Menu

Stopper le cercle vicieux de la progression tumorale chez les enfants atteints d’un cancer osseux

Le cancer osseux primitif se développe suite à la dérégulation des cellules qui fabriquent continuellement nos os. Dans un contexte cancéreux, ces cellules peuvent dégénérer et former de l’os de façon anarchique sans aucune organisation définie. Des chercheurs de l’Unité l’Inserm 957  » Physiopathologie de la Résorption Osseuse et Thérapie des Tumeurs Osseuses Primitives » à Nantes viennent de mettre au point un traitement innovant stoppant le cercle vicieux qui permet au cancer osseux de se développer.

Publiée aujourd’hui dans la revue Nature Communications, leur étude montre une inhibition de la progression tumorale et une diminution de la dégradation osseuse, associées à un allongement de la survie chez l’animal.

Touchant principalement les enfants et les adolescents avec un pic d’incidence vers 15 ans, les cancers primitifs de l’os affichent des taux de survie à 5 ans de 50 à 70 % dans les meilleurs cas pour les formes localisées, mais de 20 à 30% en cas de métastases, de rechute ou de résistance au traitement. Un pronostic qui n’a pas évolué au cours des 30 dernières années. Bien qu’ayant des causes diverses et encore mal connues, ces cancers, qu’ils s’agissent de l’ostéosarcome, du sarcome d’Ewing ou du chondrosarcome, semblent impliquer des dysfonctionnements cellulaires similaires. Cependant, depuis une quinzaine d’années aucune avancée majeure dans la prise en charge thérapeutique de ces cancers n’a vu le jour.

L’os est un tissu vivant !

En condition physiologique, le tissu osseux est en continuel remaniement comportant des phases de destruction osseuse et des phases de formation osseuse. L’os est majoritairement formé par de deux types de cellules : les ostéoclastes et les ostéoblastes qui interagissent constamment pour maintenir un équilibre entre destruction et formation osseuse. Les ostéoblastes sont les cellules responsables de la formation de l’os. Les ostéoclastes sont quant à elles chargées de la résorption osseuse. Toute dérégulation de la balance formation/destruction osseuse est à l’origine de la pathologie cancéreuse.

Grâce aux recherches précédemment menées par l’équipe de chercheurs de l’Inserm, il est clairement établi qu’un déséquilibre entre l’action des ostéoblastes et des ostéoclastes est impliqué dans le développement des tumeurs osseuses primitives. En effet, dès lors qu’une cellule tumorale se développe sur un site osseux, on observe une résorption importante des os causant leur fragilisation (lésions, fractures…).

Bloquer le cercle vicieux : un défi réussi

Les tumeurs osseuses primitives « se servent » du micro environnement osseux pour pouvoir proliférer. Les cellules tumorales perturbent l’équilibre naturel du système en libérant des protéines appelées « facteurs de croissance ». Ces molécules ont la capacité d’activer les ostéoclastes/ostéoblastes entrainant non seulement d’importantes dégradations de l’os mais également la libération d’autres facteurs de croissance normalement emprisonnés dans l’os. Libérés, ils vont alors à leur tour, stimuler la croissance de la tumeur. Plus la quantité de facteurs de croissance présente dans le micro-environnement de la tumeur est importante, plus la tumeur prolifère. C’est ce qu’on appelle le « cercle vicieux ».

Aucun traitement à ce jour n’inhibe ces trois composantes du cercle vicieux à savoir la tumeur, les ostéoblastes et les ostéoclastes.

L’idée des chercheurs a été de s’intéresser au fait qu’une cellule peut devenir tumorale en cas de dérégulation de l’expression de certains gènes dits « facilitateurs de tumeurs ». Un certain nombre de protéines participent à cette régulation d’expression, notamment les protéines de la famille BRD. Les chercheurs montrent pour la première fois qu’un traitement innovant ciblant ces protéines BRD régulatrices de la transcription, inhibe les trois composantes du cercle vicieux à savoir les cellules tumorales et la différenciation des ostéoclastes et des ostéoblastes.

En inhibant chimiquement la protéine BRD4 (appartenant à la famille BRD), les chercheurs ont réussi à diminuer la prolifération de tumeurs osseuses primitives tout en maintenant l’architecture osseuse.

Des expériences complémentaires ont été réalisées sur des biopsies de patients dans le but d’illustrer et de confirmer ces résultats obtenus chez l’animal.

Tibias3D

Reconstruction en 3D d’un tibia de souris atteinte d’une tumeur osseuse primitive (à gauche) et après traitement (à droite) ©Inserm/F Lamoureux

« Notre étude montre clairement une inhibition de la progression tumorale et de la dégradation osseuse, associées à un allongement de la survie chez l’animal » précise François Lamoureux, à l’Inserm. Alors qu’à 32 jours toutes les souris contrôles étaient décédées, celles qui ont pu bénéficier du traitement étaient encore en vie après 40 jours. «Ces travaux nous permettent d’envisager sérieusement le développement d’un nouveau traitement pour les patients atteints de tumeurs osseuses primitives touchant à la fois la tumeur et les dégradations osseuses associées. » De plus, l’architecture osseuse étant conservée, nous pourrions imaginer élargir des indications incluant  les métastases osseuses dans le cas des cancers de la prostate ou du sein, mais également les pathologies osseuses non tumorales (ostéoporose) ».

Schéma

De l’ADN non codant au secours des maladies des globules rouges

Des régions non codantes du génome semblent diminuer la sévérité de deux maladies des globules rouges : la bêta thalassémie et la drépanocytose. Une équipe de chercheurs dirigée par Eric Soler (Unité Inserm 967 «  Stabilité génétique, cellules souches et radiations « , hébergée au CEA de Fontenay-aux-Roses[1]) en collaboration avec une équipe anglaise et une équipe néerlandaise[2] est parvenue à élucider les mécanismes expliquant comment des séquences d’ADN non codant, autrefois appelé « ADN poubelle », et situées sur des régions très éloignées des gènes, exercent leur action pour améliorer les symptômes des bêta thalassémies et des drépanocytoses.

Ces travaux seront publiés dans la revue Journal of Clinical Investigation et seront accessibles en ligne à partir du 10 mars 2014.

Les bêta thalassémies et la drépanocytose font partie des troubles héréditaires les plus fréquents touchant les globules rouges. La drépanocytose, qui affecte 300 000 nouveau-nés chaque année, est sur le point de devenir la maladie génétique la plus fréquente en Europe. Leurs troubles sont causés par des mutations du gène de la β globine, conduisant à des altérations de l’hémoglobine adulte, responsable du transport d’oxygène dans le sang. Malgré l’implication d’un gène unique, ces deux maladies peuvent être plus ou moins sévères. De nombreux facteurs peuvent en modifier la gravité, en particulier la capacité de certains patients à produire de l’hémoglobine fœtale normalement maintenue ‘silencieuse’ chez l’adulte. Chez certains individus elle ‘échappe’ à cette répression naturelle sans aucune conséquence sur leur santé. Mais, spécifiquement chez les patients thalassémiques et drépanocytaire elle produit un effet bénéfique en compensant les défauts d’hémoglobine adulte.

Etude de la drépanocytose. © C Feo/Inserm

Les régions non codantes du génome, autrefois appelées « ADN poubelle », ont un rôle aujourd’hui reconnu dans la régulation des gènes. Leurs mutations ou variations peuvent ainsi être impliquées dans la survenue ou la sévérité de nombreuses pathologies (diabètes, maladies cardiovasculaires, cancers). Etonnamment, ces variants génétiques présents en grand nombre dans les régions non codantes du génome sont fréquemment localisés à des distances considérables des gènes.

Une équipe de chercheurs dirigée par  Swee Lay Thein avait identifié il y a plus de 10 ans, des variants génétiques liés à la production d’hémoglobine fœtale chez l’adulte. Leurs mécanismes d’action étaient restés néanmoins inexpliqués jusqu’à aujourd’hui. En effet, ces variants ne sont pas localisés sur les chromosomes qui contiennent les gènes produisant l’hémoglobine, mais se trouvent dans un ‘désert génétique’ non codant du chromosome 6q23, à des dizaines de milliers de paires de bases des gènes les plus proches.

A partir de prélèvements effectués chez des patients thalassémiques, les chercheurs ont combiné l’utilisation de techniques d’analyse de repliement des chromosomes, à des analyses d’ADN à haut débit pour élucider les mécanismes moléculaires expliquant comment les variants non codants exercent leur action et améliorent les symptômes des thalassémies et drépanocytoses.

Les chercheurs ont montré que ces variants, dans un contexte normal, interagissent physiquement avec le gène MYB, distant de plus de 80 000 paires de bases, grâce au repliement des chromosomes.  » Il faut imaginer notre ADN comme une pelote de laine. Si on déroule cette pelote ces deux régions sont très éloignées l’une de l’autre, mais au sein de la pelote, elles peuvent être très proches. » explique Eric Soler.

Or, chez les patients atteints de bêta-thalassémie ou de drépanocytoses et porteurs de ces variants, on constate une diminution des repliements des chromosomes. Les variants accèdent plus difficilement au gène MYB et l’activent moins efficacement. Cette baisse d’expression du gène MYB chez les patients thalassémiques et porteurs de ces variants, conduit à une réactivation des globines fœtales saines (normalement silencieuses chez l’adulte) permettant de reconstituer une hémoglobine fonctionnelle. « La diminution de l’expression du gène MYB permet ainsi de compenser le défaut de globines adultes et d’améliorer significativement les symptômes des bêta thalassémies et de la drépanocytose », expliquent les auteurs.

Ainsi, « le gène MYB représente une nouvelle cible thérapeutique majeure pour le traitement des bêta thalassémies et de la drépanocytose, pour lesquelles une réactivation de l’hémoglobine fœtale constitue une stratégie thérapeutique de choix », suggèrent Eric Soler et Swee Lay Thein.

Eric Soler est lauréat du programme ATIP-Avenir qui permet à de jeunes chercheurs de mettre en place et d’animer une équipe, de promouvoir la mobilité et d’attirer dans les laboratoires de jeunes chefs d’équipes de haut niveau.

Depuis leurs créations, ces deux programmes (Atip au CNRS et Avenir à l’Inserm) ont permis à plus de 406 chercheurs de constituer leur propre équipe de recherche dans les domaines des sciences de la vie et de la santé. En 2009, dans le cadre d’un partenariat, l’Inserm et le CNRS ont réuni leurs 2 programmes en un seul : Atip-Avenir


[1] CEA/DSV/iRCM – Institut de radiobiologie cellulaire et moléculaire, Fontenay-aux-Roses

[2] Les équipes de Swee Lay Thein, directeur clinique du ‘Red Cell Centre’ du King’s College Hospital de Londres, et de Frank Grosveld, professeur en spécialité Biologie Cellulaire à L’Erasmus Medical Center de Rotterdam

Migration cellulaire ou « l’art de se choisir un bon leader »

Des cellules qui progressent tout en gardant des interactions fortes entre elles désignent parmi elle un leader : cette cellule entraîne toutes les autres comme un seul homme. Telle est la découverte d’un travail collaboratif entre physiciens et biologistes de l’Inserm et du CNRS à l’Institut Curie.
L’évolution initiale de nombreuses tumeurs implique souvent de telles migrations collectives de cellules. Ces travaux sont publiés en ligne dans Nature Cell Biology, le 23 février 2014.

Quand on évoque la migration cellulaire, on pense d’abord à la dissémination des cellules tumorales et à la formation de métastases à distance de la tumeur d’origine. Evidemment ce sont ces déplacements de cellules, néfastes pour l’organisme qui expliquent que les chercheurs de l’Institut Curie se consacrent à la compréhension de ces mécanismes.

Mais la migration cellulaire est également indispensable par exemple, lors de la cicatrisation de plaies ou lors du développement embryonnaire. « Au sein de mon équipe, nous étudions la migration de cellules qui interagissent entre elles en intégrant les points de vue de la biologie et de la physique. Physicien de formation, je collabore depuis plusieurs années avec l’équipe de biologistes de Jacques Camonis » explique Pascal Silberzan, chef de l’équipe Physico-biologie aux mésoéchelles.


De l’individu au collectif

Avec ce double regard, les chercheurs ont pu observer au niveau du bord libre d’épithéliums progressant sur une surface, la formation de « doigts » de migration composés de 30 à 80 cellules. Ils permettent aux cellules d’entraîner leur tissu d’origine pour aller recouvrir la surface libre. « Dans ce cas, la migration cellulaire est un processus global : les cellules acquièrent un comportement mécanique collectif qui prend le dessus sur les comportements cellulaires individuels » explique le chercheur.

Et phénomène surprenant, l’ensemble des cellules pousse l’une d’entre elles à prendre la tête de la migration. Devenant plus grosse, ne se divisant plus, cette cellule « mène la course ».



« Elle exerce une force très importante sur l’ensemble des cellules suiveuses et les entraîne dans son mouvement. In vivo, on peut penser qu’elle joue un rôle identique, soit pour envahir d’autres tissus dans le cas de cellules tumorales, soit pour coloniser de nouveaux espaces dans l’embryon » souligne Myriam Reffay, post-doctorante dans l’équipe de Pascal Silberzan au moment de l’étude et aujourd’hui Maître de conférence à l’université Paris Diderot.

Mais la coopération des cellules entre elles va encore plus loin, puisqu’elles mettent en commun une structure contractile (un véritable « câble ») pluricellulaire le long du doigt de migration. Son rôle : empêcher que d’autres cellules ne prennent le rôle de leader dans ces doigts et partent dans d’autres directions.

« Nous sommes donc en face d’un comportement collectif extrêmement cohérent : l’ensemble des cellules qui forment les doigts migratoires agissent de concert comme une cellule unique, une « super cellule » pour reprendre une image parfois employée » souligne le physicien. « De manière très spectaculaire, la distribution de l’activité de certaines protéines impliquées dans la migration, reproduit fidèlement ce comportement de super cellule, montrant ainsi les correspondances entre nos deux approches » s’enthousiasment Maria Carla Parrini et Jacques Camonis de l’équipe Analyse des réseaux de transduction. (http://u830.curie.fr/fr/genetique-et-biologie-des-cancers/equipes/equipe-art/equipe-art-0072)

Jusqu’à présent, les migrations collectives de cellules ont été peu étudiées comparativement à la migration de cellules uniques. Or de tels doigts de migration sont souvent observés lors du développement des tumeurs épithéliales, les plus fréquentes des tumeurs qui se développent dans les tissus épithéliaux, formant soit un revêtement externe (comme la peau) ou interne (une muqueuse), soit une glande. Il est donc primordial de mieux comprendre ce mode de migration.

ImageJ=1.48a

©Olivier Cochet-Escartin/Institut Curie


L’image représente un doigt de migration (en bleu, les noyaux des cellules, en rouge, la myosine et en vert, l’actine)

Améliorer la chimiothérapie en empêchant la réparation des cellules tumorales

Les chimiothérapies sont des traitements anticancéreux dont le principe consiste à induire des lésions dans l’ADN des cellules tumorales afin d’inhiber leur prolifération. Toutefois, de manière naturelle l’organisme tente de réparer ces lésions et diminue ainsi l’efficacité des chimiothérapies. Bloquer les mécanismes de réparation de l’ADN, permettrait de potentialiser la chimiothérapie en diminuant la résistance des cellules au traitement. Une équipe de chercheurs dirigée par Frédéric Coin, directeur de recherche Inserm à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg (Unité mixte Inserm/CNRS/Université de Strasbourg) a découvert une nouvelle molécule, la spironolactone, qui laisse entrevoir à très court terme son utilisation comme adjuvant aux chimiothérapies.

Leurs résultats sont publiés dans Chemistry&Biology.

Rayons UV, agents physiques ou chimiques, notre organisme est constamment soumis à des agressions provenant de notre environnement et qui provoquent des dommages plus ou moins importants sur notre ADN. Il a ainsi été développé tout un système de vérification et de réparation. Parmi ces mécanismes, la NER (Nucleotide Excision Repair) est étudiée depuis plusieurs années par les chercheurs de l’équipe de Frédéric Coin et Jean-Marc Egly à l’IGBMC. Ce mécanisme est ainsi capable de détecter une lésion, puis de remplacer le fragment d’ADN endommagé par un fragment sain.

La chimiothérapie cytotoxique vise à bloquer les divisions des cellules cancéreuses afin d’empêcher la prolifération tumorale. Parmi les molécules utilisées, pour le traitement de nombreux cancers comme le cancer colorectal, cervico-facial, ou bien celui des testicules, de la vessie, des ovaires ou des poumons, on retrouve des médicaments à base de platine. Ces molécules se lient à l’ADN cellulaire, provoquent des dommages dans ce dernier, empêchant ainsi sa réplication. Bloquer les mécanismes de réparation de l’ADN, en l’occurrence l’activité NER, permettrait de potentialiser la chimiothérapie en diminuant la résistance des cellules au traitement.

Les chercheurs de l’IGBMC se sont donc mis en quête d’une molécule inhibitrice de l’activité NER. Ils ont ainsi testé près de 1200 molécules thérapeutiques et mis en évidence l’action de la spironolactone, une molécule déjà utilisée pour le traitement de l’hypertension, sur l’activité NER.


Les chercheurs ont notamment montré que son action combinée à celle des dérivés de platine provoquait une augmentation importante de la cytotoxicité dans les cellules cancéreuses du colon et des ovaires.

La spironolactone étant déjà utilisée par ailleurs, elle ne nécessite pas de nouvelle demande de mise sur le marché et ses effets secondaires sont déjà connus. Ce résultat laisse donc présager le développement rapide de nouveaux protocoles de chimiothérapie incluant la spironolactone.

illustration coin

© Inserm/ Frédéric Coin

Visualisation par immunofluorescence, 1h après traitement, des protéines XPC (en rouge) et XPB (en vert) impliquées dans l’activité de NER. A droite le traitement avec la spironolactone induit une dégradation rapide de XPB qui explique l’inhibition de la NER.

Leucémie : Mode d’action d’un traitement ciblé élucidé

Le mécanisme de la sénescence – ou vieillissement prématuré des cellules – peut avoir un effet anticancéreux. Ces nouveaux travaux, menés par Hugues de Thé et son équipe (université Paris Diderot/ Inserm/ CNRS/ AP-HP), sont publiés dans Nature Medecine le 12 janvier 2014. Ils révèlent que les traitements ciblés de la leucémie aiguë promyélocytaire, une forme rare de cancer du sang, induisent une cascade d’événements moléculaires qui conduit à la sénescence cellulaire et à la guérison. Ce modèle d’action pourrait être activé dans d’autres types de cancers. 

La protéine PML/RARA* est à l’origine de la prolifération des cellules cancéreuses chez les patients atteints de leucémie aiguë promyélocytaire. Les traitements ciblés déjà existants et associant une hormone – l’acide rétinoïque – et un toxique – l’arsenic – entrainent la guérison définitive de la majorité des patients, sans que l’on connaisse précisément leur action sur les cellules cancéreuses. De précédents travaux de l’équipe du Pr. Hugues de Thé ont montré que la combinaison de l’arsenic et de l’acide rétinoïque induit la destruction de la protéine PML/RARA et l’élimination des cellules souches leucémiques. Il restait à comprendre le lien entre ces deux événements.

Ces nouvelles recherches apportent les éléments nécessaires pour comprendre la guérison. Elles démontrent l’implication inattendue d’une cascade d’événements conduisant à la sénescence. L’intérêt du traitement est d’atteindre ce stade ultime de vieillissement des cellules afin de les rendre incapables de se multiplier.

Lors de ce traitement ciblé les chercheurs ont montré que la protéine p53**, arbitre entre mort cellulaire et survie, déclenche la sénescence grâce à l’implication de corps nucléaires PML. Ces structures sphériques sont présentes dans les cellules normales, mais sont désorganisées par PML/RARA dans la leucémie. Le traitement les réorganise (voir illustration ci-dessous), activant p53 et déclenchant la sénescence. Dans cette cascade d’événements (traitement, dégradation de PML/RARA, reformation des corps nucléaires, activation de p53) il suffit qu’un maillon manque pour que tous les effets thérapeutiques soient bloqués.

2_cellules

Cellules leucémiques avant (gauche) et après traitement (droite). Le bleu représente l’ADN du noyau, le rouge les corps nucléaires PML. Ceux-ci sont réorganisés par le traitement PML/RARA.
©Photos transmises par le Pr. Hugues de Thé

C’est ce phénomène qui permet l’élimination des cellules malades et conduit à la guérison totale du patient, par le seul traitement combiné acide rétinoïque/arsenic. L’absence de chimiothérapie permet d’éviter beaucoup d’effets secondaires lourds.

Cette compréhension du mécanisme cellulaire et moléculaire de la guérison de la leucémie aiguë promyélocytaire ouvre des perspectives d’activation de cette même voie PML/p53 dans d’autres types de cancers.

Ces travaux ont été financés par La Ligue contre le cancer, la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer et l’European Research Council (ERC).

* A l’origine de cette leucémie aiguë promyélocytaire, la modification de deux gènes RAR et PML qui engendrent le développement de cellules cancéreuses ;

** Le gène codant pour la protéine p53 joue un rôle essentiel dans la prolifération cellulaire à l’état normal et dans le maintien de l’intégrité du génome cellulaire.

Mécanique et génétique : un cocktail indispensable au développement de l’embryon

Chez la mouche et le poisson zèbre, des contraintes mécaniques peuvent activer la cascade génétique initiant la formation des futurs organes lors de l’embryogenèse. Une découverte faite par Emmanuel Farge (directeur de recherche Inserm à l’Institut Curie) et ses collaborateurs qui pourrait expliquer l’émergence des premiers organismes complexes il y a plus de 570 millions d’années.
Les résultats de ce travail sont publiés dans la revue Nature Communications.

embryon 

signal de phosphorylation de la béta-caténine dans le tissu ventral qui invagine (mésoderme) dans l’embryon de Drosophile en vue ventrale  de haut © E Farge

Le vivant se caractérise par une multiplicité de formes. Au tout début – qu’ils s’agissent des premières formes de vie pluricellulaire ou de l’embryon – tout n’est qu’un amas de cellules. De nombreux changements morphologiques se succèdent pour passer de cette forme unique à l’ensemble des formes de vie existantes.

A chaque stade de son développement, l’embryon prend une forme particulière. Ces déformations successives, génétiquement régulées, provoquent à leur tour des contraintes mécaniques sur l’embryon. Ces dernières semblent pouvoir elles aussi influencer, voire réguler en retour, l’expression des gènes du développement.

De la mouche au poisson zèbre

« Que ce soit chez le poisson zèbre ou la Drosophile, nous avons trouvé que l’activation de la protéine β-caténine au début du développement de l’embryon fait suite aux pressions mécaniques développées par le tout premier changement de forme de l’embryon » explique le chercheur.

Au tout début du développement, un changement morphologique – nommé invagination chez la mouche et épibolie chez le poisson zèbre – va permettre l’expression des gènes qui spécifient le mésoderme , en réponse à l’activation mécanique de la β-caténine dans les tissus particulièrement déformés par ces mouvements. De ce mésoderme dériveront ensuite les organes complexes tels que, les muscles, le cœur, ou encore les gonades.

Dans leur publication parue dans Nature Communications, Emmanuel Farge et son équipe montrent en détails que les contraintes mécaniques lors de cette transition morphologique induisent une modification de la β-caténine (une phosphorylation) qui induit son déplacement de la surface de la cellule au cœur de celle-ci.

Or cette protéine peut prendre plusieurs visages : à la surface des cellules, elle assure leur cohésion et peut donc subir des contraintes mécaniques, se phosphoryler puis être re-larguée dans la cellule; à l’intérieur de la cellule, elle peut activer certains gènes et ainsi modifier le devenir des cellules. C’est ainsi que la pression mécanique peut conduire à l’acquisition de l’identité des cellules du mésoderme suite à la localisation de β–caténine à l’intérieur de la cellule. « Pour reproduire les contraintes mécaniques subies naturellement par l’embryon, nous avons introduit des nanoparticules magnétiques encapsulées dans des liposomes dans l’embryon que nous avons soumis ensuite à un micro-aimant

Une réponse aux origines de l’évolution vers les organismes complexes ?

« Le fait marquant est que la mécano-sensibilité de l’expression des gènes a été conservée au cours de l’évolution chez la Drosophile et le poisson zèbre » explique le chercheur. Son origine remonte donc probablement au dernier ancêtre commun entre ces deux espèces, soit il y a plus de 570 millions d’années ». Or les spécialistes de l’évolution associent cette même période à une transition majeure de l’évolution : l’émergence du mésoderme à partir d’organismes vivants ancestraux, proches par exemple de la méduse, qui n’en possédaient pas. L’origine de cette transition, qui a mené au développement des organismes complexes, comme les vertébrés, était restée jusqu’ici mal comprise. Les chercheurs viennent donc de trouver une piste pour répondre à cette question ouverte.

En remontant encore plus loin dans le temps, la mécano-sensibilité aurait même pu contribuer à l’émergence des tout premiers organismes. Et si c’était la pression, provoquée par exemple par le simple appui d’un amas de cellules sur le sol, qui avait entrainé l’apparition de la déformation locale de l’amas de cellules activant la toute première invagination donc le tout premier organe gastrique primitif, comme le suggèrent les expériences effectuées précédemment dans l’équipe.

Gènes du cancer, une réactivation de la  sensibilité à la pression

Comme les gènes du développement embryonnaire sont impliqués dans le processus de progression tumorale, l’induction mécanique des gènes constitue une nouvelle piste pour l’étude du développement des cancers. La protéine β-caténine n’est pas une inconnue des spécialistes du cancer. Ainsi lors du développement d’un cancer du côlon, la dérégulation de la voie β-caténine est souvent décrite comme l’un des événements corrélés à la perte du gène APC. Par ailleurs le développement d’un cancer entraîne l’émergence de contraintes physiques sur les tissus avoisinants.

C’est un peu comme si le mécanisme nécessaire au développement de l’embryon se réveillait au mauvais moment. « En fait, précise Emmanuel Farge, quand tout se passe bien, la protéine APC dégrade la β-caténine libérée dans le cytoplasme par les sollicitations mécaniques anormales. Dès lors qu’APC est muté (ce qui est le cas dans 80 % des cancers du côlon corrélés à des altérations du génome), la β-caténine libérée dans le cytoplasme n’est plus dégradée efficacement et a tout loisir d’aller dans le noyau stimuler la production de gènes favorisant le développement tumoral. »

Chimiothérapie : quand nos bactéries intestinales viennent en renfort

Une recherche menée conjointement par des chercheurs de Gustave Roussy, de l’Inserm, de l’Institut Pasteur et de l’Inra a permis une découverte assez étonnante sur la façon dont les traitements de chimiothérapie anticancéreuse agissent plus efficacement grâce à l’aide de la flore intestinale (également appelée le microbiote intestinal). Les chercheurs viennent en effet de démontrer que l’efficacité d’une des molécules les plus utilisées en chimiothérapie, repose en partie sur sa capacité à entrainer le passage de certaines bactéries de la flore intestinale vers la circulation sanguine et les ganglions. Une fois dans les ganglions lymphatiques, ces bactéries stimulent de nouvelles défenses immunitaires qui vont aider l’organisme à combattre encore mieux la tumeur cancéreuse.

Les résultats de ces travaux sont publiés dans la revue Science le 22 novembre 2013.

bacteria - blue version 

©Fotolia

Le microbiote intestinal est composé de 100 000 milliards de bactéries. Il constitue un véritable organe car les espèces bactériennes qui le composent exercent des fonctions cruciales pour notre santé comme l’élimination des substances étrangères à l’organisme (et potentiellement toxiques) ou le maintien à distance de pathogènes qui nous contaminent. Elles assurent également la dégradation des aliments ingérés pour une meilleure absorption intestinale et un métabolisme optimal. Ces milliards de bactéries colonisent l’intestin dès la naissance et jouent un rôle clef dans la maturation des défenses immunitaires.

Les espèces bactériennes qui composent le microbiote intestinal diffèrent toutefois d’un individu à l’autre et la présence ou l’absence de telle ou telle bactérie semble influencer la survenue de certaines maladies ou au contraire nous protéger.

Dans le domaine du cancer, l’équipe française  dirigée par le Pr Laurence Zitvogel, à l’Institut Gustave Roussy et directrice de l’Unité Inserm 1015 « Immunologie des tumeurs et immunothérapie », en collaboration étroite avec l’Institut Pasteur (Dr Ivo Gomperts Boneca, Unité « Biologie et génétique de la paroi bactérienne ») et des chercheurs de l’INRA (Dr Patricia Lepage et Dr Joël Doré, Unité Micalis « Microbiologie de l’Alimentation au service de la Santé »), vient d’apporter la preuve que la flore intestinale stimule les réponses immunitaires d’un individu pour combattre un cancer lors d’une chimiothérapie.

La cyclophosphamide est l’un des médicaments les plus utilisés en chimiothérapie. Comme tout traitement, il entraine cependant des effets secondaires (inflammation des muqueuses etc.) et perturbe l’équilibre normal du microbiote intestinal. Certaines bactéries (appartenant au groupe des bactéries Gram+) vont passer la barrière intestinale et se retrouver dans la circulation sanguine et les ganglions lymphatiques.

Ces bactéries, une fois dans la circulation générale de l’organisme, peuvent être considérées comme néfastes et l’organisme déclenche une réponse immunitaire.

« Cette réaction en chaine, effet secondaire du traitement, va s’avérer en réalité très utile » explique Laurence Zitvogel. « De façon surprenante, la réponse immunitaire dirigée contre ces bactéries va aider le patient à lutter encore mieux contre sa tumeur en stimulant de nouvelles défenses immunitaires. »


En détails, l’immunisation anti-bactérienne aboutit au recrutement de lymphocytes effecteurs différents de ceux mobilisés par la chimiothérapie. Leur rôle consiste à aider les lymphocytes anti-tumoraux à endiguer la croissance de tumeurs.

Pour vérifier ces observations chez les souris, les chercheurs ont supprimé toutes les bactéries Gram+ de leur microbiote intestinal. Les résultats montrent que l’efficacité de la chimiothérapie est diminuée. Les chercheurs suggèrent également que certains antibiotiques utilisés au cours d’une chimiothérapie pourraient détruire ces bactéries Gram+ et annuler ainsi leur effet bénéfique.

« Maintenant que ces bactéries « bénéfiques » potentialisant la réponse immunitaire anti-tumorale ont été identifiées, on devrait réussir rapidement à en fournir plus à l’organisme, notamment via des pro- ou pré-biotiques et/ou une alimentation spécifique » conclut la chercheuse.

Ces travaux ont bénéficié du soutien de la Ligue nationale contre le cancer, de l’Institut national du cancer  (lNCa (SIRIC SOCRATES) et du LABEX Onco-Immunologie.

Un pas vers la chronothérapie personnalisée pour le traitement du cancer

La chronothérapie des cancers consiste à administrer les traitements à une heure optimale. En effet l’efficacité des médicaments anticancéreux peut doubler, et leur toxicité diminuer de cinq fois selon l’heure d’administration, car l’organisme est régi par des rythmes biologiques précis. Cependant, il existe d’importantes différences de rythmes biologiques entre les individus que la chronothérapie ne savait pas encore prendre en compte. Une étude internationale menée chez des souris par des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’université Paris-Sud[1] vient d’ouvrir la voie à la personnalisation de la chronothérapie. Dans un article qui vient d’être publié dans la revue Cancer Research, les chercheurs ont montré que l’heure de tolérance optimale à l’irinotécan, médicament anticancéreux largement utilisé, varie de 8 heures selon le sexe et le fonds génétique des souris. Ils ont ensuite construit un modèle mathématique permettant de prévoir, pour chaque animal, l’heure optimale d’administration du médicament. Ils comptent désormais tester ce modèle pour d’autres molécules utilisées en chimiothérapie.

Le métabolisme de l’organisme est rythmé sur 24 heures par l’horloge circadienne. De ce fait, à certains moments précis de la journée ou de la nuit, un médicament donné peut s’avérer plus toxique pour les cellules cancéreuses et moins agressif pour les cellules saines. La chronothérapie des cancers, découverte il y a une vingtaine d’années par Francis Lévi part de ce principe pour améliorer l’efficacité des chimiothérapies. Ses recherches ont montré que l’efficacité des médicaments pouvait doubler selon l’heure à laquelle ils sont administrés. De plus, c’est à cette heure optimale que les médicaments se révèlent aussi jusqu’à 5 fois moins toxiques pour l’organisme.

Cependant, les recherches indiquent la nécessité de personnaliser la chronothérapie. En effet, les rythmes biologiques peuvent changer d’un individu à l’autre. Si, pour 50% des patients l’heure optimale est la même, les 50% restants sont soit en avance soit en retard sur cette heure. L’équipe menée par Francis Lévi a voulu mieux comprendre les facteurs qui jouent sur ces différences dans les rythmes biologiques.

Pour cela, les chercheurs ont étudié la toxicité de l’irinotécan, médicament anticancéreux très utilisé dans le traitement du cancer du côlon et du pancréas, en fonction de l’heure d’administration chez des souris mâles et femelles de 4 souches. Ils ont ainsi pu observer, pour la première fois, que l’heure de meilleure tolérance au traitement variait jusqu’à huit heures d’un groupe de rongeurs à l’autre, selon leur sexe et leur patrimoine génétique.

Les chercheurs ont ensuite voulu trouver une méthode permettant de prévoir cette heure optimale indépendamment du sexe et du patrimoine génétique. Pour cela, ils ont mesuré l’expression de 27 gènes dans le foie et le côlon au cours des 24 heures. Ces mesures ont été analysées selon une méthodologie issue de la biologie des systèmes. Les chercheurs ont ainsi construit et validé un modèle mathématique permettant de prédire précisément l’heure à laquelle l’irinotécan est le moins toxique pour l’organisme grâce à la courbe d’expression de deux gènes, appelés Rev-erbα et Bmal1, qui rythment le métabolisme et la prolifération des cellules.

Les chercheurs veulent à présent valider ce modèle pour d’autres molécules utilisées en chimiothérapie. Au-delà de l’expression des gènes, ils voudraient aussi trouver d’autres paramètres physiologiques liés à l’horloge biologique permettant de prédire l’heure optimale des traitements pour chaque patient. Ces travaux devraient permettre d’accroître l’efficacité et la tolérance des traitements, mais aussi améliorer considérablement la qualité de vie des malades.

Ce projet a notamment été financé par l’Union européenne (7ème programme cadre) et le consortium d’agences européennes ERASYSBIO+.


[1] Piloté par l’Unité Rythmes biologiques et cancers (Inserm/Université Paris-Sud), ce travail a également impliqué l’Institut de biologie de Valrose (CNRS/Inserm/Université de Nice Sophia Antipolis), le Laboratoire des signaux et systèmes (CNRS/Supélec/Université Paris-Sud) ainsi que l’Institut de pharmacologie de Milan.

Lymphome : identification du mode d’action d’un traitement par immunothérapie

Grâce à une technique originale d’imagerie dynamique, des scientifiques de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et du Vu Medical Center à Amsterdam ont élucidé le mode d’action d’une thérapie par anticorps (anti-CD20) très fréquemment utilisée pour traiter des lymphomes (cancers des cellules du système immunitaire), ainsi que certaines maladies auto-immunes. Les scientifiques ont pu visualiser en temps réel, in vivo dans un modèle de lymphome, les acteurs cellulaires mobilisés par le traitement et impliqués dans la destruction des cellules tumorales. Ces découvertes devraient permettre d’optimiser l’efficacité des futures thérapies utilisant les anticorps anti-CD20. Ce travail fait l’objet d’une publication en ligne le 1er novembre sur le site du Journal of Clinical Investigation.

pasteur

© institut Pasteur

Capture de lymphocytes B cancéreux (en orange) dans le foie par des cellules de Kupffer (en vert)

Le plus souvent, un lymphome se développe à partir de la prolifération anormale de lymphocytes B (grande majorité des cas) ou de lymphocytes T, deux types de cellules du système immunitaire. Depuis une quinzaine d’années, le traitement des lymphomes B (et notamment les lymphomes dit non hodgkiniens) a fréquemment recours à la thérapie par anticorps anti-CD20 en association avec la chimiothérapie conventionnelle. Ces anticorps sont dirigés contre les lymphocytes B et ciblent en particulier les cellules cancéreuses  en vue de leur élimination par d’autres acteurs du système immunitaire.  La thérapie par anticorps anti-CD20 induit aussi une diminution de la population des lymphocytes B normaux, amoindrissant ainsi la réactivité du système immunitaire. C’est pourquoi elle est aussi utilisée pour traiter des maladies auto-immunes. Jusqu’à présent, on ignorait précisément le mécanisme de fonctionnement de la thérapie par anticorps anti-CD20.

Une étude menée par Philippe Bousso, responsable de l’Unité Dynamiques des réponses immunes (Institut Pasteur / Inserm U668), avec des chercheurs de l’Inserm et du Vu Medical Center d’Amsterdam, apporte les premiers éléments de réponse concluants.

Grâce à des techniques d’imagerie dynamique développées à l’Institut Pasteur, les chercheurs ont pu observer in vivo en temps réel la destruction de lymphocytes B cancéreux et normaux lors du traitement par l’anticorps anti-CD20.

Les scientifiques ont alors remarqué que la diminution des lymphocytes B suite à la thérapie par anticorps CD20 était un phénomène principalement localisé dans le foie et orchestré par un type cellulaire particulier du système immunitaire : les cellules de Kupffer. Sur les images produites par les chercheurs, on peut facilement voir ces dernières (en vert) capturer et stopper la circulation des lymphocytes B cancéreux (en orange) avant de les détruire.

L’ensemble de ces découvertes apporte les connaissances nécessaires pour optimiser l’efficacité des futurs traitements utilisant les anticorps anti-CD20. Les lymphomes dits non hodgkinien touchent chaque année 10 000 personnes en France et représentent 10% des cancers pédiatriques.

Mieux évaluer les capacités de l’organisme à combattre les tumeurs

Certaines personnes sont davantage capables de lutter contre le cancer pendant de nombreuses années comparées à d’autres. Cette capacité à combattre les tumeurs dépend de la réponse immunitaire qu’ont observée Jérôme Galon, directeur de recherche Inserm et son équipe « Immunologie et Cancérologie Intégratives » au Centre de recherche des Cordeliers (Inserm/UPMC/Université Paris Descartes) dans les cancers colorectaux. Les chercheurs montrent que la composition des cellules immunitaires dans et autour de la tumeur change avec le stade de progression du cancer et révèlent l’importance de la densité élevée de certaines cellules pour la survie des patients : les cellules T folliculaire-helper (Tfh) et les lymphocytes B. Mieux comprendre la dynamique de ces cellules permettra d’identifier de nouvelles stratégies pour mettre au point des traitements immunothérapeutiques ciblés.

Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Immunity datée du 17 octobre.

Le système immunitaire est capable de combattre certaines tumeurs avant qu’elles n’affectent la santé. Dès l’identification de la tumeur : des cellules immunitaires sont mobilisées pour tuer et se débarrasser des cellules tumorales. Cependant, il arrive que les cellules tumorales parviennent à survivre à la riposte des cellules immunitaires et s’installent. La tumeur devient maligne lorsqu’elle se développe de manière incontrôlée. Les chercheurs du Centre de recherche des Cordeliers (Inserm/UPMC/Université Paris Descartes) étudient la façon dont le système immunitaire combat les tumeurs dans le but de libérer au maximum le potentiel intrinsèque de l’organisme à lutter contre le cancer.

Deux facteurs indiquent le potentiel du corps à « se battre ou battre » une tumeur : l’intensité de la réponse immunitaire et les mécanismes adoptés par les tumeurs pour échapper à la reconnaissance immunitaire.

Les interactions complexes entre les tumeurs et leur microenvironnement étaient jusqu’alors mal connues. Dans cette étude, les chercheurs ont examiné la dynamique spatio-temporelle de 28 types de cellules immunitaires différentes qui infiltrent les tumeurs colorectales. En combinant l’étude des interactions cellulaires et la bioinformatique, ils ont constaté que la composition des cellules immunitaires infiltrant les tumeurs change avec le stade de progression de la tumeur.

L’équipe de recherche révèle l’importance de la densité élevée de certaines cellules immunitaires pour la survie des patients : les cellules T folliculaire-helper (Tfh) et les lymphocytes B.

Ces résultats obtenus pour les tumeurs humaines ont été également démontrés dans trois modèles de souris de cancer du côlon.

Les chercheurs ont également étudié plus spécifiquement chez les patients l’instabilité du gène de la chimiokine CXCL13, qui module l’infiltration des lymphocytes Tfh et B.  CXCL13 et la molécule IL21 s’avèrent être des facteurs supplémentaires qui favorisent la mort des cellules tumorales: de forts niveaux de ces molécules sont corrélés à la survie des patients.

Ces observations indiquent que les lymphocytes T, Tfh et B forment un réseau de cellules qui communiquent au sein des tumeurs. Les taux élevés lymphocytes Tfh et B empêchent la progression tumorale et la récidive dans le cas des tumeurs colorectales. Comme chez les patients, les lymphocytes T, Tfh et B contrôlent le développement tumoral dans des modèles murins de cancer du côlon.

« La réponse immunitaire évolue au cours de la progression du cancer. Le paysage immunitaire que nous décrivons dans le cas de tumeurs colorectales permet de comprendre cette évolution pour pouvoir intervenir au bon endroit au bon moment » explique Jérôme Galon, directeur de recherche à l’Inserm et dernier auteur de l’étude. « Le devenir clinique est très variable chez les patients avec un même stade de cancer. Comprendre pourquoi certaines personnes sont capables de se défendre contre le cancer pendant de nombreuses années est la clé de la lutte contre la maladie » conclut le principal auteur de l’étude.

Les chercheurs ont par ailleurs développé un test, appelé « Immunoscore » qui prédit la capacité du système immunitaire d’une personne à combattre les cellules tumorales. Utiliser l’Immunoscore dans le cadre de l’évaluation pronostique de routine peut fournir de nouvelles informations cruciales de pronostic et de faciliter la prise de décision clinique (y compris guider les décisions thérapeutiques). Pour promouvoir l’Immunoscore en routine hospitalière, un consortium international dirigé par Jérôme Galon a été lancé en association avec la Société Américaine pour l’Immunothérapie du Cancer (SITC) et un grand nombre d’institutions internationales provenant de 17 pays dans le monde.
fermer