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Alors que le virus circule toujours sur l’ensemble du territoire national avec 610 cas groupés détectés depuis le 9 mai 2020 selon la direction générale de la Santé (DGS), la crainte d’une « deuxième vague » se fait de plus en plus vive. Afin de mieux appréhender la dynamique épidémique, plusieurs indicateurs sont pris en compte par les épidémiologistes et par les autorités sanitaires.
L’un d’entre eux, le taux de reproduction du virus R, est particulièrement étudié car il donne des informations précieuses sur un aspect important de l’épidémie : la transmissibilité du virus.
Il ne peut néanmoins être interprété de manière isolé pour prédire une éventuelle résurgence de l’épidémie, et doit être analysé avec prudence, à la lumière d’autres indicateurs de la situation sanitaire et mis en lien avec les données épidémiologiques disponibles. Un taux de reproduction supérieur à 1 ne peut à lui seul être annonciateur d’une seconde vague.
À quoi correspond le taux de reproduction R ?
Le taux de reproduction correspond à une estimation (sur les 7 derniers jours) du nombre moyen de personnes qu’un porteur du virus contamine. Il se calcule à partir de trois paramètres : la probabilité de transmission du virus lors d’un contact à risque, le nombre de contacts à risque et la durée de l’intervalle de génération entre deux infections (que l’on peut assimiler à la durée de la période contagieuse).
À titre d’exemple, en France, le 15 mars 2020 (peu avant le pic épidémique), le R avait été estimé à 2,8 (c’est-à-dire qu’un porteur du virus infectait en moyenne 2,8 personnes). Il a ensuite diminué pendant la période du confinement, en raison notamment de la réduction du nombre de contacts à risque entre les personnes. Ainsi, le 11 mai 2020, lors de la mise en place du déconfinement, il était de 0,8. Autrement dit, une personne infectée contaminait moins d’une autre personne. En s’appuyant notamment sur ces chiffres, l’épidémie avait alors été considérée comme étant en régression en France.
Depuis plusieurs semaines, le taux de reproduction est en augmentation. Au 24 juillet 2020, le taux de reproduction au niveau national avait ainsi atteint 1,3. Néanmoins, d’importantes variations régionales étaient constatées (la région la plus touchée étant à l’heure actuelle la Bretagne avec un R égal à 1,87).
Ces chiffres traduisent un rebond de l’épidémie, mais le R reste un indicateur volatile, particulièrement sensible aux variations du nombre de cas, même lorsque celles-ci sont faibles. Par exemple, dans le contexte de campagnes de tests de dépistage massives, il peut rapidement augmenter, parce qu’un nombre important de cas est tout à coup détecté.
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Pour mieux appréhender la reprise de l’épidémie, il convient de se pencher également sur d’autres indicateurs transmis par la DGS qui, au-delà de la transmissibilité du virus, traduisent aussi la sévérité de la situation sanitaire et donnent des informations supplémentaires sur le risque d’une seconde vague.
Parmi eux, le taux de positivité des tests RT-PCR réalisés. Au 24 juillet, il était de 1,2 %, en légère hausse depuis trois semaines. À cet indicateur vient s’ajouter le taux d’incidence, qui correspond à une estimation du nombre de nouveaux cas de Covid-19 diagnostiqués par tests RT-PCR, rapporté au nombre d’habitants de chaque département.
Tout aussi important pour estimer la menace d’une « deuxième vague » et proposer une gestion optimale de l’épidémie, il convient aussi d’appréhender au mieux le risque pesant sur le système hospitalier. C’est pourquoi, parmi les indicateurs de reprise épidémique, les autorités sanitaires s’intéressent aux tensions hospitalières sur les lits de réanimation. Un chiffre qui atteint aujourd’hui 8,9 % et qui correspond au taux moyen d’occupation des lits de réanimation par des patients atteints de Covid-19 rapporté à la capacité initiale de lits en réanimation par région.
Pour aller plus loin, d’autres éléments restent également sous surveillance, par exemple la présence de clusters (127 en cours d’investigation au 24 juillet), les tensions sur les approvisionnements (en matériel, en médicaments…), ou encore les situations particulières impactant l’épidémie à un niveau local (co-circulation épidémique, climat social, déplacements de population…). L’analyse de tous ces indicateurs doit d’ailleurs se faire en collaboration avec des acteurs de terrain, connaissant bien la situation dans leur localité.
Appréhender la dynamique épidémique de la manière la plus précise et complète possible, telle est l’idée. Avec toujours un objectif : limiter la circulation du virus et le nombre de cas sur le territoire, préserver le système de santé, et proposer la meilleure prise en charge possible à tous les patients.
Texte écrit avec le soutien des chercheuses Inserm Vittoria Colizza et Dominique Costagliola (Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique).