Le taux d’expression du gène Kindlin-1 indique si les femmes atteintes de cancers du sein présentent un risque de développer des métastases pulmonaires. C’est la découverte que vient de publier l’équipe de Rosette Lidereau (1) dans Journal of National Cancer Institut du 7 septembre 2011. En plus de ses qualités diagnostiques, Kindlin-1 possède bon nombre de caractéristiques pour devenir une cible thérapeutique. Il régule en effet l’une des voies de signalisation – la voie du facteur de croissance TGFβ – déréglée dans les cellules tumorales. En agissant sur Kindlin-1, les chercheurs espèrent pouvoir bloquer la prolifération des cellules tumorales et ainsi contenir le pouvoir agressif des tumeurs à fort risque de dissémination pulmonaire.
L’un des défis majeurs de la cancérologie est aujourd’hui d’anticiper puis de traiter les métastases chez les patients. Tant que la tumeur est localisée, les traitements par chirurgie et radiothérapie permettent de l’éliminer. En revanche quand la tumeur a commencé à disséminer, et surtout à former des métastases, la prise en charge devient beaucoup plus lourde et complexe.
Avant que des métastases apparaissent, les cellules tumorales ayant quitté la tumeur initiale doivent parcourir un long chemin et franchir de nombreuses étapes : invasion des tissus proches de la tumeur, utilisation d’une voie de circulation (sanguine ou lymphatique), survie en dehors du site tumoral initial, et enfin développement dans un nouvel organe. Selon la nature de la tumeur initiale, les cellules tumorales iront préférentiellement s’installer dans des sites spécifiques : os, cerveau, poumon…
Pour franchir chacune de ces étapes, les cellules tumorales se modifient au niveau moléculaire et acquièrent de nouvelles propriétés, d’où l’idée d’identifier des caractéristiques liées à cette transformation.
Dans ses précédents travaux, l’équipe de Rosette Lidereau (Inserm 735, laboratoire d’Oncogénétique de l’Institut Curie (Saint-Cloud)) avait identifié une signature composée de 6 gènes, caractéristique des cancers du sein ayant une forte propension à former des métastases dans les poumons. Parmi ces gènes, pourquoi kindlin-1 est-il devenu l’objet de toutes leurs attentions ? “Tout simplement parce qu’il existe un lien réel entre l’expression du gène Kindlin-1 et le développement de métastases pulmonaires chez les patientes atteintes de cancers du sein” explique Keltouma Driouch qui pilote cette étude.
Kindlin-1 pourrait donc servir de marqueur pour identifier les femmes atteintes de cancers du sein et présentant un risque de développer des métastases pulmonaires.
Mais les potentialités de cette découverte ne s’arrêtent pas là. “En éteignant ce gène dans des modèles animaux, nous avons pu bloquer la croissance tumorale et le développement des métastases pulmonaires” ajoute la chercheuse. L’équipe s’est alors penchée sur ses effets au niveau cellulaire. La modification de l’expression de kindlin-1 perturbe la motilité des cellules et donc leur capacité invasive.
“Tout laisse à penser que Kindlin-1 est à la croisée des chemins de plusieurs voies de signalisation et notamment celle régulant le facteur de croissance TGFβ, participant à la transformation tumorale et à son développement” ajoute-t-elle.
Dans les cellules normales, le facteur de croissance TGF-β peut arrêter le cycle cellulaire, stopper la prolifération et induire la mort de la cellule, si celle-ci représente un danger pour ses consoeurs ou l’organisme. Dans les cellules tumorales, les dysfonctionnements de la voie de signalisation font que le facteur TGF-β ne contrôle plus la cellule.
Kindlin-1, en tant que régulateur de la voie de signalisation TGFβ, représente une cible possible pour rétablir son fonctionnement et ainsi bloquer la prolifération des cellules. Au-delà de son rôle diagnostique pour les métastases pulmonaires chez les patients atteints de cancer du sein, Kindlin-1 ouvre une piste potentielle vers une nouvelle thérapie ciblée.
Inserm Transfert a déposé une demande de brevet sur ces travaux en copropriété avec l’Institut Curie.
Note
(1) Inserm 735, laboratoire d’Oncogénétique de l’Institut Curie (Saint-Cloud)