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FIV : des interrogations sur la santé à long terme, vraiment ?

Selon certains articles, les individus conçus par FIV seraient plus à risque de développer certains problèmes de santé. Canal Détox fait le point.

Le 06 Juin 2023 | Par INSERM (Salle de presse)

Embryon humain à huit cellules observé 72 heures après fécondation © Inserm/Lassalle, Bruno

L’assistance médicale à la procréation (AMP) concerne environ une naissance sur 30 en France, selon les données les plus récentes publiées sur le sujet. Parmi les techniques proposées (voir à la fin de l’article), la fécondation in vitro (FIV) est la plus utilisée, représentant 70 % des enfants conçus par AMP. Au cours des quarante dernières années, depuis les premiers succès de la FIV, ces chiffres n’ont cessé de croître.

En parallèle, de nombreux travaux ont été menés afin d’explorer les questionnements médicaux, scientifiques et éthiques suscités par ces techniques. L’une des interrogations centrales, régulièrement évoquée par les médias de manière plutôt pessimiste, concerne la santé à moyen et long terme des enfants nés par FIV.

Ces individus sont-ils vraiment plus à risque de développer certains problèmes de santé en grandissant – par exemple des altérations de la croissance, des troubles cardiovasculaires ou neuro-développementaux, ou même des cancers ? À l’âge adulte, sont-ils plus concernés par des problèmes de fertilité ? Quels travaux de recherche seraient aujourd’hui nécessaires afin de mieux appréhender ce sujet complexe ? Canal Détox fait le point.

Cet article a été préparé en s’appuyant sur le rapport très complet de l’Académie nationale de médecine sur le sujet : «  « Santé à moyen et à long terme des enfants conçus par fécondation in vitro (FIV) » Jouannet P., Claris O., Le Bouc Y. au nom d’un groupe de travail de l’Académie nationale de médecine

 

Des résultats globalement rassurants

La première chose à noter c’est que la période qui correspond à la fécondation et au développement embryonnaire avant l’implantation dans l’utérus est particulièrement fragile. Elle est marquée par des évènements majeurs au niveau génétique et épigénétique, qui jouent un rôle clé pour le développement de l’embryon mais aussi après la naissance. Lors de la FIV, cette période correspond aux phases où gamètes et embryons sont manipulés in vitro.

Il est donc logique que les scientifiques se soient intéressés de près aux conséquences de la FIV pour le développement et pour la santé des enfants et des jeunes adultes conçus de cette manière. Les études publiées sur le sujet tentent d’évaluer notamment s’ils sont plus fréquemment atteints de certains troubles – et si c’est le cas, dans quelle mesure un lien de causalité peut être établi avec les manipulations effectuées pendant la FIV.

Les données disponibles issues de ces travaux de recherche sont encore assez hétérogènes. Le message principal est que si les enfants conçus par FIV peuvent parfois être atteints de troubles de la santé, aucun problème particulier ne domine et leur prévalence est relativement modérée. Cette prévalence n’est pas beaucoup plus importante que chez les enfants conçus naturellement.

Prenons quelques exemples de pathologies qui ont souvent fait l’objet d’investigations. Dans un contexte où il a parfois été rapporté dans les médias que les enfants conçus par FIV présentent des retards de croissance, plusieurs études se sont intéressées à ce sujet, mettant en lumière des résultats plutôt rassurants. Si certains travaux soulignent bien des indices de masses corporels (IMC) plus faibles chez les enfants conçus par FIV, surtout en dessous de l’âge de 3 ans, des données ont ensuite montré que les éventuelles différences de croissance s’estompent à l’adolescence.

Autre inquiétude souvent relayée, celle d’une prévalence accrue des cancers pédiatriques chez les enfants nés par FIV. Si les résultats divergent d’une étude à l’autre, des travaux solides menés à partir des données de milliers d’enfants, notamment en Scandinavie, se sont montrés rassurants puisque les résultats n’indiquent pas de différence significative du taux de cancer chez les enfants conçus par FIV par rapport à ceux conçus naturellement.

Enfin, un point sur les anomalies cardiovasculaires, qui ont été centrales dans les débats scientifiques et médiatiques. Le consensus qui se dégage pour le moment est que les enfants et jeunes adultes nés par FIV présentent un risque modéré de troubles cardiovasculaires. Une augmentation légère de la pression artérielle est observée dans certaines études chez ces enfants et pourrait être associée à l’âge adulte à l’hypertension artérielle et à des maladies cardiovasculaires. Il est donc nécessaire de bien informer les parents à propos de ce risque et des stratégies de prévention pour le réduire, tout en y consacrant une attention particulière dans le suivi médical des enfants.

 

Des mécanismes imputables à la FIV ?

Un autre point intéresse les scientifiques et médecins qui travaillent dans le domaine : comment expliquer les incertitudes qui persistent sur certains troubles et les données contradictoires qui se dégagent parfois d’une étude à l’autre ?

Cela peut être en partie dû à des variations méthodologiques. En effet, les effectifs étudiés sont très variables, souvent avec un nombre faible de sujets et les groupes contrôles ne sont pas toujours pertinents. Les résultats peuvent aussi varier en fonction des catégories d’âge considérées, et les perturbations observées à un âge donné peuvent disparaitre à un âge plus avancé. Enfin, il n’est pas à exclure que le diagnostic des différents troubles puisse en partie être lié à une plus grande attention portée par les parents au développement et à la santé de leurs enfants nés par FIV par rapport au reste de la population.

Par ailleurs, les altérations observées chez les enfants ne sont pas forcément toutes directement imputables à la FIV. D’autres facteurs de risque propres à cette population pourraient aussi expliquer certains des troubles décrits.

Par exemple, dans le cas des troubles neuro-développementaux, la FIV ne semble globalement pas avoir d’effet délétère. Lorsque certains troubles sont diagnostiqués (troubles du spectre de l’autisme, de l’apprentissage, hyperactivité, anxiété…), ils pourraient plutôt être dus à d’autres facteurs de risque comme la prématurité. En outre, le contexte socio-familial doit mieux être pris en compte dans ce type d’étude.

Les couples infertiles peuvent aussi être plus à risque de transmettre à leurs enfants des facteurs responsables de perturbations de santé. Par exemple, certains garçons nés à la suite d’une FIV avec micro-injection de spermatozoïde dans l’ovocyte (ICSI), une technique proposée en cas d’infertilité masculine d’origine génétique, ont un risque accru d’être stériles comme leur père.

Priorités de recherche

Enfin, il est important de continuer les travaux pour mieux comprendre les mécanismes impliqués dans la survenue des troubles, notamment au niveau épigénétique, ainsi que les étapes de la FIV qui peuvent potentiellement augmenter certains des risques décrits.

Des études s’intéressent donc actuellement aux procédures utilisées pour réaliser une FIV, et suggèrent que dans ce cadre, ce sont les traitements hormonaux de stimulation ovarienne, les conditions de la culture embryonnaire et la congélation des embryons qui sont le plus souvent suspectés d’être à l’origine des troubles observés.

À l’heure actuelle, la priorité est aussi de poursuivre les études scientifiques dans des populations mieux caractérisées, notamment à des âges plus avancés de la vie, pour étudier la santé à long terme des individus nés par FIV. Il convient de mener des travaux à la fois cliniques et fondamentaux, pour comprendre d’où proviennent les altérations éventuelles et comment les éviter.

Malgré certaines incertitudes qui persistent, il faut enfin surtout continuer à informer, de manière aussi claire, objective et précise que possible, les personnes ayant recours à la FIV en les rassurant face aux messages pessimistes auxquels elles peuvent être confrontées mais aussi en leur donnant tous les éléments sur les risques potentiels à moyen et à long terme pour les enfants qui naitront.

 

L’AMP en pratique

Il existe différentes techniques pouvant être proposées aux couples infertiles candidats à l’AMP : insémination artificielle, FIV, FIV-ICSI…

Retrouvez toutes les informations sur ces différentes approches dans notre dossier dédié : https://www.inserm.fr/dossier/assistance-medicale-procreation-amp/

 

Texte rédigé avec le soutien de Thierry Galli (directeur de recherche Inserm et directeur de l’Institut Biologie cellulaire, développement et évolution), Jean Rosenbaum (directeur de recherche Inserm, Institut Biologie cellulaire, développement et évolution) et Christine Lemaitre (Institut Biologie cellulaire, développement et évolution et secrétaire générale du comité d’éthique de l’Inserm).

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