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Infecter délibérément les volontaires pour accélérer la recherche vaccinale Covid-19, vraiment ?

A l’annonce du démarrage des premiers essais cliniques de grande ampleur pour tester les vaccins contre la Covid-19, de nombreuses rumeurs et fausses informations ont été diffusées sur internet et sur les réseaux sociaux. Parmi les affirmations les plus partagées, source d’inquiétude pour de nombreux internautes, l’idée que les volontaires recrutés dans ces essais seraient […]

Le 19 Oct 2020 | Par INSERM (Salle de presse)

© Adobe Stock

A l’annonce du démarrage des premiers essais cliniques de grande ampleur pour tester les vaccins contre la Covid-19, de nombreuses rumeurs et fausses informations ont été diffusées sur internet et sur les réseaux sociaux. Parmi les affirmations les plus partagées, source d’inquiétude pour de nombreux internautes, l’idée que les volontaires recrutés dans ces essais seraient délibérément exposés au SARS-CoV-2 afin de tester le niveau de protection conféré par les candidats vaccins.

Une méthode employée lors de certains essais cliniques, désignée sous le nom de « challenge infectieux », consiste en effet à exposer des volontaires sains aux pathogènes contre lesquels on vise à les protéger dans des conditions très contrôlées. Les participants sont alors suivis de près par chercheurs et médecins pour les protéger de potentiels effets secondaires délétères.

Par le passé, cette approche a déjà été utilisée pour mieux comprendre les interactions entre certains pathogènes et leurs hôtes, mais aussi pour accélérer le développement d’agents thérapeutiques et de vaccins en permettant de prioriser ceux présentant le plus d’intérêt avant de démarrer des essais cliniques de grande ampleur, dont la durée atteint parfois plusieurs années.

Dans le contexte de la Covid-19, une telle approche soulève néanmoins un certain nombre d’interrogations éthiques. Pour y voir plus clair, Canal Détox coupe court aux fausses infos.

Une utilité dans certaines maladies

En dépit des inquiétudes et des interrogations qu’ils suscitent dans le contexte de la pandémie actuelle, les « challenges infectieux » ont dans le cas de certains vaccins permis à la recherche de faire un pas en avant. Utilisés dans un cadre strict, pour des maladies pour lesquelles des traitements sont déjà disponibles (par exemple la grippe, le paludisme, les maladies entériques), ils peuvent constituer un outil de plus dans l’arsenal des chercheurs. 

L’exemple du choléra est particulièrement intéressant. Comme le souligne un article paru dans la revue Vaccine, des challenges infectieux menés depuis quarante ans ont permis de confirmer le rôle de la toxine cholérique, facteur pathogène de la maladie du choléra. Ils ont aussi permis d’écarter assez rapidement, à des phases préliminaires des essais cliniques, des candidats vaccins qui ne présentaient pas d’intérêt, sans avoir à attendre qu’une large population soit exposée naturellement à la maladie. Les chercheurs ont ainsi pu gagner en temps et en efficacité, en ne testant en phase II et III que les vaccins les plus prometteurs. De cette façon, la mise en place d’un essai de phase III chez l’enfant au Népal a pu bénéficier des résultats d’un essai de challenge infectieux réalisé chez l’adulte en permettant de choisir la dose appropriée de vaccin.

Autre exemple : des études sur la paludisme s’appuyant sur « les challenges infectieux » ont également été menées. Elles ont confirmé le potentiel de cette approche à la fois pour l’évaluation de nouveaux candidats thérapeutiques et de vaccins et pour améliorer la compréhension de la biologie du parasite et son interaction avec l’humain. Afin de rendre ce type de travaux encore plus pertinents, ces modèles de challenge infectieux doivent toutefois être améliorés en tenant mieux compte de la diversité des espèces du parasite plasmodium responsables du paludisme.

Des débats éthiques dans un contexte pandémique

Mettre en place des études similaires pour la Covid soulève plusieurs problématiques éthiques, notamment parce que de nombreuses incertitudes subsistent concernant cette maladie émergente. Aucun traitement spécifique efficace n’existe encore à ce jour, ce qui pose la question de la prise en charge des participants qui développeraient des symptômes sévères suite à une exposition volontaire au virus. Même rares, les formes sévères peuvent survenir chez des personnes jeunes en bonne santé, sans que soient connus des facteurs prédisposant aux complications.

Alors que la pandémie continue de se propager dans les différentes régions du monde, avec un nombre croissant d’individus exposés au virus, des essais cliniques vaccinaux menés de manière rigoureuse et transparente devraient permettre d’obtenir des résultats rapidement sans avoir à passer par les « challenges infectieux ». Ainsi donc, les participants recrutés pour les grands essais cliniques vaccinaux qui seront menés en France dans le cadre de la plateforme Covireivac ne seront pas exposés de façon délibérée au virus. Pour savoir si un candidat vaccin est efficace, il faudra attendre que ces individus rencontrent le SARS-CoV-2 « naturellement » au cours de leurs activités quotidiennes pour ensuite comparer la proportion de personnes infectées dans le groupe recevant le vaccin vs dans le groupe recevant une substance non active (ou placebo).

Il faut néanmoins rester ouvert à ce que – dans l’avenir – une meilleure compréhension des risques, la disponibilité de traitements efficaces contre la Covid-19 et la nécessité de prioriser de nombreux nouveaux candidats vaccins, puisse mener dans le moyen terme à un réexamen du rapport risque-bénéfice qui pourrait justifier une telle approche.

 

Texte rédigé avec le soutien de Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à l’Inserm et Odile Launay, coordinatrice de la plateforme Covireivac de l’Inserm.

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