La somnolence excessive dans la journée est de plus en plus prise au sérieux par la communauté scientifique. Crédits : Unsplash
La tendance à la somnolence pendant la journée n’est pas rare : qui n’a pas déjà expérimenté une envie de dormir plus ou moins pressante après le déjeuner ou au cours de l’après-midi ?
Souvent banalisée et considérée comme un problème anodin causé par des nuits de sommeil trop courtes, une somnolence diurne excessive peut toutefois être le signe d’une pathologie plus sérieuse. On pense notamment à la narcolepsie, une hypersomnolence qui a été fréquemment décrite dans les médias ces dernières années, et qui se caractérise par des accès brutaux et irrépressibles de sommeil qui surviennent plusieurs fois au cours de la journée, parfois alors que la personne est au milieu d’une activité.
Au-delà de cette maladie qui intrigue beaucoup le public mais aussi les scientifiques, de nombreux autres troubles de santé sont aussi associés à une somnolence excessive pendant la journée.
Loin d’être une problématique anodine, la somnolence excessive dans la journée est donc de plus en plus prise au sérieux aussi bien par la communauté scientifique que par la communauté médicale. Canal Détox fait le point.
Somnolence excessive : de quoi parle-t-on ?
La somnolence excessive ou « hypersomnolence » se caractérise par deux symptômes principaux : une quantité excessive de sommeil (caractérisée par des nuits prolongées et des siestes de longues durées) et une mauvaise qualité de l’éveil avec souvent un besoin irrépressible de s’endormir.
La somnolence excessive peut avoir plusieurs origines. Elle peut bien sûr être induite par une privation de sommeil, parfois associée à d’autres troubles du sommeil tels que les apnées du sommeil, les troubles du rythme circadien et le syndrome des jambes sans repos. Il s’agit également parfois d’un symptôme associé à certaines maladies métaboliques (obésité, diabète) ou psychiatriques (dépression, trouble bipolaire…). On estime ainsi qu’une somnolence diurne excessive est présente chez 10 à 40 % des sujets souffrant de troubles de l’humeur. Par ailleurs, la somnolence excessive peut être un effet secondaire de certains traitements psychotropes.
Les pathologies d’hypersomnolence centrale, dont font partie la narcolepsie, l’hypersomnie idiopathique et le syndrome de Kleine-Levin, sont plus rares, même si elles sont de plus en plus médiatisées. Elles peuvent avoir un véritable impact sur la qualité de vie des patients. En France, 10 000 à 30 000 personnes seraient touchées par la narcolepsie sans qu’il ne soit possible d’avoir un chiffre plus précis.
Quelle que soit l’origine de la somnolence excessive, de nombreuses données suggèrent que ses conséquences sont délétères et qu’il ne faut pas la banaliser. Ainsi, en plus de l’impact sur le quotidien et la qualité de vie des personnes affectées, le phénomène se traduit souvent par une baisse des performances académiques et professionnelles et des accidents domestiques ou du travail. Il s’agit également de l’un des facteurs principaux de mortalité sur les routes.
La somnolence excessive est donc un enjeu de santé publique majeur, au cœur des préoccupations de recherche à l’Inserm, afin de développer des interventions pour améliorer le sommeil des populations et mieux accompagner ceux qui souffrent de troubles du sommeil.
Dans le cas de la narcolepsie et de l’hypersomnie, la priorité est d’identifier clairement comment ces maladies surviennent et quels sont les mécanismes biologiques impliqués afin de proposer des traitements plus spécifiques et plus efficaces et de réduire les délais de diagnostic. À l’heure actuelle, les personnes attendent entre huit et dix ans avant d’être diagnostiquées.
Zoom sur la narcolepsie : une recherche thérapeutique dynamique
Il existe deux types de narcolepsie (type 1 et 2). La narcolepsie de type 1, mieux définie est caractérisée à la fois cliniquement par une somnolence diurne et par des cataplexies (chutes brutales – partielles ou totales – du tonus musculaire). La compréhension des mécanismes biologiques doit encore être approfondie, mais il semblerait qu’une perte des neurones à hypocrétine (les neurones qui synthétisent une molécule appelée hypocrétine ou orexine) soit en cause et qu’elle soit d’origine auto-immune. L’hypocrétine régule plusieurs processus physiologiques dont la veille et le sommeil, le métabolisme et le système nerveux autonome. Elle est déficitaire chez les patients atteints de narcolepsie de type 1.
Loin des idées reçues concernant l’absence de dynamisme de la recherche sur les maladies rares, la recherche académique et thérapeutique sur la narcolepsie a beaucoup progressé ces dernières années.
Les options thérapeutiques disponibles visent à compenser le manque d’hypocrétine en agissant par exemple sur des neurotransmetteurs comme la dopamine et la noradrénaline, ou encore sur une molécule appelée histamine, afin d’augmenter la vigilance. Ces traitements sont le plus souvent efficaces mais il faut encore développer des options thérapeutiques plus personnalisées et limiter les effets secondaires sur le long terme.
Quelques avancées assez récentes doivent être soulignées. Le centre de référence de Montpellier a par exemple permis – en s’appuyant sur des collaborations internationales et le travail de plusieurs laboratoires pharmaceutiques – de montrer qu’un traitement appelé pitolisant, qui agit sur le transporteur de l’histamine, réduit la somnolence diurne et atténue les manifestations de cataplexie. De plus, le médicament solriamfetol, agissant sur le transporteur de la dopamine et la noradrénaline, permet aussi de réduire la somnolence diurne de la narcolepsie : un mécanisme d’action innovant qui permet une action plus efficace et durable avec peu d’effets secondaires. Ces deux médicaments sont actuellement disponibles pour les patients souffrant de narcolepsie.
Depuis un an, d’autres études pharmacologiques visant à stimuler les récepteurs de l’hypocrétine 2 se développent afin de suppléer directement au déficit observé chez les patients narcoleptiques. Les résultats sont prometteurs mais ne sont pas encore publiés.
Au fur et à mesure que la recherche progresse, les scientifiques tentent de développer des approches de plus en plus personnalisées, correspondant aux problématiques et aux besoins de chaque patient, en travaillant avec eux main dans la main au sein des centres de référence du sommeil dont la coordination se situe au CHU de Montpellier, à l’Institut des neurosciences (Inserm/Université de Montpellier).