Menu
Canal Détox

Les personnes appartenant au groupe sanguin O protégées contre le SARS-CoV-2, vraiment ?

  Dès les débuts de la pandémie de Covid-19, les scientifiques se sont intéressés au lien entre le groupe sanguin des individus et le risque de développer la maladie. En un an, une quarantaine d’études ont été publiées sur le sujet, s’appuyant sur des méthodes diverses et s’intéressant à des populations variées dans plusieurs pays. […]

Le 10 Mar 2021 | Par INSERM (Salle de presse)

Sang circulant dans une artère (Globules rouges)

Sang circulant dans une artère – globules rouges © AdobeStock

 

Dès les débuts de la pandémie de Covid-19, les scientifiques se sont intéressés au lien entre le groupe sanguin des individus et le risque de développer la maladie. En un an, une quarantaine d’études ont été publiées sur le sujet, s’appuyant sur des méthodes diverses et s’intéressant à des populations variées dans plusieurs pays.

Si ces travaux semblent généralement esquisser une association entre le fait d’appartenir au groupe sanguin O (voir notre récapitulatif sur les groupes sanguins ci-dessous) et celui d’être protégé contre le virus SARS-CoV-2, il n’est pas toujours aisé de s’y retrouver parmi toutes les données disponibles, de bien comprendre de quelle protection il s’agit ou encore quels sont les mécanismes biologiques en jeu. Canal Détox apporte donc un éclairage sur cette question et coupe court aux fausses infos.

S’intéresser à l’impact du groupe sanguin dans le cadre de cette pandémie suppose en fait pour les scientifiques de s’intéresser à deux questions distinctes : le fait d’appartenir à un groupe sanguin donné protège-t-il les individus contre le risque d’infection ? Et chez les personnes infectées, le groupe sanguin peut-il ensuite avoir un impact sur le risque d’évoluer vers une forme grave et sur la mortalité ? 

Quels groupes sanguins : A, B, AB ou O ?

 

Si la composition du sang est la même pour tous, des différences individuelles existent : les antigènes présents à la surface des cellules sanguines (globules rouges, globules blancs et plaquettes) varient d’une personne à l’autre. Plusieurs systèmes antigéniques permettent ainsi de caractériser les cellules sanguines, le plus connu et l’un des plus importants pour la transfusion étant le système ABO, qui détermine la compatibilité sanguine entre deux individus.

Les personnes peuvent être réparties en 4 groupes sanguins selon la présence ou non de deux antigènes, A et B, à la surface des globules rouges et selon le ou les anticorps systématiquement présents dans le plasma correspondant aux antigènes absents.

En fonction de si elles possèdent l’antigène A (et des anticorps anti-B), l’antigène B (et des anticorps anti-A), les deux ou aucun des deux, les personnes sont donc réparties dans le groupe sanguin A, B, AB ou O.

groupe ABO

antigènes présents sur les globules rouges

anticorps présents dans le plasma

groupe A

antigènes A

anticorps anti-B

groupe B

antigènes B

anticorps anti-A

groupe AB

antigènes A et B

pas d’anticorps anti-A ni B

groupe O

pas d’antigènes A ni B

anticorps anti-A et anti-B

Ces groupes sont déterminants pour les transfusions, la règle étant de ne jamais apporter un antigène contre lequel le receveur possède un anticorps. En effet, si les anticorps anti-A (ou anti-B) du receveur se fixent sur les antigènes A (ou B) des globules rouges du donneur, ils provoquent leur agglutination, voire leur destruction.

Selon les régions du monde, certains groupes sanguins ABO vont être plus ou moins prévalents. Par exemple en Asie de l’Est, le groupe sanguin O est bien moins prévalent qu’en Amérique du Sud (où les populations amérindiennes appartiennent presque toutes au groupe O).

 

Protection contre l’infection

La plupart des études publiées sur le sujet se sont intéressées à l’effet du groupe sanguin sur le risque d’être infecté par le SARS-CoV-2. Au début de l’année 2021, 34 études comparant des patients à des « contrôles » ont ainsi rapporté une association entre le risque d’infection à la Covid-19 et le groupe sanguin. Ces études ont notamment pointé du doigts un risque diminué pour les personnes de groupe sanguin O, même si cette diminution reste relative. Ces premières données ont en outre déjà été confirmées par plusieurs méta-analyses.

Plusieurs méthodes ont été employées par les différents groupes de recherche pour arriver à ces conclusions. La plupart partent de l’hypothèse que le groupe sanguin a un impact sur le risque d’infection et tentent de la confirmer en comparant la fréquence de chaque groupe sanguin du système ABO chez des patients atteints de Covid et chez des personnes non infectées.

Six études d’association pangénomiques[1] menées chez des patients hospitalisés pour Covid-19 (sévère ou non) comparé à des individus sains vont aussi dans le même sens. L’objectif était d’identifier quelles variations génétiques sont particulièrement impliquées dans le développement de la Covid, sans présumer un effet du groupe sanguin au départ. Or, ces études ont montré que deux régions du génome étaient notamment associées au risque d’infection (une zone du chromosome 3 impliquée dans l’immunité innée et une zone du chromosome 9 porteur du gène ABO qui détermine le groupe sanguin).

En regardant plus en détail, les scientifiques ont constaté que le groupe O était plus fréquent dans le groupe contrôle et les groupes A et B étaient moins fréquents (mais plus fréquents chez les malades), ce qui suggère là aussi un effet du groupe sanguin sur la probabilité de développer la pathologie. Cette utilisation de méthodologies différentes pour des résultats similaires permet de limiter les biais et de donner plus de forces à ces résultats.

 

Quels sont les mécanismes biologiques expliquant cette relation entre groupe sanguin et infection ?

L’hypothèse la plus crédible s’intéresse aux anticorps anti-groupes sanguins A et B. En effet les cellules de l’arbre respiratoire – où se multiplie principalement le virus – synthétisent les antigènes A ou B en fonction du groupe sanguin de la personne infectée. Ces antigènes sont des sucres complexes qui sont liés à des protéines ou à des lipides présents sur la membrane des cellules, mais aussi sur l’enveloppe virale du SARS-CoV-2. Les particules virales émises par une personne des groupes A, B, ou AB pourraient alors porter ces antigènes.

Lorsqu’une personne transmet le virus à une autre personne qui possède des anticorps anti-A ou anti-B, ces particules virales ABO incompatibles pourraient être neutralisées et éliminées. Cela pourrait expliquer pourquoi les personnes de groupe sanguin O, qui possèdent à la fois des anticorps anti-A et anti-B seraient plus en mesure de lutter contre le virus. Si ce mécanisme doit encore être étudié et validé, il permet de formuler une hypothèse plausible pour expliquer les différences d’incidence de la Covid-19 en fonction du groupe ABO. 

 

Éviter les formes sévères de la maladie

Un deuxième groupe d’études s’est plus précisément intéressé à l’impact du groupe sanguin sur la sévérité de la maladie.

Pour cela, les chercheurs comparent entre eux des patients atteints de formes graves de Covid-19 pour étudier leur évolution clinique et/ou le risque de décès en fonction de leur groupe sanguin. La plupart de ces travaux concordent pour dire que ce risque est diminué pour les personnes de groupe sanguin O, même si à ce stade avancé de la maladie, la différence n’est pas très marquée. Inversement, certaines études soulignent que les autres groupes sanguins sont plus à risque d’évoluer défavorablement. 

Une étude canadienne parue dans Blood Advance a ainsi montré que les patients de groupe A et AB étaient plus à risque de rester longtemps en réanimation ou d’avoir recours à la ventilation mécanique que les autres groupes. En France, une étude dans le Journal of Clinical Medicine, portant sur des patients Covid hospitalisés ayant précédemment subi une chirurgie de remplacement de la valve aortique, a souligné que le fait d’appartenir au groupe A était le facteur prédictif de mortalité le plus significatif.

Par ailleurs, une étude italienne a montré que chez des patients plus jeunes atteints d’une forme grave de Covid et ayant des antécédents d’hypertension, le risque de décès était trois fois plus élevé chez les non O que chez les O. De tels résultats devront être confirmés par des études s’appuyant sur de plus larges échantillons de patients.

 

D’où vient cet effet sur la sévérité de la maladie ?

La littérature scientifique avait déjà montré un lien entre groupe sanguin et risque de thrombose (caillot obstruant les vaisseaux sanguins). Les groupes sanguins non O sont  ainsi plus à risque de développer des pathologies cardiovasculaires comme la maladie thromboembolique veineuse, l’athérosclérose vasculaire ou encore l’infarctus du myocarde.

Ce phénomène s’explique par le fait que ces personnes ont des niveaux sanguins plus élevés de certains facteurs de coagulation qui favorisent la thrombose. Les personnes de groupe sanguin O, dont le recyclage et l’élimination de ces facteurs de coagulation est accéléré, sont à l’inverse plus protégées contre les problèmes cardiovasculaires. Par ailleurs, le groupe sanguin a également un impact sur la fonction endothéliale (l’endothélium vasculaire étant la couche la plus interne des vaisseaux sanguins).

Dans le cas de la Covid sévère, les médecins constatent un emballement immunitaire important (« l’orage cytokinique ») mais aussi une dysfonction endothéliale indirectement ou directement liée au virus qui pourrait provoquer des micro-thromboses (notamment au niveau pulmonaire) et expliquer les différentes atteintes d’organes observées dans les formes graves.

Dès lors, l’appartenance à un groupe sanguin particulier et le risque de thrombose et de dysfonction endothéliale associée peut avoir un impact sur l’évolution de la maladie.

Il est important de noter que le fait d’appartenir au groupe sanguin O ne dispense en aucun cas des gestes barrières et des mesures habituelles de distanciation sociale, qui restent avec la vaccination les principales mesures de protection contre la COVID-19. Les individus de groupe O peuvent être infectés et également transmettre le virus.

 

Texte rédigé avec le soutien de Jacques Le Pendu, chercheur Inserm au U1232 CENTRE DE RECHERCHE EN CANCEROLOGIE ET IMMUNOLOGIE NANTES-ANGERS (CRCINA).

 

[1]  Analyse de nombreuses variations génétiques chez un grand groupe d’individus, afin d’étudier leurs corrélations avec des traits phénotypiques.

fermer