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Augmentation des cas de scorbut chez les enfants en France depuis la pandémie de Covid

Oranges et citrons dans une coupe.Le scorbut est une maladie causée par une carence profonde en vitamine C. © Yann Khatchadourian sur Unsplash

Les équipes du service de pédiatrie générale et du centre de référence des rhumatismes inflammatoires et maladies auto-immunes systémiques de l’enfant (RAISE) de l’hôpital Robert-Debré AP-HP, de l’Inserm, de l’université Paris Cité et du département de pédiatrie de l’hôpital Cayenne en Guyane, coordonnées par les Drs Zein Assad, Maelle Trad et le Professeur Ulrich Meinzer, ont réalisé une étude sur l’augmentation de la maladie de scorbut chez les enfants en France depuis la pandémie de Covid-19. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication parue le 6 décembre 2024 dans la revue The Lancet Regional Health – Europe.

Le scorbut est une maladie causée par une carence profonde en vitamine C et qui avait pratiquement disparue à la fin du XXe siècle dans les pays à haut revenu, en particulier en Europe. Le scorbut peut être responsable, entre autres, de douleurs osseuses intenses et d’une faiblesse musculaire invalidante, d’hémorragies et d’une altération de l’état général. Le retour inquiétant de cette maladie met en lumière les possibles conséquences de l’augmentation de la précarité socio-économique depuis 2020 sur l’état nutritionnel des enfants en France.

L’objectif principal de l’étude était d’évaluer les tendances de l’incidence du scorbut chez les enfants hospitalisés en France sur une période de neuf ans et d’examiner l’impact de la pandémie de Covid-19. L’étude a également analysé l’évolution de la malnutrition, en différenciant les formes sévères des formes modérées et légères.

Cette étude repose sur des données collectées à partir du système national PMSI (programme de médicalisation des systèmes d’information). Elle a inclus des patients âgés de 18 ans et moins, atteints de scorbut et de malnutrition sévère, entre janvier 2015 et novembre 2023. L’étude couvre deux périodes distinctes : pré-pandémie (2015-2020) et post-pandémie (2020-2023). Les facteurs socio-économiques tels que l’indice des prix à la consommation ont été intégrés pour évaluer les corrélations avec l’incidence des maladies.

Un total de 888 patients atteints de scorbut a été hospitalisé, dont l’âge moyen était de 11 ans. L’augmentation des hospitalisations est estimée à 34,5 % après le début de la pandémie de Covid-19. Par ailleurs, la hausse des cas de malnutrition sévère, estimée à 20,3 %, conforte le lien du scorbut avec une dégradation de l’état nutritionnel des enfants. L’augmentation des cas de scorbut et de malnutrition sévère était associée à une aggravation de la précarité socio-économique et de l’inflation. Cette association ne constitue pas nécessairement une relation causale, bien que plausible.

La réémergence du scorbut peut être liée à différentes causes incluant des facteurs environnementaux, sociaux mais aussi liés aux habitudes alimentaires. Il faut également souligner l’impact inattendu, de la pandémie et des crises socio-économiques et politiques mondiales qui l’ont suivie, sur l’aggravation de l’insécurité alimentaire. Ainsi, en France, l’inflation des prix alimentaires a atteint 15 % au début de 2023, touchant particulièrement les familles précaires.

A la suite des résultats de cette étude, des recommandations pourraient être proposées, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre de programmes d’aide alimentaire ciblés, l’amélioration de l’accès à des aliments nutritifs et financièrement abordables, ainsi qu’un renforcement de la formation clinique pour la prévention et la détection précoce des carences alimentaires.

Stéatohépatite associée à un dysfonctionnement métabolique (MASH) : il n’existe pas un mais deux types de maladie

La MASH est une pandémie croissante dans le monde entier, qui va de pair avec l'augmentation de l'obésité et du diabète. Il s'agit également d'un domaine où les besoins médicaux non satisfaits sont importants. Crédits : François PattouLa MASH est une pandémie croissante dans le monde entier, qui va de pair avec l’augmentation de l’obésité et du diabète. Il s’agit également d’un domaine où les besoins médicaux non satisfaits sont importants. © François Pattou

La MASH, anciennement connu sous le nom de la NASH, est une maladie hépatique chronique grave, qui concerne environ 4 à 6 % de la population adulte mondiale[1]. Une nouvelle étude révèle que contrairement à ce qui était admis jusqu’ici, il n’existe pas une seule forme de MASH mais deux. Elles se distinguent à la fois par des caractéristiques biologiques et des progressions différentes. L’une est d’origine génétique quand l’autre est la conséquence de désordres métaboliques. Cette découverte faite au CHU de Lille dans le cadre du RHU PreciNASH, un vaste projet de recherche hospitalo-universitaire coordonné par l’Inserm, a nécessité la collaboration de plusieurs équipes scientifiques issues d’Inria, du CNRS, de l’université, du CHU, et de l’Institut Pasteur de Lille[2]. Cette étude fait l’objet d’une publication dans Nature Medicine et pourrait marquer un tournant dans la façon d’appréhender la maladie sur le plan clinique et thérapeutique.

La stéatose hépatique métabolique (MASLD) est caractérisée par un excès de gras dans le foie. Cette maladie n’est pas nécessairement grave, mais si la graisse continue à s’accumuler, le foie devient le siège d’une inflammation appelée hépatite. On parle alors plus précisément de « stéatohépatite associée à un dysfonctionnement métabolique » (MASH). Dans ce cas, l’inflammation ne disparait pas, elle va au contraire s’aggraver avec le temps et peut évoluer vers la fibrose du foie[3], voire vers une cirrhose, avec un risque de cancer hépatique.

Deux types de MASH

La progression vers la MASH est variable d’un patient à un autre, à la fois en ce qui concerne sa sévérité et les complications associées. Cela suggère qu’il existe différents types de MASH. Pour vérifier cette hypothèse, des équipes lilloises regroupées dans un consortium international coordonné par le Pr François Pattou[4], ont eu recours à plusieurs cohortes de patients et à l’intelligence artificielle.

En analysant les données cliniques et de biopsie de foie de 1800 patients par un « algorithme », ils ont mis en évidence deux profils distincts de patients présentant un risque de MASH. Ces deux profils peuvent être distingués sur la base de seulement six variables cliniques et biologique simples : l’indice de masse corporelle, le taux d’enzyme hépatique alanine aminotransférase (ALT), l’âge, le taux de LDL cholestérol, le taux de triglycérides (un type d’acides gras), et celui d’HbA1c qui reflète le taux moyen de glucose dans le sang.

Les scientifiques montrent notamment que l’un des deux groupes de patients est caractérisé par un taux de triglycérides et d’HbA1c élevés et l’autre par un taux anormal d’enzyme hépatique ALT. Ces résultats ont été obtenus à partir de la cohorte ABOS, composée de personnes suivies au CHU de Lille, dans le cadre du projet européen IMI Sophia. Ces patients en situation d’obésité ont accepté la réalisation d’une biopsie hépatique dans le cadre d’une chirurgie de l’obésité. Les principaux résultats ont ensuite été validés à l’aide de quatre cohortes européennes indépendantes en Italie, Finlande, Belgique et au Royaume-Uni.

Forts de ces observations, le Pr François Pattou et ses collègues sont allés plus loin dans l’analyse des différents cas de MASH issus de la cohorte lilloise. Ils ont découvert que les deux profils de patients identifiés présentaient en fait deux formes de MASH différentes.

Origine génétique ou cardio-métabolique

Le premier groupe de patients qui présente un taux anormal d’enzyme hépatique ALT développe une MASH spécifique du foie, d’origine génétique, caractérisée par un dysfonctionnement hépatique qui conduit le foie à produire des acides gras qui s’accumulent à l’intérieur de cet organe.

Le deuxième groupe qui a des taux élevés de triglycérides et d’HbA1c présentent une MASH de type cardio-métabolique. Dans celle-ci, des lipides circulants sont importés dans foie via le sang.

« Ces deux formes ne peuvent pas être distinguées par la biopsie hépatique qui sert au diagnostic de la MASH et qui permet seulement de constater l’association d’une stéatose et d’une inflammation dans le foie. En revanche, nous montrons ici que les mécanismes physiopathologiques conduisant à l’apparition de ces deux formes de la maladie ainsi que leur progression, diffèrent », clarifie Stefano Romeo, spécialiste suédois des maladies métaboliques et chercheur associé de l’université de Lille.

Concrètement, la MASH spécifique du foie apparait chez des personnes plus jeunes et provoque essentiellement des maladies hépatiques graves alors que la seconde, de type cardio-métabolique, expose aussi au diabète de type 2 et à la survenue d’accidents cardiovasculaires.

 « Ce travail permet de stratifier les cas de MASH en deux endotypes distincts, caractérisés chacun par des mécanismes biologiques spécifiques et une progression clinique différente », résume Francois Pattou.

« Il s’agit d’une avancée importante vers une médecine de précision, avec l’idée que nous pourrions adapter à l’avenir la prise en charge des patients selon le type dont ils sont atteints. En particulier, plusieurs médicaments sont en développement pour lutter contre cette maladie, avec des résultats hétérogènes. Il serait utile de les évaluer de façon distincte selon le type de MASH », précise le professeur Philippe Mathurin, hépatologue, également impliqué dans le projet.

Pour accompagner ces prochaines étapes, l’équipe a mis au point l’application RShiny librement accessible en ligne pour les cliniciens : ce programme permet d’identifier le type de MASH d’un patient, sur la seule base des six variables simples prises en compte dans ce travail.

« Cet outil statistique n’est pas un dispositif médical, mais permet aux cliniciens de classer bien facilement de nouveaux patients sans avoir besoin de connaissance en programmation » conclut Guillemette Marot, biostatisticienne, impliquée dans la construction des deux endotypes.

 

[1] La « Metabolic dysfunction-associated steatotic liver disease » (MASLD), anciennement appelée « nonalcoholic fatty liver disease (NAFLD) », touche environ 30 % de la population adulte mondiale. Cette maladie englobe un spectre allant de l’accumulation bénigne de graisse dans le foie (stéatose) à sa forme plus sévère, la « metabolic dysfunction-associated steatohepatitis » (MASH), auparavant connue sous le nom de « nonalcoholic steatohepatitis » (NASH). La MASH, qui concerne environ 4 à 6 % de la population adulte, représente une progression dangereuse de la maladie, pouvant conduire à des complications graves telles que la cirrhose, le cancer du foie.

[2] Ce travail a été menée dans le cadre du projet RHU PreciNASH, coordonné par l’Inserm et impliquant l’Université de Lille, le CHU de Lille, L’Institut Pasteur de Lille, le CNRS. Il a été mené en lien avec le laboratoire Sanofi.

[3] Fibrose :  accumulation de tissu cicatriciel non fonctionnel

[4] François Pattou est chef du service de chirurgie générale et endocrinienne au CHU de Lille, et directeur du laboratoire de recherche translationnelle sur le diabète (U1190-EGID, Inserm, Institut Pasteur de Lille, Université de Lille, CHU de Lille)

 

Pour aller plus loin sur le sujet : regarder l’émission de l’Inserm « Le foie, ce super organe méconnu »

Dans la ville la plus haute du monde, des scientifiques mesurent les effets du manque d’oxygène sur le corps

Ville de la Rinconada, au Pérou. © Agence de communication scientifique Perceptiom - Expedition 5300Ville de la Rinconada, au Pérou. © Agence de communication scientifique Perceptiom – Expedition 5300

Plus nous montons en altitude, plus l’apport en oxygène à notre corps diminue. Depuis 2019, une équipe de recherche de l’Inserm, de l’Université Grenoble Alpes et du CHU Grenoble Alpes s’intéresse aux conséquences de la restriction en oxygène sur la santé. Leurs travaux les ont conduits au Pérou, à la Rinconada, ville la plus haute du monde (5 300 m), devenue un véritable laboratoire à ciel ouvert. Dans le cadre de l’une de leurs missions récentes, ils se sont intéressés plus spécifiquement aux effets du manque d’oxygène sur la circulation sanguine des personnes vivant sur ces territoires. Avec un double objectif : celui d’aider les populations locales en leur proposant des soins médicaux adaptés, mais aussi de mieux comprendre les mécanismes en œuvre dans l’hypoxie, situation où la disponibilité en oxygène est réduite, comme c’est le cas dans de nombreuses maladies cardiovasculaires et respiratoires. Leurs résultats, publiés dans The Lancet Regional Health Americas, montrent comment l’hypoxie altère la réactivité des vaisseaux sanguins, qui est un marqueur pronostique de santé générale.

L’hypoxie est une situation où l’apport en oxygène à l’organisme est réduit. Elle peut être rencontrée dans différentes pathologies, comme dans certaines maladies cardiovasculaires ou bien respiratoires[1]. Étudier l’hypoxie est donc d’une importance cruciale pour mieux comprendre les mécanismes en œuvre dans ces pathologies et espérer un jour en améliorer le diagnostic et le traitement.

L’étude de l’hypoxie est au cœur des travaux de recherche de l’équipe du laboratoire HP2[2] (Inserm/UGA/CHU Grenoble Alpes) depuis de nombreuses années. Les scientifiques étudient l’hypoxie en laboratoire et réalisent également des études de terrain en haute altitude, dans le cadre du programme Expédition 5300 (voir encadré ci-dessous). En effet, l’élévation en altitude est associée à une diminution progressive de la disponibilité en oxygène. Mener des recherches sur ce terrain permet donc de pouvoir étudier l’hypoxie en conditions réelles, chez des personnes qui y sont en permanence confrontées. Comprendre comment l’organisme humain peut tolérer plus ou moins difficilement l’hypoxie pourrait à terme permettre d’individualiser les soins et d’affiner les prises en charge thérapeutiques.

Dans ces travaux, les chercheurs se sont plus spécifiquement intéressés aux effets de l’hypoxie sévère sur l’organisme et plus précisément sur le système vasculaire. Sur un groupe de 94 personnes adultes, les scientifiques ont mesuré, grâce à des techniques d’imagerie et à des échantillons sanguins, ce qu’on appelle la réactivité des vaisseaux sanguins, c’est-à-dire leur capacité à se contracter ou à se dilater face à des stimuli extérieurs. La réactivité des vaisseaux sanguins est communément considérée comme un marqueur pronostique de bonne santé générale.

Plus précisément, les chercheurs ont mesuré la réactivité du système vasculaire à la fois sur les grosses artères (macrocirculation) et les petits vaisseaux sanguin (microcirculation cutanée) sur des populations péruviennes vivant à différents niveaux d’altitude, dont des habitants de la Rinconada, la ville la plus haute du monde.

Les résultats des analyses menées montrent une moindre réactivité vasculaire chez les personnes vivant en haute altitude, principalement chez celles qui vivent de façon permanente en situation d’hypoxie sévère. Les chercheurs ont observé que chez ce groupe de personnes[3], les artères et les vaisseaux étaient dilatés en permanence, diminuant ainsi leur capacité à se dilater de façon additionnelle en réponse à un stimulus. Les résultats obtenus témoignent à la fois d’une forme d’adaptation de l’organisme de ces habitants à une situation d’hypoxie permanente (on parle aussi d’hypoxie chronique) mais également de l’atteinte de certaines limites de tolérance à l’hypoxie sévère de haute altitude, pouvant mener à des complications de santé (hypertension artérielle ou insuffisance cardiaque).

Les chercheurs ont également identifié une augmentation du statut inflammatoire des habitants avec l’altitude, et notamment du stress oxydatif[4]. L’augmentation de l’inflammation observée avec l’altitude était associée à un déclin progressif de la fonction micro et macrovasculaire.

« Cette étude nous permet de décrire pour la première fois une cascade de mécanismes présents chez les personnes en situation d’hypoxie chronique, de la réponse inflammatoire à ses effets sur le système vasculaire, explique Julien Brugniaux, enseignant-chercheur à l’Université Grenoble Alpes. Ces résultats nous autorisent de façon plus large à mieux comprendre les réactions de notre organisme face au manque d’oxygène et notamment les effets de ces situations sur notre fonctionnement vasculaire », conclut-il.

« En plus de nous permettre une meilleure compréhension des pathologies impliquant des carences en oxygène, cette étude, qui s’inscrit dans un projet plus large que nous poursuivons depuis 2019, nous permet aussi d’accompagner les problématiques de santé d’une population sujette à des conditions de vie rudes, et parfois en grande précarité », explique Samuel Vergès, directeur de recherche à l’Inserm, superviseur du programme Expédition 5300.

La mission scientifique se poursuit pour Expédition 5300 qui s’est depuis rendu à nouveau à la Rinconada pour s’intéresser plus spécifiquement à la santé des enfants vivant dans ces conditions d’hypoxie chronique. L’objectif ? mieux comprendre les effets de l’hypoxie sur la croissance et le développement des enfants de haute altitude.

 

Quelques mots sur le programme Expédition 5300

Expédition 5300 a été lancé en 2019 par les chercheurs de l’unité 1300 de l’Inserm, sous la supervision du directeur de recherche Inserm Samuel Vergès. Depuis, près d’une trentaine d’experts français et internationaux, spécialisés dans la recherche sur l’altitude et l’hypoxie, se sont rendus lors de huit missions de terrain à la Rinconada, au Pérou.

Leur objectif est double :

– comprendre les mécanismes d’adaptation à l’hypoxie d’altitude (comparable à une hypoxie chronique sévère) pour soigner les patients souffrant du manque d’oxygène à La Rinconada ;

– transposer ces résultats de recherche sur l’hypoxie d’altitude pour développer de nouveaux traitements adaptés à des pathologies caractérisées par des conditions d’oxygénation insuffisante.

La Rinconada au Pérou est la ville la plus haute du monde avec plus de 50 000 habitants vivants entre 5 100 et 5 300 m d’altitude. Cette ville rassemblée autour de l’activité d’une mine d’or est accrochée au flanc de la montagne sous les glaciers et impose à ses habitants des conditions de vie extrêmes. La présence de médecins est rare, de nombreux habitants n’en ont jamais vu et ne bénéficient d’aucun suivi de leur santé alors même que leurs conditions de vie sont particulièrement difficiles. Aucune recherche scientifique n’avait encore jamais été organisée dans cette ville ni dans aucun lieu d’habitation permanent si élevé.

[1]Des pathologies comme la bronchopneumopathie chronique obstructive, l’apnée du sommeil ou la drépanocytose se caractérisent par une exposition du malade à des conditions d’oxygénation insuffisante du fait d’anomalies respiratoires ou hématologiques.

[2] Laboratoire Hypoxie et physiopathologies cardiovasculaires et respiratoires

[3] Un total de 38 personnes habitaient à plus de 3 800 mètres d’altitude, 17 vivaient à la Rinconada.

[4] Déséquilibre entre la production par l’organisme d’agents oxydants nocifs (radicaux libres notamment) et celle d’agents antioxydants (comme les vitamines E et C). Il entraîne une inflammation et la survenue de mutations de l’ADN.

Une étude internationale caractérise pour la première fois un nouveau type de rejet de greffe rénale

Bloc opératoire La transplantation rénale est le traitement de choix pour les patients atteints d’insuffisance rénale terminale. © Image par mspark0 de Pixabay

En cas d’insuffisance rénale, la transplantation est le traitement de choix. Toutefois, le risque de rejet demeure important. Une meilleure compréhension de la réponse immunitaire lors du rejet de greffe rénale – et notamment du phénomène d’inflammation microvasculaire – pourrait contribuer à une meilleure prise en charge diagnostique et thérapeutique des patients. Une étude menée par des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, de l’AP-HP et de l’université Paris Cité[1], en collaboration avec des partenaires internationaux, a caractérisé pour la première fois des nouvelles formes de rejet de greffe rénale et leur impact sur la survie à long terme des greffons rénaux. Les résultats sont publiés le 24 octobre dans la revue New England Journal of Medicine (NEJM).

La transplantation rénale est le traitement de choix pour les patients atteints d’insuffisance rénale terminale, mais son succès à long terme est compromis par le rejet, principale cause de perte des greffons. L’inflammation microvasculaire, un indicateur clé de la réponse immunitaire lors du rejet de greffe rénale, représente un défi majeur pour les cliniciens. Ce phénotype, encore très peu caractérisé, peut se manifester dans des contextes cliniques variés, rendant la prise en charge diagnostique et thérapeutique des patients particulièrement complexe.

Dans une vaste étude internationale[2] coordonnée par Alexandre Loupy, professeur à l’université Paris Cité, néphrologue dans le service de néphrologie-transplantation rénale adultes de l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP) et directeur de l’Institut de Transplantation et de Régénération d’Organes de Paris – PITOR de l’université Paris Cité), incluant 16 000 biopsies réalisées chez 7000 patients greffés rénaux dans 30 centres de référence répartis dans 7 pays en Europe et en Amérique du Nord, les chercheurs et chercheuses ont caractérisé pour la première fois des nouvelles formes de rejet de greffe rénale et leur impact sur la survie à long terme des greffons rénaux.

Cette collaboration internationale a en effet permis de constituer une vaste cohorte de patients, inédite par son niveau de caractérisation et de précision, intégrant des données cliniques, biologiques, immunologiques et histologiques. Grâce à cette cohorte unique, les chercheurs ont découvert que les patients transplantés rénaux présentant une inflammation microvasculaire avaient un risque accru de progression de la maladie et de perte du greffon rénal à long terme.

Ces résultats montrent que la prise en compte de l’inflammation microvasculaire du greffon rénal permet une meilleure stratification du risque. Ils apportent également de nouvelles perspectives sur des formes de rejet jusqu’ici peu reconnues, ouvrant ainsi la voie à une prise en charge optimisée des patients par un diagnostic de précision et des thérapeutiques immunosuppressives adaptées.

« Notre étude fournit des preuves essentielles montrant que l’inflammation microvasculaire est un indicateur clé d’une évolution défavorable des greffons rénaux à long terme », déclare le Dr Marta Sablik (doctorante à l’Inserm, PITOR), co-première auteure de l’étude.

« Ces résultats soulignent l’importance d’une meilleure compréhension de l’inflammation microvasculaire rénale afin d’améliorer la précision diagnostique et les approches thérapeutiques », ajoute le Dr Aurélie Sannier, pathologiste dans le service d’anatomie et cytologie pathologiques de l’hôpital Bichat – Claude-Bernard (AP-HP) et chercheuse au sein de l’institut PITOR, également co-première auteure de l’étude.

La cohorte unique constituée dans le cadre de cette recherche reflète la diversité des pratiques cliniques à travers plusieurs pays, renforçant ainsi la portée des résultats et leur potentiel à influencer les soins en transplantation au niveau mondial. L’intégration de ces nouveaux phénotypes dans le diagnostic du rejet ouvre la voie à la standardisation des futurs essais cliniques, visant à élucider les processus immunologiques sous-jacents et à définir des stratégies thérapeutiques personnalisées.

« Cette recherche représente une avancée majeure en médecine de la transplantation rénale, pour une prise en charge optimisée des patients. Par ailleurs, ces résultats ouvrent des voies significatives pour mieux élucider les mécanismes du rejet d’organes avec des retombées dans d’autres domaines tels que la greffe cardiaque, hépatique, pulmonaire, de tissu composite ainsi qu’en xénotransplantation où notre équipe a récemment démontré des mécanismes similaires de rejet impliquant la microcirculation », déclare le Professeur Alexandre Loupy.

Cette étude met aussi en évidence la nécessité de projets d’envergure pour favoriser l’innovation dans la prise en charge et le suivi des patients transplantés, alors que l’amélioration de la survie des greffons est essentielle pour relever le défi mondial de la pénurie d’organes.

[1] Ce projet a été conduit par un consortium de chercheurs de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm), de l’AP-HP et de l’Université Paris Cité, sous la direction du Professeur Alexandre Loupy de l’Institut de Transplantation et de Régénération d’Organes de Paris (PITOR). Ces travaux ont été permis grâce au soutien de l’ANR (étude KTD-Innov, ANR-17-RHUS-0010) ainsi que des programmes européens Horizon 2020 (étude EU-TRAIN, 754995) et ERC Consolidator Grant (AI-Care, 101126272). 

[2] NCT06496269

Diabète : découverte de nouveaux liens entre le diabète de type 2 et le cancer du pancréas

Illustration 3D du pancréasIllustration 3D du pancréas © Fotalia

Une étude menée par des scientifiques de l’Inserm, du CNRS, du CHU de Lille, Université de Lille, Institut Pasteur de Lille, publiée dans la revue Diabetes, révèle comment le diabète de type 2 peut provoquer des changements épigénétiques menant au cancer du pancréas. Dirigée par le Dr Amna Khamis* et le Pr Froguel* de l’Université de Lille, cette recherche offre de nouvelles perspectives pour la prévention et le traitement de l’un des cancers les plus agressifs.

Les patients atteints de diabète de type 2 présentent un risque plus élevé que les non diabétiques de développer un cancer du pancréas. Il s’agit de l’un des cancers les plus meurtriers car celui-ci est généralement diagnostiqué trop tard. Il est crucial de connaître les évènements précoces liés au diabète qui favorisent l’apparition de ce cancer pour mieux le prévenir et le combattre.

Dans cette étude, les chercheurs ont analysé l’ADN d’échantillons de pancréas provenant de 141. donneurs. Ils ont découvert que le diabète provoque un changement épigénétique, c’est-à-dire une modification biochimique d’un gène qui modifie son niveau d’activité sans altérer la structure de l’ADN. Dans ce cas, il s’agit d’une hyperméthylation du gène PNLIPRP, une modification qui réduit son activité. Ce gène est impliqué dans le métabolisme des lipides au sein du pancréas exocrine, partie du pancréas dédiée à la sécrétion des enzymes digestives. Les résultats montrent que cette modification du gène PNLIPRP1 est liée à l’hyperglycémie et l’hyperlipidémie consécutive du diabète de type 2 et qu’elle entraine des changements cellulaires du pancréas exocrine typiques des états précancéreux.

De plus, l’étude révèle que des mutations rares ou fréquentes du gène PNLIPRP1 sont associées à des anomalies du contrôle glycémique, démontrant pour la première fois le rôle du pancréas exocrine, et pas seulement endocrine (partie du pancréas sécrétant l’insuline), dans l’apparition du diabète de type 2. Dans l’ensemble, le gène PNLIPRP1 et le métabolisme des lipides semblent avoir un rôle clé dans un cercle vicieux liant diabète, cancer du pancréas et pancréas exocrine.

Les chercheurs suggèrent que l’utilisation de statines, des médicaments couramment utilisés pour réduire le cholestérol, pourrait interrompre ce processus au niveau cellulaire et ainsi protéger les patients contre le cancer du pancréas.

Le diabète de type 2 touche environ 4 millions de personnes en France et 537 millions dans le monde, et ce chiffre est en constante augmentation. Les patients diabétiques ont un risque accru de développer un cancer du pancréas, qui reste l’un des plus agressifs avec environ 14 000 nouveaux cas par an en France et 460 000 à l’échelle mondiale. Ce cancer est souvent diagnostiqué tardivement, rendant la prévention cruciale.

*Dr. Amna KHAMIS
Chaire de Professeur Junior, chercheuse de l’UMR INSERM 1283 / CNRS 8199 / Université de Lille / Institut Pasteur de Lille /
CHU de Lille
**Pr Philippe Froguel, MD, Ph D
Directeur de l’UMR INSERM 1283 / CNRS 8199 / Université de Lille / Institut Pasteur de Lille / CHU de Lille.
Directeur du Labex EGID, de l’Equipex LIGAN-Médecine Personnalisée et du Centre National de Médecine de Précision
PreciDIAB

Les mutations de résistance au nirsévimab apparaissent rarement chez le virus respiratoire syncytial (VRS)

Vaccination d'un bébéLe nirsévimab est un anticorps ciblant le virus respiratoire syncytial (VRS). Mis à disposition en France depuis septembre 2023, il est indiqué chez les nouveau-nés et nourrissons dans la prévention des bronchiolites causées par le VRS. © AdobeStock.

Le nirsévimab est un anticorps ciblant le virus respiratoire syncytial (VRS). Mis à disposition en France depuis septembre 2023, il est indiqué chez les nouveau-nés et nourrissons dans la prévention des bronchiolites causées par le VRS. Sa large diffusion soulève cependant la question de l’apparition de mutations de résistance. La plus grande étude de surveillance prospective de la sensibilité au nirsévimab menée à ce jour, l’étude POLYRES, vient de livrer ses conclusions. Ces travaux coordonnés par les Pr. Slim Fourati et Marie-Anne Rameix-Welti[1] ont bénéficié d’un financement de l’ANRS MIE grâce au soutien du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche dans le cadre du Consortium EMERGEN.[2] Les scientifiques de l’AP-HP (dont ceux des Hôpitaux Universitaires Henri Mondor), de l’Inserm, de l’Institut Pasteur et des Université Paris-Est-Créteil et Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, membres des équipes du réseau de virologie de l’ANRS MIE, ont montré que les mutations de résistance au nirsévimab étaient très rares chez le VRS. Les résultats de l’étude viennent de paraître dans la revue Lancet Infectious Diseases du 15 octobre 2024.

Le virus respiratoire syncytial (VRS) est le principal virus responsable de la bronchiolite, une infection des voies respiratoires basses affectant le nourrisson. On distingue deux groupes de VRS (le VRS-A et le VRS-B) qui peuvent circuler en alternance ou ensemble. Chaque année, le VRS est responsable de plus de 33 millions de cas de bronchiolites dans le monde, conduisant au décès de 100 000 enfants essentiellement dans les pays à bas revenus. En France, cette pathologie est responsable d’environ 480 000 cas par an. Elle est de loin la première cause d’hospitalisation chez l’enfant, entrainant chaque année plus de 26 000 hospitalisations en pédiatrie. Le nirsévimab, un nouvel anticorps neutralisant* contre le virus, avait été mis à disposition en France en septembre 2023. Cet anticorps monoclonal** cible un site antigénique spécifique (l’épitope*** Ø) sur une protéine située à la surface du VRS impliquée dans la multiplication virale, la protéine de fusion F, et bloque ainsi le virus. Il existe un risque théorique d’émergence de variants du VRS portant des mutations de résistance à la neutralisation par le nirsévimab, même en absence de pression de sélection par l’anticorps. Le VRS est, en effet, un virus variable. Ce risque pourrait augmenter avec l’utilisation préventive généralisée du nirsévimab.

Lors des essais cliniques de phase IIb/III, seuls 48 VRS ayant infecté des enfants sous traitement par le nirsévimab avaient pu être étudiés, et des mutations d’échappement# avaient été retrouvées chez deux d’entre eux.  L’étude POLYRES avait pour objectif d’évaluer le risque d’échappement virologique au nirsévimab sur un plus vaste échantillon grâce à une étude observationnelle, multicentrique, de grande envergure se déroulant en vie réelle au cours de la saison hivernale 2023-2024.

Dans cette étude, ont été inclus 695 nourrissons ayant une infection par le VRS, parmi lesquels 349 avaient reçu une prophylaxie par nirsévimab. Le VRS-A était majoritaire cette saison et a été retrouvé chez 86,6 % des enfants infectés. Les équipes ont analysé les caractéristiques des VRS-A et VRS-B présents dans les prélèvements nasopharyngés réalisés dans le cadre de la prise en charge habituelle des enfants. La séquence complète du génome viral a été déterminée pour rechercher en particulier des mutations dans le site de liaison (le site Ø) du nirsévimab (analyse génotypique§). La capacité du nirsévimab à inhiber la multiplication des virus en culture cellulaire a également été étudiée (analyse phénotypique¥). L’analyse de 472 VRS-A (dont la moitié provenant d’enfants traités) n’a révélé aucune mutation de résistance au nirsévimab dans le site Ø de la protéine F. Parmi les 73 enfants infectés par le VRS-B, 24 avaient reçus du nirsévimab en prophylaxie. Chez ces 24 enfants, deux isolats de VRS-B présentaient des mutations de résistance à l’anticorps, une déjà connue, l’autre inconnue et décrite ici pour la première fois.

« Cette étude est la plus vaste concernant des analyses virologiques d’échecs au nirsévimab à ce jour. Elle a pu être réalisée grâce à un travail synergique et collaboratif avec le consortium des virologues de l’ANRS MIE, et constitue un projet d’ampleur nationale qui permet d’identifier les phénomènes de résistance liés à la diffusion du médicament. Ce type d’études est essentiel pour analyser la dynamique d’évolution des virus, à la lumière de solutions médicales existantes » précise le Pr Marie-Anne Rameix-Welti, responsable du Centre national de référence des Virus des infections respiratoires à l’Institut Pasteur, et responsable de l’unité M3P (Institut Pasteur, Inserm U1173).

« La faible prévalence des mutations de résistance au nirsévimab chez des patients traités est rassurante. Toutefois quelques VRS-B issus de patients traités analysés à ce jour présentaient des mutations d’échappement, ce qui invite à la prudence et souligne l’importance d’une surveillance moléculaire active dans le contexte d’une future utilisation du nirsévimab à l’échelle mondiale. Ces résultats sont essentiels dans la lutte contre cette maladie et pour anticiper toute forme de résistance », ajoute le Pr Slim Fourati, responsable de l’unité de Virologie- Virus Respiratoires, CHU Henri Mondor, Inserm U955.

En conclusion, les résultats de l’étude POLYRES sont en faveur de la poursuite de l’utilisation du nirsévimab en prophylaxie pour tous les nouveau-nés dans le monde.

 

* Les anticorps neutralisants sont des anticorps particuliers empêchant l’infection en bloquant l’entrée du virus dans les cellules cibles. Ils le font en formant un complexe antigène-anticorps qui inhibe l’activité biologique de l’antigène (substance étrangère à l’organisme capable de déclencher une réponse immunitaire visant à l’éliminer).

** Les anticorps monoclonaux regroupent un seul type d’anticorps (les polyclonaux, plusieurs). Ils sont utilisés en médecine.

*** Partie d’une molécule reconnue par un anticorps.

# Les mutations d’échappement permettent au virus de déjouer l’action des anticorps du système immunitaire humain

  • Les tests génotypiques sont basés sur l’identification de mutations conférant au virus un caractère de résistance.

¥ Le phénotypage, effectué par des tests phénotypiques, permet de définir le caractère sensible ou résistant du virus. Ceci se fait par culture du virus en présence de l’antiviral étudié.

[1] Responsable du Centre national de référence des Virus des infections respiratoires à l’Institut Pasteur et responsable de l’unité M3P (Institut Pasteur, Inserm U1173)

[2] Coordonné par Santé publique France et l’ANRS MIE

Une mutation génétique rare impliquée dans un déficit immunitaire et affectant la fonction de plusieurs organes

Image microscopique d’un fibroblaste de peauImage microscopique d’un fibroblaste de peau. Le récepteur IP3R3 est marqué en vert, les mitochondries en magenta et le noyau en bleu. © Unité ImmunoRhumatologie Moléculaire (Inserm/Unistra)

Des chercheurs de l’Unité ImmunoRhumatologie Moléculaire (Inserm/Unistra), dirigée par le Professeur Seiamak Bahram, mettent en évidence une mutation génétique rare mais récurrente dans le gène ITPR3. Celle-ci est à l’origine d’un trouble complexe, touchant plusieurs organes et associé à une immunodéficience sévère. Outre son intérêt dans le diagnostic des patients présentant cette maladie complexe aux manifestations variées, ce travail ouvre la voie à de nouvelles pistes de recherche et de traitement concernant les mécanismes sous-jacents ainsi que sur le rôle du récepteur IP3R3 dans la régulation du calcium intracellulaire, avec une possible implication à grande échelle dans des maladies courantes. Ces travaux sont parus dans Science Advances le 13 septembre 2024.

Le calcium joue un rôle crucial dans le maintien de l’homéostasie des cellules et de l’organisme, c’est à dire dans la capacité à maintenir un équilibre interne stable malgré les variations de l’environnement. Il est ainsi indispensable à de nombreux fonctionnements physiologiques, notamment la contraction musculaire, la neurotransmission, la formation osseuse ou encore la réaction immunitaire.

« Il n’est donc pas surprenant que les défauts génétiques touchant différentes voies impliquées dans la régulation du calcium puissent entraîner des immunodéficiences graves, compromettant entre autres la capacité du patient à se défendre efficacement contre les infections », explique le Professeur Seiamak Bahram, par ailleurs responsable de l’Institut Thématique Interdisciplinaire (ITI) Transplantex NG dont les plateformes ont permis la réalisation des analyses moléculaires dans cette étude.

Un dysfonctionnement du récepteur IP3R3 génère une maladie complexe et multisystémique

Le récepteur IP3R[1] est essentiel pour la libération du calcium à l’intérieur de nos cellules à partir de ses organelles de stockage (réticulum endoplasmique, mitochondries), un processus crucial pour de nombreuses fonctions cellulaires.

Chez quatre patients non apparentés provenant de divers continents, les chercheurs ont identifié une mutation identique au niveau du récepteur IP3R3, dominante (une seule copie de cette mutation est nécessaire et suffisante à générer cette maladie), qui provoque un dysfonctionnement de ce récepteur par un effet dit dominant-négatif*. Ce dysfonctionnement entraîne une perturbation de l’homéostasie calcique, un mauvais fonctionnement des mitochondries, les centrales énergétiques de nos cellules, ainsi qu’une baisse significative des cellules de l’immunité, les lymphocytes CD4 et une quasi-absence des cellules naïves CD4 et CD8.

Bien que les patients partagent une immunodéficience sévère, ils présentent également des atteintes variées, telles que la dysplasie ectodermique (des maladies héréditaires caractérisées par des anomalies du développement des dents, des ongles, des follicules pileux et de glandes sudoripares), la maladie de Charcot-Marie-Tooth (une maladie neurologique héréditaire du nerf périphérique qui entraine une diminution de la force musculaire et de la sensibilité), une petite taille, et une aplasie médullaire (un dysfonctionnement de la moelle osseuse).

Les travaux des chercheurs montrent que cette mutation spécifique du récepteur IP3R3 joue un rôle unique au sein du complexe de récepteurs IP3R, se distinguant ainsi des autres mutations connues dans les gènes ITPR1, ITPR2 et ITPR3, qui sont essentiellement à l’origine de maladies neurologiques. C’est la première fois que des scientifiques observent l’implication directe du récepteur IP3R3 dans la genèse d’une maladie immunologique.

Perspectives thérapeutiques

Cette découverte ouvre la voie à de nouvelles approches thérapeutiques pour les patients atteints de cette maladie rare. Une compréhension approfondie des mécanismes impliqués pourrait également contribuer à éclaircir d’autres troubles associés à des mutations des récepteurs IP3R, que l’on retrouve non seulement dans des maladies rares, mais aussi dans des affections plus courantes.

*effet dominant négatif : un effet dominant négatif est le résultat d’une mutation présente sur un seul des deux exemplaires d’un gène (allèle). Cette mutation entraîne la production d’une protéine anormale qui perd sa fonction, et qui interfère avec la fonction de protéine produite à partir de l’allèle normal. Ce type de mutation se rencontre souvent dans des gènes qui codent des protéines structurelles ou des protéines capables de former des paires. La protéine anormale interfère avec la fonction de la protéine normale en modifiant sa structure.

[1] Le récepteur IP3R : de l’inositol 1,4,5-trisphosphate IP3 récepteur IP3R, dont la sous-unité IP3R3 est codée par le gène ITPR3.

Un nouveau modèle d’organoïde pulmonaire pour mieux comprendre et traiter les maladies respiratoires chroniques obstructives

Image montrant les cellules ciliées (en magenta) et le mucus (en cyan) dans le modèle bronchioïde tubulaire développé par les chercheurs. Les noyaux de cellules sont en gris clair.Image montrant les cellules ciliées (en magenta) et le mucus (en cyan) dans le modèle bronchioïde tubulaire développé par les chercheurs. Les noyaux de cellules sont en gris clair. © CRCTB

Les maladies respiratoires obstructives chroniques représentent un défi de santé publique en raison d’un taux d’incidence important et croissant, ainsi que d’un arsenal thérapeutique limité pour certaines d’entre elles. Une recherche, dirigée par des chercheurs de l’université de Bordeaux et de l’Inserm au sein du Centre de recherche cardio-thoracique (CRCTB), a permis de développer un modèle tubulaire in vitro des voies respiratoires, qui pourra être utilisé pour des tests précliniques. Cette étude a été publiée dans la revue European Respiratory Journal.

Les maladies respiratoires obstructives chroniques, telles que l’asthme ou encore la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), sont caractérisées par une limitation des débits d’air. Elles représentent un enjeu sociétal majeur en raison de taux élevés de morbidité, d’invalidité et de mortalité. La BPCO – paradoxalement peu connue du grand public – est la 3e cause de mortalité dans le monde selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), avec 3,23 millions de décès en 2019. Elle est causée par une exposition importante à des particules et gaz nocifs. Si le tabagisme (actif et passif) est responsable de la majorité des cas dans les pays occidentaux, la BPCO peut avoir d’autres causes comme une exposition professionnelle à des poussières, mais encore la pollution de l’air intérieur (cuisine et chauffage au feu de bois ou au charbon…) dans les pays en voie de développement.

L’état actuel des connaissances sur la BPCO ne permet pas de faire avancer la recherche en matière de nouveaux traitements du fait du manque de pertinence physiologique des tests in vitro et in vivo. En effet, les modèles animaux couramment utilisés pour les études précliniques ont des voies respiratoires qui diffèrent de celles de l’être humain et ne reproduisent pas pleinement les caractéristiques des maladies pulmonaires obstructives chroniques. De plus, la structure arborescente1 du poumon pose un défi pour modéliser in vitro sa rigidité et sa conformation 3D, mettant en évidence la nécessité de développer des modèles cellulaires plus complexes.

Cultiver des cellules souches dans un tube

Depuis quelques années, des modèles appelées organoïdes pulmonaires existent, créés à partir de cellules souches épithéliales pulmonaires cultivées dans une matrice biologique. Ces modèles, s’ils sont de bonnes alternatives à l’expérimentation animale, présentent néanmoins des limites : les organoïdes bronchiques ont une géométrie sphérique et leur intérieur est rempli de liquide, et non d’air, comme dans le poumon.

« Le grand défi est donc de parvenir à générer une structure cylindrique tubulaire pour que les organoïdes pulmonaires commencent à ressembler à des bronchioles », explique Isabelle Dupin, professeure de physiologie à l’université de Bordeaux au Centre de recherche cardio-thoracique de Bordeaux (CRCTB, unité Inserm et université de Bordeaux) et responsable de cette recherche. « Et si l’idée de base est simple, la réalisation est complexe car les cellules souches restent des objets difficiles à obtenir et à manipuler. »

L’équipe d’Isabelle Dupin a ainsi développé un nouveau modèle en encapsulant des cellules souches adultes bronchiques humaines dans une gaine tubulaire. La technique, publiée dans la revue internationale European Respiratory Journal, consiste à créer un système en forme de tube à l’image d’un cannelloni de plus d’un mètre de long, mais de très petit diamètre de moins d’un demi-millimètre (400 µm). L’intérieur est constitué de cellules souches avec une couche externe gélifiée d’alginate (polymère végétal issu des algues).

Ce tube est généré par un dispositif dit microfluidique de co-extrusion en collaboration avec une équipe de biophysiciens bordelais du Laboratoire photonique, numérique et nanosciences (LP2N, unité CNRS, IOGS et université de Bordeaux) et la plateforme technologique du campus VoxCell2. Quant aux cellules souches adultes humaines, elles ont été extraites à partir de prélèvements bronchiques par les chercheurs grâce à aux liens étroits entre le CRCTB et le CHU de Bordeaux, notamment le service de chirurgie thoracique.

Un outil pour des études précliniques

En introduisant les cellules souches dans le moule cylindrique, les chercheurs ont réussi à obtenir des structures tubulaires creuses, qui après quelques semaines, sont composées de cellules différenciées et fonctionnelles. Les cellules souches se sont transformées en cellules communément présentes dans les bronches : des cellules produisant du mucus et des cellules ciliées. Le mucus a pour fonction de piéger les particules (poussières, micro-organismes, etc.) qui se déposent dans les voies aériennes, avant d’être évacuées des poumons grâce au mouvement généré par les cellules ciliées, à l’image d’un tapis roulant. Chez les patients atteints de BPCO, il est d’ailleurs constaté une fréquence moins importante du battement des cellules ciliées et une sur-représentation des cellules sécrétrices de mucus, favorisant les infections respiratoires notamment celles provoquées par le rhinovirus, responsable des rhumes.

modèle bronchioïde© CRCTB

Le tube généré est perfusable, y compris par de l’air, permettant l’émergence d’une interface air-liquide, ce qui faisait défaut aux précédents modèles. Enfin, grâce à l’accès direct à l’intérieur du tube, ces organoïdes ont pu être infectés par le rhinovirus, déclencheur fréquent des crises des patients atteints de BPCO. Ce modèle, que l’équipe a appelé le modèle « bronchioïde », peut être décliné dans une version pathologique en utilisant des cellules de patients atteints de BPCO.

« Les avantages clés de notre approche, tels que la possibilité d’introduire du liquide, de l’air et des pathogènes au cœur du bronchioïde, la reproduction des caractéristiques pathologiques notamment de la BPCO et l’évaluation possible des paramètres cliniquement pertinents, feront de notre modèle pulmonaire un outil puissant pour les études pharmacologiques et précliniques futures » conclut Isabelle Dupin.

1La trachée, les bronches et les bronchioles forment un arbre. La trachée se divise en deux bronches, (une pour chaque poumon) qui se ramifient à leur tour en bronches de diamètre inférieur et ainsi de suite.

2la plateforme VoxCell fait partie de l’unité de service TBMCore portée par l’université de Bordeaux, le CNRS et l’Inserm.

Les fibres alimentaires améliorent le contrôle de la glycémie grâce à des cellules immunitaires

fruits et légumes riches en fibres© Photo de Jannis Brandt sur Unsplash

Le système immunitaire intestinal est un intermédiaire indispensable dans l’association complexe entre alimentation et métabolisme : sans lui, les fibres alimentaires présentes dans les fruits et les légumes ne peuvent participer correctement à la régulation de la glycémie dans l’organisme. Des chercheuses et des chercheurs de l’Inserm et de Sorbonne Université viennent de mettre en évidence qu’un certain type de cellules immunitaires serait indispensable à cet effet bénéfique des fibres alimentaires sur le métabolisme glucidique. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Communications.  

Les bénéfices pour la santé des fibres alimentaires, présentes en particulier dans les fruits et les légumes, sont désormais bien documentés : celles-ci contribuent à la gestion du poids, aux équilibres glucidique et lipidique dans l’organisme et joueraient un rôle protecteur contre le cancer du côlon. Selon de précédents travaux, les fibres seraient aidées dans leur tâche par le système immunitaire intestinal. Ce dernier comprend en effet différentes populations de cellules immunitaires qui assurent notamment la tolérance alimentaire ou interviennent pour lutter contre les agents infectieux au niveau de la paroi intestinale. Toutefois, son rôle précis en lien avec les fibres alimentaires demeure encore mal compris.

Une équipe dirigée par le chercheur Inserm Emmanuel Gautier au sein de l’Unité de recherche sur les maladies cardiovasculaires et métaboliques (Inserm/Sorbonne Université) a voulu en savoir plus. Les scientifiques ont travaillé sur un modèle de souris nourri avec un régime riche en graisses et pauvre en fibres, mimant un régime alimentaire de type « occidental ». Durant quatre semaines, la moitié de ces animaux a reçu en addition une supplémentation en fibres de type fructo-oligosaccharides (FOS), vendues dans le commerce à des fins alimentaires.

Les scientifiques ont pu observer que, bien que tous les animaux aient développé un surpoids, ceux ayant reçu la supplémentation en fibres alimentaires présentaient une amélioration de l’assimilation du glucose par l’organisme, avec pour effet, un meilleur contrôle de la glycémie.

Le rôle de différentes cellules immunitaires

Pour mieux comprendre les mécanismes en jeu, l’équipe a comparé les compositions du microbiote et du système immunitaire de l’intestin des animaux ayant reçu la supplémentation en fibres ou non.

Les souris non supplémentées en fibres présentaient un microbiote appauvri avec une diversité bactérienne plus faible. En outre, au moins deux populations de cellules immunitaires étaient déficitaires dans l’intestin : les lymphocytes Th17, impliqués dans la protection de la barrière intestinale et les lymphocytes T régulateurs périphériques (pTreg) contribuant à la tolérance du microbiote intestinal. Ces altérations suggèrent une fragilisation du système immunitaire local, en lien avec l’appauvrissement du microbiote.

À l’inverse, chez les souris supplémentées en fibres, davantage d’espèces bactériennes étaient maintenues dans le microbiote, et en particulier des bactéries connues pour stimuler la production des cellules immunitaires Th17. De fait, cette population de lymphocytes apparaissait préservée, tout comme celle des lymphocytes pTreg.

« Cela pourrait s’expliquer par une contribution des fibres à l’enrichissement du microbiote intestinal en espèces bactériennes qui soutiennent la différenciation de certaines cellules immunitaires, précise Adélaïde Gélineau, première autrice de cette étude. Le mécanisme expliquant l’association entre ces bactéries et un enrichissement en certaines cellules immunitaires n’est cependant pas encore complètement compris, surtout en réponse à des variations alimentaires », ajoute-t-elle.

Enfin, l’équipe a découvert l’importance d’une troisième population de cellules immunitaires appelées cellules dendritiques cDC2. Ces cellules sont connues pour soutenir le développement des cellules Th17 et participent au fonctionnement des cellules pTreg. L’équipe de recherche a donc voulu étudier leur rôle dans ce contexte de régime gras avec ou sans supplémentation en fibres grâce à un modèle de souris déficient en cellules cDC2. Elle a ainsi pu constater leur caractère indispensable à l’effet bénéfique des fibres sur le contrôle glycémique.

« Sans ces cellules, l’apport en fibres n’est pas suffisant pour préserver les cellules Th17 et corriger le déséquilibre glucidique. Ce rôle central des cellules dendritiques cDC2 dans le contrôle des effets immunitaires et métaboliques des fibres était jusqu’alors méconnu », souligne Emmanuel Gautier.

« Ici, avec un seul ingrédient, des fibres de type FOS, nous sommes parvenus à préserver la flore intestinale, l’immunité locale et le métabolisme glucidique chez des animaux soumis à un régime gras, ajoute le chercheur. Avec ce travail, nous fournissons un aperçu des mécanismes cellulaires par lesquels des fibres alimentaires ont un impact bénéfique sur le métabolisme du glucose. Comprendre ces interactions entre alimentation, immunité et métabolisme est un préalable pour progresser dans les connaissances en nutrition, notamment pour évaluer l’impact des régimes alimentaires sur l’organisme et établir des recommandations », conclut-il au sujet de ces résultats qui doivent maintenant être confirmés chez l’humain.

Éviter le rejet de greffe rénale grâce à la biopsie liquide ?

Coupe transversale d'un rein humain. Illustration 3dCoupe transversale d’un rein humain sur fond scientifique. Illustration 3d © AdobeStock

Les équipes du département de transplantation rénale de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, de l’Inserm et de l’université Paris Cité, dans le cadre du Paris Translational Research Center for Organ Transplantation (PARCC), coordonnées par le docteur Olivier Aubert et le professeur Alexandre Loupy, ont mené une étude sur l’intérêt de la biopsie liquide (cfDNA) en tant que technique pour prédire le rejet de greffe rénale. Celle-ci consiste à détecter, dans le sang des patients ayant subi une greffe, l’ADN de leur donneur, dans l’objectif de prédire de manière non invasive le rejet de l’organe greffé.

Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication parue le 2 juin 2024 dans la revue Nature Medicine, accompagnée d’un éditorial.

Les allogreffes sont les greffes les plus couramment pratiquées, entre deux individus d’une même espèce génétiquement différents. On parle d’allogreffe lorsque le patient (ou receveur) est greffé avec les cellules provenant d’un sujet sain. Le rejet d’allogreffe constitue un enjeu de santé publique majeur, qui peut avoir de nombreuses conséquences sur la qualité de vie du patient, jusqu’à même provoquer sa mort. Les rejets d’allogreffe concernent près de 20 % des patients dans l’année qui suit.

L’objectif de cette étude est de montrer l’utilité, pour les patients greffés du rein, d’une biopsie liquide. Cette technique consiste à détecter, dans le sang des patients ayant subi une greffe, l’ADN de leur donneur, dans l’objectif de prédire et de manière non invasive le rejet de l’organe greffé.

Cette étude a inclus près de 3 000 patients greffés rénaux provenant de 14 centres de transplantation en Europe et aux États-Unis, tous âgés d’environ 55 ans, avec une majorité d’hommes (61 %). Le cfDNA est intégré dans un algorithme multimodal de prédiction1. Les niveaux de cfDNA2 se sont révélés fortement liés aux différents types de rejet de greffe, incluant le rejet médié par les anticorps et le rejet cellulaire médié par les lymphocytes T.

Grâce à cette méthode, les chercheurs pourront être en capacité de déterminer, pour chaque patient et de manière non invasive sur une simple prise de sang, la probabilité d’avoir un rejet de l’organe greffé. De plus, les analyses ont révélé que l’ajout du cfDNA aux modèles de surveillance existants améliore non seulement la détection des rejets cliniques, mais aussi des rejets infracliniques (non détectables avec les outils disponibles actuellement), ce qui permet des interventions thérapeutiques plus précoces et plus efficaces.

La biopsie liquide, combinant les paramètres de suivi usuels de la greffe avec le cfDNA, permet d’éviter les biopsies inutiles et invasives tout en détectant les rejets plus rapidement avec une meilleure précision. Cette approche peut également diminuer les coûts de santé tout en simplifiant considérablement le parcours de soin des patients transplantés. Cette méthode non invasive offre une nouvelle voie pour le suivi des patients greffés. Aujourd’hui, l’approche de biopsie liquide s’étend également aux greffés cardiaques, pulmonaires et hépatiques.

 

  1. Un type d’intelligence artificielle dans lequel plusieurs sources de données et de nombreux algorithmes de traitement intelligents sont combinés pour résoudre des problèmes complexes et obtenir une plus grande précision.
  2. Les niveaux de cfDNA indiquent l’intensité de l’inflammation et du rejet de l’organe greffé.
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