Les tests sérologiques permettent de déterminer si l’on a été en contact à un moment donné avec le virus. Cette photo représente le coronavirus SARS-CoV-2 responsable de la maladie COVID-19. Image obtenue par microscopie électronique à transmission. ©Manuel Rosa-Calatrava, @Inserm – Olivier Terrier, @CNRS – Andres Pizzorno, Signia Therapeutics – Elisabeth Errazuriz-cerda, Université Claude Bernard Lyon 1 / Laboratoire VirPath – Centre International de Recherche en Infectiologie avec l’appui de la plateforme CIQLE – Université Claude Bernard Lyon 1
Nécessaires pour mieux appréhender l’exposition de la population française au SARS-CoV-2 depuis le début de l’épidémie, les tests sérologiques sont à distinguer des tests diagnostiques RT-PCR. Des tests sérologiques fiables pourraient avoir un rôle très important pour orienter la décision publique dans le cadre de la pandémie de Covid-19 et pour faire progresser la recherche, mais de nombreuses interrogations demeurent à la fois sur la réponse immunitaire face au virus et sur la qualité des tests disponibles à ce jour.
Les tests RT-PCR sont les tests de référence pour le diagnostic de la phase aiguë du Covid-19. Fondés sur des méthodes de biologie moléculaire, ils permettent de détecter la présence du SARS-CoV-2 dans l’organisme d’un individu à un instant T et donc de confirmer un diagnostic de Covid-19 posé par un médecin. Concrètement, des échantillons nasopharyngés sont recueillis chez les personnes qui présentent des symptômes de la maladie par le biais d’un écouvillon introduit dans la narine jusqu’au rhinopharynx. À l’heure actuelle, la période idéale pour détecter l’ARN viral est de 1 à 7 jours après l’apparition des symptômes. Au-delà, le prélèvement nasopharyngé n’est plus optimal, comme l’indique la Haute Autorité de santé (HAS) dans un récent rapport. D’autres prélèvements (salivaires par exemple) peuvent alors être envisagés pour établir un diagnostic.
Les tests sérologiques quant à eux permettent de déterminer si une personne a été exposée au SARS-CoV-2, en identifiant la présence dans l’organisme d’anticorps produits suite à l’infection. Les individus asymptomatiques peuvent ainsi, eux aussi, être identifiés. Dans certains cas, pour les patients symptomatiques, les tests sérologiques peuvent être utilisés en complément des tests RT-PCR pour confirmer un diagnostic ou repérer des faux négatifs.
Toutefois, plusieurs travaux soulignent que la production d’anticorps n’est détectable qu’au bout de la deuxième semaine après l’apparition des signes de la maladie, ou au bout de 5 à 10 jours avec les tests les plus sensibles disponibles actuellement, comme l’indique une étude publiée début mai dans le Lancet Infectious Diseases. En conséquence, les tests sérologiques ne sont pas recommandés dans le cadre du diagnostic précoce de l’infection Covid-19. En effet, avec un diagnostic reposant uniquement sur les tests sérologiques, un certain nombre de personnes en début d’infection ne seraient pas repérées.
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Intérêt actuel des tests sérologiques pour la recherche
À ce jour, les tests sérologiques utilisés les plus couramment détectent la présence dans le sang d’anticorps spécifiques du virus sans pour autant donner d’information sur leur pouvoir neutralisant. Les autres tests sérologiques qui peuvent être réalisés sont beaucoup plus lourds à mettre en place à grande échelle. Ces tests dits « de neutralisation » ne donnent pas seulement une information quantitative sur la présence des anticorps, mais fournissent également des informations qualitatives sur leur capacité à bloquer l’entrée du virus dans des cellules cibles.
Toutefois, en l’état actuel des connaissances scientifiques, le fait d’identifier des anticorps (dont des anticorps neutralisants) dans l’organisme grâce aux tests sérologiques n’est pas nécessairement synonyme de protection. Aucune étude scientifique n’a encore évalué si la présence d’anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2 confère une immunité contre une infection ultérieure ni quelle serait la durée d’une telle immunité. De fait, de nombreuses questions subsistent concernant la réponse immunitaire face au virus (voir notre note explicative sur le sujet) et l’existence d’une protection certaine et définitive suite à une infection par le SARS-CoV-2 n’est pas encore garantie.
Tant que nous n’aurons pas de données précises et de recul sur cette question, les tests sérologiques ne pourront pas être utilisés en routine au service d’un « passeport immunité » pour identifier des personnes qui seraient entièrement protégées contre une éventuelle réinfection et pourraient sortir sans risque. À noter enfin que la qualité des tests sérologiques existants est encore très variable et que de nombreuses équipes, en France et à l’étranger, tentent de développer des tests plus fiables.
Les tests sérologiques ont cependant dès à présent un rôle à jouer dans la surveillance épidémiologique pour identifier les personnes étant ou ayant été en contact avec le virus afin de parvenir à une estimation plus précise de sa diffusion dans la population, et pour permettre une meilleure connaissance de l’historique de l’infection au sein de cette dernière. C’est notamment l’ambition du projet EpiCOV porté par l’Inserm, qui s’appuie sur ces tests pour quantifier la proportion de personnes ayant développé des anticorps en réaction au virus SARS-CoV-2 et documenter les effets de cette épidémie sur les conditions de vie. Un autre exemple intéressant pour illustrer ce type d’usage a été décrit dans une récente étude publiée dans le Lancet. Réalisés à Singapour, ces travaux montrent comment l’utilisation de tests sérologiques a permis d’identifier les liens existants entre trois « clusters » (deux au sein de deux églises différentes, et l’un correspondant à un rassemblement familial), en identifiant un individu appartenant à deux de ces groupes ayant été infecté par le virus mais précédemment testé négatif par RT-PCR.
Les tests sérologiques peuvent également s’avérer importants dans un contexte de recherche clinique. Comme le souligne une publication dans Nature, ils pourraient par exemple être utilisés au début d’un essai clinique visant à évaluer des traitements préventifs chez les soignants. Ils permettraient de rendre ces essais plus robustes, en contribuant à l’identification des personnes ayant déjà été infectées pour les exclure de l’analyse.
En l’absence de connaissances plus précises sur la réponse immunitaire face au SARS-CoV-2 et de tests sérologiques plus fiables pouvant être menés à grande échelle, la portée de ces outils utilisés en population générale pour identifier les personnes potentiellement immunisées contre le virus reste encore limitée. Les tests disponibles actuellement présentent toutefois un intérêt majeur pour récolter des données épidémiologiques fiables et faire avancer la recherche clinique.