Menu

Comment la tumeur transforme mécaniquement ses voisines saines en cellules tumorales et amplifie son propre développement

Le développement d’une tumeur exerce une pression permanente anormale non négligeable sur les cellules saines avoisinantes. L’équipe CNRS/UPMC/Institut Curie dirigée par Emmanuel Farge, directeur de recherche Inserm à l’Institut Curie, vient de découvrir que cette force pouvait y induire l’expression de gènes tumoraux. La contrainte physique provoquée par la croissance tumorale provoquerait même les premières phases d’une transformation tumorale des tissus avoisinants. Cette découverte majeure est publiée dans Nature du 11 mai 2015.

Lorsqu’une tumeur prolifère, elle induit progressivement une pression anormale et permanente sur les cellules saines avoisinantes. Cette contrainte peut-elle transformer les cellules saines comprimées en cellules tumorales et avoir un effet sur le développement de la tumeur ? C’est l’approche originale qu’étudie l’équipe Mécanique et génétique du développement embryonnaire et tumoral[1] dirigée par Emmanuel Farge, directeur de recherche Inserm.

Dans un premier temps, les chercheurs ont évalué, dans des modèles expérimentaux, la pression exercée par la croissance d’une tumeur du côlon sur les tissus voisins. Au passage, ils démontrent que  cette contrainte mécanique active la voie de signalisation béta-caténine  dans les tissus sains voisins de la tumeur, et entraîne l’activation de gènes tumoraux. « La béta-caténine est bien connue pour activer le processus tumoral dans de nombreux cancers », note Emmanuel Farge.

La mécanique du cancer : des ruses pour se propager

Grâce à des aimants, l’équipe a ensuite mimé dans des tissus sains chargés de vésicules magnétiques  les forces mécaniques induites par une tumeur sur les tissus alentours et en a observé les conséquences. « Après deux semaines d’une telle contrainte mécanique, on observe une augmentation de la phosphorylation (i.e. l’activation) de la béta-caténine ainsi que sa relocalisation dans le noyau des cellules », observent les scientifiques. Sous l’effet de la pression, la protéine béta-caténine se détache de la membrane cellulaire pour aller dans le noyau où elle active alors des oncogènes qui favorisent la croissance tumorale.

Au bout d’un mois, une surexpression du gène tumoral c-Myc, cible de la béta-caténine, est alors détectée, provoquant la division anarchique des cellules saines, mais aussi celle du gène cible Zeb-1, responsable de la perte d’adhésion cellulaire à l’origine de l’invasivité et de la métastase.

Après 2-3 mois, il se forme des foyers d’anomalies au niveau des cryptes du colon (accroissement de la taille des cryptes et altération de leur structure) qui correspondent aux premières étapes de la transformation tumorale. « L’activation par une contrainte mécanique de la voie de signalisation de la béta-caténine dans les tissus sains entourant la tumeur présage d’un nouveau mode de propagation tumorale, indique Emmanuel Farge.  Elle crée une boucle d’autorégulation amplificatrice, une réaction en chaîne, un véritable « effet domino » : les modifications tumorales mécaniquement induites par la tumeur sur les cellules génétiquement saines voisines vont provoquer une croissance anormale de ces cellules, qui elle-même va appliquer des contraintes anormales sur ses cellules non encore tumorales avoisinantes, et ainsi de suite, selon un processus susceptible d’amplifier considérablement la croissance et la propagation tumorale. »

En outre, elle pourrait contribuer à l’hétérogénéité tumorale : les processus tumoraux enclenchés dans les cellules avoisinantes pourraient engendrer des cellules tumorales aux caractéristiques distinctes  du cœur de la tumeur et ne répondant pas de la même manière au traitement. Ce mode de prolifération constituerait alors un facteur de résistance aux traitements thérapeutiques. 

Tout n’est donc pas purement biochimique dans le développement du cancer du côlon. Les contraintes mécaniques anormales, activatrices de biomolécules tumorales, apparaissent comme un nouveau rouage possible de la progression et de l’invasion tumorale.

Cette découverte révèle que les compressions mécaniques provoquées par la croissance de la tumeur sont susceptibles de modifier ses cellules saines avoisinantes y activant les transformations tumorales amplifiant son développement.


Ces données devraient être intégrées dans les approches thérapeutiques car l’élimination complète des tumeurs devra passer par une action sur l’ensemble des mécanismes mis en œuvre par la tumeur pour croître.

[1] Unité « Physico-chimie Curie » UMR 168 CNRS/UPMC/Institut Curie

Cibler un récepteur de l’hôte plutôt que le virus : une nouvelle approche expérimentale contre le virus de l’hépatite C

Une collaboration internationale conduite par le Professeur Thomas Baumert (Unité mixte de recherche 1110 Inserm/Université de Strasbourg « Institut de recherche sur les maladies virales et hépatiques ») met en évidence qu’un anticorps monoclonal spécifiquement dirigé contre la claudine-1, une protéine du foie essentielle à l’infection par le virus de l’hépatite C (VHC), permet de prévenir et de traiter une infection chronique par ce virus dans un modèle animal. Cet anticorps, dont on savait qu’il inhibe l’entrée du VHC et empêche ainsi l’initiation de l’infection, se révèle également capable d’éliminer les cellules infectées. Cette découverte, publiée dans une lettre de Nature Biotechnology le 23 mars 2015, ouvre la voie au développement d’une approche non seulement préventive pour l’hépatite C mais aussi thérapeutique.

L’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) entraine une cirrhose hépatique et un cancer du foie, seconde cause de décès par cancer dans le monde. Ces complications sont des indications majeures pour la transplantation hépatique mais la réinfection du greffon par le VHC est un défi. A ce jour il n’y a pas de vaccin et les nouveaux traitements récemment mis au point ne sont actuellement accessibles qu’à une minorité de patients à travers le monde en raison de leurs coûts élevés. Le développement de nouvelles stratégies préventives et thérapeutiques est donc toujours d’actualité.

L’équipe dirigée par le Pr Thomas Baumert (Unité mixte de recherche 1110 Inserm/Université de Strasbourg « Institut de recherche sur les maladies virales et hépatiques»), en collaboration avec des équipes internationales, a décidé de cibler une protéine du foie essentielle à l’infection virale plutôt que de cibler le virus. Ils ont choisi la claudine-1, une molécule importante pour les premières étapes de l’infection par le VHC et impliquée dans les contacts cellulaires.

En utilisant des modèles de souris ayant un foie de type humain, les chercheurs montrent qu’un anticorps monoclonal dirigé contre la claudine-1 peut prévenir l’infection par le VHC en bloquant l’entrée du virus dans les cellules du foie. De manière surprenante, les chercheurs ont également observé que cet anticorps permet de traiter l’infection chronique par le VHC en inhibant l’activation de voies de signalisation intracellulaires dont le virus a besoin pour survivre. En conséquence, les cellules infectées disparaissent et sont progressivement remplacées par des cellules non-infectées.

L’avantage de cette stratégie est qu’elle ne nécessite pas d’être associée à un antiviral.

 De plus, en utilisant différentes souches virales, les chercheurs montrent que le virus peut difficilement échapper à cet anticorps et développer une résistance.

« Claudine-1 » est une protéine habituellement localisée dans les jonctions serrées qui sont des points de contact entre cellules adjacentes. Il est intéressant de noter que des protéines de jonction serrées constituent des récepteurs pour d’autres pathogènes, tels que le virus de la dengue ou les shigelles. Cette approche innovante par injection d’un anticorps monoclonal dirigé contre une protéine de la cellule hôte permet d’entrevoir le développement d’une stratégie vaccinale et de nouvelles approches thérapeutiques contre le VHC et également contre d’autres pathogènes utilisant des mécanismes d’infection similaires.

Cette étude a reçu le soutien de l’Union Européenne (ERC, INTERREG-IV-Rhin Supérieur-FEDER, FP7), l’ANRS (France REcherche Nord & sud Sida-hiv Hépatites), les Laboratoires d’Excellence HepSYS et netRNA de l’Agence nationale de la recherche (ANR), la Fondation ARC pour la recherche contre le cancer, l’IHU MIX-Surg, la Fondation Wilhelm Sander, la Région Alsace, l’Institut National du Cancer, l’Inserm, le Centre National de la Recherche Scientifique, l’Université de Strasbourg, l’Université de Gand (GOA 01G01712), la Research Foundation—Flanders) et Cardiex (Nantes).

Prédire la fin de la période de fertilité des femmes après un cancer pédiatrique

Des chercheurs de l’AP-HP, de l’Inserm, des Instituts Gustave Roussy, Curie et du Centre Oscar Lambret, coordonnés par le Docteur Cécile Thomas-Teinturier du service d’endocrinologie pédiatrique de l’hôpital Bicêtre se sont intéressés à l’impact de certaines thérapeutiques sur la fertilité des femmes qui sont guéries d’un cancer pédiatrique. Ces recherches réalisées avec le soutien financier de La Ligue contre le cancer font l’objet d’une publication dans la revue Human Reproduction le 23 mars 2015.

fotolia_4518648 Suivi médical grossesse

©fotolia

Avec l’augmentation de la survie, l’impact des thérapeutiques sur la fertilité future des filles guéries d’un cancer dans l’enfance peut altérer leur qualité de vie. Chez toutes les femmes, la durée de la vie reproductive est liée au nombre de follicules présents dans les ovaires, dont le stock n’est pas renouvelable et décline au cours du temps. La ménopause survient lorsque ce stock descend en-dessous d’un certain seuil, 5 à 10 ans après la fin de la période de fertilité.

Dans cette étude, les chercheurs ont émis l’hypothèse que les femmes traitées par chimiothérapie avec des médicaments de la classe des alkylants – cyclophosphamide, ifosfamide, procarbazine – pour un cancer dans l’enfance auraient un capital folliculaire diminué bien que leur fonction ovarienne apparente soit encore intacte (cycles réguliers).

Ils ont évalué la réserve ovarienne de 105 femmes guéries d’un cancer dans l’enfance, qui avaient reçu dans leur enfance des alkylants, mais sans radiothérapie sur la région du petit bassin. Les investigations ont comporté des dosages hormonaux, notamment  hormone anti-müllerienne ( un marqueur fiable de la réserve ovarienne) la mesure, par échographie, de la taille des ovaires et le comptage du nombre de follicules. Les résultats ont été comparés à ceux de 20 femmes du même âge, n’ayant pas reçu de chimiothérapie.

L’équipe a constaté que les 105 femmes guéries d’un cancer pédiatrique avaient des ovaires plus petits que les femmes non traitées et un taux d’hormone anti-müllerienne significativement plus bas. Cette diminution était plus marquée chez les patientes ayant reçu de la procarbazine pour un lymphome de Hodgkin, ou une chimiothérapie par alkylants à forte dose avant une greffe de moelle osseuse. Ni la dose de cyclophosphamide ni celle d’ifosfamide ne semblait associée avec une réserve ovarienne diminuée.

« Ces résultats semblent confirmer notre hypothèse » explique le Dr Thomas-Teinturier. « D’un point de vue théorique, la fin de la période de fertilité risque de survenir plus tôt chez ces femmes guéries d’un cancer pédiatrique. Ceci ajouté au recul de l’âge à la première grossesse risque chez elles d’augmenter les difficultés à la procréation ».

Cependant, bien que l’évaluation de la réserve ovarienne semble un bon facteur de prédiction du taux de grossesse chez les femmes infertiles soumises aux techniques de procréation médicalement assistée, il existe peu de données concernant son utilité réelle pour conseiller les jeunes femmes guéries d’un cancer pédiatrique sur l’atteinte éventuelle de leur fertilité, et leur risque de progression vers une ménopause précoce.

« Il nous paraît donc nécessaire de suivre l’évolution de ces marqueurs dans cette cohorte de patientes afin de définir les seuils qui permettraient de prédire la fenêtre de fertilité et la survenue de la ménopause au cours des années suivantes » poursuit le Dr Thomas-Teinturier. « L’ultime objectif de notre étude est de pouvoir, dans le futur, conseiller individuellement ces jeunes femmes sur leur capacité de procréation au cours des cinq années suivantes en se basant sur les résultats de leur bilan à un moment donné. »

Anne Dejean-Assémat, lauréate du Grand Prix Inserm 2014

La cérémonie annuelle des Prix Inserm de la recherche médicale se tiendra le 3 décembre 2014 au Collège de France en présence de Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, Geneviève Fioraso, secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur et à la Recherche et Yves Lévy, Président-directeur général de l’Inserm. Huit prix seront décernés aux personnalités scientifiques qui contribuent, par leurs travaux, aux progrès de la recherche et à l’excellence de l’Institut. La cérémonie clôturera une année exceptionnelle, rythmée par plus d’une centaine de manifestations célébrant le 50ème anniversaire de l’Inserm.

L’événement sera retransmis en direct sur le site de l’Inserm.

Le Grand Prix Inserm est attribué à Anne Dejean-Assémat, directrice de l’Unité mixte Inserm/Institut Pasteur 993 « Organisation nucléaire et oncogenèse », pour l’ensemble de ses recherches sur les mécanismes moléculaires et cellulaires impliqués dans le développement des cancers chez l’Homme.
PhotoCP webAnne Dejean-Assémat ©Inserm

Cette chercheuse a établi le rôle mutagène du virus de l’hépatite B dans le cancer du foie. Elle a identifié l’un des premiers récepteurs de l’acide rétinoïque (RAR), la forme active de la vitamine A, puis démontré son rôle dans certains cancers humains.

En découvrant l’altération systématique du récepteur de cet acide chez les patients atteints de leucémies aiguës promyélocytaires et l’altération cellulaire associée, Anne Dejean-Assémat a, avec ses collègues, clarifié les bases moléculaires et cellulaires de la leucémogénèse et permis de mettre au jour les mécanismes impliqués dans l’efficacité du traitement de ce type de leucémie. Ces observations constituent l’un des exemples les plus illustratifs de thérapie ciblée du cancer.

Les autres lauréats :

Depuis 2004, un Prix d’Honneur et un Prix International sont décernés, témoignant de la carrière de personnalités scientifiques particulièrement éminentes. Le Prix d’Honneur 2014 sera décerné à William Vainchenker (Unité 1009 Inserm/ Institut Gustave-Roussy/Université Paris-Sud), le Prix International à Sir Leszek Borysiewicz (Université de Cambridge, Royaume-Uni).

Les Prix Recherche distinguent des chercheurs, enseignants-chercheurs et cliniciens-chercheurs, dont les travaux ont particulièrement marqué le champ de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et thérapeutique et de la recherche en santé publique. Les lauréats 2014 sont Nadine Cerf-Bensussan (Unité 1163 Institut Imagine/Université Paris-Descartes) et Hélène Dollfus (Unité 1112 Inserm/Université de Strasbourg).

Les Prix Innovation récompensent des ingénieurs, techniciens ou administratifs pour des réalisations originales au service de l’accompagnement de la recherche. Les lauréats 2014 sont Frédéric De Bock (Unité 661 Inserm/CNRS/Universités de Montpellier 1et 2) et Mathieu Ducros (Unité 1128 Inserm/ Université Paris-Descartes).

Depuis 2013, un Prix Opecst-Inserm est remis conjointement par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et l’Inserm. Il vise à récompenser un chercheur pour son implication dans la valorisation des résultats de la recherche. Le lauréat 2014 est Mickaël Tanter (Unité 979 Inserm/CNRS/ESPCI de Paris).

Pour en savoir plus :

La biographie détaillée d’Anne Dejean-Assémat est consultable sur le site de l’Académie des sciences

Des photos des lauréats sont disponibles en téléchargement sur Serimedis, la banque d’images de l’Inserm

Des films consacrés aux travaux des lauréats seront disponibles dès le 4 décembre sur Serimedis

Le cancer du poumon diagnostiqué avant sa détection par imagerie

Une équipe de chercheurs de l’Inserm dirigée par Paul Hofman, (Unité Inserm 1081/Université de Nice), vient d’effectuer une avancée significative dans le domaine du diagnostic précoce des cancers invasifs. Dans une étude qui vient de paraître dans la revue Plos One, l’équipe montre qu’il est possible de détecter, chez des patients à risque de développer un cancer du poumon, des signes précoces, sous forme de cellules cancéreuses circulantes plusieurs mois et dans certains cas plusieurs années avant que le cancer ne devienne détectable par scanner. Cette alerte pourrait jouer un rôle clé dans la précocité de l’intervention chirurgicale, permettant ainsi de viser l’éradication précoce de la localisation primitive du cancer.

PhotoCP web cancer poumon © fotolia

Des études menées chez l’animal ont clairement montré que les tumeurs invasives diffusent dans le sang des cellules cancéreuses depuis les toutes premières étapes de leur formation, avant même que les tumeurs ne soient détectables par un examen d’imagerie. La possibilité d’identifier ces cellules « sentinelles » est considérée comme un atout majeur dans la course contre la montre visant à détecter, et donc à traiter, précocement le cancer. Les cellules cancéreuses circulantes sont extrêmement rares dans le sang, très hétérogènes et fragiles, et difficiles à extraire sans biais ni perte.

L’équipe de chercheurs dirigée par Paul Hofman a utilisé un test sanguin issu de la recherche française[1], qui isole du sang tous les types de cellules tumorales, sans perte et en les laissant intactes. L’équipe a étudié un groupe de 245 personnes sans cancer, y compris 168 patients à risque de développer ultérieurement un cancer du poumon car atteints de Bronchopathie Chronique Obstructive (BPCO). Les participants ont systématiquement subi le test sanguin et les examens classiques d’imagerie. Via le test sanguin, des cellules cancéreuses circulantes ont été identifiées chez 5 patients (3%), alors que l’imagerie ne révélait aucun nodule au niveau pulmonaire.

Chez ces 5 patients, un nodule est devenu détectable, de 1 à 4 ans après la détection des cellules cancéreuses circulantes par le test sanguins. Ils ont été immédiatement opérés et l’analyse effectuée sur le nodule a confirmé le diagnostic de cancer du poumon. Le suivi d’un an minimum après chirurgie n’a montré aucun signe de récidive chez les 5 patients, laissant espérer que le cancer avait été éradiqué. En parallèle, aucun nodule n’a été détecté dans le suivi des sujets sans cellules cancéreuses circulantes et aucune cellule cancéreuse n’a été détectée dans le sang des sujets « contrôle » sans BPCO.

La détection de ces cellules circulantes via ce test sanguin pourrait jouer un rôle clé dans la précocité de l’intervention chirurgicale, permettant ainsi de viser l’éradication précoce de la localisation primitive du cancer.

Le cancer du poumon est parmi les plus meurtriers. Selon l’American Cancer Society (ACS), la survie de ces patients à un an est de 44% et à 5 ans elle est de seulement 16%. Seulement 15% de ces cancers sont actuellement diagnostiqués à un stade de maladie localisée. Sa détection précoce pourrait à la fois améliorer la survie des patients et permettre des économies de santé. La BPCO est la 3ème cause de décès aux US et sa cause principale est le tabagisme.

[1] Appelé ISET (Isolation by SizE of Tumor cells) et développé par la compagnie Rarecells Diagnostics.

Cancer du côlon : Deux altérations génétiques à l’origine des métastases

Avec environ 42 000 nouveaux cas estimés en 2012 en France, le cancer du côlon se situe, tous sexes confondus, au troisième rang des cancers les plus fréquents, et au deuxième en termes de mortalité après le cancer du poumon. L’un des défis à relever est de réussir à le traiter dès lors que des métastases sont présentes. Les chercheurs de l’Institut Curie, de l’Inserm et du CNRS décrivent – théoriquement et expérimentalement – dans la revue Nature Communications la combinaison de deux altérations génétiques responsables de la dissémination tumorale. En plus des connaissances sur la progression tumorale, le modèle de cancer du côlon ainsi mis au point offre la possibilité de tester de nouvelles thérapies pour enrayer les métastases.

Au moment du diagnostic d’un cancer du côlon, 25 % des personnes présentent déjà des métastases et 25 % à 35 % en développeront lors la progression de leur maladie. Si le point de départ de tout processus tumoral est l’altération de l’ADN d’une cellule, la survenue de métastases résulte d’une succession d’accidents génétiques. Toutes les altérations ne présentent pas le même risque. Alors quelles sont les étapes indispensables à la survenue des métastases ? Cette question est clé pour les chercheurs et les soignants en cancérologie, car tant que le cancer reste localisé, l’association de la chirurgie et de la radiothérapie peut en venir à bout. En revanche, dès lors que celui-ci a commencé à disséminer son traitement devient plus difficile. La mise au point de thérapies efficaces, ciblées sur les défauts de la cellule, réclame une compréhension de la biologie de la tumeur.

Afin de mieux comprendre ce processus long et extrêmement complexe et de découvrir de nouvelles voies thérapeutiques, il est crucial d’élucider l’ensemble des étapes de la progression tumorale, de la mutation initiale jusqu’au développement des métastases.

Kcôlon

De la tumeur aux métastases, une multitude d’événements
© Eléonore Lamoglia/Institut Curie

L’alliance de la théorie et de l’expérience
« Grâce à un modèle mathématique compilant les données de plus de 200 publications scientifiques, nous avons tout d’abord identifié deux acteurs indispensables à la transition épithélio-mésenchymateuse dans les cellules intestinales », explique Inna Kuperstein, chercheuse dans l’équipe d’Emmanuel Barillot. Cette transition convertit les cellules épithéliales en une forme dite mésenchymateuse[1]. Ces cellules moins spécialisées et plus plastiques perdent notamment leur capacité d’adhésion entre elles et acquièrent des propriétés leur permettant de migrer et se « fondre » dans l’environnement proche. La transition épithélio-mésenchymateuse représenterait pour les cellules tumorales le premier pas vers la dissémination.

« Pour passer ce cap, notre modèle montre que deux verrous doivent sauter dans les cellules de l’intestin : le récepteur Notch doit être activé et le gène p53 doit être perdu », commente Andrei Zinovyev, coordinateur de l’étude mathématique à l’Institut Curie.

Ensuite les chercheurs ont développé un modèle animal porteur de ces deux altérations dans le tissu intestinal. « Ce modèle offre la possibilité d’étudier les cellules tumorales tout au long de leur développement et ainsi mieux comprendre les modifications nécessaires à la formation des métastases », explique Sylvie Robine, directrice de recherche Inserm à l’Institut Curie.

Premier constat : ces souris développent de nombreuses métastases et ce, dans plusieurs organes. La combinaison des altérations de Notch et de p53 forme le terreau essentiel au développement de métastases d’un cancer du côlon.

« Lorsque les cellules issues du cancer du côlon commencent à disséminer, elles perdent progressivement les caractéristiques de cellules de l’épithélium, tissu dont elles sont originaires, pour acquérir les spécificités des cellules du mésenchyme », poursuit-elle.

En outre, les marques du tissu mésenchymateux sont uniquement présentes dans les cellules du front invasif de la tumeur, dans les cellules qui se dirigent vers la « sortie » du tissu intestinal (le stroma). Les cellules qui échappent au tissu originel sont donc celles qui ont amorcé la transition épithélio-mésenchymateuse. « Ce résultat est corroboré par l’analyse d’échantillons de cancers de côlon invasif et de métastases prélevés chez des patients, souligne le Pr Daniel Louvard[2], directeur de recherche CNRS à l’Institut Curie, les cellules présentes dans ces prélèvements possèdent les spécificités du mésenchyme, et pas celles des épithéliums. »

Grâce aux recherches conjointes des bioinformaticiens de l’équipe d’Emmanuel Barillot et des biologistes de l’équipe du Pr Daniel Louvard, les étapes de la progression tumorale et les divers chemins conduisant au cancer du côlon livrent progressivement leurs secrets.

« La combinaison des altérations de p53 et Notch crée les conditions les plus favorables au développement de métastases dans les cancers du côlon » précise le Pr Daniel Louvard.

Les souris mises au point constituent un excellent modèle pré-clinique et à ce titre elles pourront servir de base à la recherche de nouvelles cibles thérapeutiques. C’est en connaissant les altérations spécifiques de la tumeur d’un individu que des traitements personnalisés mieux ciblés et d’autant plus efficaces pourront voir le jour.

[1] Le mésenchyme est un tissu de soutien embryonnaire à l’origine de diverses formes de ces tissus chez l’adulte.

[2] Le Pr Daniel Louvard est directeur honoraire du Centre de Recherche de l’Institut Curie et actuellement conseiller du président pour les relations internationales de l’Institut Curie. Maia Chanrion membre de l’équipe de Daniel Louvard a contribué aux travaux expérimentaux, Inna Kuperstein et David Cohen membres de l’équipe d’Emmanuel Barrillot ont participé à l’étude Bioinformatique.

Des nouveaux mécanismes de résistance aux thérapies ciblées du mélanome : implication de la traduction des ARN en protéines

Des chercheurs français ont découvert de nouveaux mécanismes de résistance aux thérapies ciblées utilisées depuis moins de trois ans dans le traitement du mélanome. Cette découverte permet non seulement de mieux comprendre pourquoi ces traitements deviennent inefficaces mais aussi d’ouvrir de nouvelles pistes de prise en charge de ces tumeurs agressives. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature et bénéficient d’une publication en ligne avancée.


Le traitement du mélanome métastatique demeure un problème majeur en oncologie. La moitié des patients souffrant de cette affection présentent une mutation d’une protéine appelée BRAF. Des médicaments ciblant cette protéine mutée, le vémurafenib (Zelboraf®) et le dabrafenib (Tafinlar), permettent de retarder significativement l’évolution de ce type de cancer de la peau. Malheureusement, au cours du temps ces anti-BRAF perdent leur efficacité.

Des chercheurs du laboratoire Biomarqueurs prédictifs et nouvelles stratégies moléculaires en thérapeutique anticancéreuse (Inserm/Gustave Roussy/Université Paris-Sud) ont montré que les mécanismes utilisés par les tumeurs pour résister à ces traitements impliquent un complexe protéique appelé eIF4F qui régule la synthèse des protéines à partir des ARN.

A partir de biopsies de tumeurs prélevées sur des patients, les chercheurs ont aussi démontré que la formation de ce complexe était diminuée dans les tumeurs qui répondaient aux anti-BRAF et augmentée dans les métastases résistantes.

Ils ont également montré que des composés développés par une équipe de pharmacochimie du CNRS et de l’Université de Strasbourg qui inhibent le complexe eIF4F permettent d’améliorer l’efficacité du vémurafenib dans des modèles cellulaires et murins.

Mélanome

Inserm/Dantchev, Dimitri

Ces résultats offrent de nouvelles perspectives pour prédire l’efficacité des traitements du mélanome utilisant les médicaments ciblant la protéine BRAF.

De plus, ils pourraient déboucher à long terme sur de nouveaux traitements plus efficaces pour traiter non seulement ce type redoutable de cancer, mais aussi certains cancers de la thyroïde, du colon, du poumon et du cerveau.

Ces travaux ont été dirigés par Stéphan Vagner (Inserm U981/Gustave Roussy/Université Paris-Sud, Villejuif; Adresse actuelle : CNRS UMR3348/Institut Curie, Orsay) et Caroline Robert (Inserm U981/Gustave Roussy, service de dermatologie/Université Paris-Sud, Villejuif) en collaboration avec Laurent Désaubry (Laboratoire d’Innovation Thérapeutique, CNRS UMR 7200/Université de Strasbourg, Illkirch).

Des « flashs » de radiothérapie pour réduire les effets secondaires

Traiter fort et vite semble être un bon moyen de limiter les effets secondaires de la radiothérapie. Telle est la découverte des chercheurs de l’Institut Curie, de l’Inserm et du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois publiée dans Science Translational Medicine le 16 juillet.
La radiothérapie reste l’un des traitements locaux de référence dans la prise en charge des patients atteints de cancer : de plus en plus précise, elle consiste à irradier les cellules cancéreuses pour les détruire tout en préservant du mieux possible les tissus sains et les organes avoisinants. En augmentant jusqu’à 1 000 fois l’intensité de l’irradiation sur un temps très court, les chercheurs montrent que l’efficacité demeure la même, mais que les tissus sains sont mieux protégés. 



« Eradiquer la tumeur, tout en limitant les effets secondaires, est depuis toujours l’objectif des radiothérapeutes »
, souligne en préambule Vincent Favaudon, chercheur à l’Institut Curie. La radiothérapie reste à ce jour l’une des approches les plus efficaces dans le traitement des cancers. Elle est proposée à plus de la moitié des patients, en association avec la chirurgie et/ou la chimiothérapie. Depuis plus de 20 ans, les développements de l’imagerie, de l’informatique, de la dosimétrie et des accélérateurs ont permis de « sculpter » de plus en plus précisément le volume d’irradiation en fonction de la localisation et de la forme de la tumeur. Malgré tout, les effets secondaires dus à l’irradiation des tissus sains demeurent un problème crucial.

A chaque mode d’administration, son effet

En collaboration avec Marie-Catherine Vozenin (Inserm et Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne, Suisse), le radiobiologiste Vincent Favaudon, directeur de recherche émérite Inserm, étudie les effets de la radiothérapie sur les tissus sains et tumoraux en fonction de son mode d’administration. « Les laboratoires de l’Institut Curie sur le site d’Orsay disposent d’un accélérateur linéaire d’électrons expérimental qui permet de délivrer des doses de rayonnement élevées en un temps très court, comme un flash », explique-t-il. « Pour donner une idée de l’échelle, cet accélérateur délivre un débit de dose de rayonnement 1 000 à 10 000 fois plus intense qu’en radiothérapie conventionnelle ».

Les chercheurs se sont demandé si cela modifiait les effets sur les tissus. « Dans nos modèles tumoraux, une dose de 15 Gy administrée de manière conventionnelle pour traiter une tumeur du poumon entraîne à coup sûr la survenue d’une fibrose pulmonaire entre 8 semaines et 6 mois après l’irradiation, alors qu’avec une irradiation « flash », aucune fibrose n’apparaît en-dessous de 20 Gy », explique le radiobiologiste. Cet effet protecteur est également observé sur l’apoptose (mort programmée des cellules produite suite à des dommages non réparés de l’ADN), les capillaires sanguins et sur les lésions cutanées. 

« En revanche, l’efficacité anti-tumorale reste la même sur tous les modèles tumoraux que nous avons testés », constate Marie-Catherine Vozenin, chercheuse Inserm, cheffe du laboratoire de radiobiologie au sein du Service de radio-oncologie du CHUV. L’irradiation « flash » protège donc les tissus sains de la survenue d’effets secondaires de manière très sélective.

« Les appareils actuellement utilisés dans la plupart des services de radiothérapie et qui fonctionnent avec des rayons X, ne sont pas assez performants pour générer les débits de dose nécessaires à des irradiations “flash”. Il faudrait une évolution technologique majeure pour y parvenir », poursuit Vincent Favaudon. « Cependant, le système par “Pencil Beam Scanning” qui est actuellement en cours d’installation au Centre de Protonthérapie de l’Institut Curie sera capable de telles performances et l’équipe médicale, assistée par les chercheurs, envisage de procéder très rapidement à un essai préclinique ».

Le Pencil Beam bientôt au Centre de Protonthérapie de l’Institut Curie

Depuis le printemps 2013, le Centre de Protonthérapie de l’Institut Curie (Orsay) prépare la mise en service de la technologie dite «Pencil Beam Scanning (PBS) » qui permettra de balayer le faisceau de protons au niveau de la tumeur.

Institut de Recherche en Cancerologie de Montpellier (IRCM)

Plateforme de radiothérapie clinique du (CRLC) centre régional de lutte contre le cancer. Val d’Aurelle-Paul Lamarque, Montpellier. Inserm/ P Latron



Installée dans la salle de traitement disposant du bras isocentrique – avec lequel il est possible d’orienter le faisceau autour du patient selon toutes les incidences- cette technologie de pointe va permettre d’étendre encore plus les indications de la protonthérapie.

« Nous pourrons ainsi traiter de nouvelles localisations, en particulier des tumeurs extra-crâniennes de volumes complexes, en assurant une très bonne conformation au volume de la tumeur tout en améliorant la protection des tissus et organes sains avoisinants », se réjouit le Dr Remi Dendale, responsable médical du centre.

 « C’est ce que l’on appelle la protonthérapie à modulation d’intensité ou IMPT qui permettra, de simplifier la préparation des traitements, en s’affranchissant de la fabrication des compensateurs (qui permet d’ajuster la distribution de dose en profondeur) et d’une partie des collimateurs (qui permet de moduler dans le plan latéral la forme du dépôt d’énergie) », précise la physicienne Nathalie Fournier-Bidoz.

Images de coupes de tissus

Effet sur du tissu pulmonaire sain d’une irradiation de 17 Gy administrée en 0.28 s, soit un débit de dose 60 Gy/s (image du centre) et en 548 s, soit un débit de doser de 0.031 Gy/s (image de droite). Le tissu irradié avec un très haut débit de dose a le même aspect que le tissu non irradié, alors que celui irradié à faible débit de dose est totalement altéré.

Tissu pulmonaire

Cancer : la vie deux ans après le diagnostic

L’Institut national du cancer (INCa) et l’Inserm présentent, lors d’un colloque de restitution le 10 juin, les résultats d’une enquête de grande envergure interrogeant 4349 personnes atteintes d’un cancer deux ans après le diagnostic. Appelée VICAN2 pour « Vie après le Cancer à deux ans du diagnostic », cette enquête menée en 2012 constitue l’unique travail national qui rend compte des conditions de vie des personnes atteintes de cancer.Fotolia_37438608_XS

©fotolia
Contexte de l’enquête « Cancer : la vie deux ans après le diagnostic »

L’incidence des cancers est en augmentation depuis plusieurs décennies, mais les progrès thérapeutiques ont significativement contribué à réduire la mortalité liée à cette maladie. Si le pronostic demeure mauvais pour certaines localisations, les perspectives de guérison et de survie à long terme évoluent favorablement en France pour nombre de cancers. Ce sont ainsi aujourd’hui 3 millions de personnes qui en France sont ou ont été concernées par un cancer. Le cancer reste une épreuve difficile au plan physique et psychologique. Les personnes doivent plusieurs années après leur diagnostic, composer avec le risque de rechute, les effets secondaires de la maladie et de ses traitements, mais aussi la reprise de leur vie quotidienne.

C’est pour mieux connaître et comprendre les difficultés de ce quotidien que l’Institut national du cancer (INCa) a souhaité renouveler l’enquête, réalisée une première fois en 2004 sous l’égide de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, sur la vie des personnes deux ans après leur diagnostic de cancer. L’Institut national du cancer en a confié la réalisation à l’unité Inserm 912 SESSTIM[1] de l’Inserm. Ce travail a été mené grâce à un partenariat avec la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts), la Mutualité sociale agricole (MSA) et le Régime social des indépendants (RSI).

Principaux résultats de l’enquête « Cancer : la vie deux ans après le diagnostic »

L’enquête VICAN2 aborde les différentes facettes de la vie des personnes atteintes d’un cancer depuis la prise en charge de leur maladie et leur relation avec le système de soins, jusqu’à l’état de santé deux ans après le diagnostic, l’impact de la maladie sur les ressources et l’emploi, les difficultés rencontrées dans la vie quotidienne et sociale. Elle souligne :

Le poids des inégalités

Les résultats de cette enquête illustrent l’ampleur de l’impact du cancer sur l’existence des personnes atteintes, et mettent en évidence le poids des inégalités de santé, tout au long de la trajectoire de la personne. Ces inégalités renvoient parfois aux pertes de chances dont souffrent les plus jeunes ou les plus âgés dans l’accès aux soins mais, elles sont liées surtout à des difficultés socio-économiques, qui pèsent parfois autant, voire plus, que la localisation du cancer, les traitements reçus ou les séquelles perçues. Le cancer apparaît alors comme un facteur d’aggravation des inégalités sociales qui lui préexistaient.

Une annonce du diagnostic qui s’est faite majoritairement dans de bonnes conditions

L’enquête explore les circonstances du diagnostic.  Si les conditions de cette annonce ont progressé depuis 2004, elle est jugée encore trop brutale par 18 % des enquêtés. Les personnes les moins diplômées et disposant des plus faibles revenus portent encore plus souvent ce jugement. Les variations les plus nettes sont cependant observées en lien avec l’âge et le sexe des personnes interrogées : ce sont les femmes et les plus jeunes qui jugent le plus souvent brutale l’annonce de leur diagnostic (c’est le cas de 28 % des femmes âgées de 18 à 40 ans).

Des échanges d’informations avec les soignants qui semblent progresser.

La proportion de personnes satisfaites de leur implication dans le choix des traitements,  est en progression.


Par ailleurs, les proportions d’enquêtés estimant que l’information donnée par les soignants était trop importante ou trop compliquée, ou qu’eux-mêmes arrivaient mal à formuler leurs questions, ont toutes notablement baissé dans cette nouvelle enquête par rapport à 2004.

Un impact de la maladie sur la qualité de vie très lié à la localisation de cancer

Les résultats illustrent la dégradation générale de la qualité de vie induite par un cancer : cette dégradation dépend toutefois beaucoup de sa localisation (plus fréquente pour le cancer du poumon, elle est plus rare pour le cancer de la prostate), des traitements reçus et des séquelles perçues.

Au-delà de ces facteurs médicaux, la qualité de vie mesurée dépend aussi des éventuelles situations de précarité sociale (faibles revenus, chômage).

Un impact également très marqué sur la situation professionnelle

Le cancer a un impact sur la situation professionnelle : au moment du diagnostic, huit personnes sur dix avaient un emploi, contre six sur dix, deux ans plus tard.

La perte d’emploi touche davantage les moins diplômés, les plus jeunes et les plus âgés, ceux qui exercent un métier d’exécution (ouvriers, employés), qui ont un contrat de travail précaire ou sont employés dans des PME.

En outre, la gravité du cancer accentue les inégalités : plus le pronostic initial est mauvais, plus l’écart observé entre métiers d’exécution et métiers d’encadrement s’accroît. Ainsi pour un cancer « de bon pronostic », le taux de maintien en emploi deux ans après le diagnostic est de 89 % pour les métiers d’encadrement et de 74 % pour les métiers d’exécution, contre respectivement 48 % et 28 % pour les cancers de mauvais pronostic.

Des discriminations peu fréquentes mais encore présentes

Un enquêté sur dix déclare que, dans son entourage, il lui est déjà arrivé d’être l’objet d’attitudes de rejet ou de discrimination liées directement à sa maladie. Les femmes et les enquêtés les plus jeunes sont les plus enclins à rapporter de telles expériences.

La fréquence des expériences de discrimination atteint 25 % parmi les personnes qui déclarent que leur ménage connaît des difficultés financières (contre 4 % parmi celles qui se disent « à l’aise »). Les inégalités sociales se répercutent ainsi sur les expériences de discrimination de la part de l’entourage.

Ces résultats seront discutés au cours d’un colloque organisé le mardi 10 juin par l’Institut national du cancer associant l’ensemble des parties prenantes et notamment les personnes malades et leurs représentants associatifs. Cette réflexion engagée permettra de nourrir les actions du Plan cancer 2014-2019 qui s’attache notamment à limiter les conséquences sociales et économiques de la maladie, à faciliter la prise en compte du cancer dans le monde du travail, la poursuite de la scolarité et des études et autorise un « droit à l’oubli » dans l’accès à l’emprunt.


[1] Sciences Économiques et Sociales de la Santé et Traitement de l’Information Médicale

<

Métastases : comment les cellules tumorales disséminent

Lorsque les cellules tumorales acquièrent la capacité de se déplacer et d’envahir d’autres tissus, il y a un risque de métastases et le traitement des cancers devient alors plus difficile. Carine Rossé, chargée de recherche Inserm, Philippe Chavrier, directeur de recherche CNRS, en collaboration avec le Dr Anne Vincent-Salomon, médecin-chercheur à l’Institut Curie, viennent de découvrir un des mécanismes qui permettent aux cellules des cancers du sein triple-négatifs de sortir de la glande mammaire. Ces résultats sont publiés on line par PNAS le 21 avril 2014.

Comprendre comment les tumeurs primaires s’infiltrent dans les tissus, comment certaines cellules s’en détachent et migrent à distance pour former des métastases, constitue un enjeu majeur de la cancérologie actuelle. C’est pourquoi l’Institut Curie a lancé en 2011 un Programme incitatif et coopératif (PIC), intitulé « Cancer du sein : invasion et motilité », afin de mettre des moyens importants à la disposition des équipes qui se battent sur ce terrain. Les deux coordinateurs de ce programme, Philippe Chavrier, Directeur de recherche CNRS1, et Anne Vincent-Salomon, médecin et chercheuse2, se sont associés pour mieux comprendre comment les cellules d’un cancer du sein rompent les amarres pour commencer à envahir d’autres tissus.

Et c’est sur l’une des formes de cancer du sein les plus agressives à ce jour, les cancers du sein triple-négatifs, que porte leur dernière découverte. « Ces cancers du sein sont dénués de récepteurs aux oestrogènes et à la progestérone, et ne sur-expriment pas HER2. Les femmes porteuses de ce type de cancer ne peuvent donc ni bénéficier d’une hormonothérapie, ni de thérapie ciblée anti-HER2 comme l’Herceptin » explique le Dr Anne Vincent-Salomon.

Un tunnel dans la membrane basale
Carine Rossé3 et Philippe Chavrier viennent de découvrir comment les cellules de ces cancers du sein brisent les liens qui les relient à leur tissu d’origine.

« Pour s’échapper, les cellules tumorales doivent creuser un tunnel dans la membrane basale qui délimite la glande mammaire » explique Philippe Chavrier.


Son équipe montre que la protéine PKCλ et la protéase MT1-MMP sont des moteurs de cette « invasion » cellulaire. Si on « éteint » PKCλ dans des lignées de cellules issues de cancer du sein agressif, l’approvisionnement en MT1-MMP au niveau de la surface des cellules est bloqué et l’invasion cellulaire n’est pas possible.

Grâce au Centre de Ressources Biologiques4 de l’Institut Curie, où sont conservés près de 60 000 échantillons de tumeurs, les chercheurs ont également étudié ces protéines directement dans des prélèvements tumoraux. « Nous montrons, dans les cancers du sein, des corrélations d’expression entre ces deux protéines, associées à un pronostic défavorable », explique le chercheur. « Nous avons également identifié un mécanisme dans lequel ces deux protéines fonctionnent de concert pour augmenter le pouvoir invasif des cellules tumorales mammaires ».
Les chercheurs viennent de franchir une étape essentielle pour identifier précocement les tumeurs au fort pouvoir invasif, voire pour envisager de bloquer la formation des métastases.
« Nous avons identifié des cibles intéressantes pour d’éventuels traitements, mais elles restent à valider », tempère le biologiste. Viendra donc ensuite le temps de la mise au point, avec l’aide de chimistes, de médicaments capables d’enrayer ces mécanismes.

Réaction en chaîne

interaction proteines

Ce zoom de l’intérieur d’une cellule permet de visualiser la suite de réactions entre diverses protéines déclenchées par PKCλ. Cette dernière « contrôle » le trafic de la protéase MT1-MMP (en rouge) en activant l’association de la cortactine (en vert) avec la dynamine 2 (en bleu). Cette suite de réaction est nécessaire pour permettre à la cellule de se séparer de ses voisines et aller envahir d’autres tissus.
© Carine Rossé – Philippe Chavrier / Institut Curie


1 Directeur de recherche 1ère classe CNRS, Philippe Chavrier est chef de l’équipe « Dynamique de la membrane et du cytosquelette » dans le laboratoire « Compartimentation et dynamique cellulaires – Institut Curie / CNRS » dirigée par Bruno Goud.
2 Anne Vincent-Salomon est médecin pathologiste dans le département de Biopathologie de l’Ensemble hospitalier de l’Institut Curie et, depuis janvier 2014, chercheuse dans le laboratoire « Génétique et biologie du développement – Institut Curie / Inserm / CNRS » dirigée par le Pr Edith Heard.
3 Carine Rossé est chargée de recherche Inserm dans l’équipe « Dynamique de la membrane et du cytosquelette » dirigée par Philippe Chavrier.
4 Département de Biopathologie de l’Ensemble hospitalier de l’Institut Curie.
fermer