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Le SARS-CoV-2 prêt à disparaître à l’été, vraiment ?

Le SARS-CoV-2 est-il amené à disparaître avec l’arrivée de l’été ? En pleine période de déconfinement, certains espèrent que les beaux jours seront aussi synonyme d’une diminution du taux de reproduction de base du virus, comme c’est le cas pour d’autres virus dont la transmission est mieux documentée, comme les virus influenza impliqués dans la […]

Le 20 Mai 2020 | Par INSERM (Salle de presse)

Notre connaissance du SARS-CoV-2 reste pour le moment encore trop parcellaire pour se prononcer avec certitude sur sa saisonnalité, mais tous les travaux rappellent l’importance des mesures de prévention. © chuttersnap sur Unsplash

Le SARS-CoV-2 est-il amené à disparaître avec l’arrivée de l’été ? En pleine période de déconfinement, certains espèrent que les beaux jours seront aussi synonyme d’une diminution du taux de reproduction de base du virus, comme c’est le cas pour d’autres virus dont la transmission est mieux documentée, comme les virus influenza impliqués dans la grippe saisonnière. 

La question de la saisonnalité des virus est étudiée depuis longtemps par les scientifiques, mais de nombreuses interrogations demeurent. Certains virus sont associés à des pics épidémiques à certaines périodes spécifiques de l’année : outre l’exemple de la grippe, on peut aussi citer le poliovirus qui, en l’absence de vaccin, entraîne une augmentation du nombre de cas de poliomyélite particulièrement en été et à l’automne. Le virus de la rubéole est associé à un nombre plus important d’infections au cours des mois d’avril et de mai. De manière générale, ainsi que l’indiquait déjà une étude parue dans The Lancet Infectious Diseases en 2004 à la suite de l’épidémie de SARS en Chine, une saisonnalité peut être observée pour la plupart des virus respiratoires bien établis, apparaissant dans la population de manière cyclique. En l’absence de recul nécessaire, cette tendance est un peu moins claire en ce qui concerne les virus émergents comme le SARS-CoV-2.

La saisonnalité des coronavirus

Des travaux publiés sur les autres coronavirus humains permettent toutefois de dessiner quelques pistes intéressantes pour appréhender comment la diffusion du SARS-CoV-2 pourrait être amenée à évoluer à l’été. Une étude parue début avril dans The Journal of Infectious Diseases s’est ainsi penchée sur quatre des sept types de coronavirus connus pour infecter l’humain et responsables de pathologies respiratoires peu sévères. Les auteurs ont recensé 993 infections par ces virus aux Etats-Unis, entre 2010 et 2018. Toutes ces infections ont été observées entre les mois de décembre et mai, avec un pic au mois de janvier et février.  Ces travaux font écho à une étude publiée en 2018, qui s’était penchée sur les infections par le MERS-CoV au Moyen-Orient entre 2012 et 2017, montrant qu’une certaine saisonnalité du virus peut là aussi être observée, avec un pic entre avril et juin.

Il est donc possible d’imaginer que l’épidémie de SARS-CoV-2 progresse également de manière différenciée selon les saisons. Une étude publiée dans le journal Science va d’ailleurs en ce sens. S’appuyant sur les données disponibles à propos de la saisonnalité des coronavirus OC43 et HKU1 qui peuvent être à l’origine de rhinopharyngites (et dans certains cas, de pneumonies) les chercheurs ont modélisé la diffusion possible du SARS-CoV-2.

Les résultats suggèrent que ce virus est en mesure de causer des épidémies à tout moment de l’année en l’absence de mesures de distanciation sociale ou d’une immunité durable, mais que l’automne et l’hiver sont des saisons plus propices à une recrudescence importante du nombre de cas. 


Facteurs environnementaux et comportementaux

Quels sont les facteurs permettant d’expliquer la saisonnalité de certains virus ? Cette question est centrale si l’on souhaite mieux comprendre la diffusion des maladies infectieuses et de prédire les pics épidémiques au cours de l’année. Pour en apprendre plus sur la saisonnalité du SARS-CoV-2, il est nécessaire d’examiner différents facteurs environnementaux et biologiques ayant une influence sur les flux épidémiques, du climat au comportement des populations, en passant par les variations du système immunitaire des individus au cours du temps, et de s’intéresser à comment ces facteurs se combinent pour favoriser la transmission du virus.

Plusieurs travaux sur la saisonnalité des virus suggèrent que le climat et les conditions météorologiques pourraient jouer un rôle. Dans les milieux tempérés, un climat froid et sec en hiver serait associé à une transmission plus importante de certains virus.

Une récente étude sur des modèles animaux publiée dans PNAS suggérait ainsi par exemple qu’un faible taux d’humidité ambiante favorisait les infections par le virus influenza. 

Concernant le SARS-COV-2, une étude chinoise publiée dans Science of the Total Environment à la fin du mois d’avril, à partir de données collectées dans 166 pays suggère que la température et l’humidité sont des facteurs à considérer dans la diffusion de l’épidémie. Ainsi, un degré de plus serait associé à une réduction de 1,5% à 4,6 % du nombre de cas quotidiens, et de 0.44% à 1.95% du nombre de décès quotidiens. Par ailleurs, 1 % d’humidité supplémentaire serait associé à une baisse de 0.51% à 1.19% du nombre de cas par jour.

À noter toutefois que compter sur des changements météorologiques favorables pour espérer une amélioration de la situation sanitaire n’est pas une position tenable, selon les chercheurs : les mesures de prévention et de contrôle des sources d’infection demeurent indispensables.

Ces résultats doivent encore être confirmés par d’autres travaux, d’autant que d’autres études (publiées en préprint pour le moment) indiquent que les preuves que les variations météorologiques pourraient stopper l’épidémie sont encore limitées. On peut de plus rappeler que le virus s’est propagé partout, notamment dans des pays au climat chaud et humides. Dans un certain nombre de ces pays, les facteurs démographiques et environnementaux pouvant avoir un impact sur la diffusion du virus restent difficile à démêler et à contrôler d’autant plus que les données épidémiologiques qui ont été réalisées sont souvent encore incomplètes et de mauvaise qualité.

À ces facteurs environnementaux viennent aussi s’ajouter des facteurs comportementaux. Les pics épidémiques observés à l’automne et en hiver dans les milieux tempérés peuvent aussi être liés au fait que les individus ont tendance à passer plus de temps en groupe dans des milieux confinés en cette période, favorisant ainsi les contacts et l’exposition aux virus.

Certains travaux se sont également intéressés au rôle du système immunitaire, et comment celui-ci varie avec les saisons, favorisant ou non les infections. Un affaiblissement du système immunitaire en hiver a notamment été rapporté. Une étude conduite par l’université du Surrey (Grande-Bretagne) en collaboration avec l’université de Columbia (Etats-Unis) vient d’être lancée afin d’explorer les évolutions du système immunitaire en fonction des heures de la journée, et des saisons. Son objectif est d’ouvrir de nouvelles pistes dans la compréhension de la saisonnalité des virus – y compris du SARS-CoV-2 – et d’identifier si certains moments de la journée sont plus propices à l’administration des vaccins pour une efficacité accrue.

Notre connaissance du SARS-CoV-2 reste pour le moment encore trop parcellaire pour se prononcer avec certitude sur sa saisonnalité, mais tous les travaux rappellent l’importance des mesures de prévention. En l’absence de certitude concernant l’immunité collective et sans vaccin efficace, les gestes barrières, le déploiement des tests et les mesures de contrôle de l’épidémie demeurent nécessaires.

Texte réalisé avec le soutien de Cécile Souty, épidémiologiste à l’Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique (Inserm/Sorbonne Université) et Laurent Lagrost Directeur de Recherche à l’Inserm au sein du laboratoire Lipides – Nutrition – Cancer (Inserm/Université de Bourgogne).

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