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Mal dormir, un risque de développer la maladie d’Alzheimer, vraiment ?

La maladie d’Alzheimer est la forme la plus commune de démence, touchant en France à l’heure actuelle près d’un million de personnes. Avec le vieillissement de la population, le nombre de cas devrait encore significativement augmenter dans les années à venir. Hormis des médicaments permettant d’atténuer les symptômes de la pathologie, aucun traitement n’est aujourd’hui […]

Le 12 Avr 2022 | Par INSERM (Salle de presse)

Crédits : Unsplash

La maladie d’Alzheimer est la forme la plus commune de démence, touchant en France à l’heure actuelle près d’un million de personnes. Avec le vieillissement de la population, le nombre de cas devrait encore significativement augmenter dans les années à venir. Hormis des médicaments permettant d’atténuer les symptômes de la pathologie, aucun traitement n’est aujourd’hui disponible. De nombreux travaux de recherche visent donc à améliorer la prévention et à retarder l’apparition de la maladie, en identifiant des facteurs de risque et en proposant des interventions pour réduire leur impact.

Dans ce contexte, le sommeil est un des facteurs qui suscite beaucoup d’intérêt, des données suggérant que mal dormir pourrait être associé à un risque plus élevé de développer la maladie d’Alzheimer. Ce message a d’ailleurs très souvent été repris dans les médias, parfois de manière assez alarmiste. Canal Détox fait le point sur l’état des connaissances.

 

Accumulation de protéines toxiques

On sait depuis longtemps que les problèmes de sommeil font partie des symptômes fréquemment présentés par les patients atteints de maladie d’Alzheimer, et ce dès les stades précoces de la maladie. Depuis quelques années, un nombre croissant d’études suggère que la relation entre sommeil et maladie d’Alzheimer est en fait « bidirectionnelle ». Ainsi, les lésions typiques de la maladie s’accumulent dans des régions qui contrôlent le sommeil, et vont dégrader la qualité de ce dernier. À l’inverse, les troubles du sommeil vont aussi augmenter le risque de développer la maladie en favorisant l’accumulation de protéines toxiques.

Les troubles du sommeil représenteraient donc un facteur de risque sur lequel il serait possible d’agir. De plus, ces troubles pourraient être un marqueur précoce de la maladie au stade préclinique, avant l’apparition des premiers troubles cognitifs.

Les données disponibles s’appuient principalement sur des modèles animaux en s’intéressant aux biomarqueurs les mieux caractérisés de la maladie : la présence d’agrégats de peptide β-amyloïde et de protéine tau dans le cerveau. Plusieurs études ont ainsi montré que des animaux privés de sommeil présentaient des niveaux élevés de ces protéines toxiques associées à Alzheimer. Chez l’Homme, des données suggèrent que la privation de sommeil augmenterait les niveaux peptide β-amyloïde et de protéine tau dans le liquide céphalorachidien[1].

 

Étudier différents aspects du sommeil 

 Dans ce contexte, une partie de la recherche s’oriente désormais sur l’identification des mécanismes sous-jacents, qui expliqueraient le lien entre problèmes de sommeil et développement de la maladie.

Mais une autre problématique se pose : il est encore difficile de dire avec certitude quels aspects du sommeil sont vraiment déterminants pour prédire l’évolution de la maladie. La maladie d’Alzheimer est-elle plutôt liée à un manque de sommeil et à des nuits trop courtes, à des difficultés d’endormissement, ou encore à des nuits trop fragmentées ? Selon les scientifiques, il est important d’en apprendre plus à ce sujet, afin de mieux orienter les messages de santé publique et de définir des stratégies de prévention pertinentes.

Parmi les travaux marquants sur le sujet, une étude de 2013 a montré que les personnes qui dormaient en moyenne moins de 6 heures par nuit présentaient des quantités supérieures de protéines β-amyloïde dans le cerveau, suggérant qu’une courte durée de sommeil augmenterait le risque de maladie d’Alzheimer.

Ces résultats ont été confortés par des études épidémiologiques, menées notamment au sein de l’Inserm, montrant que les personnes qui dorment peu (durée de sommeil inférieure ou égale à 6 heures par nuit) à l’âge de 50 ou 60 ans ont un risque plus élevé à long terme de développer une démence. Ces résultats suggèrent donc que la durée du sommeil pourrait être un paramètre important à prendre en compte dans la prévention de la maladie d’Alzheimer.

On peut aussi citer des études se focalisant sur des troubles spécifiques – comme l’apnée du sommeil ou l’insomnie – qui montrent une augmentation du risque de développer des problèmes cognitifs et/ou une vulnérabilité plus importante de certaines régions cérébrales aux lésions typiques de la maladie. Enfin, d’autres travaux ont montré que le fait de ruminer constamment des idées négatives, phénomène qui peut notamment survenir au moment du coucher, avait également un impact délétère sur le cerveau.

 

Des interventions pour atténuer les risques ?

Toutefois, loin des titres sensationnalistes qui font de la maladie d’Alzheimer une fatalité pour les petits ou les mauvais dormeurs, les scientifiques estiment que des interventions sont possibles afin de moduler les risques liés aux problèmes de sommeil.

Par exemple, différents travaux évaluant l’impact de l’activité physique ou de la réserve cognitive (correspondant à la capacité à résister ou à faire face aux altérations cérébrales causées par le vieillissement ou la pathologie) sur la qualité du sommeil sont en cours.

Des interventions comme la pratique de la méditation pour prévenir la démence sont aussi à l’étude. Une étude pilote menée chez des participants experts, ayant plus de 10 000 heures de pratique de la méditation, a montré que la méditation a un effet positif sur le vieillissement cérébral. Cette pratique permettrait une réduction du stress, de l’anxiété, des émotions négatives et des problèmes de sommeil qui ont tendance à s’accentuer avec l’âge. Ces résultats restent à confirmer et font l’objet d’un projet européen mené à Caen auprès de sujets âgés.

[1]  Liquide dans lequel baignent le système nerveux central et la moelle épinière

Texte rédigé avec le soutien de Géraldine Rauchs, chargée de recherche au laboratoire Physiopathology and Imaging of Neurological Disorders (PhIND) – Physiopathologie et imagerie des maladies neurologiques (unité 1237 Inserm/Université Caen Normandie/Établissement français du sang)

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