Une étude menée par l’équipe de Florent de Vathaire (Directeur de Recherche Inserm – Université Paris-Sud 11 à l’Institut Gustave Roussy) s’est intéressée à la relation entre la fréquence des cancers de la thyroïde en Polynésie Française et les essais nucléaires atmosphériques menés par la France. L’étude conclut que le risque de cancer de la thyroïde semble légèrement augmenté avec la dose d’irradiation reçue suite aux essais nucléaires. Cette étude(1) est publiée sur le site Internet de la revue British Journal of Cancer.
Entre 1966 et 1974, la France a réalisé 41 essais nucléaires atmosphériques en Polynésie. Leurs effets potentiels sur la santé de la population en Polynésie n’avaient fait l’objet d’aucune étude épidémiologique.
Cette étude cas-témoins a comparé l’exposition aux rayonnements des 229 Polynésiens ayant eu un diagnostic de cancer de la thyroïde différencié entre 1981 et 2003, à celle de 373 individus “témoins” n’ayant pas développé de cancer de la thyroïde dans cette même population. L’exposition aux rayonnements a été estimée en utilisant des données météorologiques, les mesures officielles réalisées après les essais nucléaires et communiquées par la France aux Nations Unies, l’âge au moment de chaque essai, les informations sur les lieux de résidence et les habitudes alimentaires. Ces expositions ont été estimées en collaboration avec des chercheurs du National Cancer Institute de Bethesda, et ont déjà été publiées (Drozdovich V, Health Physics, 2008).
En dépit de ce faible niveau de dose, et après ajustement des données pour le niveau d’éducation, la surface corporelle, les antécédents familiaux de cancer de la thyroïde et le nombre de grossesses pour les femmes, les chercheurs ont observé un risque accru de cancer de la thyroïde avec l’augmentation de dose reçue à la thyroïde avant l’âge de 15 ans. Cette augmentation de risque par unité de dose de rayonnement à la thyroïde était plus élevée chez les femmes qui, plus tard, ont eu au moins quatre grossesses que chez les autres femmes. Au total, une dizaine de cancers de la thyroïde diagnostiqués avant 2003 sur les 229 cas étudiés est attribuable aux retombées des essais nucléaires et une autre dizaine de cas pourrait apparaître dans le futur.
Ces résultats sont cohérents avec ceux publiés il y a 5 ans par le Pr Claude Parmentier de l’Institut Gustave Roussy, qui montrent que la fréquence des chromosomes dicentriques est environ 3 fois plus importante chez les patients polynésiens atteints d’un cancer de la thyroïde et traités à l’IGR que chez les patients de caractéristiques identiques mais de France métropolitaine. Or ces chromosomes dicentriques sont principalement causés par l’exposition aux rayonnements ionisants (Violot D, European Journal of Nuclear Medicine and Molecular Imaging 2005).
Cette étude a aussi permis de mettre en évidence les facteurs expliquant l’incidence très élevée des cancers de la thyroïde en Polynésie Française, en particulier l’obésité, qui explique plus de la moitié de ces cancers (Brindel P, American Journal of Epidemiology, 2007).