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Vers la pilule masculine, vraiment ?

Une tribune publiée dans le quotidien Libération a récemment relancé le débat autour de la contraception masculine. Canal Détox fait le point sur les perspectives ouvertes par les travaux scientifiques menés au cours des dernières années. Une pilule masculine pourrait-elle voir le jour dans un futur proche ?

Le 29 Août 2022 | Par INSERM (Salle de presse)

Où en est la recherche pour le développement de nouveaux contraceptifs masculins ? © Unsplash

 

Une tribune publiée dans le quotidien Libération a récemment relancé le débat autour de la contraception masculine. Au-delà des solutions qui existent aujourd’hui – encore mal connues des principaux intéressés et peu utilisées –, les recherches portant sur le développement d’une pilule contraceptive pour les hommes piétinent depuis des années, en raison de défis scientifiques importants et de financements restreints. 

Canal Détox fait le point sur les perspectives ouvertes par les travaux scientifiques menés au cours des dernières années. Une pilule masculine pourrait-elle voir le jour dans un futur proche ?

 

Brève histoire de la pilule

La première pilule contraceptive féminine, qui empêche l’ovulation, a rapidement connu un large succès commercial. En 1965, cinq ans après sa mise sur le marché, elle utilisée par 25 % des femmes aux États-Unis. En France, la pilule ne sera commercialisée qu’en 1967. De nouvelles formules suivront, empêchant l’implantation de l’embryon dans l’utérus et non plus seulement l’ovulation.

 

Zoom sur les approches hormonales

Si la mise au point de la contraception féminine fut un réel défi scientifique, nécessitant de créer des hormones de synthèse similaires aux hormones naturelles, celui de la conception masculine est autrement plus complexe. La plupart des femmes produisent chaque mois un ovule sous l’influence cyclique de plusieurs hormones (l’œstrogène et la progestérone, qui sont contrôlées par ce qu’on appelle « l’axe hypothalamus-hypophyse »). Pour bloquer la rencontre avec les gamètes masculins et, ce faisant, la fécondation, il « suffit » de modifier la production des bonnes hormones au bon moment.

De leur côté, les hommes produisent des milliers de spermatozoïdes en permanence. Ce qui signifie qu’il faut trouver un mécanisme capable de tous les neutraliser en permanence. Par ailleurs, tout comme son homologue féminine, la pilule contraceptive masculine doit être facile à prendre, son action, réversible (ne pas affecter la fertilité), et ses effets secondaires, raisonnables.

Une première approche, hormonale, a fait l’objet de plusieurs études. L’idée, comme pour la pilule féminine, est de jouer sur les hormones qui contrôlent la fabrication des gamètes. Chez l’homme, il s’agirait notamment d’administrer une dose hormonale exogène (généralement progestérone + testostérone) afin de faire baisser le taux de testostérone dans les testicules et de diminuer, voire supprimer, la production des spermatozoïdes.

En tout, huit essais cliniques pour tester l’efficacité de ce type de contraceptif ont été menés avec près de 2 000 participants. Les résultats ont indiqué que ces contraceptifs présentent une efficacité similaire à celle des contraceptifs hormonaux féminins, peu d’effets secondaires et un processus réversible. Un gros bémol toutefois : il est nécessaire de patienter quelques mois après avoir commencé à prendre cette pilule pour constater ses effets contraceptifs, mais aussi d’attendre quelques mois après son arrêt pour les voir se dissiper.

Par ailleurs, l’un des axes actuels de la recherche concerne les modes d’administration des contraceptifs hormonaux. En effet, ceux qui ont été testés reposent sur des injections réalisées périodiquement. Une contrainte majeure si l’on espère généraliser leur usage en « vie réelle ».  Un essai clinique pour tester un contraceptif hormonal sous la forme de gel est en cours. En revanche, il a jusqu’ici été difficile de développer des contraceptifs oraux, qui pourraient être pris sous la forme d’un comprimé d’hormones stéroïdiennes, notamment parce que la prise d’hormones sous cette forme s’avère toxique pour le foie. Certaines équipes de recherche tentent de lever ce frein, avec des résultats mitigés pour le moment.

 

Et des pistes non hormonales ?

Autre piste : développer une approche mécanique, qui agirait non plus sur la production de gamètes mais sur leur mobilité. D’ordinaire, les spermiductes – les canaux qui permettent aux spermatozoïdes de sortir des testicules – se contractent pour faire avancer les spermatozoïdes vers l’endroit où les spermatozoïdes sont stockés jusqu’au moment de l’éjaculation. L’idée d’une équipe de chercheurs américains a donc été de bloquer l’action des cellules musculaires à l’origine de cette contraction pour empêcher les gamètes de sortir. L’expérience, qui n’a toutefois pour le moment été menée que sur des rats, s’est avérée intéressante, avec l’apparition d’effets contraceptifs très rapide, en quelques heures seulement. Des essais sur l’homme seront dans tous les cas nécessaires pour confirmer cette preuve de principe.

Par ailleurs, certaines études se sont penchées sur des molécules naturelles, qui possèdent des effets contraceptifs non hormonaux. La première qui a été étudiée est le gossypol, une molécule issue des graines d’une plante cotonneuse qui pousse en Chine. Dans les années 1980, un essai clinique de phase III mené avec plus de 8 000 participants, a donné des résultats intéressants : la molécule réduisait la production et la mobilité des spermatozoïdes, et induisait également un changement de leur aspect, avec une efficacité de 90 % pour prévenir les grossesses. Cependant, ces effets contraceptifs n’étaient pas réversibles dans 20 % des cas, ce qui a conduit à l’abandon des recherches sur le sujet.

Plus récemment, d’autres travaux ont été menés en Chine avec une molécule appelée triptonide, extraite d’une plante mais qui peut aussi être synthétisée en laboratoire. Cette substance est en effet capable de déformer les spermatozoïdes, réduisant grandement voire totalement leur mobilité. Si l’efficacité et la réversibilité du traitement ont été mis en évidence chez le rat et le primate, les effets contraceptifs n’ont pu être constatés qu’après plusieurs semaines de traitement. Il n’est pas non plus certain que les effets observés chez l’animal soient tous constatés chez l’homme.

Si le travail des scientifiques a donc conduit à certaines avancées, il faudra encore plusieurs années de recherches pour élargir les options en matière de contraceptifs masculins efficaces et sûrs. Néanmoins, le plus long sera peut-être encore de faire accepter une répartition plus équitable des rôles en matière de contraception. Il s’agit pourtant d’une question prioritaire aussi bien du point de vue de la santé publique que de l’égalité entre les sexes.

L’option de la vasectomie

À l’heure actuelle, outre le port du préservatif, qui dans la plupart des pays reste la méthode contraceptive masculine la plus répandue, certains hommes ont recours à la vasectomie. Cette procédure chirurgicale est de plus en plus fréquente dans les pays anglo-saxons (beaucoup moins en France) et consiste à couper – ou obturer – les spermiductes. Efficace à 99 %, elle est réversible même si les résultats de l’opération inverse ne sont pas toujours garantis. Ainsi, moins de trois ans après la vasectomie, la « désobturation »  des spermiductes présente des taux de réussite variant de 30 à 70 %, selon l’association française d’urologie. Ce taux diminue toutefois à plus long terme.

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