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Le cerveau des hommes, différent de celui des femmes, vraiment ?

Dès que la discussion s’oriente sur la comparaison entre le cerveau des hommes et celui des femmes, les clichés du type « les hommes sont doués en maths et les femmes sont nulles en orientation » vont bon train. Ces visions stéréotypées sur les différences de « nature » entre les sexes suggèrent que nos aptitudes et nos personnalités sont programmées génétiquement dans les cerveaux et immuables. C’est pourtant loin d’être le cas, comme le soulignent notamment toutes les connaissances acquises au cours des dernières années sur la notion de « plasticité cérébrale ».

Le 28 Nov 2023 | Par INSERM (Salle de presse)

cerveau© Fotalia

Dès que la discussion s’oriente sur la comparaison entre le cerveau des hommes et celui des femmes, les clichés du type « les hommes sont doués en maths et les femmes sont nulles en orientation » vont bon train. Ces visions stéréotypées sur les différences de « nature » entre les sexes suggèrent que nos aptitudes et nos personnalités sont programmées génétiquement dans les cerveaux et immuables. C’est pourtant loin d’être le cas, comme le soulignent notamment toutes les connaissances acquises au cours des dernières années sur la notion de « plasticité cérébrale ».

Mais les préjugés restent tenaces, largement relayés dans les médias mais aussi par certains milieux scientifiques qui contribuent à promouvoir l’idée d’un déterminisme biologique inné des différences d’aptitudes et de rôles sociaux entre les sexes. De nombreuses publications traitant des différences cérébrales entre les sexes ont été publiées, mais nombre d’entre elles ont longtemps été entachées de biais, d’interprétations erronées et/ou de méthodologies peu rigoureuses.

Alors, comment répondre à toutes ces idées reçues en s’appuyant sur des données scientifiques rigoureuses ? Et comment les progrès dans le domaine des neurosciences permettent-ils de combattre l’idée d’un déterminisme biologique des différences d’aptitudes cognitives et comportementales entre les femmes et les hommes ? Il ne s’agit pas de nier les différences entre les sexes mais de comprendre leurs origines. Les connaissances scientifiques actuelles montrent que l’argument des différences de « nature » utilisé pour expliquer les différences d’aptitudes, de rôles ou de comportements entre les femmes et les hommes ne tient plus.

 

Aucune différence dans les aptitudes cognitives

La question « le cerveau a-t-il un sexe ? » est au cœur de nombreuses recherches, et ce depuis des décennies. Sachant que le cerveau contrôle les fonctions physiologiques associées à la reproduction sexuée, on peut en partie répondre par l’affirmatif.

Néanmoins, la réponse est tout autre quand on s’intéresse aux fonctions cognitives. En effet, les progrès des recherches sur le développement du cerveau et la plasticité cérébrale montrent que les filles et les garçons ont les mêmes aptitudes cérébrales concernant les fonctions cognitives telles que l’intelligence, la mémoire, l’attention et le raisonnement.

Souvent, la question de la taille du cerveau a été au cœur des débats. C’est un fait, le cerveau des hommes est en moyenne 10 % plus gros que celui des femmes, soit environ 1,350 kg chez les hommes contre 1,200 kg chez les femmes. Si l’on ramène ce chiffre à la taille moyenne des individus (1,78 m chez les hommes contre 1,68 m chez les femmes françaises), cette différence reste significative, de l’ordre de 6 %.

Par ailleurs, concernant la structure interne du cerveau, plusieurs études par IRM ont montré des variations selon le sexe dans les volumes de la matière grise (où sont concentrés les corps cellulaires des neurones) et de la matière blanche (constituée des fibres nerveuses issues des corps cellulaires des neurones). Les filles ont en moyenne un peu plus de matière grise et les garçons un peu plus de matière blanche.

Ces diverses observations sur la taille et la structure du cerveau ont alimenté des théories censées expliquer les différences de comportement, de personnalité ou de raisonnement entre les sexes, mais tout cela a été mis à mal par des travaux récents.

D’abord, les différences structurelles disparaissent quand l’on prend en compte la taille des cerveaux en tant que telle : autrement dit, quand on compare des cerveaux d’hommes et de femmes de même volume, on ne voit plus de différences dans les proportions de matière grise et blanche.

Par ailleurs, il convient de noter que ni la taille du cerveau ni les proportions de matières grise et blanche n’ont un impact sur les capacités intellectuelles des individus. Albert Einstein par exemple avec un cerveau qui pesait 1,250 kg.

En fait, ce qu’il faut surtout retenir c’est qu’aucun cerveau ne ressemble à un autre. Tous les êtres humains ont des cerveaux différents indépendamment du sexe.

 

La notion de plasticité cérébrale est incontournable

Ce sont aussi les connaissances accumulées autour de la notion de plasticité cérébrale qui ont vraiment permis de comprendre que chaque cerveau est différent et que les variations ne sont pas une question de sexe. Autrement dit, il y a autant de différences entre les cerveaux de deux personnes d’un même sexe qu’entre les cerveaux de deux personnes de sexe différent.

Après la naissance, la fabrication du cerveau est loin d’être terminée, car les connexions entre les neurones – les synapses – commencent à peine à se former. La majorité des milliards des circuits de neurones du cerveau humain se fabriquent à partir du moment où le bébé commence à interagir avec le monde extérieur.

Cette multitude de connexions va être façonnée et va évoluer chez l’enfant et chez l’adulte, de manière différente d’un individu à l’autre en fonction de facteurs environnementaux, notamment de notre histoire, de nos expériences et de la société. Nos cerveaux sont donc plastiques, on parle de « plasticité cérébrale ».

Pour illustrer ce concept, on peut prendre l’exemple de personnes qui apprennent à jongler avec trois balles. Après trois mois de pratique, une étude s’appuyant sur des examens IRM a montré un épaississement des zones du cerveau spécialisées dans la vision et la coordination des mouvements des bras et des mains. Quand l’entraînement cesse, ces régions cérébrales rétrécissent.

Les théories qui prétendent que dès la naissance les cerveaux des filles et garçons sont distincts – et que ces différences expliquent celles de leurs rôles dans la société – sont fondées sur une conception figée du fonctionnement cérébral. Elles sont en totale contradiction avec la réalité des nouvelles connaissances sur la plasticité cérébrale.

Continuer à mener des études rigoureuses et éthiques avec des approches interdisciplinaires mêlant biologie, neurosciences et sciences humaines est plus que jamais nécessaire pour combattre les stéréotypes et les préjugés essentialistes et comprendre pourquoi les êtres humains sont tous semblables mais aussi tous différents.

 

La menace du stéréotype

Comme le montre l’expérience suivante, les stéréotypes de genre et la simple façon de présenter un problème peut influencer les performances d’un individu indépendamment de ses connaissances. Dans cette expérience datant de 2014, deux groupes de collégiens et collégiennes sont soumis à un même test qui consiste à mémoriser un dessin puis à le reproduire. Mais tandis que dans le premier groupe, on décrit le test comme une épreuve d’« arts plastiques », dans le second groupe, on parle d’épreuve de « mathématiques » et de « figure géométrique ».

Résultat : les garçons obtiennent de meilleurs résultats que les filles dans le groupe faisant l’épreuve qualifiée de « mathématiques », mais les filles surpassent les garçons dans le groupe faisant celle qualifiée d’« arts plastiques » (alors que ces tests sont pourtant strictement identiques). Ici, le stéréotype selon lequel les filles seraient moins douées que les garçons en mathématiques influence inconsciemment les résultats.

 

Et la testostérone ?

La testostérone est qualifiée à tort d’hormone mâle : elle est présente dans les deux sexes, mais à des niveaux différents. Sa concentration dans le sang est deux à trois fois plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Cela n’est pas une règle absolue car le taux de testostérone varie en fonction de l’âge et des modes de vie. Pendant longtemps, on pensait que l’action de la testostérone sur le cerveau du fœtus mâle était responsable de traits de personnalité typiquement « masculins ». La notion de plasticité cérébrale vient là encore déconstruire cette idée.

 

Texte rédigé avec la collaboration de Catherine Vidal, neurobiologiste et membre du comité d’éthique de l’Inserm, cofondatrice du réseau international de recherche sur le cerveau et le genre (Neurogenderings Network)

 

Pour aller plus loin, vous pouvez lire les livres écrits par Catherine Vidal :

Nos cerveaux, tous pareils, tous différents ! Belin, 2015

Cerveau, sexe et pouvoir (avec D. Benoit-Browaeys), Belin, 2015

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