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Des scientifiques identifient des cellules immunitaires à l’origine de cancers

Illustration médicale en 3D de l'anatomie masculine - Cancer du côlon ; côlon descendant.Environ 30 % des cancers apparaissent à la suite d’une inflammation chronique localisée. C’est notamment le cas de certains cancers colorectaux, de l’intestin grêle, du foie ou encore du pancréas. © Adobe Stock

Près d’un cancer sur trois se développe à la suite d’une inflammation chronique, dont l’origine reste incomprise. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS, de l’université Claude-Bernard Lyon 1 et du Centre Léon Bérard au Centre de recherche en cancérologie de Lyon[1], ont identifié des lymphocytes impliqués dans les processus inflammatoires et qui seraient en cause dans la génération de ces cancers. Ce travail ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques et de prévention. Les résultats sont publiés dans la revue Nature Immunology.

Environ 30 % des cancers apparaissent à la suite d’une inflammation chronique localisée. C’est notamment le cas de certains cancers colorectaux, de l’intestin grêle, du foie ou encore du pancréas. De nombreuses questions demeuraient toutefois en suspens pour mieux comprendre le développement de ces cancers. Une ou plusieurs cellules immunitaires sont-elles à l’origine du processus inflammatoire conduisant aux cancers ? Si oui, de quelles cellules s’agit-il ?

Répondre à ces interrogations est l’un des objectifs de Julien Marie[2], directeur de recherche à l’Inserm, et de son équipe au Centre de recherche en cancérologie de Lyon  (Inserm/CNRS/Université Claude-Bernard Lyon 1/Centre Léon Bérard) afin de mieux comprendre la manière dont la maladie est initiée.

Les chercheurs et chercheuses se sont intéressés tout particulièrement à une population de cellules immunitaires, les lymphocytes TH17, qui sont déjà connus pour être impliqués dans de nombreuses maladies inflammatoire, comme la sclérose en plaques ou encore la maladie de Crohn.

Des cellules à l’origine de cancers

L’hypothèse était que les lymphocytes TH17 ne constituent pas une population homogène, mais qu’ils peuvent en fait être divisés en plusieurs sous-groupes. En utilisant des approches dites de « séquençage de l’ARN à cellule unique », les scientifiques ont démontré cette hétérogénéité des cellules TH17 au sein de l’intestin.

« Plus précisément, dans cette étude, nous montrons pour la première fois qu’il existe en fait huit sous-types de lymphocytes TH17 ayant des rôles distincts. L’un d’entre eux a un rôle tumorigénique, c’est-à-dire que lorsque certains freins d’activation sont levés, il va contribuer au développement de cancers. Au contact de ces cellules TH17, les cellules de l’intestin qui étaient pourtant saines jusqu’ici vont devenir cancéreuses », explique Julien Marie.

Les scientifiques ont ensuite montré que cette population tumorigénique est accrue chez des patients à fort risque de cancer. Enfin, ils ont aussi identifié qu’une protéine, la cytokine TGFβ, est capable d’inhiber la formation des TH17 tumorigéniques.

« Cette étude peut interroger les cliniciens sur l’utilisation, sur une période longue des immunothérapies chez des patients atteints de cancer, un traitement qui vise à stimuler les lymphocytes », souligne Julien Marie.

En effet, si ces thérapies ont transformé la prise en charge en oncologie, elles sont aussi connues pour entrainer de l’inflammation chronique intestinale. Il est donc important de s’interroger, pour un patient donné, sur les risques que l’immunothérapie s’accompagne de l’émergence de lymphocytes TH17 tumorigéniques qui pourraient à terme donner lieu au développement d’un autre cancer. Par ailleurs, cette étude pose les bases pour le développement de nouvelles thérapies préventives du cancer en bloquant l’apparition du sous-type de TH17 mis en cause par les scientifiques dans ce travail.

 

[1]Ont également participé à ces travaux des scientifiques de l’Institut de génétique moléculaire de Montpellier (CNRS/Université de Montpellier).

[2]Julien Marie est lauréat du Prix Bettencourt Coups d’élan pour la recherche française.
Créé par la fondation Bettencourt Schueller en 2000, ce prix a récompensé 78 laboratoires français et plus de 900 chercheurs jusqu’en 2021.

Vaincre la leucémie en ciblant ses cellules souches

Cellule cancéreuse réalisée en 3D © Fotalia

La leucémie aigüe myéloïde est l’un des cancers les plus mortels. En cause, la grande résistance aux traitements des cellules souches leucémiques qui en sont à l’origine. Une équipe de l’Université de Genève (UNIGE), des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et de l’Inserm a fait une avancée majeure en identifiant certaines des particularités génétiques et énergétiques de ces cellules, notamment un processus spécifique d’utilisation du fer. Ce dernier a aussi pu être bloqué par les scientifiques, entraînant la mort ou l’affaiblissement des cellules souches leucémiques sans atteindre les cellules saines. Ces résultats, publiés dans Science Translational Medicine, ouvrent la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques.

La leucémie aigüe myéloïde (LAM) est le cancer du sang et de la moelle osseuse le plus fréquent chez l’adulte. Provoqué par une accumulation de cellules immatures, qui détruisent et remplacent rapidement les cellules saines du sang (les globules rouges, blancs, et les plaquettes), il s’avère fatal pour la moitié des personnes touchées de moins de 60 ans, et pour 85% d’entre elles passé cet âge.

Ce pronostic négatif s’explique notamment par la présence de cellules souches leucémiques (CSL) dites «dormantes» ou «quiescentes», qui échappent aux chimiothérapies disponibles. Souvent invisibles, elles peuvent, après un traitement a priori concluant, se «réveiller» et réactiver la maladie. Développer des thérapies les ciblant directement est donc un enjeu majeur de recherche. Les mécanismes qui les régissent sont cependant mal compris.

En identifiant des caractéristiques génétiques et métaboliques propres aux CSL, sur lesquelles il est possible d’agir, une équipe de l’UNIGE, des HUG et de l’Inserm fournit de nouveaux éléments de compréhension, mais aussi d’action, pour lutter contre la maladie. Ces résultats, publiés dans Science Translational Medicine, ouvrent la voie à une nouvelle cible thérapeutique et à son application clinique.

Une signature génétique distinctive

«Grâce à des techniques avancées de bio-informatique, et en collaboration avec l’équipe du Dr Petros Tsantoulis du Département d’oncologie des services d’oncologie et d’oncologie de précision des HUG, nous avons tout d’abord établi que ces cellules quiescentes contiennent une signature génétique unique à 35 gènes. Lors de l’utilisation de cette signature dans de larges bases de données cliniques de patientes et patients atteints de LAM, nous avons pu montrer que cette signature était fortement liée au pronostic de la maladie», explique Jérôme Tamburini, professeur associé au Département de médecine et au Centre de recherche translationnelle en onco-hématologie (CRTOH) de la Faculté de médecine de l’UNIGE ainsi qu’au Swiss Cancer Center Léman (SCCL), et médecin adjoint hospitalo-universitaire au Service d’oncologie des HUG, qui a dirigé ces travaux.

Bloquer un «nutriment» spécifique

L’étude met également en évidence une différence métabolique entre les cellules souches leucémiques dormantes et actives. De manière générale, pour survivre, les cellules déclenchent des réactions chimiques qui permettent de dégrader certains nutriments, et ainsi produire de l’énergie. Cela passe aussi par l’«autophagie», un processus d’auto-élimination des déchets qui, en cas d’absence de nutriments extérieurs, leur permet de continuer de s’alimenter. Les scientifiques ont découvert que les cellules souches leucémiques dormantes dépendent de la «ferritinophagie», une forme spécifique d’autophagie ciblant la ferritine, qui est la principale molécule de stockage du fer.

«Ce processus est médié par une protéine appelée NCOA4. Il contrôle la disponibilité du fer dans les cellules. En inhibant cette protéine, génétiquement ou chimiquement, nous avons observé que les cellules leucémiques, en particulier les cellules souches dormantes, sont davantage susceptibles de mourir, tandis que les cellules souches sanguines saines restent intactes», révèle le chercheur Inserm Clément Larrue, ancien post-doctorant dans le groupe de Jérôme Tamburini, actuellement chercheur post-doctorant au Centre de Recherches en Cancérologie de Toulouse, et premier auteur de l’étude.

 

Vers des essais cliniques

Des expériences menées avec des modèles murins ont confirmé que le blocage de la protéine NCOA4 réduit la croissance des tumeurs, la viabilité et l’auto-renouvellement des cellules souches leucémiques. Cibler la ferritinophagie, par cette voie d’inhibition, pourrait donc constituer une stratégie thérapeutique prometteuse. Le composé utilisé pour bloquer NCOA4 est en phase précoce de développement pour des essais cliniques à venir, sous la direction de l’un des co-auteurs de l’étude, Jun Xu, professeur à l’Université Sun Yat-Sen en Chine.

Pour l’équipe de l’UNIGE, la suite des travaux consistera à explorer plus avant les mécanismes de la ferritinophagie et son rapport avec la mitophagie, un autre mécanisme clé de régulation des CSL. Cette nouvelle étape de recherche est soutenue par la Ligue Suisse contre le cancer.

Après un cancer du sein, les inégalités sociales se creusent

cancer du seinUne équipe franco-suisse met en lumière l’impact à long terme des inégalités socio-économiques sur la qualité de vie des femmes ayant eu un cancer du sein. © Photo Angiola Harry sur Unsplash

Dans le domaine de la santé, les inégalités peuvent apparaître à tous les niveaux chez les femmes atteintes d’un cancer du sein: prévention, dépistage, diagnostic, traitement et survie. Mais qu’en est-il de leur qualité de vie? En suivant pendant 2 ans près de 6000 patientes, une équipe franco-suisse de l’Université de Genève (UNIGE), des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), de l’Inserm et de Gustave Roussy montre que leur statut socio-économique a un impact majeur et durable, en dépit d’une prise en charge médicale identique. Ces résultats qui font partie l’étude CANTO promue par UNICANCER, à lire dans le Journal of Clinical Oncology, appellent à une meilleure prise en compte des déterminants socio-économiques dans les programmes de soutien aux femmes atteintes d’un cancer du sein.

Les déterminants sociaux et économiques (comme le revenu ou le niveau d’éducation) ont un impact sur la manière dont les individus font face à la maladie et constituent l’une des principales causes des inégalités en matière de santé. En oncologie, les inégalités socio-économiques sont présentes tout au long du continuum de soins, de la prévention au diagnostic, traitement et survie.

« On ignorait néanmoins l’impact des inégalités économiques sur la qualité de vie des personnes atteintes d’un cancer du sein », explique José Sandoval, oncologue au Département d’oncologie des HUG et chercheur dans les départements de médecine et santé et médecine communautaires de la Faculté de médecine de l’UNIGE, premier auteur de cette étude. « C’est ce que nous avons voulu quantifier chez ces femmes, au moment du diagnostic, mais aussi dans les deux années qui suivent. »

Près de 6 000 femmes suivies pendant deux ans

Les 5900 femmes qui ont participé à cette étude, soignées en France, ont eu un cancer du sein précoce (sans métastase), un cancer fréquent et dont plus de 80% des femmes guérissent.

« De nombreuses femmes recevaient un traitement lourd la première année suivant leur diagnostic — comme une chirurgie suivie d’une
chimiothérapie — puis une hormonothérapie la deuxième année. Nous les avons suivies sur deux ans afin d’analyser l’évolution des différences de qualité de vie sur le moyen terme », souligne Gwenn Menvielle, directrice de recherche à l’Inserm et à Gustave Roussy, qui a dirigé ces travaux.

L’équipe de recherche a examiné cinq domaines de la qualité de vie – la fatigue, l’état général, l’état psychique, la santé sexuelle et les effets secondaires, en regard de plusieurs indicateurs socio-économiques: niveau d’études, revenu du foyer en tenant compte du nombre de personnes dans le foyer, et situation financière perçue. La combinaison de ces éléments a permis de déterminer un score où 0 indique l’absence d’inégalités.

Les inégalités augmentent rapidement

Au diagnostic, les inégalités de qualité de vie entre les deux extrêmes socio-économiques sont notables, avec un score de 6,7. Le score augmente à 11 pendant le traitement, puis se maintient à 10 deux ans après le diagnostic, soit à un niveau plus élevé qu’à l’annonce du diagnostic.

« Si on s’attendait à une certaine inégalité au début de la maladie, le fait que ces inégalités augmentent rapidement et perdurent autant constitue une surprise », analyse José Sandoval. « L’impact sur la qualité de vie est beaucoup plus prononcé chez les femmes moins favorisées, quelles que soient les caractéristiques biologiques de leur cancer, leur âge ou le traitement reçu. »

Pourquoi ? Les réponses sont à chercher non pas au niveau du traitement, similaire pour toutes les femmes, mais probablement dans tous les éléments de soutien autour de la prise en charge médicale.

« Avoir le temps, l’argent et l’accès à l’information pour prendre soin de soi et trouver des ressources de soutien et mieux gérer les effets secondaires physiques et psychologiques de la maladie sera probablement plus facile pour les femmes de statut socio-économique élevé que pour, par exemple, une mère de famille monoparentale à faible revenu, sans relais pour ses enfants », souligne José Sandoval. « Or, ces éléments influent sur la maladie et ses conséquences pour la santé physique et psychique des patientes. »

Mieux prendre en compte les inégalités

L’accès égalitaire aux soins n’est donc pas synonyme d’absence d’inégalité. Le contexte socio-économique peut avoir un impact majeur sur l’état de santé, au même titre que les caractéristiques biologiques.

« Lorsque l’on parle d’oncologie de précision, il faudrait prendre en compte la personne dans son ensemble, y compris dans sa dimension sociale », ajoutent les auteurs. « Nos données concernent des femmes soignées en France, un pays pourtant très égalitaire en matière d’accès aux soins. Dans des pays sans système de santé universel, ces inégalités risquent d’être encore plus prononcées. »

Ces résultats font partie de l’étude CANTO: étude des toxicités chroniques des traitements anticancéreux chez les malades porteurs de cancer localisé. Cette recherche est financée par le gouvernement français dans le cadre du programme «Investissements d’avenir» géré par l’Agence nationale de la recherche (ANR), subvention n° ANR-10-COHO-0004.  

Cancer du sein : une étude évalue le temps de retour à l’emploi des femmes après traitement à partir de données de l’Assurance Maladie

ruban rose© Photo de Angiola Harry sur Unsplash

Après combien de temps les femmes traitées pour un cancer du sein reprennent-elles leur travail ? Jusqu’à maintenant, peu de données existaient au niveau national sur cet aspect important du parcours de soin des patientes. Une étude réalisée par des chercheuses et chercheurs de l’Université Claude Bernard Lyon 1, de l’Inserm, de l’Université Gustave Eiffel et des Hospices civils de Lyon, basée sur des données de l’Assurance Maladie, a permis de quantifier ce phénomène, éclairant la diversité des situations vécues par ces femmes. Les résultats sont publiés dans la revue Clinical Breast Cancer.

Depuis quelques années, le diagnostic du cancer du sein s’est beaucoup amélioré. Plus de 60 000 femmes sont diagnostiquées chaque année en France, favorisant une meilleure prise en charge médicale. Davantage de patientes surmontent le cancer et un aspect du soin de plus en plus prioritaire consiste à les accompagner à améliorer leur qualité de vie à long terme. Parmi les nombreux éléments en jeu, le retour au travail constitue une étape importante.

Pendant un arrêt de travail, puis pendant la reprise de travail, beaucoup de facteurs entrent en jeu. Il s’agit d’une expérience très personnelle, plus ou moins complexe et plus ou moins bien vécue selon chaque situation.

« Le médecin conseil m’a convoquée après 3 mois de temps partiel thérapeutique, et je l’ai vécu comme un rendez-vous culpabilisant », raconte ainsi l’une des participantes[1] interrogées dans le cadre de l’étude TRAVERSÉE (Trajectoires de soin et de retour au travail après le diagnostic d’un cancer du sein : les données SNDS au service de l’accompagnement).

Ce projet scientifique coordonné par Alexandra Dima, chercheuse en psychologie de la santé, a eu justement pour objectif de développer des indicateurs et des méthodes d’analyse destinés à mieux rendre compte de la diversité de situations de patientes.

« Il est de la responsabilité des services publics d’organiser au mieux le retour au travail des femmes après le traitement d’un cancer du sein. Pour cela, nous avons besoin de mieux comprendre leurs trajectoires et comment ces femmes l’ont vécu », explique-t-elle. Et d’ajouter « qu’une meilleure connaissance de ces trajectoires aiderait également les professionnels de santé à mieux planifier les parcours de soins, et les patientes à mieux gérer leur équilibre entre vie personnelle et professionnelle ».

Dans le cadre du projet de recherche TRAVERSÉE, des scientifiques du Laboratoire de recherche en Santé Publique RESHAPE (Université Claude Bernard Lyon 1/Inserm) et de l’Unité Mixte de Recherche Épidémiologique et de Surveillance Transport Travail Environnement UMRESTTE (Université Claude Bernard Lyon 1/Université Gustave Eiffel), ainsi que des Hospices Civils de Lyon, ont eu accès à des données de l’Assurance Maladie, une des sources de données du Système National de Données de Santé. En s’appuyant sur des informations telles que les congés de maladie compensés par des indemnités journalières et les pensions d’invalidité, ils ont notamment établi des statistiques sur le temps de retour au travail des femmes après un cancer du sein.

Pour ce faire, les chercheurs ont notamment intégré un groupe de représentantes des patientes et professionnels de santé dans la formulation, la contextualisation et l’interprétation des méthodes et statistiques établies. Un aspect innovant du projet.

Les résultats de l’étude, publiés dans la revue Clinical Breast Cancer, indiquent que la moitié des femmes sont retournées au travail au cours de la première année suivant le diagnostic. Environ 4 femmes sur 10 sont revenues plutôt au cours de la deuxième année après une période de travail à temps partiel. En revanche, environ 1 femme sur 10 a connu des périodes d’arrêt complet de travail se prolongeant sur 3 ans depuis le diagnostic. C’est en particulier auprès des femmes, dont la période de retour au travail est particulièrement longue, qu’il faut penser différemment l’accompagnement, pointe l’étude.

« Les méthodes mises en œuvre dans cette base de données nationale permettent une compréhension globale des trajectoires de retour au travail et de certains facteurs associés. Ces informations détaillées permettent ainsi aux cliniciens d’offrir un soutien personnalisé aux patientes et de concevoir des interventions ciblées qui facilitent un retour au travail réussi », concluent les auteurs de ces travaux.

Les scientifiques, représentantes des patientes et professionnels de santé qui ont participé à l’étude encouragent fortement les patientes à se faire accompagner dans cette étape importante de leur parcours professionnel.

[1] Un groupe de représentantes des patientes a participé en tant qu’expertes au projet TRAVERSÉE

Un groupe de représentantes des patientes et professionnels de santé a contribué à valoriser les connaissances acquises lors de cette étude sous forme de vidéos.

Sur les méthodes : https://youtu.be/fmnlwO0eSJs
Sur les résultats : https://youtu.be/vxeAY3ZjPlg

Propagation des cancers : cibler les plaquettes pour contrer les métastases ?

Microscopie électronique à balayage. On observe comment les plaquettes (en bleu/violet) s’attachent à deux cellules tumorales (en rouge) dans un modèle pré-clinique de souris. © Maria Jesus Garcia Leon (unité 1109 Inserm/Université de Strasbourg)

Et si nos plaquettes sanguines[1], actrices majeures du maintien de l’intégrité de notre système circulatoire, n’étaient pas systématiquement de notre côté ? Des équipes de recherche de l’Inserm, de l’Université de Strasbourg et de l’Établissement français du sang se sont penchées sur le rôle des plaquettes dans le processus de formation des métastases. Leurs résultats suggèrent que les plaquettes, en se fixant spécifiquement aux cellules cancéreuses circulantes, favoriseraient leur survie dans la circulation sanguine, mais également au sein des métastases. Ces travaux, parus dans Nature Communications, montrent en outre que l’utilisation de traitements permettant de cibler la liaison entre les plaquettes et les cellules cancéreuses pourrait permettre de lutter contre la formation des métastases, sans présenter le même risque hémorragique[2] que les antiplaquettaires classiques.

Une métastase est une tumeur dite « secondaire » formée généralement à partir de cellules cancéreuses qui se sont détachées d’une première tumeur (dite « primaire ») avant de migrer via les vaisseaux lymphatiques ou sanguins et de s’installer dans une autre partie du corps, propageant ainsi le cancer d’origine. Au cours de leur dissémination, ces cellules cancéreuses entrent en contact les plaquettes sanguines qui s’avèrent des alliées inattendues : en se liant aux cellules cancéreuses, elles vont favoriser leur survie face aux cellules immunitaires présentes dans l’environnement sanguin et les aider à sortir de la circulation pour atteindre leur lieu de métastase.

Toutes les cellules cancéreuses ne bénéficient cependant pas de la même protection de la part des plaquettes car certaines s’y lient plus facilement que d’autres. Cette préférence dicte leur capacité à survivre dans la circulation, à cibler certaines régions vasculaires et donc leur aptitude à ensuite créer des métastases. Par ailleurs, des analyses fines des métastases pulmonaires ont montré que les plaquettes s’y retrouvaient également en nombre et pourraient par conséquent y jouer un rôle différent ou complémentaire de celui qu’elles ont dans les vaisseaux sanguins.

Deux équipes de recherche dirigées par les chercheurs Inserm Jacky Goetz, au sein du laboratoire Immunologie et rhumatologie moléculaire (Inserm/Université de Strasbourg) et Pierre Mangin, au sein du laboratoire Biologie et pharmacologie des plaquettes sanguines : hémostase, thrombose, transfusion (Inserm/Établissement français du sang/Université de Strasbourg), se sont donc intéressées aux moments auxquels les plaquettes intervenaient lors de la migration des cellules cancéreuses pour favoriser la survie et la dissémination de ces dernières. Elles se sont également penchées sur la façon de contrer cette alliance sans avoir recours aux médicaments antiplaquettaires classiques, qui, en altérant l’arrêt du saignement, présentent un effet secondaire de risque hémorragique.

Dans un modèle de souris, les chercheuses et chercheurs ont artificiellement induit des chutes contrôlées du nombre de plaquettes à différents stades de la formation de métastases pulmonaires. Ils ont ainsi pu observer qu’en supprimant précocement les plaquettes (lorsqu’elles sont encore seulement en circulation dans le sang), on limitait la sortie du vaisseau sanguin des cellules cancéreuses ayant une grande affinité pour celles-ci et qu’on inhibait ainsi la formation de métastases. Les cellules cancéreuses se liant faiblement aux plaquettes étaient elles aussi impactées, mais seulement lorsque le taux de plaquettes était diminué plus tardivement, alors que les métastases pulmonaires étaient déjà formées.

« Ces observations suggèrent qu’en plus de protéger les cellules cancéreuses dans la circulation sanguine, les plaquettes pourraient aussi les protéger contre le système immunitaire de manière plus tardive, c’est-à-dire au sein même des métastases, et les y aider à proliférer, précise Jacky Goetz. Nos travaux futurs chercheront donc à comprendre comment les plaquettes colonisent les métastases en croissance. »

Mais comment contourner la problématique du risque hémorragique associé aux traitements antiplaquettaires ?

Une première piste pourrait être incarnée par une protéine particulière, retrouvée spécifiquement à la surface des plaquettes : la glycoprotéine VI (GPVI). De précédents travaux ont suggéré que d’une part elle pourrait moduler l’activité pro-métastatique des plaquettes et que d’autre part son utilisation ne génèrerait pas de saignements. L’expression de cette protéine peut être inhibée grâce au glenzocimab, une molécule actuellement en évaluation chez des patients dans le cadre du traitement des accidents vasculaires cérébraux. En utilisant le glenzocimab dans leur modèle animal, les scientifiques ont observé qu’il permettait de réduire efficacement le développement des métastases pulmonaires déjà établies, et ceci sans altération de l’arrêt du saignement.

« Ces observations viennent renforcer l’idée d’une contribution des plaquettes à la formation des métastases après la sortie des cellules cancéreuses de la circulation, détaille Pierre Mangin. En outre, nos travaux mettent en lumière les possibilités de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques qui, contrairement aux traitements antiplaquettaires classiques, ne perturberaient pas l’arrêt du saignement et pourraient ainsi être envisagés en oncologie, notamment pour réduire la progression de métastases pulmonaires. Nos deux équipes travaillent actuellement à l’exploration de ce potentiel », ajoute le chercheur.

Cette étude, réalisée dans des modèles animaux expérimentaux, permet de réconcilier des données antérieures contradictoires sur le rôle des plaquettes dans le processus métastatique.

« Des études chez l’être humain, par exemple sur des cohortes de patients exposés au long cours aux antiplaquettaires pour des indications cardiovasculaires, ou encore évaluant l’efficacité de traitements oncologiques chez des patients sous antiplaquettaires, pourraient être d’excellents indicateurs pour vérifier ces résultats », conclut Jacky Goetz.

 

[1]Les plaquettes ou thrombocytes présentes dans le sang ne sont pas des cellules à proprement parler, mais des fragments de cellules géantes de la moelle osseuse : les mégacaryocytes. Elles sont des actrices majeures de l’arrêt rapide du saignement (hémostase). Ainsi, un taux de plaquettes trop bas, peut entraîner des troubles de l’arrêt du saignement et donc un risque hémorragique (en cas de blessure par exemple).

[2] Voir note 1

Nouvelles pistes thérapeutiques pour améliorer le traitement du cancer de l’ovaire

© Cellule cancéreuse réalisée en 3D, Fotalia

En étudiant pour la première fois les effets de la chimiothérapie sur certaines cellules du micro-environnement tumoral[1], une équipe de l’Institut Curie et de l’Inserm menée par le Dr Fatima Mechta-Grigoriou franchit une étape dans la compréhension des mécanismes de résistance à la chimiothérapie chez des patientes atteintes de cancer de l’ovaire. En effet, les scientifiques sont parvenus à identifier une population de fibroblastes (cellules de soutien) capable d’inhiber l’action antitumorale de certaines cellules immunitaires même après le traitement. Publiés dans Nature Communications, ces résultats ouvrent la voie à de potentielles applications thérapeutiques anti-cancéreuses.

Environ 70% des cancers de l’ovaire sont dits « séreux de haut grade »[2] et présentent un pronostic sévère. Optimiser les traitements et développer de nouvelles stratégies constituent donc des enjeux de scientifiques et médicaux majeurs. Aujourd’hui, les scientifiques s’intéressent à une population cellulaire spécifique : les fibroblastes, des cellules hétérogènes présentes dans l’ensemble de l’organisme au niveau des tissus conjonctifs (qui assurent la cohésion des autres tissus de l’organisme). Les fibroblastes associés au cancer (CAF) participent au maintien du microenvironnement tumoral, considéré comme un moteur important dans le développement de la maladie (par exemple en favorisant la propagation de métastases). Comprendre le rôle et l’évolution des CAF pendant la maladie et son traitement est donc essentiel pour trouver des approches thérapeutiques plus efficaces contre le cancer.

 

L’effet de la chimiothérapie sur les fibroblastes associés au cancer

Au sein de l’unité Cancer, hétérogénéité, instabilité et plasticité (Inserm, Institut Curie), l’équipe dirigée par le Dr Fatima Mechta-Grigoriou[3], a évalué l’effet d’un traitement par chimiothérapie sur quatre populations de CAF préalablement identifiées dans les cancers ovariens séreux de haut grade. Les chercheuses et chercheurs ont réussi à distinguer plusieurs catégories de CAF : certains, bénéfiques, bloqueraient le développement tumoral, tandis que d’autres, néfastes, participeraient à la croissance du cancer. Les scientifiques ont observé qu’une importante proportion de CAF néfastes est inactivée à la suite d’un traitement par chimiothérapie. Cependant, une proportion variable de ces CAF néfastes reste activée en dépit de la chimiothérapie, avec un impact sur l’efficacité du traitement.

 

Les CAF et le système immunitaire

L’équipe a voulu aller plus loin et s’est intéressée à l’interaction entre ces CAF néfastes et le système immunitaire. Ses résultats révèlent que la population de CAF néfastes bloque l’activité antitumorale de cellules immunitaires essentielles : les lymphocytes T CD8+. Ainsi, cibler ces CAF néfastes résiduels, en combinaison avec la chimiothérapie, pourrait améliorer le pronostic des patientes atteintes de cancer de l’ovaire.

« Ces résultats suggèrent qu’une approche thérapeutique ciblant spécifiquement ces CAF néfastes résiduels, en complément d’une chimiothérapie, pourrait augmenter l’activité antitumorale des lymphocytes T CD8+ et améliorer le traitement du cancer et le pronostic des patientes » explique le Dr Fatima Mechta-Grigoriou. « A l’Institut Curie, nous menons actuellement le projet de Recherche Hospitalo-Universitaire CASSIOPEIA qui porte sur ces mêmes populations de CAF pour lutter contre les métastases et la résistance au traitement dans les cancers du sein triple négatif. »

cancer -CAF néfastes (ANTXR1, en rouge) et de protéines intracellulaires YAP1

Marquage des populations de CAF néfastes (ANTXR1, en rouge) et de protéines intracellulaires YAP1 (en vert) dans des cellules avant et après traitements. Après la chimiothérapie, on observe la présence résiduelle de YAP1 en vert qui pourrait être ciblée pour augmenter l’efficacité de la chimiothérapie. Barres d’échelle, 50 μm

 

Les fibroblastes au-delà du cancer

Des résultats publiés récemment[4] par la même équipe ont également mis en évidence un rôle des fibroblastes dans le développement des maladies rénales chroniques, cause majeure de mortalité dans le monde. En s’accumulant, ces fibroblastes induisent des dysfonctionnements rénaux. Les scientifiques ont ainsi montré que la présence au diagnostic de fibroblastes particuliers était prédictive d’un pronostic défavorable chez le patient.

« Les diverses populations de fibroblastes sont impliquées à différents stades du développement pathologique dans le cancer, mais apparaissent aussi de façon nouvelle et intrigante dans d’autres pathologies, ce qui élargit considérablement notre domaine de recherche », conclut le Dr Fatima Mechta-Grigoriou.

On définit par microenvironnement tumoral, l’ensemble des cellules ou constituants biologiques (vaisseaux sanguins, cellules immunitaires, fibroblastes, molécules de signalisation, matrice extracellulaire) qui sont situés autour des cellules cancéreuses et qui interagissent fortement avec elles.

 

[1] On définit par microenvironnement tumoral, l’ensemble des cellules ou constituants biologiques (vaisseaux sanguins, cellules immunitaires, fibroblastes, molécules de signalisation, matrice extracellulaire) qui sont situés autour des cellules cancéreuses et qui interagissent fortement avec elles.

[2] Le cancer de l’ovaire séreux de haut grade est un sous-type qui se développe à partir des cellules épithéliales.

[3] L’équipe Stress et cancer à l’Institut Curie est dirigée par le Dr Fatima Mechta-Grigoriou, directrice de recherche de classe exceptionnelle à l’Inserm.

[4] Cohen et al., 2024, WNT-dependent interaction between inflammatory fibroblasts and FOLR2+ macrophages promotes fibrosis in chronic kidney disease, Nature Communications, 2024 Jan 25;15(1):743. doi: 10.1038/s41467-024-44886-z.

Un organoïde neuronal équipé d’un environnement immunitaire

organoïde neuronal _ CP Gustave RousyOrganoïde neuronal avec environnement immunitaire grossi deux fois à gauche, 20 fois à droite : en vert les macrophages, en rouge et bleu les cellules neuronales progénitrices (microscopie à fluorescence) © Gustave Roussy

Des chercheurs français, singapouriens et anglais, menés par le Pr Florent Ginhoux, directeur d’une équipe de recherche à Gustave Roussy/Inserm, ont réussi à mettre en évidence dans un organoïde neuronal le rôle de l’environnement immunitaire du cerveau dans sa formation et son développement. La mise au point de ces structures en trois dimensions intégrant cellules neuronales et environnement immunitaire, est, à ce jour, un des modèles in vitro qui reflète de manière la plus complète le cerveau humain. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature.

À Gustave Roussy, ces organoïdes sont utilisés pour modéliser le développement des cancers du cerveau de l’enfant, pour en comprendre les mécanismes et découvrir de nouvelles pistes de traitement.

« Si l’on sait que les cellules microgliales, cellules immunitaires issues de l’évolution (différenciation) de macrophages primitifs présents dans le cerveau embryonnaire, contribuent à de multiples aspects du développement et du fonctionnement du cerveau, leur rôle précis reste mal connu et peu étudié », déclare le Pr Florent Ginhoux, directeur d’une équipe de recherche à Gustave Roussy/Inserm et chercheur au Singapore Immunology Network A*STAR (SIgN) au moment des travaux. L’utilisation d’organoïdes neuronaux pour étudier leurs fonctions est une des voies aujourd’hui privilégiée par la recherche.

Un organoïde est une structure en 3D cultivée au laboratoire qui reproduit certaines caractéristiques morphologiques et fonctionnelles d’un organe ou d’un tissu du corps humain. En recherche, ces pseudo-organes issus de cultures cellulaires sont un nouveau modèle biologique en plein développement dans différents domaines, notamment en neurologie ; la plupart des études portant sur la formation des neurones (neurogenèse) étant réalisée à partir de modèles animaux.

Avec une structure en 3D, le fonctionnement et les propriétés de ces organoïdes se rapprochent de ceux d’un véritable organe sans pour autant être aussi abouti. Ils mesurent un millimètre et n’ont pas de pensées, de conscience ou d’émotion. En générant des organoïdes neuronaux à partir de cellules souches pluripotentes humaines induites dites « cellules iPS » (cellules spécialisées qui sont déprogrammées pour être reprogrammées différemment), il est possible de modéliser certaines caractéristiques clés du développement précoce du cerveau humain. « Cependant, les approches actuelles n’intègrent pas les cellules microgliales », précise le Pr Florent Ginhoux.

L’équipe internationale de chercheurs dirigée par le Pr Florent Ginhoux, a réussi à produire un nouveau type de modèle : des organoïdes neuronaux pourvus de microglie en cultivant ensemble des organoïdes, et des macrophages de type primitif, tous générés à partir d’une même culture de cellules souches induites iPS.

Les organoïdes et les macrophages de type primitifs sont d’abord préparés séparément. Il faut environ 25 jours pour les obtenir. Les macrophages sont ensuite mis au contact des organoïdes pendant 15 à 20 jours supplémentaires.

Dans le modèle que les chercheurs ont développé, les macrophages ont colonisé les organoïdes. Dans cet environnement 3D, en contact avec les cellules neuronales immatures, ils se sont différenciés en de cellules microgliales exprimant les gènes et les fonctions propres à ce type cellulaire. Ces cellules microgliales se sont révélées capables de contrôler la différenciation de précurseurs de neurones (dites cellules progénitrices neuronales), limitant ainsi leur multiplication (prolifération), tout en favorisant la création de synapses (synaptogenèse) et la croissance des axones (axonogenèse), deux éléments clés de la transmission du message nerveux de neurone à neurone.

Une découverte dans la découverte

L’équipe du Pr Florent Ginhoux a également observé que les cellules microgliales des organoïdes contiennent des niveaux élevés de périlipine 2, une molécule appartenant à une famille de protéines qui enrobent les lipides – dont le cholestérol – dans des gouttelettes, ce qui permet leur stockage dans les cellules et leur exportation hors de ces dernières. Armées de ces gouttelettes chargées en périlipine 2, les cellules microgliales facilitent le transport du cholestérol vers les organoïdes. Les cellules progénitrices neuronales qui absorbent ce cholestérol subissent alors une véritable reprogrammation métabolique durant leur processus de différenciation en cellules nerveuses.

L’approche développée par le Pr Florent Ginhoux et ses collaborateurs fait progresser de manière très significative la complexification des modèles d’organoïdes en y intégrant des cellules microgliales. Progrès que les chercheurs ont illustré par la découverte d’une voie clé de dialogue, portée par les lipides, entre la microglie et les cellules progénitrices neuronales, primordiale pour la synthèse de nouveaux neurones.

« Avec les cellules de la microglie incorporées, les organoïdes neuronaux que nous avons réussi à générer sont un nouveau modèle 3D plus complet et plus proche de la réalité. Nous savons que le système immunitaire joue un rôle fondamental dans le développement des cancers et à Gustave Roussy nous allons donc les utiliser pour mieux comprendre et découvrir les mécanismes qui régulent le développement des tumeurs cérébrales pédiatriques », conclut le Pr Florent Ginhoux.

Ces travaux ont été soutenus par la campagne « Guérir le cancer de l’enfant au 21e siècle » de la Fondation Gustave Roussy.

Une nouvelle technique d’IRM permet de localiser des foyers de cellules tumorales agressives et pourrait améliorer le traitement des glioblastomes

Cellules souches de glioblastome migrant à partir d'une structure tumorale.Cellules souches de glioblastome migrant à partir d’une structure tumorale. © Caroline Delmas

Les glioblastomes sont des tumeurs cérébrales très agressives dont le traitement consiste en une chirurgie et une radiochimiothérapie. Une nouvelle technique d’imagerie médicale pourrait améliorer le pronostic des patients, selon un récent essai clinique mené par Élisabeth Moyal, professeure à l’université Toulouse III – Paul Sabatier et cheffe du département de radiothérapie à l’IUCT-Oncopole. Les résultats de son essai clinique mené à l’Oncopole et au sein de son équipe de recherche Inserm au Centre de recherches en cancérologie de Toulouse (CRCT – Inserm/CNRS/UT3), en collaboration avec le service de neurochirurgie du CHU de Toulouse, ont été publiés dans la revue Science Advances le 3 novembre.

Le traitement des glioblastomes consiste en une résection chirurgicale de la zone tumorale centrale (dénommée CE), suivie d’une radiochimiothérapie sur cette même région, ainsi que sur la large zone péritumorale infiltrée par les cellules tumorales qui y ont migré (appelée zone FLAIR). Malgré ce traitement, la plupart des patients vont présenter une rechute, notamment au niveau de ces régions péritumorales FLAIR qui n’ont pas été retirées lors de la chirurgie initiale.

Ce sont ces zones à risque qui ont été étudiées par la Pr Elisabeth Moyal et son équipe Inserm. En effet, en utilisant une technique d’IRM, appelée spectroscopie de résonance magnétique et qui permet d’analyser le métabolisme des tumeurs, l’équipe avait précédemment montré que les régions tumorales CE et péritumorales FLAIR affichant un hypermétabolisme prédisaient l’endroit où la tumeur allait récidiver après le traitement.

Les récidives sont principalement imputées à une sous-population de cellules tumorales plus agressives, les cellules souches de glioblastome. L’hypothèse des chercheurs a donc été que les régions hypermétaboliques étaient enrichies en cette population de cellules souches cancéreuses.

Pour la vérifier, un essai clinique a été mis en place chez 16 patients porteurs de glioblastome, bénéficiant en préopératoire d’une IRM classique associée à une spectroscopie de résonance magnétique permettant lors de la chirurgie guidée par ces techniques d’IRM de prélever des biopsies dans les zones tumorales CE et FLAIR, hypermétaboliques ou non. Les patients ont été ensuite traités par radiochimiothérapie standard.

Les expérimentations menées au CRCT par le Dr Anthony Lemarié, maître de conférences UT3, et Caroline Delmas, ingénieure de laboratoire à l’IUCT et au CRCT, ont confirmé leur hypothèse et ont démontré que les zones hypermétaboliques dans les régions péritumorales FLAIR étaient enrichies en cellules souches de glioblastome et surexprimaient de nombreux gènes impliqués dans l’agressivité et la résistance tumorale. Plus les patients présentaient un fort enrichissement en cellules souches de glioblastome dans ces zones péritumorales hypermétaboliques, plus leur pronostic de rechute s’avérait sévère.

« La combinaison des deux techniques d’imagerie IRM et spectroscopie de résonance magnétique, avant la chirurgie, pourrait permettre une meilleure résection ainsi qu’un meilleur ciblage thérapeutique des zones hypermétaboliques présentes dans les régions péritumorales », précise la Pr Elisabeth Moyal.

Ce ciblage spécifique pourrait permettre d’améliorer le pronostic de ces tumeurs cérébrales très agressives.

Comment deux structures cellulaires s’allient pour donner le feu vert à la dissémination tumorale

cellules tumorales dérivées de cancer du seinL’image montre des cellules tumorales dérivées de cancer du sein cultivées sur un réseau de fibres de collagène qui mime l’environnement tumoral dans lequel les cellules cancéreuses sont amenées à se disséminer lors du processus invasif et métastatique. Les cellules ont été marquées pour révéler la protéine cavéoline-1, constituant des cavéoles, et la protéine TKS5, composants essentiels des invadopodes. Cette image révèle les interrelations étroites existants entre ces deux types de structures dans les cellules de cancer du sein.© Pedro Monteiro, Institut Curie, CNRS UMR3666 & UMR144, INSERM U1143

Les mécanismes de la dissémination tumorale recèlent encore de nombreux secrets. Dans le cadre de l’étude des processus métastatiques, les chercheurs de l’Institut Curie, de l’Inserm et du CNRS ont identifié pour la première fois des interrelations dynamiques spécifiques aux cellules tumorales impliquant deux structures : les cavéoles et les invadopodes. Publiés dans Nature Cell Biology le 30 octobre 2023, ces résultats ouvrent la voie au développement de nouvelles cibles thérapeutiques pour le traitement des cancers.

Les métastases sont la principale cause de mortalité dans les cancers. A l’Institut Curie, les équipes CNRS et Inserm présentent de nouveaux résultats qui font suite aux précédentes découvertes du Dr Philippe Chavrier, chef d’équipe à l’Institut Curie et directeur de recherche au CNRS[1], sur le rôle majeur d’une structure cellulaire appelée « invadopode » dans une des étapes du processus de formation des métastases, la dissémination[2].

Cavéoles et invadopodes : une structure en entraine une autre

« En collaboration avec l’équipe du Dr Christophe Lamaze, directeur de recherche à l’Inserm et chef d’équipe à l’Institut Curie[1], nous cherchions, à l’origine à comprendre le rôle suspecté des invadopodes, ces petites excroissances des cellules tumorales en forme de doigts impliquées dans le processus métastatique, et leur interrelation avec une autre structure cellulaire, les cavéoles », explique le Dr Phillipe Chavrier, directeur de recherche au CNRS et chef d’équipe à l’Institut Curie. « Contrairement aux cavéoles retrouvées dans les cellules saines et cancéreuses, les invadopodes sont uniquement présentes dans les cellules cancéreuses, et nous pressentions qu’elles agissaient de pair. »

Les cavéoles correspondent à des renfoncements (invaginations) de la membrane plasmique d’une cellule où se concentrent des protéines d’adhésion telles que l’intégrine. Elles permettent l’ancrage de la cellule dans son environnement, à savoir les fibres de collagènes qui quadrillent la matrice extracellulaire.

La matrice extracellulaire est le milieu dans lequel baigne toutes les cellules du même tissu permettant ainsi la cohésion cellulaire et le maintien tissulaire.

Pedro Monteiro, chercheur postdoctorant à l’Institut Curie et ses collègues de l’équipe Dynamique la membrane et du cytosquelette ont montré que lorsque la cellule devient cancéreuse, c’est à l’endroit du contact entre les fibres de collagène et les intégrines des cavéoles que, comme pour un bouton pression, l’on voit apparaître les invadopodes à leur proximité. On parle donc d’« interrelation » pour décrire l’impact des cavéoles dans l’apparition des invadopodes.

Un binôme en faveur de la dissémination des cellules cancéreuses

Ce sont les cavéoles qui prennent les rênes de l’invasion tumorale. La cellule cancéreuse perçoit la rigidité de son environnement direct, la matrice extracellulaire, grâce à la mécanosensibilité conférée par les cavéoles. Les invadopodes interviennent ensuite en fragilisant la matrice pour entrainer la mobilité cellulaire. On parle alors de la dégradation de la matrice extracellulaire et en particulier des fibres de collagène par les invadopodes. Il en résulte une fragilisation et une dissolution des fibres. L’affaiblissement structurel de la matrice est accentué par une force mécanique produite par les invadopodes qui permet à la cellule tumorale de se frayer un passage dans la matrice extracellulaire, rendant possible le déplacement de la cellule cancéreuse. La transition de l’étape « invasion tumorale » vers la dissémination des cellules cancéreuses s’effectue ainsi. La dissémination aboutit au stade métastatique lorsque les cellules réussissent à se propager dans tout l’organisme et trouvent un ou de nouveaux organes à envahir.

Mieux connaitre les métastases : un espoir thérapeutique contre le cancer

Cette étude est la première à démontrer l’existence de cette interrelation entre les cavéoles et les invadopodes comme conditionnelle à l’affaiblissement des fibres de la matrice extracellulaire environnante de la cellule. Ce processus est décrit par les chercheurs des équipes des Drs Christophe Lamaze et Philippe Chavrier comme décisif pour provoquer la dissémination des cellules cancéreuses.

Si la façon dont dialoguent les cavéoles et les invadopodes reste encore à élucider, cette découverte ouvre des perspectives nouvelles : en ciblant ce mécanisme il serait envisageable de contenir les cellules tumorales et de limiter le processus métastatique. C’est tout l’enjeu de la recherche d’inhibiteur contre la dissémination.

 

[1] Equipe Dynamique la membrane et du cytosquelette – Unité de Biologie Cellulaire et Cancer – UMR144 – CNRS/Université Sorbonne/Institut Curie

[2] Septembre 2020, Journal of Cell Biology (Protrudin-mediated ER–endosome contact sites promote MT1-MMP exocytosis and cell invasion), à lire sur curie.fr : Invadopodes : comment une cellule tumorale devient invasive | Institut Curie

[3] Equipe Mécanique et Dynamique Membranaires de la Signalisation Intracellulaire – Chimie et Biologie de la Cellule – UMR3666 / U1143 – CNRS/INSERM/Institut Curie

Une étude de l’Inserm s’intéresse au lien entre le risque de leucémie pédiatrique et le fait d’habiter à proximité de vignes

Ce travail a été réalisé sur l’ensemble du territoire de France métropolitaine, dans le cadre du programme GEOCAP. Crédits : Unsplash

Comprendre les conséquences d’une exposition environnementale aux pesticides, et notamment l’impact sur la santé, est actuellement un enjeu de santé publique. Si de nombreuses études épidémiologiques pointent du doigt le risque d’une exposition domestique et professionnelle[1] sur la santé des enfants, les données demeurent limitées concernant les risques pour les riverains de parcelles agricoles traitées aux pesticides. Une nouvelle étude de l’Inserm, menée par des scientifiques au sein du laboratoire CRESS (Inserm/Université Paris Cité) en collaboration avec Santé publique France, et avec le soutien financier de l’Anses et de l’INCa, apporte un nouvel éclairage, en se penchant sur le risque de leucémies pour les enfants résidant près de parcelles viticoles. L’équipe de recherche montre que le risque de leucémie n’augmente pas avec la simple présence de vignes à moins de 1000 m de l’adresse de résidence. Cependant, elle met en évidence une légère augmentation de ce risque en fonction de la surface totale des vignes présentes dans ce périmètre. L’ensemble des résultats est décrit dans le journal Environmental Health Perspectives.

 L’exposition aux pesticides est suspectée d’être un facteur de risque de cancers pédiatriques, et plus particulièrement de leucémies. La plupart des études réalisées en France et à l’international se sont intéressées au lien entre le risque pour les enfants de développer cette maladie et l’usage de pesticides par la mère au domicile, pendant et après la grossesse.

Le risque d’une exposition environnementale aux pesticides, du fait d’une proximité géographique avec des parcelles agricoles, a en revanche moins été documenté. Les travaux disponibles jusqu’ici ont donné lieu à des résultats hétérogènes du fait notamment de la difficulté à obtenir des données fiables sur la localisation exacte de la résidence des enfants, l’étendue et la localisation des parcelles agricoles, le type de culture cultivée sur ces parcelles, l’utilisation de pesticides sur ces parcelles et le cas échéant la quantité et le type de pesticides utilisés.

Afin de faire progresser les connaissances sur le sujet, des scientifiques de l’Inserm ont mené une étude portant sur l’association entre la proximité du lieu de résidence aux vignes et le risque de leucémie chez les enfants de moins de 15 ans. Ce travail a été réalisé sur l’ensemble du territoire de France métropolitaine, dans le cadre du programme GEOCAP de l’équipe EPICEA[2] de l’Inserm, en collaboration avec Santé publique France et avec le soutien financier de l’Anses et de l’INCa.

 

Pour faire le point sur l’état actuel des connaissances, consultez l’expertise collective de l’Inserm « Pesticides et Santé, nouvelles données »

Une association entre cancer et surfaces des vignes 

Pour mener cette étude, les chercheurs de l’Inserm se sont appuyés sur les données du Registre national des cancers de l’enfant (RNCE)[3] sur la période 2006-2013. Ils ont estimé la présence et la surface de viticulture autour de l’adresse de résidence des 3 711 enfants de moins de 15 ans atteints de leucémie en France métropolitaine sur cette période (cas).  Cette estimation a également été réalisée pour 40 196 enfants non malades du même âge (témoins), sélectionnés pendant la même période à partir de bases de données fiscales (FIDELI) pour être représentatifs de la population métropolitaine de moins de 15 ans.

Pour les cas, l’adresse considérée était celle au moment du diagnostic. Pour les témoins, il s’agissait de l’adresse au moment de leur sélection comme témoins. Les adresses des cas et des témoins ont été transmises sans autre indication à une société privée[4], qui a déterminé les coordonnées (latitude, longitude) correspondantes en utilisant la base d’adresses de référence de l’IGN complétée, si besoin, par des données cadastrales et des photos aériennes.

Enfin, la présence et la surface en vignes autour de ces coordonnées ont été évaluées en utilisant des cartes permettant de repérer les cultures agricoles, construites pour cette étude par Santé publique France. 

L’analyse de ces données met en lumière deux résultats principaux. En premier lieu, la présence de vignes à moins de 1000 mètres de l’adresse de résidence n’était pas plus fréquente chez les cas (9,3%) que chez les témoins (10%). En d’autres termes, d’après ces résultats, la simple présence de vignes à moins de 1000 m de l’adresse de résidence ne semble pas en soi être un facteur de risque de leucémie.

En revanche, les scientifiques ont observé une association entre le risque de développer une leucémie de type « lymphoblastique » et l’étendue de la surface couverte par les vignes, dans ce périmètre de 1000 mètres autour de l’adresse des enfants. Ce risque augmente de façon modérée en fonction de la surface couverte par les vignes : en moyenne pour chaque augmentation de 10 % de la part couverte par les vignes dans le périmètre de 1000 mètres, le risque de leucémie lymphoblastique augmente de près de 10%.

Le découpage par région montrait des résultats hétérogènes, avec des associations plus nettes en Pays de la Loire, Grand-Est, Occitanie, et Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse.

Ces résultats demeuraient identiques en prenant en compte dans l’analyse d’autres facteurs, susceptibles d’influencer le risque de leucémie, comme par exemple le degré d’urbanisation et le niveau moyen journalier d’UV dans la commune ou encore la longueur de routes majeures à moins de 150 mètres de l’adresse.

« Nous mettons en évidence une augmentation modérée du risque de leucémie, qui nous incite à poursuivre nos travaux. Nous avons ici commencé par la viticulture qui est une culture pérenne plus clairement identifiable que des cultures soumises à des rotations, par exemple, et qui fait l’objet de nombreux traitements phytosanitaires. Les analyses concernant les autres cultures sont en cours de même que les analyses d’autres types de cancers. En parallèle, nous travaillons sur l’évaluation des expositions aux différents pesticides utilisés sur ces cultures. C’est un travail long, complexe qui repose sur plusieurs collaborations », conclut Stéphanie Goujon, chercheuse Inserm et dernière autrice de l’étude.

 

Un point sur les leucémies

La leucémie est une maladie rare chez l’enfant, son incidence est de l’ordre de 45 cas pour 1 million d’enfants par an. Autrement dit, en France, environ 500 leucémies sont diagnostiquées chaque année chez des enfants. Elles représentent environ 30 % de tous les cancers pédiatriques. Parmi elles, 80 % sont des leucémies lymphoblastiques et 20 % des leucémies myéloïdes. Dans cette étude, aucune augmentation du risque n’a été retrouvée pour les leucémies myéloïdes, les résultats présentés ici concernent uniquement les leucémies lymphoblastiques.

 

[1] Il s’agit principalement ici d’une exposition professionnelle de la mère pendant la grossesse.

[2] Équipe Inserm d’Epidémiologie des cancers de l’enfant et de l’adolescent (Centre de Recherche en Epidémiologie et StatistiqueS, CRESS, UMR 1153)

[3] https://www.rnce.inserm.fr

[4] Cette société RetailSonar, est experte en géolocalisation et partenaire de l’équipe EPICEA de l’Inserm depuis le début du programme GEOCAP.

 

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