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Une nouvelle approche d’immunothérapie permet de rediriger les anticorps contre le virus d’Epstein-Barr vers des cellules responsables de maladies

Visualisation en microscopie d’une cellule cancéreuse (noyau en bleu) traitée avec des protéines de fusion bi-modulaires (BMFPs) sur lesquelles se fixent des anticorps anti-EBV (en vert). © Jean-Philippe Semblat et Arnaud Chêne – UMR1134 (Inserm/Université de Paris)

La thérapie par anticorps monoclonaux peut s’avérer très efficace dans le traitement de nombreuses maladies comme les cancers, les maladies inflammatoires chroniques ainsi que certaines maladies d’origine infectieuse. Cependant, il s’agit d’un traitement coûteux fondé sur l’utilisation de molécules compliquées à produire. Identifier de nouvelles alternatives thérapeutiques est donc essentiel pour permettre au plus grand nombre de patients d’accéder aux traitements dont ils ont besoin. A cette fin, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, d’Université de Paris, de Sorbonne Université et du CNRS[1] ont conçu et testé une nouvelle approche d’immunothérapie reposant sur l’utilisation d’anticorps préexistants dirigés contre le virus d’Epstein-Barr (de la famille des virus de l’herpès), présents chez plus de 95 % de la population mondiale, pour cibler et détruire des cellules pathogéniques (responsables de maladies). Les résultats viennent d’être publiés dans une étude dans la revue Science Advances.

Les anticorps monoclonaux ont permis des avancées thérapeutiques majeures dans de nombreux domaines de la médecine. En France, plusieurs dizaines d’anticorps monoclonaux sont commercialisés aujourd’hui pour le traitement de cancers, de maladies inflammatoires chroniques (polyarthrite rhumatoïde, sclérose en plaques, psoriasis, …) ou pour prévenir les rejets de greffe.

Produits pour la plupart d’entre eux dans des cellules de mammifères, ces médicaments demeurent toutefois complexes à développer et coûteux à fabriquer. En conséquence, l’accès à ces thérapies est encore restreint pour de nombreux patients dans de nombreux pays. Afin de proposer de nouvelles solutions thérapeutiques qui pourraient compléter les traitements existants ou offrir de nouvelles possibilités thérapeutiques pour des maladies pour lesquelles il n’en existe pas encore, des scientifiques de l’Inserm, du CNRS, de Sorbonne Université et d’Université de Paris ont conçu une nouvelle approche d’immunothérapie.

Le principe est de rediriger une réponse immunitaire préexistante contre le virus d’Epstein-Barr (EBV) vers des cellules cibles que l’on cherche à détruire. Le virus d’Epstein-Barr – qui appartient à la famille des virus de l’herpès – est transmissible principalement par la salive et touche plus de 95 % de la population mondiale.

La grande majorité des personnes ne présente pas de symptômes et le virus a la capacité de persister de façon chronique chez les personnes infectées, sous le contrôle efficace du système immunitaire. En conséquence, des anticorps anti-EBV circulent chez ces personnes durant toute leur vie.

Développer un outil thérapeutique fondé sur le recrutement de ces anticorps anti-EBV déjà présents chez les patients présente un intérêt majeur pour réorienter cette réponse immunitaire contre des cellules cibles prédéfinies en fonction de la maladie à soigner. Cette immunothérapie pourrait être applicable chez un très grand nombre de patients du fait de la présence des anticorps anti-EBV chez quasiment tous les individus.

 

Un nouveau système prometteur

Les chercheurs et chercheuses ont conçu des protéines particulières, dites protéines de fusion bi-modulaires (BMFPs). Celles-ci sont composées d’un domaine qui va se fixer spécifiquement à un antigène exprimé à la surface de la cellule cible que l’on cherche à détruire. Ce domaine est par ailleurs fusionné à l’antigène EBV-P18 du virus Epstein-Barr contre lequel des anticorps de type IgG[2] sont déjà présents chez le patient. Le recrutement de ces anticorps à la surface des cellules cibles traitées avec les BMFPs va alors activer les défenses immunitaires de l’organisme. Cela aboutira à la destruction des cellules ciblées.

Les chercheurs et chercheuses ont d’abord testé ce système in vitro en utilisant plusieurs cellules cibles et ont montré qu’il permettait de déclencher efficacement différents mécanismes du système immunitaire capables d’éliminer les cellules ciblées.

Les BMFPs ont ensuite été façonnées pour cibler un antigène exprimé à la surface de cellules tumorales et ont été testées dans un modèle animal de cancer. Les résultats sont prometteurs puisque le traitement a conduit à une augmentation significative de la survie ainsi qu’à une rémission totale du cancer chez certains animaux.

« Ces résultats positionnent les BMFPs comme de nouvelles molécules thérapeutiques qui pourraient s’avérer utiles dans le traitement de multiples maladies. En effet, il s’agit d’un système très versatile, puisque l’on peut aisément changer le module de liaison et donc l’antigène ciblé pour adapter le traitement à de nombreuses maladies, dans le domaine du cancer, de l’infectiologie mais aussi des maladies auto-immunes », explique Arnaud Chêne, chargé de recherche Inserm et dernier auteur de l’étude.

« Les BMFPs sont bien plus faciles et rapides à produire que les anticorps monoclonaux entiers, sans avoir recours à une ingénierie sophistiquée pour optimiser leurs fonctions, ce qui permettra de réduire les coûts et d’ouvrir l’accès à ces thérapies à un plus large spectre de patients », ajoute Jean-Luc Teillaud, directeur de recherche émérite à l’Inserm.

 « En attendant de pouvoir mettre sur pied des essais cliniques contre diverses maladies, allant du cancer au paludisme, la technologie a d’ores et déjà donné lieu aux dépôts de deux brevets. » précise Benoît Gamain, directeur de recherche au CNRS.

 

[1] Deux laboratoires ont été impliqués dans ces travaux : « Biologie intégrée du globule rouge » (U1134 Inserm/Université de Paris) et « Centre d’immunologie et des maladies infectieuses » (U1135 Inserm/Sorbonne Université/CNRS).

[2] Les IgG représentent le principal type d’anticorps trouvé dans le sang et participent à la réponse immunitaire secondaire.

Prédire la fatigue sévère dès le diagnostic de cancer du sein grâce à un algorithme

Photo d'imagerie en microscopie électronique montrant la transformation des cellules mammaires tumorales dans le cancer du sein

Transformation des cellules mammaires tumorales dans le cancer du sein. Crédits : Xavier Coumoul / Inserm/Université de Paris

Plus du tiers des femmes traitées pour un cancer du sein déclarent subir une fatigue sévère plusieurs années après le diagnostic. En explorant les données issues de la cohorte CANTO promue par Unicancer, des médecins-chercheurs de Gustave Roussy et de l’Inserm ont développé un algorithme prédictif de fatigue sévère qui calcule le score de risque lors du diagnostic de ce cancer. Il s’agit d’un outil de prévention personnalisée essentiel pour orienter précocement vers des stratégies de prise en charge ciblées. Les résultats de leur étude ont été publiés dans la revue Journal of Clinical Oncology (JCO).

La fatigue est l’une des principales séquelles liées au cancer du sein. Elle est dite « sévère » lorsqu’elle a un impact majeur dans les activités de la vie quotidienne et contribue à une dégradation importante de la qualité de vie. 35,6 %, 34 %, et 31,5 % des femmes en éprouvent les symptômes respectivement un an, deux ans et jusqu’à quatre ans après le diagnostic. Pour autant, il n’existait à ce jour aucun outil disponible pour aider les cliniciens à la repérer précocement et ainsi mieux prendre en charge ce symptôme invalidant au quotidien. 

Une équipe composée de médecins-chercheurs de Gustave Roussy et de l’Inserm, vient de mettre au point un algorithme prédictif du risque d’apparition de fatigue sévère dès le diagnostic d’un cancer du sein et jusqu’à 2 ans et 4 ans après, hors rechute.

Conduite par le Dr Antonio Di Meglio et la Dr Inès Vaz-Luis, oncologues dans le département d’oncologie médicale de Gustave Roussy et chercheurs dans le laboratoire Inserm U981, l’étude vient d’être publiée dans le JCO.

Six facteurs de risques majeurs identifiés

Pour développer ce modèle prédictif, l’équipe a travaillé à partir des données de l’étude CANTO, une vaste cohorte de femmes atteintes d’un cancer du sein localisé (stade 1 à 3), enrôlées dès le diagnostic de la maladie et jusqu’à une période de 4 ans après. L’utilisation de plusieurs échelles et questionnaires (Qualité de vie de l’EORTC), évaluant le besoin de repos par exemple, ont permis aux chercheurs d’établir un score de fatigue global. L’outil a également englobé les différentes composantes de la fatigue qu’elle soit physique, émotionnelle et cognitive.

Sur cette base, les chercheurs ont mis en lumière six principaux facteurs de risques cliniques et comportementaux déterminants d’une fatigue sévère : le jeune âge, en lien avec le statut de la pré-ménopause, un indice de masse corporel (IMC) élevé, le tabagisme, l’anxiété, l’insomnie, et la douleur ressentie avant le début des traitements, ainsi que la fatigue préexistante au moment du diagnostic de cancer du sein. Antonio Di Meglio et Inès Vaz-Luis rapportent également le rôle que joue l’hormonothérapie, surtout sur l’augmentation du risque de fatigue sévère 4 ans après le diagnostic. Plusieurs variables d’intérêt ont été prises en compte pour être intégrées à l’outil, dont l’état clinique de chaque femme au moment du diagnostic, les éventuelles maladies (chroniques) associées, ainsi que le statut marital et le niveau socio-éducatif.

« Cet algorithme prédictif est un précieux outil à destination des cliniciens. Il doit leur permettre d’étudier plus précisément les facteurs de risque liés à ce symptôme invalidant, dont les facteurs comportementaux modifiables et les symptômes concomitants, au moment du diagnostic d’un cancer du sein » explique le Dr Di Meglio.

Les stratégies de prise en charge pourront ainsi être adaptées au cas par cas.

Selon leur score et profil personnalisé, les patientes se verront proposer un soutien psychologique, des séances d’activité physique adaptées, de méditation pleine conscience, un accompagnement pour un sevrage tabagique ou encore des conseils nutritionnels.

L’objectif est d’anticiper et personnaliser les parcours de soins dans une approche holistique du cancer.

A propos de la cohorte CANTO

L’étude CANTO, promue par Unicancer, vise à améliorer la qualité de vie des femmes porteuses d’un cancer du sein. Elle a pour objectif de décrire les toxicités, d’identifier les populations susceptibles de les développer et d’adapter les traitements en conséquence pour garantir une meilleure qualité de vie. L’étude CANTO (pour CANcer TOxicities) est une étude dite de cohorte, c’est-à-dire qu’elle vise à suivre sur le long-terme un grand nombre de personnes. CANTO accompagnera pendant dix ans plus de 12 000 femmes traitées pour un cancer du sein.

L’objectif de CANTO est de quantifier et de prévenir les toxicités chroniques liées aux traitements (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapie…). Sa finalité est d’améliorer la qualité de vie des femmes traitées pour un cancer du sein localisé en prévenant les effets toxiques des traitements. Elle s’inscrit dans un des axes du Plan Cancer 2 : la vie après le cancer.

Paris Saclay Cancer Cluster : une ambition mondiale pour l’oncologie française.

Officialisation du Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC) en présence d’Olivier Véran, Ministre des Solidarités et de la Santé, de Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et des représentants des cinq membres fondateurs : Sanofi, Gustave Roussy, l’Inserm, l’Institut Polytechnique de Paris et l’Université Paris-Saclay.

Le Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC) franchit une nouvelle étape avec la création de sa structure juridique et la nomination de ses dirigeants.

 

Le Paris Saclay Cancer Cluster, annoncé par le Président de la République dans le cadre du CSIS en juin 2021, est désormais organisé sous la forme d’une association, dont l’objet et les ambitions ont été présentés ce jour dans les locaux de Gustave Roussy, en présence d’Olivier Véran, Ministre des Solidarités et de la Santé, de Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et des représentants des cinq membres fondateurs : Sanofi, Gustave Roussy, l’Inserm, l’Institut Polytechnique de Paris et l’Université Paris-Saclay.

L’association est présidée par Éric Vivier, Professeur à l’Assistance Publique Hôpitaux de Marseille, Aix-Marseille Université, spécialiste en immunologie des cancers et lui-même entrepreneur : il est l’un des fondateurs d’Innate Pharma, une société de biotechnologies au stade clinique, spécialisée en immuno-oncologie. Par ailleurs, Benjamin Garel qui a dirigé le CHU de Martinique ces trois dernières années deviendra le Directeur général de l’association.

En s’appuyant sur un écosystème à haut potentiel centré sur les acteurs qui font l’innovation en oncologie : patients, hôpitaux, universités, start-up, industriels, investisseurs, organismes nationaux de recherche, et autorités publiques, le PSCC a pour ambition d’accélérer la mise à disposition de traitements innovants, l’amélioration du parcours de soins, de l’espérance et de la qualité de vie de nombreuses personnes atteintes de cancer.

Deuxième cause de décès dans le monde, le cancer fait près de 10 millions de morts par an. Près d’un décès sur six est dû au cancer à l’échelle mondiale.

Cet écosystème se développera aux portes de Paris, à Villejuif, dans une zone de plusieurs hectares au cœur du Grand Paris, tout près de Gustave Roussy. Les acteurs impliqués dans la lutte contre le cancer pourront s’y réunir et dynamiser ainsi tout un territoire, avec un rayonnement sur la France et l’Europe qui renforcera la place de l’excellence française au niveau des meilleurs mondiaux. Par ailleurs, un bâtiment dédié, et qui sera au cœur du PSCC, « l’Oncology Prospective Center », est en projet pour favoriser ces coopérations.

Les bureaux de l’association s’installeront sur le site de Paul Brousse dès cet été, dans l’attente de ce projet de construction.

Un cluster et quatre piliers pour transformer la science en valeur

Pour répondre aux défis de la médecine de précision et inventer la cancérologie de demain en France, Paris Saclay Cancer Cluster vise dès 2022 à accélérer la maturation des projets innovants portés par des start-up, biotechs, industriels et chercheurs, les medtechs, etechs et sociétés spécialisées dans la data, en proposant une offre basée sur quatre piliers :

  • Un mode collaboratif, synergique, et interdisciplinaire intégré permettant aux membres d’évoluer au sein d’un lieu unique où se rencontrent chercheurs, praticiens, académiques, entrepreneurs, industriels et investisseurs. Ce mode permettra également de faciliter la mise en relation via une plateforme digitale et d’avoir une gouvernance agile et équilibrée entre parties prenantes. L’association du PSCC compte accueillir 80 membres dans un an avec un objectif de 200 membres d’ici à 2027.

 

  • Un écosystème, concentré d’excellence qui donne la possibilité d’échanger avec des experts pluridisciplinaires, scientifiques et médicaux et d’avoir accès à des formations d’excellence ainsi qu’à une offre de mentoring pluri-compétences.

 

  • Des services et technologies accélératrices grâce à un plateau technique spécialisé réunissant une combinaison unique d’équipements de recherche, des services d’accompagnement spécialisés pour accélérer les preuves des concepts et un accès facilité aux échantillons.

 

  • Des données spécialisées consolidées et enrichies comme des données profondes et longitudinales issues de plusieurs sources, des infrastructures de stockage et d’analyse, un accompagnement expert et une accélération via l’intelligence artificielle.

Le Paris Saclay Cancer Cluster souhaite pleinement s’inscrire dans le plan « France 2030 », annoncé par le Président de la République Emmanuel Macron dans le domaine de l’innovation en matière de santé.

Unique en Europe par sa taille et son ambition, le projet Paris Saclay Cancer Cluster repose sur l’engagement fort de ses membres fondateurs. Son envergure internationale positionnera la France parmi les leaders mondiaux de la transformation de la science en valeur dans le domaine de la cancérologie.

« Je suis ravi de m’impliquer au sein du Paris Saclay Cancer Cluster aux côtés de nombreux acteurs de la recherche contre le cancer. Le PSCC a pour ambition de réunir sur un même territoire dans le sud de Paris des expertises qui vont de la biologie à la médecine, en passant par la bio-informatique et l’utilisation de l’intelligence artificielle, de manière à découvrir les médicaments de demain qui vont transformer la vie des patients atteints de cancer.» commente le Pr. Eric Vivier, PhD, DVM, Directeur Scientifique d’Innate Pharma, Professeur des Universités – Praticien Hospitalier et Président de l’association Paris Saclay Cancer Cluster.

« Nous allons monter une équipe dynamique et motivée pour aider les entreprises à accéder le plus rapidement possible au marché. Une partie sera dédiée à l’offre de laboratoire mutualisée, une autre partie au projet données et une dernière pour favoriser l’implantation des entreprises, des formations et des laboratoires de recherche sur le cluster. Nous travaillerons aussi en réseau avec les autres hôpitaux et structures qui souhaitent participer à cet élan pour l’innovation au service des patients. Je suis ravi de me joindre à cette formidable aventure » déclare Benjamin Garel, Directeur général de l’association Paris Saclay Cancer Cluster.

Traitement du cancer : identification des vaisseaux sanguins qui permettent aux lymphocytes tueurs d’accéder aux tumeurs et de les détruire

lymphocytes

Visualisation en microscopie de lymphocytes (en vert) en train de se faufiler à travers un vaisseau HEV de tumeur (en rouge) au cours du traitement par immunothérapie anti-PD-1 plus anti-CTLA-4. La flèche blanche indique un lymphocyte qui quitte la circulation sanguine et entre dans la tumeur (en noir). © Elisabeth BELLARD et Jean-Philippe GIRARD – IPBS (CNRS/UT3 Paul Sabatier)

L’immunothérapie, une stratégie thérapeutique visant à augmenter l’activité du système immunitaire pour reconnaître et détruire les cellules cancéreuses, a révolutionné le traitement du cancer ces dix dernières années. Mieux comprendre comment fonctionne cette approche thérapeutique, et en particulier comment les lymphocytes tueurs accèdent aux tumeurs lors de l’immunothérapie, pourrait permettre d’améliorer l’efficacité des traitements. L’équipe de Jean-Philippe Girard, directeur de recherche Inserm à l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier), en collaboration avec Gustave Roussy, vient de découvrir le rôle essentiel dans ce processus de vaisseaux sanguins particuliers, appelés vaisseaux HEV associés aux tumeurs. Les scientifiques sont parvenus à filmer pour la première fois les lymphocytes se faufilant à travers la paroi des vaisseaux HEV pour entrer dans les tumeurs. De plus, les chercheurs et chercheuses ont montré dans des modèles animaux qu’augmenter la proportion de vaisseaux HEV dans une tumeur, améliore l’efficacité de l’immunothérapie et conduit à l’élimination des tumeurs. Dans un dernier temps, ils ont constaté que la probabilité de guérison de patients atteints de mélanome métastatique (cancer de la peau) et traités par immunothérapie est augmentée lorsqu’un grand nombre de vaisseaux HEV sont présents dans les tumeurs. Les résultats de cette étude sont publiés dans le journal Cancer Cell du 3 février 2022[1].

L’immunothérapie avec les anticorps thérapeutiques représente une véritable révolution pour le traitement du cancer. Elle permet notamment de guérir certains patients atteints de mélanome métastatique (cancer de la peau), qui autrefois étaient condamnés. Malheureusement, l’immunothérapie ne fonctionne pas pour tous les patients ni pour tous les cancers. Une meilleure compréhension du mode d’action du traitement pourrait permettre de l’améliorer et de le rendre efficace chez un plus grand nombre de malades.

Les « lymphocytes tueurs », des globules blancs présents dans le sang, sont capables d’éliminer les cellules cancéreuses. Il est essentiel qu’un grand nombre de ces cellules tueuses puisse accéder aux tumeurs, afin de défendre l’organisme contre le cancer. L’équipe toulousaine lève le voile sur les mécanismes qui permettent aux lymphocytes tueurs de pénétrer dans les tumeurs pour les détruire, de façon spontanée ou suite au traitement par immunothérapie avec les anticorps anti-PD-1 plus anti-CTLA-4.

 

Les scientifiques ont découvert que les vaisseaux HEV – pour High Endothelial Veinule – des vaisseaux sanguins très particuliers, constituent la porte d’entrée majeure des lymphocytes dans les tumeurs. En utilisant des techniques sophistiquées de microscopie, les chercheurs ont pu filmer le passage des lymphocytes du sang vers la tumeur dans des modèles animaux. Pour la première fois, ils ont ainsi pu visualiser en direct et en temps réel les lymphocytes en train de se faufiler à travers la paroi des vaisseaux HEV afin d’accéder aux cellules cancéreuses présentes dans la tumeur. « Nous pensions que les vaisseaux HEV jouaient un rôle important pour l’entrée des lymphocytes dans la tumeur, mais nous avons été surpris de constater qu’ils en constituaient la porte d’entrée quasi exclusive », souligne Jean-Philippe Girard, directeur de recherche Inserm, dernier auteur de l’étude.

Les chercheurs ont ensuite observé dans leurs modèles que la présence d’un grand nombre de lymphocytes tueurs dans les tumeurs est associée à la présence d’un grand nombre de vaisseaux HEV. De plus, ils ont apporté la preuve de concept qu’augmenter la proportion des vaisseaux HEV dans une tumeur améliore l’efficacité de l’immunothérapie anti-PD-1 plus anti-CTLA-4 et conduit à l’élimination des tumeurs.

Enfin, en collaboration avec l’équipe de Caroline Robert à Gustave Roussy[2], les scientifiques se sont intéressés à des patients atteints de mélanome métastatique. Ils ont découvert que la présence d’un grand nombre de vaisseaux HEV dans les tumeurs est associée à une meilleure réponse à l’immunothérapie anti-PD-1 plus anti-CTLA-4.

Marquage des vaisseaux HEV (en marron) sur une coupe de tumeur d’un patient atteint de mélanome métastatique et traité par immunothérapie. © Jean-Philippe GIRARD – IPBS (CNRS/UT3 Paul Sabatier)

La prochaine étape pour les chercheurs sera de développer des traitements visant à augmenter la proportion de vaisseaux HEV dans les tumeurs, afin d’améliorer l’efficacité de l’immunothérapie, en permettant un recrutement massif de lymphocytes tueurs pour éradiquer les cellules cancéreuses.

« Nos travaux pourraient permettre à plus long terme d’améliorer le traitement par immunothérapie pour les patients atteints de mélanome métastatique et d’autres types de tumeurs solides. Ils ont aussi des implications sur le plan du pronostic, les cliniciens pouvant désormais s’intéresser aux vaisseaux HEV pour prédire la réponse d’un patient à l’immunothérapie », conclut Jean-Philippe Girard.

 

[1] Cette étude a été financée par la Fondation ARC, la FRM, l’INCa, l’ANR et le Labex TOUCAN

[2] Et également responsable d’équipe au sein de l’unité Inserm U981

Consommation excessive d’alcool : des variations génétiques protectrices vis-à-vis du cancer du foie

 

 

Foie humain© Fotolia

Dans une étude publiée le 10 décembre 2021 dans The Lancet Oncology, des enseignants-chercheurs d’Université de Paris et Sorbonne Université et chercheurs de l’Inserm, au Centre de Recherche des Cordeliers dirigé par la professeure  J. Zucman-Rossi, et leurs collaborateurs du réseau GENTHEP, ont identifié deux nouveaux gènes, WNT3A-WNT9A, dont certaines variations génétiques sont associées au risque de développer un carcinome hépatocellulaire chez les patients avec une consommation excessive et chronique d’alcool. Ces résultats permettent de mieux comprendre les mécanismes d’interaction entre l’exposition à l’alcool au cours de la vie et la diversité génétique des individus conduisant au développement d’un cancer du foie.

Cancer du foie le plus fréquent, le carcinome hépatocellulaire (CHC) est la troisième cause de décès par cancer dans le monde. En France et dans de nombreux pays occidentaux, la consommation excessive d’alcool, plus de 4 verres par jour, est à l’origine de cette maladie.

Bien que le risque de développer un cancer du foie augmente parallèlement à la sévérité des lésions hépatiques induites par l’alcool, un cancer du foie ne se développera que chez une partie des grands buveurs chroniques. Ce constat suggère que des facteurs génétiques sont impliqués dans l’évolution des lésions hépatiques vers un CHC. Comprendre pourquoi certains malades développent un CHC et d’autres non est la question à laquelle l’équipe de la Professeure Jessica Zucman-Rossi au Centre de Recherche des Cordeliers, ainsi que ses collaborateurs du réseau Génétique des tumeurs hépatiques (GENTHEP) en France et en Belgique, se sont intéressé.

Leur étude est la première étude d’association pangénomique (GWAS). Elle a ainsi permis de comparer le génome de milliers d’individus ayant en commun un phénotype ou une maladie, ici des patients avec une consommation excessive et chronique d’alcool. Les chercheurs ont alors pu étudier et analyser les données de ces patients ayant développé un CHC et les comparer à celles des patients n’ayant pas développé la pathologie.

Menée chez plus de 4000 patients recrutés dans plusieurs centres hospitaliers universitaires en France et en Belgique, tous spécialisés dans le dépistage et le traitement du cancer du foie, cette étude a permis aux chercheurs d’identifier deux nouveaux gènes WNT3A-WNT9A associés au risque de développer un carcinome hépatocellulaire (CHC) chez les patients avec une consommation excessive d’alcool.

Les gènes WNT3A-WNT9A sont présents chez tout le monde mais peuvent présenter des variations génétiques mineures entre les individus. Ces dernières sont associées à un risque différent de développer un CHC.

Ainsi, sur une population de patients consommateurs chroniques et excessifs d’alcool, l’étude en question montre que les 32% d’individus qui présentaient une variation protectrice des gènes WNT3A-WNT9A ont un risque moindre de développer un CHC lié à une consommation chronique d’alcool. À l’opposé, les 68% de patients qui ne sont pas porteurs de la variation protectrice ont un risque majoré.

Les chercheurs ont également confirmé que des variations génétiques au niveau d’autres gènes (PNPLA3, TM6SF2 et HSD17B13) modulaient le risque de CHC lié à l’alcool.

Ainsi, la présence simultanée de variations génétiques délétères au niveau des gènes WNT3A-WNT9A, PNPLA3, TM6SF2 et HSD17B13 augmente le risque de CHC lié à l’alcool.

Enfin, les résultats de cette étude montrent que les patients consommateurs excessifs d’alcool qui développent un CHC ne présentent pas les mêmes caractéristiques moléculaires au niveau des tumeurs selon qu’ils portent les variations protectrices ou délétères des gènes WNT3A-WNT9A. En effet, ces variations génétiques finalement assez communes, modifient les mécanismes de carcinogénèse, bien connue dans le cas des tumeurs du foie. Cette étude montre que cette influence s’exerce très précocement et qu’elle module non seulement le risque de transformation des lésions hépatiques en cancer mais aussi la réaction du système immunitaire, dans le sens d’un effet protecteur contre le développement d’un CHC.

Avec cette étude, les chercheurs améliorent leur compréhension des mécanismes liés au développement d’un CHC induit par l’alcool et ouvrent la possibilité d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour lutter contre le cancer du foie. Ces résultats serviront de base pour la mise au point d’autres études évaluant extensivement le risque de développer un CHC lié à l’alcool. Dans tous les cas, il est important de rappeler que limiter sa consommation d’alcool a un impact très important et permet la prévention efficace du développement de cancer du foie.

Cette étude a été soutenue financièrement par la Ligue Nationale contre le Cancer (Équipe Labellisée), Bpifrance, l’Inserm (plan cancer), l’Association Française pour l’Étude du Foie, le Coup d’Élan de la Fondation Bettencourt-Schueller, la FRM prix Rosen, la Ligue Contre le Cancer Comité de Paris (prix René et André Duquesne), la Fondation Mérieux et l’Université Libre de Bruxelles en Belgique.

Leucémies myéloïdes : comprendre les résistances aux traitements pour aller vers la médecine personnalisée

mitochondries © Adobe Stock

Les patients qui répondent le mieux à la bithérapie dans cette étude présentent une « signature Mitoscore », associée à une forte activité des mitochondries. © Adobe Stock

 

La prise en charge et le traitement des leucémies aiguës myéloïdes (LAM) se sont beaucoup améliorés ces dernières années, mais la survie globale demeure encore faible. En effet, la résistance aux différents traitements représente toujours un défi clinique majeur. A partir de modèles animaux mais également en travaillant avec des patients, des scientifiques de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier au Centre de Recherches en Cancérologie de Toulouse ont identifié un nouveau biomarqueur prédictif de la réponse à une bithérapie (combinaison d’une chimiothérapie et d’une thérapie ciblée) utilisée dans le traitement des LAM, ainsi que des mécanismes de résistance permettant d’expliquer les rechutes. Les résultats de ces travaux sont publiés dans Nature Cancer.

Les leucémies regroupent plusieurs types de cancer du sang et touchent près de 10 000 personnes chaque année en France. Parmi-elles, les leucémies aiguës myéloïdes (LAM), qui affectent les cellules hématopoïétiques[1] de la moelle osseuse.

La chimiothérapie intensive a longtemps été le traitement de choix pour les patients atteints. Si la plupart d’entre eux y répond favorablement et entre en rémission, la survie globale à plus long terme reste faible. En effet, certaines cellules cancéreuses résistantes persistent dans l’organisme suite à la chimiothérapie, entrainant des rechutes. 

Depuis quelques années, le développement de thérapies ciblées a permis d’améliorer la prise en charge et la réponse des patients, allongeant un peu la survie, notamment chez les personnes âgées non éligibles à la chimiothérapie. Toutefois, même avec ces thérapies, les rechutes constituent toujours une problématique importante. Comprendre les mécanismes qui sous-tendent les résistances aux traitements des leucémies et trouver un moyen de les lever sont au cœur des travaux du chercheur Inserm Jean-Emmanuel Sarry et de son équipe au Centre de Recherches en Cancérologie de Toulouse (Inserm/CNRS/Université de Toulouse III -Paul Sabatier).

Alors que la plupart des scientifiques qui travaillent sur le sujet s’intéressent plutôt aux mécanismes génétiques associées aux résistances, l’équipe étudie les mécanismes non génétiques pour comprendre pourquoi certains patients sont plus susceptibles de faire des rechutes.

 

Identification d’une « signature Mitoscore »

Dans leur nouvelle étude, les chercheurs se sont intéressés à une bithérapie (chimiothérapie conventionnelle combiné à une nouvelle thérapie ciblée) récemment approuvée et de plus en plus utilisée dans le traitement des LAM.

A partir des transcriptomes de patients (c’est-à-dire l’ensemble des ARN messagers issus de l’expression du génome), ils montrent que les personnes qui répondent le mieux à la bithérapie et qui ont un allongement de leur survie présentent un biomarqueur particulier – une « signature Mitoscore » – associée à une forte activité mitochondriale[2]. « Autrement dit, cette signature Mitoscore élevée, qui traduit une activité mitochondriale importante, serait prédictive d’une meilleure réponse à ces traitements », précise Jean-Emmanuel Sarry.

Enfin, grâce au séquençage à l’échelle de la cellule unique[3] de la maladie résiduelle[4] après cette bithérapie, les chercheurs ont constaté un remodelage particulier de la fonction mitochondriale permettant aux cellules cancéreuses de s’adapter aux thérapies et induire la rechute du patient. Chez la souris, l’équipe montre aussi qu’un traitement fondé sur une molécule qui inhibe l’action des mitochondries permet de bloquer ce remodelage de la fonction mitochondriale, de prévenir les rechutes et d’allonger la survie des animaux.

« L’objectif est maintenant de tester cette signature Mitoscore sur de très grosses cohortes afin de valider l’utilité de ce biomarqueur. A terme, l’idée serait de pouvoir l’utiliser pour améliorer le suivi des patients et pour proposer les thérapies de manière plus personnalisée, en donnant la bithérapie, en association ou non avec l’inhibiteur des mitochondries, aux personnes susceptibles d’en tirer un bénéfice.  Ces travaux pourraient donc avoir un réel impact clinique dans les prochaines années », explique Jean-Emmanuel Sarry.

 

[1] Les cellules souches hématopoïétiques sont fabriquées par la moelle osseuse et sont à l’origine des différentes cellules du sang : les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes. Source INCa

[2] Les mitochondries sont les organelles intracellulaires dont le rôle est de fournir aux cellules l’énergie dont elles ont besoin. Elles ont donc un rôle central dans le métabolisme énergétique cellulaire.

[3] Le séquençage de la cellule unique est un ensemble de techniques de biologie moléculaire pour analyser l’information génétique à l’échelle d’une seule cellule, avec des technologies du séquençage nouvelle génération.

Cancer du sein : la rupture du noyau des cellules tumorales favorise leur dissémination

cellules tumorales humaines

Images de cellules tumorales humaines qui envahissent une matrice de collagène. Les noyaux sont colorés en bleu et la partie de la matrice extracellulaire dégradée par les cellules en rouge.© Guilherme Nader/ Institut Curie

 

Quand les cellules se multiplient et migrent, elles peuvent être comprimées et leur noyau se briser. Ce phénomène entraine des détériorations de leur ADN et des scientifiques du CNRS, de l’Institut Curie et de l’Inserm viennent de montrer qu’il facilite ainsi la dissémination des cellules cancéreuses des tumeurs mammaires. Les résultats de ces recherches sont publiés le 21 septembre dans la revue Cell.

Le noyau d’une cellule remplit une fonction cruciale : protéger l’ADN et permettre son utilisation correcte. Mais il peut être déformé, voire temporairement fracturé, si la cellule est elle-même comprimée et déformée, en cas de migration ou de prolifération par exemple. La compression entraîne alors des détériorations de l’ADN. Avec pour conséquences un vieillissement accéléré des cellules saines et l’acquisition de propriétés invasives par les cellules de tumeurs mammaires, comme vient de le montrer une équipe de recherche du CNRS, de l’Institut Curie et de l’Inserm1.

Les scientifiques ont ici mis en évidence que les ruptures du noyau induites par la compression des cellules permettent à l’ADN d’entrer en contact avec une enzyme destructrice pour lui, appelée TREX1. Sa fonction est normalement de protéger la cellule en détruisant l’ADN des virus qui tenteraient de l’infecter, mais dans ces conditions inhabituelles elle s’attaque à l’ADN de la cellule.

Dans un tissu sain, les cellules montrent alors des signes de vieillissement et stoppent leurs divisions. Toutefois, l’équipe de recherche a observé que les conséquences sont différentes dans une tumeur mammaire : au lieu de tuer les cellules cancéreuses, les dégâts engendrés par TREX1 vont au contraire les rendre plus invasives. Ainsi, lorsque la tumeur grossit trop, les cellules se trouvent compressées et acquièrent alors la capacité de détruire leur environnement pour envahir les tissus voisins, avec des risques de métastases accrus.

Ces résultats révèlent l’importance de l’enzyme TREX1 dans le développement du cancer du sein et aussi dans le vieillissement. Les scientifiques souhaitent maintenant identifier et tester des molécules qui pourraient bloquer son activité. Comme TREX1 a un rôle important dans la modulation de l’inflammation et de l’immunité, ces inhibiteurs pourraient avoir de nombreuses applications en thérapie.

 

1- En France, ont participé à ces travaux des chercheurs et chercheuses du laboratoire Biologie cellulaire et cancer (CNRS/ Institut Curie / Sorbonne Université), du laboratoire Immunité et cancer (Inserm/Institut Curie), du laboratoire Physico-chimie Curie (CNRS/Sorbonne Université/Institut Curie), du laboratoire Processus d’activation sélectif par transfert d’énergie uni-électronique ou radiatif (CNRS/ENS – PSL/Sorbonne Université) et du Centre de recherche des Cordeliers (Inserm/Université de Paris/Sorbonne Université).

Covid-19 : les confinements ont eu un impact délétère sur la sévérité du cancer colorectal métastatique

médecin

Une première visite tardive des patients chez un oncologue et la réduction des tests de dépistage pendant les confinements apparaissent comme les principales causes de la différence de charge tumorale. © Adobe Stock

 

La pandémie de Covid-19 a très fortement fragilisé la lutte globale contre le cancer. Les confinements successifs ont limité l’accès au soin et ont conduit à une réduction significative du dépistage, du diagnostic et de l’orientation vers les hôpitaux des patients atteints de cancer. Des scientifiques de l’Inserm, de l’Université de Montpellier et de l’Institut du Cancer de Montpellier (ICM) ont étudié les conséquences de ces restrictions sur la prise en charge du cancer colorectal en France pendant le premier confinement du printemps 2020. Ils montrent pour la première fois que la charge tumorale, que l’on peut définir comme l’étendue de l’atteinte cancéreuse dans l’organisme, était plus élevée chez les patients ayant eu leur diagnostic de cancer colorectal métastatique après confinement. Ces résultats, publiés dans la revue JAMA, sont clés pour mieux orienter les politiques de santé publique et guider l’accompagnement des patients cancéreux au cours d’éventuels épisodes pandémiques futurs.

Quel est l’impact des confinements sur le diagnostic et la prise en charge d’autres pathologies ? Depuis le début de la pandémie de Covid-19, cette question est régulièrement soulevée par les professionnels de santé. Dans le domaine du cancer notamment, des données suggèrent que les restrictions se sont accompagnées d’un moindre recours au dépistage, d’un retard au diagnostic des patients symptomatiques et d’un accès réduit aux traitements dans de nombreuses régions du monde. 

Afin de mieux accompagner les patients et de mettre en place des mesures adaptées pour faciliter l’accès aux soins, il est nécessaire de disposer de données quantitatives solides sur le sujet. Dans leur nouvelle étude, des chercheurs et des médecins travaillant à l’Inserm, à l’Université de Montpellier et dans différents centres anti-cancéreux à travers la France ont ainsi évalué les conséquences du confinement lié à la pandémie de la Covid-19 sur la charge tumorale de patients diagnostiqués avec un cancer colorectal métastatique.

 

Charge tumorale élevée, survie réduite

Les scientifiques ont recruté 80 patients atteints de cancer colorectal métastatique (48 hommes et 32 femmes) dans 18 centres cliniques français. La moitié d’entre eux avait été diagnostiquée avant le confinement et l’autre moitié après.

La charge tumorale de ces patients a été évaluée par la concentration plasmatique totale d’ADN tumoral circulant, un biomarqueur de l’étendue du cancer dans l’organisme. Plus cette charge est élevée, plus le cancer est évolué et des données préalables montrent que cela s’accompagne d’une probabilité de survie réduite.

Les données obtenues concluent que la charge tumorale était statistiquement beaucoup plus élevée chez les patients nouvellement diagnostiqués d’un cancer colorectal métastatique après le confinement, que chez ceux diagnostiqués avant le confinement. Si cette étude n’offre qu’un instantané d’une situation en évolution, elle met néanmoins clairement en évidence l’importance du diagnostic précoce des patients, et la nécessité de déterminer des actions qui minimiseraient les retards de diagnostic et de prise en charge en période de pandémie.

Afin de poursuivre ces travaux et consolider les résultats, l’équipe est actuellement en train d’étudier les données issues du deuxième confinement.

« Les conséquences délétères de la pandémie sur la prise en charge des cancers avaient jusque-là été surtout théorisées et modélisées. Notre étude est une des premières à les objectiver de manière concrète ce qui me fait craindre des répercussions négatives sur le pronostic des patients pris en charge pour un cancer colorectal métastatique au cours de cette période. Plus globalement, elle vient renforcer l’importance majeure du dépistage et du diagnostic précoce de ce type de pathologies » indique le Dr Thibault Mazard, oncologue médical à l’Institut du Cancer de Montpellier et coordonnateur médical de l’étude.

« Une première visite tardive des patients chez un oncologue et la réduction des tests de dépistage pendant les confinements apparaissent comme les principales causes de la différence de charge tumorale et du risque de survie réduite qui en résulte. Nos données soulignent donc l’importance cruciale d’une détection précoce et du maintien des programmes de dépistage et de l’efficience des services et des professionnels impliqués dans le diagnostic et le traitement des cancers pendant une pandémie. Par ailleurs, il semble nécessaire de mettre en place des interventions de communication adaptées pour minimiser les craintes des patients et encourager l’accès aux soins dans ces périodes », conclut Alain Thierry, chercheur Inserm et coordinateur scientifique de l’étude.

Mise en évidence du rôle majeur des mutations du gène PIK3CA dans les cavernomes sporadiques

Brain scan, X-ray

Brain scan, X-ray© Adobe Stock

 

Des équipes de l’Inserm, du CNRS, de l’AP-HP et de Sorbonne Université, regroupées au sein de l’Institut du Cerveau à l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP et coordonnées par le Dr Matthieu Peyre et le Pr Michel Kalamarides, ont étudié la présence des mutations du gènes PIK3CA dans les cavernomes. Ces travaux ont fait l’objet d’une publication le 09 septembre 2021 dans le New England Journal of Medicine.

Les cavernomes sont des malformations vasculaires cérébrales à bas débit qui se composent de cavités capillaires anormalement élargies sans parenchyme cérébral visible entre les cavités vasculaires dilatées; cette affection touche 1 personne sur 200 à 250. Bien qu’elles se caractérisent principalement par des saignements visibles à l’IRM mais n’entraînant aucun symptôme clinique, les cavernomes peuvent entraîner des crises d’épilepsie et des accidents vasculaires cérébraux hémorragiques avec des complications neurologiques importantes, en particulier lorsqu’ils sont localisés dans le tronc cérébral.

Les cavernomes peuvent survenir de manière isolée ou dans le cadre d’une maladie génétique familiale. Les mutations survenant dans un contexte familial concernent dans 80% des cas les gènes CCM. La génétique des cavernomes sporadiques, qui représentent jusqu’à 90% des cas, est en revanche mal connue.

Dans le but d’étudier la tumorigenèse méningée et les méningiomes (la tumeur la plus fréquente du système nerveux central dont ils sont des experts), le Dr Peyre et le Pr Kalamarides ont généré deux nouveaux modèles murins génétiquement modifiés de méningiomes par mutation activatrice des gènes PIK3CA et AKT1 dans la voie PI3K-AKT-mTOR.

L’observation inattendue de cavernomes typiques identiques aux lésions humaines les a incités à étudier l’implication possible des mutations PIK3CA et AKT1 dans les cavernomes sporadiques humains. Ils ont identifié 39% de mutations du gène PIK3CA dans une série de 88 cavernomes sporadiques. Par ailleurs, leurs résultats jettent une nouvelle lumière sur la cellule d’origine potentielle des malformations caverneuses cérébrales qui était jusqu’à présent considérée comme étant de lignée endothéliale. Ils ont en effet montré que ce sont en fait les péricytes PGDS-positifs qui sont dans leurs modèles à l’origine des cavernomes par désorganisation de l’unité neurovasculaire.

Leurs résultats peuvent permettre de mieux comprendre la biologie des malformations caverneuses cérébrales sporadiques en mettant en évidence le rôle majeur des mutations de PIK3CA dans ces dernières, plutôt que celui des gènes CCM, initialement considérés comme prédominants.

Ce résultat, qui a été corroboré par un modèle préclinique, ouvre de nouvelles perspectives, encore à valider, pour le développement de thérapies ciblées pour le traitement des cavernomes sporadiques humains mutés PIK3CA qui sont réfractaires à la chirurgie et à la radiothérapie ou à la radiochirurgie et entraînent des complications fréquentes. Les inhibiteurs de PIK3CA ont en effet donné des résultats prometteurs chez les patients atteints du syndrome de CLOVES (syndrome d’hypercroissance lié à PIK3CA) ainsi que chez les patients atteints d’un large éventail de tumeurs.

Création d’un biocluster en oncologie centré sur le patient

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BioCluster©ParisSaclay

 

Sanofi, Gustave Roussy, l’Inserm, l’Institut Polytechnique de Paris et l’Université Paris-Saclay s’engagent pour faire émerger en France une médecine personnalisée à travers un cluster en oncologie centré sur le patient – le Paris Saclay Cancer Cluster.

Au lendemain des annonces du Président de la République Emmanuel Macron, dans le cadre du Conseil Stratégique des  Industries de Santé, Sanofi, Gustave Roussy, l’Inserm, l’Institut Polytechnique de Paris et l’Université Paris-Saclay annoncent leur projet de création du Paris Saclay Cancer Cluster, un centre réunissant des acteurs clés de l’innovation en oncologie. Ce projet, d’une ampleur unique en Europe, rassemblera les meilleures expertises scientifiques, humaines et technologiques pour inventer le futur de la médecine personnalisée et accélérer la découverte de nouveaux traitements sur mesure contre le cancer. À un horizon de dix ans, l’objectif affiché est de pouvoir offrir un diagnostic rapide au lit du patient, incluant une modélisation de la maladie et la construction d’une thérapie individuelle et personnalisée.

L’oncologie est un domaine où les besoins médicaux des patients restent en grande partie non couverts et où les avancées technologiques doivent permettre une amélioration du diagnostic, des prises en charge et de la survie.  Pouvoir assurer à la France et à l’Europe une position de leader en matière d’innovation en oncologie sur leur territoire en 2030 constitue un enjeu clé. La France dispose de forces mondialement reconnues en oncologie (qualité de la recherche académique avec un nombre de publications plaçant la France au 2ème rang mondial, hôpitaux, industriels, fonds de capital-risque, incubateurs) ; ces atouts doivent permettre de développer des solutions thérapeutiques et diagnostiques transformant la vie de patients et permettre de voir émerger un véritable écosystème d’innovation de dimension mondiale.

Le projet Paris Saclay Cancer Cluster ambitionne de s’appuyer sur cet écosystème à haut potentiel en réunissant les acteurs clés de l’innovation en oncologie (patients, hôpitaux, universités, industriels, investisseurs, organismes nationaux de recherche, associations de patients et autorités publiques), afin de développer les synergies les plus efficaces. S’appuyant sur un soutien politique fort, le projet prendra la forme d’un Centre d’oncologie prospective en région parisienne.

Le Paris Saclay Cancer Cluster se démarquerait avec :

  • La colocalisation et la pluridisciplinarité des cinq acteurs fondateurs qui favoriseront la conversion d’une recherche fondamentale d’excellence en applications concrètes et transformantes au bénéfice des patients,
  • Sa capacité à générer des retombées économiques massives (création de plusieurs milliers d’emplois directs, brevets, plusieurs milliards d’euros de levées de fonds, etc.),
  • Le choix de soutenir les projets les plus ambitieux, et la proposition d’un « lieu et lien uniques, facilitateurs » avec un accès sécurisé aux données anonymisées de plus de 100 000 patients,
  • La mise à disposition des compétences, des services et des infrastructures pour développer le futur de la médecine personnalisée et faire émerger des entreprises leader en oncologie sur le territoire. Ces projets de recherche seraient conduits par de nouvelles équipes mixtes publiques-privées, en complément des unités existantes, par exemple celles de Inserm/UP-Saclay à Gustave Roussy,
  • Des fondements solides pour faire réémerger la souveraineté thérapeutique française et européenne en localisant en Europe des capacités de R&D et de production des nouvelles thérapies et des nouveaux diagnostics contre les cancers (avec une ambition de cinq licornes françaises en oncologie),
  • La volonté affichée de s’ouvrir et d’attirer très rapidement en son sein de nombreux acteurs de l’oncologie mondiale, au-delà des membres fondateurs.

« Le Paris Saclay Cancer Cluster a pour vocation d’être à la fois unique et complémentaire des dispositifs existants par sa stratégie de recherche intégrant toutes les dimensions – clinique, fondamentale, universitaire, industrielle, transdisciplinaire…- sur une thématique, localisé en un lieu unique, au plus proche des patients. L’ambition de ce projet majeur est de permettre à la France et à l’Europe de s’imposer sur l’échiquier mondial de la cancérologie », a déclaré le Pr Jean-Charles Soria, Directeur Général de Gustave Roussy.

« Améliorer la prise en charge des patients atteints de cancers est fondamental pour Sanofi. Face à un adversaire aussi redoutable que le cancer, je me réjouis que des acteurs publics et privés réunissant les meilleures expertises médicales, académiques et scientifiques s’associent pour faire progresser la recherche et impulser une dynamique européenne. La convergence de la biologie et de la médecine avec la science des données et l’intelligence artificielle offre des opportunités majeures pour accélérer l’innovation thérapeutique et faire émerger de futures entreprises leaders en oncologie, positionnant ainsi la France à la pointe de l’innovation en Europe et dans le monde.», a déclaré Paul Hudson, Directeur Général de Sanofi.

« Je me réjouis de cette impulsion forte qui alliera le meilleur de la recherche académique à un développement industriel ambitieux et qui contribuera pleinement aux avancées scientifiques dans la lutte contre les cancers », a déclaré le Dr Gilles Bloch, Président-directeur général de l’Inserm.

« L’Université Paris-Saclay est très heureuse d’être membre fondateur du Paris Saclay Cancer Cluster, qui s’inscrit dans une volonté de répondre avec nos partenaires industriels à un des défis majeurs contemporain. Cette trajectoire commune avec nos facultés de médecine et de pharmacie irrigue les formations, la recherche et l’innovation en cancérologie. Le haut niveau disciplinaire de l’Université dans ce domaine est enrichi des interfaces en IA, sciences des données, mathématiques appliquées et ingénierie, également au meilleur niveau mondial.», a déclaré Sylvie Retailleau, Présidente de l’Université Paris-Saclay.

« En participant à la création du Paris Saclay Cancer Cluster, l’Institut Polytechnique de Paris affirme sa volonté profonde de s’impliquer dans un défi majeur de notre société, la cancérologie, en apportant ses compétences en IA, en sciences des données et en ingénierie. Cette union de tous les acteurs du public et du privé autour d’une grande ambition, nous permettant de porter à l’échelle les innovations dans ce domaine, aidera notre pays à atteindre sa souveraineté thérapeutique », a déclaré Eric Labaye, Président de l’Institut Polytechnique de Paris.

Prochaines étapes

Après une phase de préparation et de cadrage, les premiers projets du cluster devraient démarrer d’ici fin 2021. Ils seront focalisés sur l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques en s’appuyant sur une large collection d’échantillons de patients. Au préalable, une structure juridique qui hébergera le Paris Saclay Cancer Cluster sera créée et ses premiers employés, dont son Directeur général, seront recrutés tandis que les plateformes technologiques, les données et les premières formations seront accessibles (via le Cluster) dès 2021/2022. Les fondateurs rencontrent d’ores et déjà différents acteurs de l’oncologie, de la data, de l’IA, qui pourraient rejoindre le cluster prochainement.

A partir de 2023/2024, l’inauguration du Centre d’oncologie prospective sur un site proche de Gustave Roussy marquera une véritable accélération pour le cluster : l’objectif sera de sélectionner au moins une dizaine de nouveaux projets par an.

Après 2025, le cluster entrera dans une phase de pérennisation et d’expansion notamment à travers l’émergence de projets concentrés sur la création et l’optimisation de traitements et médicaments de nouvelle génération et de leur développement (accéléré et facilité par l’Intelligence artificielle), sur l’invention de nouveaux systèmes d’administration pour apporter aux patients un traitement personnalisé, et sur le déploiement de méthodes innovantes de traitement directement à leur chevet, tout en diffusant ces modèles pour qu’ils bénéficient à tous les patients quel que soit le lieu de prise en charge dans les territoires.

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