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Mincir grâce aux médicaments « coupe-faim », vraiment ?

A quoi renvoie réellement le terme de « coupe-faim » et est-il vraiment adapté ? Au-delà des tendances et des soi-disant remèdes pour perdre du poids qui s’affichent sur les réseaux sociaux, quelles approches thérapeutiques sont réellement pertinentes pour les personnes en situation d’obésité ? Canal Détox fait le point.  

Le 28 Mar 2024 | Par INSERM (Salle de presse)

balance© Photo i yunmai/Unsplash

Des vidéos sur TikTok qui vantent les mérites d’un médicament contre le diabète de type 2 « détourné » pour perdre du poids, des unes de journaux qui s’interrogent pour savoir si nous pourrions tous devenir « minces » grâce à une nouvelle génération de traitements de l’obésité… Ce n’est pas une nouveauté : la perte de poids est fréquemment présentée comme une préoccupation majeure dans les médias et sur les réseaux sociaux.

Sur ces plateformes, des messages de prévention pour lutter contre l’obésité, qui constitue une priorité de santé publique, fondés sur des bases scientifiques solides, sont véhiculés aux côtés de nombreux stéréotypes associant beauté et minceur ainsi que de recettes « miraculeuses » pour perdre du poids. Dans ce contexte où la confusion règne et où le public se retrouve exposé à des injonctions contradictoires, le sujet des « coupe-faim », des molécules présentées comme efficaces pour perdre du poids, trouve régulièrement un écho important.

Mais à quoi renvoie réellement ce terme de « coupe-faim » et est-il vraiment adapté ? Au-delà des tendances et des soi-disant remèdes pour perdre du poids qui s’affichent sur les réseaux sociaux, quelles approches thérapeutiques sont réellement pertinentes pour les personnes en situation d’obésité ? Canal Détox fait le point.  

À l’échelle de la planète, le surpoids et l’obésité sont en augmentation depuis 1990 dans la plupart des pays, comme l’indique un récent article dans The Lancet, et touchent plus d’une personne sur huit dans le monde. Il s’agit d’un problème de santé publique très important, d’autant que cette maladie chronique est associée à de nombreuses comorbidités (diabète, cancers, maladies cardiovasculaires, du foie, des articulations…). Toutes les données scientifiques et cliniques actuellement disponibles soulignent que, pour être efficace, la prise en charge de l’obésité doit être multidisciplinaire et tenir compte du contexte et de l’environnement propre à chaque personne.

Ainsi, des interventions pour transformer les habitudes alimentaires et lutter contre la sédentarité sont nécessaires. Elles doivent néanmoins être combinées à un accompagnement personnalisé qui tienne compte des freins psychologiques, du mode de vie et de l’histoire personnelle de chacun, de la nécessité de traiter les comorbidités, mais aussi du fait que la perte de poids est conditionnée par une grande variabilité interindividuelle. En bref, la médecine de l’obésité doit être globale et holistique.

Dans certains cas, quand l’obésité est installée de manière durable et particulièrement complexe à prendre en charge, il peut être nécessaire d’avoir recours à des outils médicamenteux ou à la chirurgie bariatrique. Toutefois, cette dernière est réservée uniquement aux cas les plus sévères, c’est-à-dire à des personnes avec un indice de masse corporelle (IMC) supérieur ou égal à 35 kg/m² avec une complication associée ou avec un indice de masse corporelle supérieur à 40 kg/m².

 

Liraglutide et sémaglutide

Sur le plan des médicaments, un traitement de première génération, l’orlistat, a longtemps été prescrit aux patients souffrant d’obésité (IMC > 30 kg/m²). Cette molécule fonctionne en bloquant l’action d’une enzyme qui permet l’absorption des graisses. Néanmoins, bien qu’une réduction du risque de diabète ait été observée, son efficacité demeure assez limitée, la perte de poids moyenne constatée avec ce traitement étant relativement modérée

Ces dernières années, d’autres avancées thérapeutiques se sont matérialisées grâce au développement d’une nouvelle classe de médicaments qui imitent l’hormone glucagon-like peptide 1 (GLP-1) : les analogues du GLP-1. Ces médicaments contiennent généralement soit du liraglutide, soit du sémaglutide. Ces deux molécules analogues du GLP-1 ont notamment pour effet d’augmenter la sensation de satiété, et donc de permettre aux personnes de mieux contrôler leurs apports alimentaires.

À l’heure actuelle, le liraglutide peut être prescrit à raison d’une injection par jour, mais il n’est pas remboursé par la Sécurité sociale. Quant au sémaglutide, il n’est aujourd’hui autorisé en France que pour le traitement du diabète de type 2 et commercialisé sous le nom de marque Ozempic.

Le sémaglutide sous une forme plus dosée que l’Ozempic a par ailleurs été développé pour le traitement de l’obésité (il s’agit d’un médicament appelé Wegowy). Déjà autorisé aux États-Unis, il a pu être proposé à près de 10 000 personnes avec une obésité sévère avec au moins une comorbidité (IMC > 40 kg/m²) en France dans le cadre d’une expérimentation qui doit se poursuivre jusqu’à l’automne 2024. Cependant, des retours des agences réglementaires sont désormais attendus pour étendre sa prescription à un plus grand nombre de patients.

Les « coupe-faim », un terme inadapté ?

Dans les médias, les analogues du GLP-1 sont souvent désignés comme des « coupe- faim ». Un terme que certains médecins estiment être inadapté. En effet, ces médicaments régulent l’appétit et augmentent la sensation de satiété. Résultat : l’envie de manger n’est plus une préoccupation centrale et permanente, et les patients reprennent le contrôle de leur appétit, sans pour autant que toute sensation de faim disparaisse.

 

La folie de l’Ozempic

Ces bases étant posées, revenons sur la popularité qu’a connue l’une de ces molécules, l’Ozempic, sur les réseaux sociaux. Au cours de l’année écoulée, dans des vidéos ou des articles partagés de nombreuses fois, certains créateurs de contenus ont conseillé aux personnes qui les suivent d’utiliser ce médicament (indiqué, rappelons-le, pour le traitement du diabète de type 2), comme un « coupe-faim », afin de perdre quelques kilos. Cette tendance, qui consiste à détourner un médicament prescrit dans des circonstances bien spécifiques pour favoriser la perte de poids, est problématique à plusieurs égards.

Premièrement, parce que prendre un médicament pour une autre indication que celle pour laquelle il a été mis sur le marché, ici simplement pour perdre quelques kilos, comporte des risques pour la santé. Parmi les effets secondaires associés à l’Ozempic, on retrouve par exemple fréquemment des problèmes digestifs qui peuvent avoir un impact sur la qualité de vie.

On peut aussi citer une étude parue en octobre dans la revue JAMA, qui suggère que la prise d’analogues du GLP-1 pour perdre du poids peut entraîner des affections gastro-intestinales rares mais sévères (pancréatite, obstruction intestinale, pathologies biliaires ainsi qu’un retard dans le passage des aliments de l’estomac vers l’intestin grêle). S’exposer à ce type d’effets alors que l’on n’est pas malade et qu’on souhaite juste perdre quelques kilos n’est pas anodin. Enfin, ce médicament peut entraîner une perte de poids importante qui peut être dangereuse sans contrôle médical.

Il faut bien avoir en tête qu’il n’y a pas de solution « miracle » pour perdre du poids. Cela repose toujours sur une combinaison de facteurs individuels (adapter son mode de vie et son alimentation, avoir une activité physique régulière, changer son rythme de sommeil, agir sur le stress…) et non sur la prise d’un médicament unique qui résoudrait d’un coup tous les problèmes. Les facteurs impliqués dans l’obésité sont différents d’une personne à l’autre et doivent être analysés. Du fait, en fonction de notre patrimoine génétique, nous prenons (et perdons !) du poids différemment en réponse à l’environnement.

Deuxièmement, on sait qu’il existe déjà des tensions d’approvisionnement sur l’Ozempic : même les personnes diabétiques qui en ont vraiment besoin peuvent avoir du mal à s’en procurer. Soulignons que le mésusage et le détournement de ce médicament existe en France mais ne correspondrait qu’à 1,5 % des prescriptions selon les données de la Caisse nationale d’assurance maladie. Il n’est donc pas directement en cause dans ces tensions d’approvisionnement. Néanmoins, il s’agit d’une tendance à surveiller et à ne pas prendre la légère, ne serait-ce que pour assurer l’accès à long terme du médicament aux patients qui en ont besoin.

 

Que disent les essais pour le traitement de l’obésité ?

Au-delà de ces considérations, les scientifiques s’accordent pour dire que les analogues du GLP-1 s’avèrent prometteurs pour les personnes en situation d’obésité et pour qui la perte de poids est un impératif de santé.

Plusieurs essais cliniques (notamment les essais STEP) ont montré que chez des participants en situation d’obésité, sans diabète, la prise d’un médicament comme le Wegovy à une dose de 2,4 mg par semaine entraîne une perte de poids allant de 10 à 20 % sur un an. Par ailleurs, plusieurs études ont aussi indiqué une amélioration notable des paramètres métaboliques chez les participants (glycémie, cholestérol, inflammation…). Un suivi sur plus de trois ans a également permis de montrer une diminution de la mortalité cardiovasculaire chez des personnes obèses ou en surpoids ayant un historique de maladie cardiovasculaire.

Toutefois, là encore, la prise de ces médicaments doit se faire avec l’accompagnement d’un médecin, dans le cadre d’une prise en charge globale et en tenant bien entendu compte des éventuels effets secondaires. Ces options thérapeutiques ouvrent également de nouvelles questions sur la durée du traitement dans cette maladie chronique, avec un risque de reprise de poids en cas d’arrêt, sur lesquelles la recherche doit se pencher.

Une chose est sûre : si ces médicaments peuvent aboutir à une perte de poids importante et soutenue sur le long terme chez les patients obèses et s’ils représentent donc un outil très important à ajouter à l’arsenal thérapeutique, il faut aussi rappeler qu’aucune molécule « miracle » ne pourra à elle seule mettre fin à l’obésité.

Ces progrès ne doivent pas non plus faire oublier que l’obésité est un problème de santé publique global, majeur et qui prend un peu plus d’ampleur chaque année. Il est donc nécessaire de continuer à proposer une prise en charge complète, interdisciplinaire et, à mesure que les connaissances progressent sur la biologie de l’obésité, de plus en plus personnalisée, pour répondre aux problématiques spécifiques à chaque individu.  Mais aussi d’insister sur les mesures de prévention et politiques de santé publique, tout aussi essentielles pour agir sur les comportements et les modes de vie. Soutenir la recherche est primordial pour continuer à faire progresser les connaissances sur cette maladie complexe, et notamment tous ses mécanismes biologiques sous-jacents.

 Texte rédigé avec le soutien de Karine Clément, médecin, professeure de nutrition, directrice du laboratoire NutriOmique (Inserm/Sorbonne Université/APHP) et présidente de l’Association française d’étude et de recherche sur l’obésité – AFERO (afero.fr)

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