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Un champignon au secours des patients atteints de maladies génétiques rares

Le champignon Lepista inversa a des propriétés réparatrices permettant de corriger certaines mutations génétiques. © Christine Bailly

Un banal champignon comestible pourrait changer la donne dans le traitement des maladies génétiques rares, qui touchent des centaines de millions de personnes à travers le monde. Celles-ci se retrouvent souvent démunies en l’absence de thérapie efficace. Une équipe de recherche dirigée par Fabrice Lejeune, chercheur Inserm au sein du laboratoire CANcer Heterogeneity, Plasticity and Resistance to THERapies (Inserm/ CNRS/ Université de Lille/Institut Pasteur de Lille/CHU Lille), et en collaboration avec une équipe du Muséum national d’Histoire naturelle, a montré que l’un des principes actifs contenus dans le champignon Lepista inversa a des propriétés réparatrices permettant de corriger certaines mutations génétiques, dites mutations « non-sens ». Les résultats sont publiés dans Nature Communications[1].

Les maladies rares constituent un problème de santé publique majeur, affectant 300 millions de personnes dans le monde. Dans 80 % des cas, ces pathologies ont des origines génétiques. C’est le cas notamment de la mucoviscidose, de l’hémophilie ou encore de la myopathie de Duchenne. Il n’existe à ce jour aucun traitement curatif pour les patients atteints de ces maladies héréditaires. Néanmoins, il est aujourd’hui bien établi que des mutations génétiques particulières, dites mutations « non-sens », sont impliquées dans près de 10 % des cas de maladies génétiques rares.

L’ADN est constitué de molécules organiques, les nucléotides, qui codent les acides aminés impliqués dans la synthèse des protéines nécessaires au bon fonctionnement de l’organisme. En pratique, les mutations « non-sens » introduisent un « codon stop » au niveau du gène muté c’est-à-dire une séquence de nucléotides qui conduit à un arrêt prématuré de la synthèse de la protéine correspondante. Dès lors, la protéine n’est plus disponible en tant que telle, entraînant l’apparition des symptômes cliniques de la maladie. 

Identifier des moyens de corriger ces mutations est donc un enjeu de taille pour les chercheurs qui étudient les maladies génétiques rares. C’est l’objet des travaux du chercheur Fabrice Lejeune et de son équipe, au sein du laboratoire CANcer Heterogeneity, Plasticity and Resistance to THERapies (Inserm/ CNRS/ Université de Lille/Institut Pasteur de Lille/CHU Lille), en collaboration avec la Chimiothèque / Extractothèque et l’UMR 7245 CNRS Molécules de Communication et Adaptation des Micro-organismes du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris.

En 2017, ces derniers avaient déjà fait une découverte étonnante en montrant que des extraits d’un banal champignon comestible connu sous le nom de Lepista inversa pouvaient réparer les mutations non-sens dans trois lignées cellulaires isolées de patients atteints de mucoviscidose.

Molécule réparatrice

Dans leur nouvelle étude, publiée dans Nature Communications, les équipes de recherche ont pour la première fois identifié le principe actif dans le champignon capable de corriger les mutations non-sens associées au codon stop UGA, le plus courant des trois codons stop du code génétique humain.

En fractionnant des extraits du champignon Lepista inversa, les chercheurs ont réussi à identifier une substance active issue du champignon, la molécule DAP (2,6 diaminopurine). Ils ont montré que celle-ci répare les mutations non-sens dans des lignées cellulaires humaines, mais également dans des modèles animaux. Cette substance active s’avère par ailleurs être très peu toxique.

Cette découverte ouvre des pistes thérapeutiques intéressantes pour les patients atteints de maladies génétiques rares. « L’idée est de pouvoir corriger les aspects cliniques en réparant les mutations non-sens liées au codon UGA et en restaurant la fonction du gène muté. A noter qu’il ne s’agira pas de donner le champignon directement à consommer aux patients, celui-ci contenant d’autres molécules dont nous ne contrôlons pas tous les effets, mais plutôt de développer des traitements à base du principe actif identifié ici », souligne Fabrice Lejeune.

La prochaine étape pour les chercheurs consistera à tester ce principe actif dans d’autres modèles animaux afin de pouvoir ensuite démarrer rapidement des essais cliniques, si les résultats s’avéraient toujours aussi prometteurs.

 

[1] La découverte fait par ailleurs l’objet d’un dépôt de brevet de depose via la SATT Lutech : Derivative purine for their use in the treatment or preventing diseases due to changing nonsense – October 2017 – S. Rebuffat, S. Amand, C. Maulay-Bailly and F. Lejeune  -PCT/EP2017/076846; WO2018073413A1

Cancers : une attaque à distance de la tumeur par le système immunitaire

Extrait d’une vidéo montrant l’attaque d’une tumeur (en bleu et orange) par les lymphocytes T (en vert). Des expériences réalisées in vivo et en temps réel permettent d’observer comment les lymphocytes T agissent à courte mais aussi à longue distance au sein de la tumeur. © Ronan Thibaut et Philippe Bousso, Institut Pasteur / Inserm

Comment le système immunitaire agit-il pour limiter le développement des tumeurs ? Grâce à des outils d’imagerie in vivo, les chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm ont décrit l’activité spatiotemporelle des lymphocytes T infiltrant la tumeur, à courte et à longue distance. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Cancer, le 9 mars 2020.

Certaines cellules du système immunitaire, comme les lymphocytes T, sont capables de s’attaquer à des cellules cancéreuses. De nouvelles thérapies prometteuses et récompensées par le prix Nobel de médecine en 2018, appelées immunothérapies, visent à augmenter l’attaque du système immunitaire contre les cancers.

Mais comment les lymphocytes T agissent-ils dans la tumeur ? Véritables cellules tueuses, les lymphocytes T sont capables d’infiltrer la tumeur puis de détruire les cellules cancéreuses, les unes après les autres, par contact direct. Cette destruction des cellules cancéreuses est un phénomène très local, restreint à la proximité des cellules tueuses. Mais lors de ces contacts, les lymphocytes T produisent aussi des molécules solubles, appelées cytokines. Les chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm ont cherché à comprendre l’effet que pouvait avoir l’une de ces cytokines, connue sous le nom d’interféron-gamma, sur l’ensemble de la masse tumorale.

Les scientifiques ont, pour cela, utilisé des techniques d’imagerie très puissantes qui ont permis de visualiser en temps-réel et in vivo chez la souris, non seulement le comportement des lymphocytes T mais aussi l’effet de cette cytokine au sein de la tumeur. Les chercheurs ont alors observé que plutôt que d’agir localement, ces cytokines se propagent très rapidement au sein de la tumeur et affectent des cellules cancéreuses qui peuvent être très éloignées des cellules T.

« Cette action à longue distance au sein même de la tumeur est très intéressante car elle permet aux lymphocytes T d’agir sur un grand nombre de cellules cancéreuses et notamment celles qui ont pu développer des mécanismes d’échappements au système immunitaire » déclare Philippe Bousso, chercheur Inserm, responsable de l’unité Dynamique des réponses immunes à l’Institut Pasteur, principal auteur de l’étude.

Dans ces travaux, les chercheurs montrent aussi que le nombre de lymphocytes T qui réussit à infiltrer la tumeur, est corrélé avec la quantité de cytokine produite et détermine la réponse de l’ensemble des cellules cancéreuses. L’étude de cellules de patients atteints de mélanome appuie ce modèle d’action à distance des cellules immunitaires. Favoriser cette réponse collective pourrait donc constituer un objectif essentiel des immunothérapies de demain.

La première classification moléculaire des tumeurs hypophysaires ouvre de multiples champs de recherche

Fotolia/adobe

Les tumeurs hypophysaires, deuxièmes tumeurs cérébrales les plus fréquentes, disposent désormais d’une classification moléculaire précise, complète et objective, avec la perspective de mieux prédire et comprendre le comportement de certains sous-types de tumeurs et d’ajuster les traitements. C’est ce que révèle une étude réalisée par les équipes de recherche de l’Institut Cochin (Inserm, Université de Paris, CNRS), associées à l’Hôpital Foch et l’Hôpital Cochin AP-HP, publiée début janvier dans la revue internationale Cancer Cell (publication complète ici).

 Les tumeurs hypophysaires touchent aujourd’hui près d’un habitant sur 1000, mais elles restent encore mal connues et de nombreuses interrogations existent autour de la mutation de leurs gènes. Ces tumeurs ont pourtant une incidence capitale sur le mode de vie des patients : elles sécrètent plus ou moins d’hormones qui vont donner lieu notamment à des maladies rares. Le Dr Stéphane Gaillard, neurochirurgien à l’hôpital Foch et spécialiste de l’hypophyse explique : « Ces tumeurs sont particulièrement difficiles à identifier car les symptômes sont tardifs. Nous devons progresser dans la maitrise de ces tumeurs, ouvrir de nouveaux champs de recherche scientifiques et permettre de mieux comprendre la mutation de ces dernières pour améliorer les traitements disponibles. C’est de ce constat que nous sommes parti pour débuter cette étude qui a abouti à une nouvelle classification des tumeurs hypophysaires, basée sur une étude moléculaire de pointe ».

 

Une classification qui tend vers le premier profil génomique de ces tumeurs

La classification finalisée de la nouvelle étude « Hypophys-omics » parue dans la revue Cancer Cell le 13 janvier 2020 permet de consolider la connaissance de ces tumeurs, leurs évolutions et surtout de comprendre comment mieux les soigner en empêchant notamment la sécrétion d’hormones excessives à l’origine de la dégradation des conditions de vie du patient. Elle met en valeur le profil génomique de ces tumeurs, une première au niveau international, alors que celles-ci étaient précédemment encore triées selon des données purement endocrinologiques et anatomopathologiques et sans prendre en compte les spécificités de chacune d’entre elles (sécrétion d’hormone, récidive, évolution des gènes de la tumeur …).

Cette étude ouvre désormais le champ des possibles autour de ces tumeurs à travers trois objectifs préalablement définis :

·       Consolider et ouvrir de nouvelles pistes sur la connaissance de ces tumeurs (en remettant en question certains postulats acquis jusqu’à présent).

·       Aller vers une médecine personnalisée avec des traitements plus adaptés, plus efficaces, plus ciblés en fonction du sous-type de tumeurs et de sa classification génomique.

·       Ouvrir de nouveaux champs de recherche – traitement, théranostique … – pour améliorer la qualité de vie des patients et limiter l’apparition de maladies rares.

 

Une recherche multidisciplinaire d’excellence, s’inscrivant dans plus de 40 ans de collaboration entre les hôpitaux Foch et Cochin AP-HP

Experts dans la génomique des tumeurs endocrines – qui consiste à réaliser des millions de mesures moléculaires, interprétables uniquement par des approches bio-informatique « big-data » -, le Pr Assié, du service d’endocrinologie de l’hôpital Cochin AP-HP et ses collègues de l’Institut Cochin (Inserm, Université de Paris) ont appliqué leur savoir-faire aux tumeurs hypophysaires, pour aboutir à cette première classification génomique de ces tumeurs.

Ce travail s’est appuyé sur 134 tumeurs collectées par l’équipe de neurochirurgie du Dr Gaillard à l’hôpital Foch. L’excellence neurochirurgicale – près de 300 tumeurs hypophysaires y sont opérées chaque année – s’est traduite dans cette étude par des échantillons de grande qualité, collectés dans des conditions optimales (certaines depuis 2008), avec une représentativité assez complète de tous les sous-types tumoraux, incluant les sous-types rares.

Ce partenariat recherche s’inscrit dans une collaboration clinique historique de plus de 40 ans entre le service de neurochirurgie de l’hôpital Foch et le service d’Endocrinologie de l’hôpital Cochin AP-HP, particulièrement effective dans les situations complexes et graves. Dans le cadre de ce partenariat multidisciplinaire, les profils moléculaires complexes de ces tumeurs ont pu être analysés à travers le prisme clinique endocrinologique, histologique et radiologique, notamment grâce à l’expertise anatomopathologique reconnue du Dr Villa et de ses collègues (hôpital Foch).

Plusieurs autres contributions essentielles sont à mentionner, notamment celle du au service d’endocrinologie de l’hôpital Ambroise-Paré AP-HP dirigé par le Pr Raffin-Sanson et celle du service d’anatomopathologie de l’hôpital Ambroise-Paré AP-HP dirigé par le Pr Emile.

Des biologistes, quelques briques LEGO®, une créativité étirée à l’infini

Outil de « cell stretching » construit en briques LEGO® © Etienne Boulter, Chloé C. Féral, Inserm

Comment aider les chercheurs en biologie cellulaire à s’affranchir des difficultés techniques et des coûts relatifs aux équipements ? Loin des laboratoires, la réponse se trouve peut-être au rayon jouet des magasins ! Une équipe de chercheurs de l’Inserm, au sein de l’Institut de recherche sur le cancer et le vieillissement (Inserm/CNRS/Université Côte d’Azur), a en effet eu l’idée d’utiliser des briques de LEGO® pour concevoir un nouveau système d’étirement permettant de simuler certaines contraintes mécaniques que subissent les cellules au sein de l’organisme. Dans un article publié dans la revue Journal of Cell Science, les chercheurs présentent cet outil compact, très peu coûteux, hautement personnalisable, facile d’utilisation et validé pour un large panel d’applications basiques en biologie.

Les contraintes mécaniques que subissent les cellules, les tissus et les organes au sein de l’organisme, sont des éléments essentiels à la régulation des processus biologiques, physiologiques et même pathologiques. En biologie cellulaire, l’utilisation de stimulations mécaniques est par conséquent devenue nécessaire à l’appréhension de nombre de ces processus.

Or, reproduire ces paramètres mécaniques constitue un challenge pour les chercheurs en biologie cellulaire car ils relèvent de principes physiques souvent hors de leur champ de compétences.

Pour concevoir et piloter des systèmes permettant de stimuler les cellules, les biologistes font donc généralement appel à des physiciens qui, à l’exception des biophysiciens, sont eux-mêmes rarement formés aux notions de biologie cellulaire. Ces systèmes sont, de plus, souvent très coûteux à l’achat et à l’entretien. Afin de s’affranchir de ces difficultés techniques pour les expériences fondamentales de biologie cellulaire, les biologistes ont donc besoin d’avoir accès au quotidien à des outils de stimulation mécanique simples d’utilisation et de maintenance.

C’est sur un tel outil qu’a travaillé une équipe dirigée par la directrice de recherche Inserm Chloé C. Féral au sein de l’IRCAN, Institut de recherche sur le cancer et le vieillissement (Inserm/CNRS/Université Côte d’Azur). Les chercheurs ont développé un système de stimulation mécanique, très original et extrêmement simple d’assemblage et de fonctionnement car composé… de briques LEGO® !

Cet outil dit de « cell stretching » permet de stimuler de façon homogène des cellules en culture en les étirant de façon cyclique suivant un même axe.

Compact (50x40x10 cm plus batterie), il est composé d’un système mécanique construit avec 326 briques de LEGO® comprenant un bras mobile dont le mouvement est assuré par deux moteurs LEGO® synchronisés (fonctionnant avec un bloc alimenté par 6 piles AA), d’une boîte de vitesse, ainsi que d’une boîte de culture en silicone permettant de faire croître les cellules et de les étirer. Son coût est modeste (estimé entre 150 et 200 euros contre 50 000 euros pour les systèmes hautement perfectionnés actuels), et la surface en silicone est en partie réutilisable.

 

 

L’équipe de recherche a testé, validé et listé un large panel d’applications de ce système, allant des techniques de biochimie à l’imagerie, démontrant par la même occasion qu’il est très largement personnalisable. Les chercheurs proposent ainsi des instructions détaillées pour l’assemblage des pièces de LEGO®, un modèle d’impression 3D pour le support en silicone, ainsi que les « recettes » pour générer des boîtes en silicone plus ou moins rigides selon les besoins expérimentaux.

« Ce système se révèle simple, robuste et modulable. Son couplage à de l’impression 3D multiplie à l’infini les possibilités d’utilisation », précise Etienne Boulter, chercheur Inserm et premier auteur de l’étude. « Si ce système n’entend pas récapituler ou fournir toutes les options de réglage et de stimulation présentes sur des systèmes commerciaux très perfectionnés (et coûteux), il constitue cependant une alternative accessible technologiquement et financièrement », conclue-t-il.

LEGO® et LEGO® Technic™ sont des marques déposées du groupe LEGO. Ces travaux ne sont pas sponsorisés ou financés d’une quelconque manière par le groupe LEGO et ne peuvent en aucun cas être interprétés comme reflétant le point de vue du groupe LEGO.

Un nouveau composant du sang révélé

Mitochondries extracellulaires fonctionnelles retrouvées dans le sang. ©Alain R. Thierry/Inserm

Le sang que l’on pensait si bien connaître contiendrait-il en fait des éléments jusque-là indétectables ? C’est ce que montrent les travaux d’une équipe de chercheurs de l’Inserm, de l’Université de Montpellier et de l’Institut du Cancer de Montpellier (ICM) au sein de l’Institut de recherche en cancérologie de Montpellier, qui pour la première fois ont mis en évidence la présence dans la circulation sanguine de mitochondries complètes et fonctionnelles. Ces organites responsables de la respiration des cellules n’étaient jusqu’à présent retrouvés hors de ces dernières que dans des cas très particuliers. Ces résultats parus dans The FASEB Journal apportent des connaissances inédites en physiologie et ouvrent la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques.

Les mitochondries sont des organites situés dans les cellules eucaryotes. Lieu de la respiration cellulaire, elles sont les “batteries” des cellules et jouent un rôle majeur dans le métabolisme énergétique et la communication intercellulaire. Elles ont la particularité de posséder leur propre génome, transmis uniquement par la mère et distinct de l’ADN contenu dans le noyau. Les mitochondries peuvent parfois être observées hors des cellules sous forme de fragments encapsulés dans des microvésicules. Dans certaines conditions très spécifiques les plaquettes sont également capables de libérer des mitochondries intactes dans l’espace extracellulaire.

Les travaux d’une équipe de recherche dirigée par le chercheur Inserm Alain R. Thierry à l’Institut de recherche en cancérologie de Montpellier (Inserm/Université de Montpellier/Institut du Cancer de Montpellier) viennent aujourd’hui bouleverser les connaissances sur cet organite, en révélant que des mitochondries extracellulaires, complètes et fonctionnelles, se trouvent en fait en circulation… dans le sang !

Les chercheurs se sont appuyés sur des résultats antérieurs ayant montré que le plasma sanguin d’un individu en bonne santé contenait jusqu’à 50 000 fois plus d’ADN mitochondrial que d’ADN nucléaire. Ils ont posé l’hypothèse que, pour qu’il soit ainsi détectable et quantifiable dans le sang, l’ADN mitochondrial devait y être protégé par une structure suffisamment stable. Afin d’identifier cette dernière, une centaine d’échantillons de plasma sanguin ont été analysés.

Ces analyses ont révélé la présence dans la circulation sanguine de structures hautement stables contenant des génomes mitochondriaux entiers. Après examen de leur taille, de leur densité ainsi que de l’intégrité de l’ADN mitochondrial qu’elles contenaient, ces structures observées en microscopie électronique (jusqu’à 3,7 millions par ml de plasma sanguin) se sont révélées être des mitochondries intactes et fonctionnelles.

Tout au long de ces travaux qui ont nécessité 7 ans de recherche, un maximum de possibilités techniques et méthodologiques ont été utilisées pour valider cette présence dans le sang de mitochondries extracellulaires circulantes.

« Lorsque l’on considère le nombre élevé de mitochondries extracellulaires que nous avons trouvées dans le sang, on peut se demander pourquoi cela n’a pas été découvert auparavant, note Alain R. Thierry. Notre équipe a accumulé une expertise dans la détection spécifique et sensible d’ADN dans le sang en travaillant notamment sur la fragmentation de l’ADN extracellulaire dérivé des mitochondries », ajoute-t-il.

Mais quel rôle tiennent ces mitochondries extracellulaires ? La réponse pourrait être liée à la structure de l’ADN mitochondrial, similaire à celle de l’ADN bactérien, ce qui lui confère la capacité d’induire des réponses immunitaires et inflammatoires. Partant de ce constat, les chercheurs avancent l’hypothèse que ces mitochondries circulantes pourraient être impliquées dans de nombreux processus physiologiques et/ou pathologiques nécessitant une communication entre les cellules (comme les mécanismes d’inflammation par exemple). En effet, des études récentes ont démontré la capacité de certaines cellules à échanger des mitochondries entre elles, comme par exemple les cellules souches avec des cellules endommagées. « Les mitochondries extracellulaires pourraient effectuer plusieurs tâches en tant que messager pour l’ensemble de l’organisme », précise Alain R. Thierry.

En plus de son importance pour les connaissances en physiologie, cette découverte pourrait conduire à une amélioration du diagnostic, du suivi ou du traitement de certaines maladies. En effet, l’équipe de recherche se penche à présent sur l’évaluation des mitochondries extracellulaires en tant que biomarqueurs dans le diagnostic prénatal non invasif et le cancer.

Ces travaux bénéficient du soutien du SIRIC Montpellier Cancer (Inserm/CNRS/Université de Montpellier/Institut du Cancer de Montpellier/CHU de Montpellier/Université Paul Valéry) financé par l’Inserm, l’INCa et la DGOS.

Tumeurs cérébrales : le réseau lymphatique méningé ouvrirait une nouvelle piste thérapeutique

Les glioblastomes sont les tumeurs les plus fréquentes du système nerveux central Image capturée en utilisant un microscope à épifluorescence champ plein Zeiss Axioimager Z1. Inserm/Guichet, Pierre-Olivier

Les glioblastomes sont les tumeurs cérébrales les plus fréquentes, dont le pronostic est souvent très défavorable. Une étude collaborative menée entre Jean-Léon Thomas, chercheur Inserm au sein de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (Inserm/CNRS/Sorbonne Université) et à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, et Akiko Iwasaki (département d’immunologie, école de médecine de Yale aux Etats-Unis), a montré un rôle bénéfique du réseau vasculaire lymphatique méningé dans le traitement de ces tumeurs, à court et à plus long terme. Les résultats sont publiés dans la revue scientifique Nature.

Les glioblastomes sont les tumeurs cérébrales les plus fréquentes, mais aussi les plus graves. Leur prévalence est estimée à 1/100 000, touchant principalement des patients âgés de 45 à 70 ans. Les traitements qui sont aujourd’hui proposés sont principalement chirurgicaux, associés à de la radiothérapie et de la chimiothérapie. Le bénéfice thérapeutique, en terme de survie, reste modeste (environ 18 mois actuellement), incitant les chercheurs à continuer d’explorer de nouvelles pistes de traitements potentiels.

Eric Song (Université de Yale), premier auteur de ces travaux, Jean-Léon Thomas (Inserm/CNRS/Sorbonne Université), Akiko Iwasaki et leurs collègues se sont penchés sur le réseau lymphatique méningé pour savoir si celui-ci régulait le système immunitaire en réponse à la présence d’une tumeur cérébrale. Véritable tuyauterie de vaisseaux lymphatiques parcourant les méninges autour du cerveau, le réseau lymphatique méningé suscite un intérêt particulier depuis des études publiées au cours des cinq dernières années montrant sa connexion aux ganglions lymphatiques du cou (qui sont le lieu de prolifération et de différenciation des cellules immunitaires), ainsi que sa fonction de drainage des cellules immunitaires vers ces derniers.

Dans la nouvelle étude publiée dans Nature, les chercheurs ont travaillé avec des modèles animaux de glioblastome. Ils ont montré que la tumeur disparaissait lorsque les lymphatiques méningés étaient préalablement élargis par injection dans les méninges d’un facteur de croissance lymphatique appelé VEGF-C. La croissance du réseau lymphatique méningé induite par VEGF-C (observable sur la photo) a été corrélée à une entrée massive de cellules immunitaires lymphocytaires T (CD4 et CD8), absentes dans des conditions normales, dans l’environnement de la tumeur.

Cette réponse à court terme détruit la tumeur et s’accompagne d’une persistance de cellules immunitaires ‘mémoires’ spécifiquement dirigées contre les cellules tumorales, permettant le rejet de la même tumeur à plus long terme.

Néanmoins, les expériences des chercheurs montrent que c’est en combinaison avec une immunothérapie déjà utilisée en neuro-oncologie que le traitement transitoire avec VEGF-C est le plus efficace, permettant d’éradiquer complètement le glioblastome existant.  « Notre étude souligne que le fait de renforcer le réseau des vaisseaux lymphatiques méningés permet d’augmenter le trafic des antigènes tumoraux depuis les méninges vers les ganglions lymphatiques », explique Jean-Léon Thomas.

Avec ses collègues, il conclut que le rôle majeur du réseau lymphatique méningé serait de transporter depuis les méninges le message d’alerte immunitaire déclenchant l’activation des lymphocytes dirigés contre la tumeur.

Les résultats de l’étude ouvrent de nouvelles perspectives dans le traitement des tumeurs cérébrales en ciblant les vaisseaux lymphatiques méningés et leurs ganglions associés.

Les chercheurs souhaitent poursuivre ces travaux en étudiant le rôle du réseau lymphatique méningé dans le cadre d’autres pathologies. « Nous sommes en train d’explorer les mécanismes de fonctionnement et le potentiel thérapeutique de ce réseau vasculaire avec de nouveaux modèles expérimentaux, et pour d’autres maladies du système nerveux, neurodégénératives, neuro-vasculaires, et infectieuses », conclut Jean-Léon Thomas.

Les lymphocytes B : de nouveaux alliés pour le traitement des sarcomes par immunothérapie ?

Les structures lymphoïdes tertiaires sont des agrégats cellulaires riches en lymphocytes B (violet) trouvés à proximité des tumeurs. C’est là que la réponse immunitaire antitumorale est initiée. ©Antoine Bougouin/Centre de recherche des Cordelier/Inserm, Sorbonne Université, Université de Paris

Comment améliorer et mieux personnaliser les traitements des sarcomes des tissus mous, ces cancers agressifs et particulièrement résistants ? Une équipe internationale dirigée par Wolf Hervé Fridman et regroupant des chercheurs de l’Inserm, de Sorbonne Université et d’Université de Paris au Centre de recherche des Cordeliers, en collaboration avec la Ligue nationale contre le cancer et l’Institut Bergonié, montre que les lymphocytes B permettent de prédire la réponse des patients à l’immunothérapie, rôle que l’on croyait jusqu’à présent dévolu seulement aux lymphocytes T. Ces résultats à paraître dans Nature ouvrent la voie à la personnalisation des traitements pour les patients atteints de sarcomes des tissus mous.

Les sarcomes des tissus mous sont un groupe hétérogène de cancers agressifs et résistants à la chimiothérapie qui touchent les tissus mous de l’organisme (graisse, muscles, tissus fibreux, vaisseaux sanguins et lymphatiques, nerfs…). Dans les essais cliniques actuels, seuls 15 % des patients répondent à l’immunothérapie, ce qui pose la question de l’exposition inutile des autres patients à la toxicité de ces traitements. Identifier des marqueurs prédisant la réponse à l’immunothérapie est donc un enjeu primordial. Cependant, jusqu’à aujourd’hui, cette stratégie se focalisait essentiellement sur les lymphocytes T, les cellules immunitaires capables de reconnaître les cellules infectées, cancéreuses ou étrangères à l’organisme.

À travers des travaux publiés dans la revue Nature, une équipe de recherche menée par Wolf Hervé Fridman et regroupant des chercheurs de l’Inserm, de Sorbonne Université et d’Université de Paris au Centre de recherche des Cordeliers, en collaboration avec l’équipe Carte d’identité des tumeurs de la Ligue nationale contre le cancer, l’Institut Bergonié, et des équipes américaines et taïwanaises, s’est penchée sur la question de l’identification d’autres marqueurs potentiels.

Les chercheurs ont analysé 608 tumeurs, qu’ils ont classées en trois groupes suivant la composition de leur microenvironnement tumoral[1] : les tumeurs immunologiquement pauvres (pauvres en cellules immunitaires et peu vascularisées), les tumeurs fortement vascularisées et enfin les tumeurs immunologiquement riches. Ces dernières présentent des agrégats de différents types cellulaires riches en lymphocytes B, les cellules immunitaires responsables de la production d’anticorps. Ces agrégats sont appelés structures lymphoïdes tertiaires. Les chercheurs ont observé qu’une réponse immunitaire antitumorale s’initiait en leur sein, montrant par-là que les lymphocytes B pourraient jouer un rôle antitumoral.

De plus, dans un essai clinique de phase 2, les patients présentant des tumeurs immunologiquement riches ont montré un taux de réponse élevé (50 %) à une immunothérapie : le pembrolizumab. Ces patients avaient en outre un taux de survie plus élevé que ceux présentant des tumeurs immunologiquement pauvres ou fortement vascularisées.

Une seconde étude d’une équipe américaine, cosignée par l’équipe de Wolf Hervé Fridman au Centre de recherche des Cordeliers (Inserm/Sorbonne Université/Université de Paris) et publiée en parallèle dans Nature, a permis d’étendre ces observations au mélanome et au cancer du rein.

Les résultats de ces études montrent qu’en plus des lymphocytes T habituellement étudiés, les lymphocytes B seraient essentiels dans la réponse à l’immunothérapie pour certains cancers. Ils apportent un nouvel espoir pour le traitement des sarcomes des tissus mous, cancers particulièrement résistants aux thérapies classiques. De plus, dans un objectif de médecine personnalisée, ces résultats pourraient aider à guider la prise de décision clinique et le traitement des patients grâce à un simple test permettant d’identifier ceux ayant des tumeurs immunologiquement riches.

Sur la base de ces résultats, un premier essai clinique français coordonné par Antoine Italiano (Institut Bergonié, Université de Bordeaux), co-auteur du premier article, et incluant des patients présentant des tumeurs immunologiquement riches est actuellement en cours au sein du Groupe Sarcome Français.

[1] Le microenvironnement tumoral correspond aux éléments biologiques entourant la tumeur (vaisseaux sanguins, cellules immunitaires, types variés de cellules, molécules de signalisation, matrice extracellulaire…) et avec lesquels elle interagit.

Une femme sur cinq ne reprend pas le travail un an après la fin des traitements d’un cancer du sein dans la cohorte CANTO

Publiée dans le Journal of Clinical Oncology, une nouvelle analyse de la cohorte CANTO (CANcer TOxicities) identifie les déterminants de la reprise de l’activité professionnelle après un cancer du sein. Le premier constat est que 21 % des femmes, soit une femme sur cinq, n’a pas repris une activité professionnelle alors que les traitements sont achevés depuis un an. Les déterminants d’une reprise d’emploi après la maladie sont multiples mais les chercheurs ont identifié trois principaux paramètres qui pèsent davantage : les symptômes dépressifs, un travail manuel et le type de traitement (chimiothérapie et trastuzumab). Les résultats mettent également en avant, pour la première fois, le rôle des toxicités sévères liées aux traitements.

De plus en plus de femmes atteintes d’un cancer du sein sont traitées avec succès même si 25 à 50 % d’entre-elles conservent des séquelles physiques et psychologiques liées à la maladie et ses traitements1. « En se chronicisant, cette pathologie qui touche des femmes souvent encore en activité a rendu centrale la question du retour au travail qui est devenu un véritable enjeu sociétal, le non-retour au travail ayant un coût associé pour la collectivité aussi important que celui des traitements2 » précise Agnès Dumas, sociologue à l’INSERM et chercheuse associée à Gustave Roussy.

La reprise d’une activité professionnelle après les traitements est une question complexe, de nombreux paramètres agissant sur la capacité à travailler. L’objet de cette analyse est d’identifier quels facteurs cliniques, psychologiques et sociaux déterminent le retour au travail et de comprendre leur poids relatif.

Pour cela, l’analyse s’est basée sur une extraction de près de 1 900 femmes inclues dans la cohorte CANTO âgées de moins de 57 ans, en emploi au moment du diagnostic et dont la maladie n’avait pas rechuté. Un des points forts de CANTO est que toutes les femmes inclues dans cette cohorte répondent à plusieurs questionnaires répétés dans le temps, au diagnostic, à la fin des traitements et un an après, permettant d’éviter les biais de mémoire d’un questionnaire rétrospectif. C’est la première analyse prospective de cette ampleur sur les causes du non-retour au travail après un cancer du sein.

De manière globale, les chercheurs ont constaté que 21 % de femmes ne reprenaient pas le travail ; parmi ces femmes, 74 % étaient en arrêt maladie, 9 % à la recherche d’un emploi et 17 % étaient dans une autre situation.

Le retour au travail dépend d’un ensemble de facteurs et c’est pourquoi les chercheurs ont pris en considération de multiples paramètres pour comprendre les déterminants du non-retour : le stade de la maladie, l’état de santé général des femmes au moment du diagnostic de la maladie incluant la présence d’autres pathologies comme les troubles musculo-squelettiques, les toxicités et effets secondaires des traitements, la qualité de vie et notamment différents types de fatigue, selon qu’elle est physique, émotionnelle ou cognitive, l’anxiété, la dépression ainsi que des caractéristiques sociodémographiques (âge, vie en couple…) et socioprofessionnelles (catégorie professionnelle, temps de travail).

En prenant en compte tous ces facteurs, les chercheurs ont mis en évidence trois principales causes du non-retour un an après l’arrêt des traitements :

  • Les symptômes psychologiques sont le premier paramètre à peser. Les femmes rapportant des symptômes dépressifs à la fin des traitements sont moins enclines à reprendre le travail.
  • Vient ensuite le type de travail. Les femmes avec un travail manuel ont un risque de non-reprise très important. A cela s’ajoute la question du temps de travail, les femmes travaillant à temps partiel reprenant moins le travail que celles travaillant à temps plein au moment du diagnostic.
  • Enfin, le type de traitement a également un rôle important. Ainsi, les femmes ayant été traitées par chimiothérapie (sans distinction du type) associée à du trastuzumab avaient significativement moins repris une activité professionnelle un an après la fin des traitements.

« Toutes choses égales par ailleurs, par exemple le même type de chirurgie ou la prise en compte des symptômes dépressifs, le fait d’avoir du trastuzumab augmente clairement le risque de ne pas retourner au travail. Nous n’avons pas encore trouvé d’explication satisfaisante à son rôle : ce médicament n’ayant pas une toxicité considérée comme sévère (grade 3 ou 4), il ne devrait pas avoir un tel impact sur l’emploi. Est-ce sa toxicité à long terme, même si elle est faible, la cause ? Est-ce la formulation par voie intraveineuse et son administration à l’hôpital sur une longue durée qui joue ? Nous sommes en train d’affiner les paramètres pour mieux comprendre » conclut Ines Vaz-Luis, oncologue à Gustave Roussy et co-auteur de l’article.

En plus de ces trois principaux facteurs, l’étude CANTO montre pour la première fois le rôle des toxicités sévères liées aux traitements (dites de grade 3 ou supérieur, concernant les domaines cardiovasculaire, gynécologique, gastro-intestinal, rhumatologique, dermatologique, pulmonaire ou neurologique) à côté de facteurs déjà démontrés dans la littérature pour leur rôle négatif sur l’emploi tels que les douleurs au bras suite à la chirurgie.

Promue par Unicancer et dirigée par le Pr Fabrice André, oncologue spécialisé dans le cancer du sein à Gustave Roussy, directeur de recherche Inserm et responsable du laboratoire « Identification de nouvelles cibles thérapeutiques en cancérologie » (Inserm/Université Paris-Sud/Gustave Roussy), la cohorte prospective CANTO pour CANcer TOxicities est composée de 12 000 femmes atteintes d’un cancer du sein localisé prises en charge dans 26 centres français. Elle a pour objectif de décrire les toxicités associées aux traitements, d’identifier les populations susceptibles de les développer et d’adapter les traitements en conséquence pour garantir une meilleure qualité de vie dans l’après-cancer.

Les travaux de cette étude ont été soutenus par la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, l’association Susan G. Komen, le programme Odyssea et la Fondation Gustave Roussy ; l’étude CANTO est soutenue par l’Agence nationale de la recherche, la Ligue Nationale contre le cancer et l’IRESP.

1 Ferreira AR, Di Meglio A, Pistilli B, Gbenou AS, El-Mouhebb M, Dauchy S, et al. Differential impact of endocrine therapy and chemotherapy on quality of life of breast cancer survivors: a prospective patient-reported outcomes analysis. Ann Oncol. 2019
2 Institut national du cancer (INCA), 2007, Analyse économique des coûts du cancer en France, INCA, Boulogne-Billancourt.

Les métastases au fil du sang

Imagerie de billes fluorescentes filmées à très haute vitesse

Des billes fluorescentes sont filmées à très haute vitesse, et analysées pour suivre leur trajectoire, pour comprendre l’influence des forces fluidiques sur l’arrêt d’une cellule tumorale sur un tapis de cellules endothéliales. ©Harlepp S. /Goetz J

Les cellules tumorales circulantes utilisent les réseaux lymphatiques et sanguins pour se disséminer dans l’organisme et former des métastases à distance de la tumeur primaire. Jacky Goetz, chercheur Inserm, et son équipe Tumor biomechanics au sein du laboratoire Immunologie et rhumatologie moléculaire (Inserm/Université de Strasbourg) ont contribué à montrer que les propriétés des flux de ces liquides biologiques influent énormément sur le risque d’apparition de ces métastases. Ils ont notamment observé que le ralentissement du flux sanguin au niveau de la ramification des artères permettait aux cellules cancéreuses de s’accrocher à la paroi vasculaire et de s’extraire des vaisseaux pour aller coloniser les tissus. L’équipe de recherche fait le point sur ses travaux dans une revue de littérature publiée dans Nature Reviews Cancer.

Les cellules cancéreuses exploitent largement les fluides biologiques pour se disséminer dans l’organisme et former des métastases à distance des tumeurs primaires. Ainsi, si certaines empruntent directement la circulation sanguine, d’autres la rejoignent en s’échappant d’abord de la tumeur par le liquide interstitiel et le réseau lymphatique pour coloniser ensuite les ganglions lymphatiques avant de rejoindre le sang.

Jacky Goetz, directeur de recherche Inserm de l’équipe Tumor biomechanics au sein du laboratoire Immunologie et rhumatologie moléculaire (Inserm/Université de Strasbourg), s’intéresse depuis plusieurs années à ces mécanismes. Ses travaux sont mis à l’honneur dans Nature Reviews Cancer.

Jacky Goetz et son équipe ont mis au point un modèle animal chez l’embryon de poisson zèbre, pour étudier les liens entre les propriétés du flux sanguin, la formation de terrains favorables à l’apparition des métastases et la survenue de celles-ci dans l’organisme. Cet animal transparent permet d’observer in vivo et en temps réel par microscopie le déplacement de cellules ou de vésicules extracellulaires tumorales rendues fluorescentes. Les scientifiques peuvent ainsi calculer précisément les caractéristiques du flux — ­vitesse et pression exercées sur les cellules ­­— et corréler ces données avec l’apparition de métastases.

Les chercheurs ont ainsi constaté que les cellules cancéreuses circulent rapidement dans les grandes artères sans pouvoir s’arrêter. En revanche, quand le diamètre des artères diminue et que le réseau sanguin se ramifie, le flux ralentit nettement, ce qui permet aux cellules tumorales de s’accrocher à la paroi des vaisseaux puis de s’en extraire pour aller coloniser les tissus. L’équipe de recherche a identifié un certain nombre d’endroits préférentiels (hotspots) pour cette extraction qui correspondent exactement aux sites métastatiques les plus fréquents chez l’humain, là où le réseau sanguin est formé de nombreux petits capillaires ; le cerveau, les poumons ou encore le foie. Ces travaux ont été confirmés en collaboration avec des équipes allemandes, dans une cohorte de 100 patients atteints de métastases cérébrales. L’équipe de Jacky Goetz a également découvert qu’il était possible chez le poisson zèbre de modifier l’emplacement des hotspots et donc des métastases en modifiant la vitesse du flux sanguin.

Toujours chez le poisson zèbre, les chercheurs ont observé que la formation de métastases était précédée par la libération de vésicules extracellulaires provenant de la tumeur. Celles-ci contiennent des protéines, de l’ADN ou encore des ARN et semblent agir comme de véritables éclaireurs pour les cellules tumorales, peut-être pour préparer leur implantation. L’équipe de recherche a pu montrer que le comportement dans le sang de ces vésicules est similaire à celui des cellules tumorales, et dépend également de la force du flux sanguin. 

Enfin, les chercheurs ont pu corréler la force du flux avec l’action de deux protéines situées à la surface des cellules tumorales et ne pouvant agir que lorsque le flux sanguin est ralenti. La première, CD44 agit comme un frein en s’accrochant à la paroi vasculaire.  La seconde, l’intégrine α5ß1 permet à la cellule de s’arrêter et de s’extraire du réseau sanguin. Chez le poisson zèbre et la souris, l’absence d’intégrine α5ß1 ralentit fortement la croissance des métastases.

« L’ensemble de ces travaux montre que pour prévenir l’apparition des métastases, il ne faut pas se focaliser seulement sur les propriétés intrinsèques de la tumeur, de son microenvironnement ou de celui des métastases, mais tenir compte aussi du rôle des fluides biologiques. Empêcher l’arrêt des cellules circulantes ou leur attachement à la paroi pourrait par exemple réduire ce risque », conclut Jacky Goetz.

 

Légende : Circulation, adhérence et extraction des cellules et vésicules tumorales pour former une métastase en fonction de la variation de la vitesse du flux sanguin. ©Jacky Goetz / Nature Reviews Cancer, 2019

Vers un médicament pour lutter contre une maladie intestinale grave chez l’enfant, les patients immunodéprimés

Structure 3D de l’enzyme avec la molécule AN3661 sur fond de l’intestin d’une souris immunodéficiente infectée par Cryptosporidium. ©Fabrice Laurent et Christopher Swale

Des chercheurs de l’Inserm et de l’INRA regroupés au sein des équipes de Mohamed-Ali Hakimi (Institute for Advanced Biosciences – Inserm U 1209 / CNRS UMR 5309 / UGA) et de Fabrice Laurent (INRA) viennent de découvrir un nouveau candidat-médicament pour contrôler la cryptosporidiose, une maladie intestinale grave chez l’enfant, les patients immunodéprimés et les jeunes ruminants. Au-delà de cette maladie, ces travaux sont une piste pour trouver de nouvelles pistes thérapeutiques pour d’autres infections apparentées comme la toxoplasmose ou le paludisme. Ces travaux sont publiés dans Science Translational Medicine.

La cryptosporidiose est une maladie diarrhéique causée par un parasite microscopique, Cryptosporidium, lequel se développe dans l’intestin de nombreux mammifères, notamment dans celui de l’homme. Ce parasite intestinal se propage principalement par la contamination d’eau de consommation ou de baignade où il peut survivre plusieurs jours dans les eaux chlorées, ou encore par le contact avec des animaux infectés. Au cours des 20 dernières années, l’infection par Cryptosporidium a été reconnue comme une cause fréquente de maladie hydrique chez l’homme. Selon une récente étude des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies américains (CDC), le nombre d’épidémies à Cryptosporidium est même en augmentation. Chez l’Homme, il provoque des diarrhées aiguës, parfois fatales chez les populations les plus vulnérables comme l’enfant en bas âge souffrants de malnutrition, ou les patients immunodéprimés (par exemple ceux infectés par le VIH). Les moyens thérapeutiques sont actuellement très limités et dans certains cas inefficaces pour éliminer ce parasite.

L’étude menée par les chercheurs de l’Inserm et de l’INRA révèle la découverte d’un candidat-médicament, appelé AN3661, qui réduit drastiquement l’infection de Cryptosporidium mais également celle de Toxoplasma, le parasite responsable de la toxoplasmose.

Les équipes de recherche révèlent aujourd’hui le mécanisme d’action de cette molécule en résolvant la structure tridimensionnelle de sa cible, appelé CPSF3, chez Cryptosporidium. AN3661 se lie au cœur de l’enzyme CPSF3 et empêche ainsi la maturation des ARN messagers, un processus essentiel à la survie du parasite. Des essais précliniques en modèle murin montrent une efficacité remarquable in vivo avec des traitements de l’infection en dose unique chez des souriceaux ou des souris immunodéprimées.

Cette découverte majeure ouvre la voie vers de nouvelles stratégies et innovations thérapeutiques pour lutter contre la cryptosporidiose mais aussi les autres infections apparentées comme la toxoplasmose ou le paludisme.

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