui touche une femme sur dix. Les retards de diagnostic sont fréquents. Que montrent les nouvelles données publiées portant sur un test de diagnostic salivaire ?

Le 23 Juin 2023 | Par INSERM (Salle de presse)

endométriose

Crédits : Inserm

L’endométriose est une maladie gynécologique répandue qui touche une femme sur dix. Pourtant, jusqu’à présent, elle demeurait relativement mal connue du grand public. Ce n’est que récemment que les pouvoirs publics ont commencé à s’y intéresser.

En janvier 2022, le président Emmanuel Macron a ainsi annoncé le déploiement d’une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose. Par ailleurs, le Plan interministériel 2023-2027 pour l’égalité entre les femmes et les hommes, présenté le 7 mars 2023 par la Première ministre Élisabeth Borne, a annoncé l’accélération des actions de recherche contre l’endométriose. Un programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR) confié à l’Inserm (PEPR Santé des femmes, santé des couples) devrait permettre de matérialiser cette ambition, puisqu’il a pour objectif de développer les connaissances sur cette maladie mais aussi sur la fertilité et l’assistance médicale à la procréation.

Si ces mesures ont été bien accueillies par les patientes, la situation actuelle n’en reste pas moins compliquée, tant les retards de diagnostic sont fréquents et la prise en charge pas toujours adaptée.

Dans ce contexte, l’annonce en 2022 qu’un test salivaire avait été développé par la start-up lyonnaise Ziwig pour diagnostiquer rapidement et de manière non invasive l’endométriose n’était pas passée inaperçue. Les résultats publiés à l’époque dans le Journal of Clinical Medicine avait été considérés comme une première étape prometteuse qui ouvrait la porte à une confirmation à grande échelle en population générale.

Dans la suite de ce travail, l’équipe de recherche publie ce mois-ci de nouvelles données dans le journal NEJM Evidence. Canal Détox se penche sur leur portée clinique concrète.

 

Lire notre premier Canal Détox portant sur les données de 2022

 

Des retards de diagnostic

L’endométriose est une maladie caractérisée par la présence anormale, en dehors de la cavité utérine, de fragments de tissu semblable à celui de la muqueuse de l’utérus. Ces fragments vont s’implanter et proliférer sur de nombreux organes sous l’effet de stimulations hormonales. Les principaux symptômes sont des douleurs (notamment pelviennes, surtout pendant les règles) et, dans certains cas, une infertilité.

Il n’existe aujourd’hui pas de technique de dépistage de la maladie, que ce soit pour les femmes à risque ou en population générale. Les patientes qui présentent des symptômes peuvent se voir proposer un examen clinique (examen gynécologique) qui permet ensuite d’orienter la prescription d’une échographie ou d’une IRM. Seuls ces examens couplés à une biopsie (lorsque celle-ci est possible) sont capables de donner des réponses fiables aux patientes.

Cette situation, associée à une connaissance insuffisante de l’endométriose par les professionnels de santé, engendre des retards de diagnostic importants, et explique qu’à l’heure actuelle, il s’écoule en moyenne un délai de 6 à 10 ans avant que le diagnostic ne soit définitivement posé. Disposer d’un test rapide, fiable et non invasif pouvant être proposé aux femmes qui présentent des symptômes constituerait donc une avancée majeure.

De nouvelles perspectives pour les patientes

Le test salivaire mis au point ici a été développé à partir d’un échantillon de 200 femmes dont 153 présentaient un diagnostic d’endométriose. Concrètement, les scientifiques avaient cherché à identifier chez ces patientes des biomarqueurs caractéristiques de la maladie et étaient parvenus à isoler 109 microARN[1] exprimés différemment chez ces femmes par rapport à des femmes non atteintes mais présentant des symptômes évocateurs d’endométriose.

Dans leur premier article de 2022, les chercheurs avaient ainsi pu montrer que leur test présentait une sensibilité de 96 %, c’est-à-dire qu’il pouvait identifier 96 % des patientes atteintes d’endométriose, avec une excellente spécificité (très peu de faux positifs, voir encadré ci-dessous). Cependant, quelques limites méthodologiques avaient aussi été pointées.

 

Sensibilité et spécificité d’un test de diagnostic

La sensibilité et la spécificité expriment la capacité d’un test à catégoriser les patients (négatifs ou positifs pour la maladie considérée) :

  • la sensibilité est la probabilité du résultat positif du test chez les sujets porteurs de la maladie. On parle aussi de « taux de vrais positifs » ;
  • la spécificité est la probabilité du résultat négatif de test chez des patients non malades. On parle aussi de « taux de vrais négatifs ».

 

La nouvelle étude parue dans NEJM Evidence en juin 2023 est une analyse intermédiaire portant sur 200 nouvelles patientes (159 avec endométriose et 41 témoins) recrutées dans plusieurs centres en France. Il s’agit d’une analyse réalisée en cours d’essai, avant que toutes les patientes prévues aient été recrutées et/ou avant la fin de la période de suivi initialement prévue. Elle devrait être suivie à terme de résultats plus complets portant sur 800 femmes supplémentaires qui ont maintenant été recrutées.

L’équipe de recherche a ici procédé une nouvelle fois à un séquençage à haut débit des petits ARN pour identifier les microARN particulièrement exprimés chez les femmes présentant un diagnostic d’endométriose. De ces données ont été extraites les valeurs d’expression des 109 microARN précédemment identifiés, confirmant une nouvelle fois que le test a une forte sensibilité (96 %) et une forte spécificité (95 %). Ces résultats valident donc le panel de 109 microARN publié en 2022.

Il aurait toutefois pu être intéressant de refaire une nouvelle analyse sans rechercher spécifiquement ces 109 biomarqueurs, afin d’identifier indépendamment, et sans être influencé par les précédents résultats, un panel de microARN permettant le diagnostic mais aussi de répondre à d’autres questions essentielles au parcours de soins des patientes comme la réponse au traitement médical ou encore le risque de récidive après chirurgie.

Il est aussi important de noter que ce test a été développé et validé auprès d’une cohorte de patientes présentant des symptômes différenciant entre celles avec endométriose et celles du groupe témoin. Ces résultats ne peuvent donc pas être transposés à la population générale, comme un test de dépistage généralisé mais comme un test de diagnostic qui s’adresserait à la population de patientes qui présente des symptômes évocateurs d’endométriose selon les recommandations européennes.

Lors de la publication de la première étude, il avait été souligné que certaines femmes atteintes d’autres pathologies inflammatoires chroniques, comme la maladie de Crohn, pourraient présenter des signes d’inflammation similaires à ceux de l’endométriose en matière d’expression de biomarqueurs. Il semblait donc possible que les profils de microARN de ces patientes soient également similaires à ceux des femmes atteintes d’endométriose et qu’il soit difficile de distinguer ces maladies.

Cependant, parmi les microARN identifiés, il semblerait que certains permettent de caractériser d’autres mécanismes physiopathologiques que l’inflammation impliqués dans l’endométriose, par exemple des mécanismes liés à l’immunité ou à la prolifération cellulaire… Cet aspect pourrait expliquer la précision diagnostique du test salivaire aussi bien pour les stades précoces que pour les autres formes de l’endométriose.

L’analyse des 800 femmes additionnelles recrutées par l’équipe devrait désormais permettre d’apporter de nouvelles confirmations et perspectives. Cette étude représente une innovation technique, scientifique et médicale destinée à résoudre un problème de santé publique qui est l’errance diagnostique des patientes et à les orienter vers des choix thérapeutiques adéquats.

Texte rédigé avec le soutien de Daniel Vaiman, chercheur Inserm à l’institut Cochin à Paris, et Samir Hamamah, professeur de médecine et de biologie de la reproduction à la Faculté de médecine de Montpellier-Nîmes

[1] Un microARN est un ARN non codant qui joue un rôle important dans la régulation de l’expression des gènes. 

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