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Diminuer l’apport en protéines dans l’alimentation pour mieux combattre les tumeurs

©Brooke Lark on Unsplash

Et si l’efficacité du système immunitaire contre les cellules cancéreuses pouvait être renforcée par un régime alimentaire sans réduction calorique mais avec des nutriments précisément dosés ? C’est sur cette question que se sont penchés des chercheurs de l’Inserm de l’Université Côte d’Azur, à travers l’étude des effets de régimes alimentaires restrictifs, sur la croissance tumorale chez la souris. Ils ont observé qu’un régime diminué en protéines, permettait de limiter le développement des tumeurs par accroissement de la réponse immunitaire.  Les résultats, à paraître dans Cell metabolism, s’avèrent prometteurs pour la compréhension de l’immunité anti-tumorale chez la souris et ouvrent la voie à de nouvelles études chez l’homme.

Si le jeûne a acquis une récente popularité dans la prévention de l’occurrence de cancers, dans le renforcement de la chimiothérapie et dans la prolongation de l’espérance de vie chez les patients atteints de tumeurs, aucune preuve scientifique solide ne vient à ce jour étayer l’efficacité de cette pratique. Les essais cliniques sont en réalité quasi inexistants chez l’homme et les résultats obtenus à partir de modèles animaux sont très débattus. Une réduction calorique prolongée peut en outre s’avérer être un facteur aggravant de la dénutrition et de la perte de masse musculaire (sarcopénie) fréquemment associées aux chimiothérapies.

Une équipe de l’Inserm au sein de l’Université Côte d’Azur s’est intéressée à l’hypothèse selon laquelle une modulation de l’apport en macronutriments (glucides, lipides et protéines), plutôt que de l’apport calorique, pouvait avoir un impact restrictif sur la croissance tumorale. Les chercheurs ont comparé l’effet sur la croissance des tumeurs chez la souris de plusieurs régimes alimentaires, plus ou moins appauvris en glucides ou en protéines, mais de même apport calorique. Les résultats ont montré qu’un régime appauvri en protéines mais pas en glucides avait un impact positif sur la limitation de la croissance tumorale et l’allongement de la durée de vie des souris.

L’analyse du contenu cellulaire des tumeurs des souris sous régime appauvri en protéines, a montré une quantité accrue et une activité plus intense des cellules anti-tumorales spécifiques du système immunitaire.

Les chercheurs ont constatés que la limitation de la croissance tumorale était due non pas à une inhibition de la prolifération des cellules cancéreuses comme on pouvait le croire, mais à un accroissement de l’efficacité de la réponse immunitaire, aussi appelée immunosurveillance, pour détruire les cellules cancéreuses.

En se penchant sur les mécanismes moléculaires liés à ce phénomène, les chercheurs ont constaté que ce renforcement de l’immunosurveillance était lié à la sécrétion par les cellules tumorales de protéines d’alerte du système immunitaire : les cytokines. Selon l’étude, la diminution en protéines dans le régime alimentaire rendrait insuffisante la quantité disponible de certains acides aminés (constituants des protéines) auxquels les cellules cancéreuses sont très sensibles. Une diminution de l’accès aux acides aminés provoquerait un stress chez les cellules tumorales, qui libèreraient alors des cytokines, activant ainsi une forte réponse immunitaire au niveau de la tumeur.

Si ces résultats chez la souris sont prometteurs pour la compréhension des mécanismes d’activation de l’immunosurveillance anti-tumorale,  plusieurs inconnues majeures demeurent à l’étude : une définition précise de la restriction protéique nécessaire et suffisante pour que le régime soit efficace, l’identification des acides aminés impliqués dans le stress des cellules tumorales et la transposabilité des résultats chez l’homme, dont l’immunosurveillance et le métabolisme présentent des différences notables avec ceux de la souris. Les études cliniques en cours chez l’homme doivent enfin tenir compte de la difficulté à imposer un régime alimentaire aussi rigoureux sur une longue durée chez des patients.

Dans l’œil du médulloblastome

Des gènes, normalement exprimés uniquement dans l’œil, qui s’activent dans des tumeurs du cerveau ? Bien que surprenante, c’est pourtant l’observation faite dans certains médulloblastomes, des tumeurs pédiatriques du cervelet. Des chercheurs du CNRS, de l’Institut Curie, de l’Inserm et de l’Université Paris-Sud1 en collaboration avec des chercheurs du St. Jude Children’s Research Hospital (Memphis, États-Unis) ont identifié leur rôle dans le processus tumoral, offrant de nouvelles cibles thérapeutiques. Ces travaux sont publiés dans le journal Cancer Cell le 12 mars 2018.

Le médulloblastome se traite en associant chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie, ce qui permet un taux de survie de 80 %, avec cependant des effets secondaires importants. Les médulloblastomes de groupe 3, pour lesquels les rechutes sont fréquentes et qui ont un taux de survie bien inférieur, se caractérisent par l’expression d’un ensemble de gènes appelé « programme photorécepteur ». Ces gènes sont normalement exprimés uniquement dans la rétine où ils permettent de définir l’identité des photorécepteurs et assurent notamment la conversion du signal lumineux en influx nerveux.

L’activation de ces gènes dans le médulloblastome est donc très surprenante puisqu’ils ne sont pas exprimés au cours du développement normal du cervelet. Des programmes de différenciation aberrante – sans rapport avec le tissu d’origine de la tumeur – ont déjà été retrouvés dans d’autres cancers mais sans que cela soit reconnu comme étant directement impliqué dans le processus tumoral.

Celio Pouponnot, chercheur du CNRS travaillant à l’Institut Curie, en collaboration avec Franck Bourdeaut, médecin-chercheur à l’Institut Curie, et avec Paul Northcott au St. Jude Children’s Research Hospital (Memphis, États-Unis) se sont demandé quel rôle pouvait jouer ce « programme photorécepteur » dans le médulloblastome.

La présence au sein du « programme photorécepteur » d’une protéine appelée NRL a d’abord attiré leur attention, car l’équipe de Celio Pouponnot étudie depuis de nombreuses années une famille de protéines ressemblant à NRL, et impliquées dans la formation de cancers. Les chercheurs ont également identifié la responsabilité d’une autre protéine spécifique de la rétine : CRX. De manière frappante, cette étude montre que ces deux facteurs sont requis pour le développement du médulloblastome en actionnant des gènes clés : CCND2 qui favorise la prolifération cellulaire et BCL2L1 qui inhibe la mort cellulaire (apoptose).

L’équipe de chercheurs a ensuite utilisé des agents pharmacologiques ciblant ces protéines anti-apoptotiques dans des modèles précliniques (greffes de cellules de médulloblastome humain chez la souris). Ce traitement a permis de faire régresser la masse tumorale et d’augmenter la survie des souris, prouvant l’intérêt de cette cible thérapeutique. Ces résultats ne pourront néanmoins pas être directement transposés aux enfants, chez qui ces agents pharmacologiques peuvent être toxiques.

Plus généralement, cette étude montre l’intérêt d’étudier les marques de différenciation aberrantes dans les processus cancéreux, mettant ainsi en évidence un nouvel axe de recherche en cancérologie.

Coupe de cervelet normal (à gauche) et envahi par un médulloblastome (à droite). Le médulloblastome exprime des gènes normalement uniquement actifs dans la rétine, dont NRL et CRX, qui jouent un rôle dans la formation de la tumeur. © Morgane Morabito / UMR3347 CNRS-Institut Curie-Inserm-Université Paris-Sud

[1] Aux laboratoires Signalisation normale et pathologique : de l’embryon aux thérapies innovantes des cancers (CNRS/Institut Curie/Inserm/Université Paris-Sud), Génétique et biologie des cancers (Inserm/Université Paris Descartes) et Chimie, modélisation et imagerie pour la biologie (CNRS/Institut Curie/Inserm/Université Paris-Sud)

Une protéine anti-oxydante pour lutter contre les altérations du microbiote intestinal et contrôler l’inflammation

©AdobeStock

Des équipes de l’hôpital Paul-Brousse AP-HP, de l’Inserm et de l’Université Paris-Sud viennent de mettre en évidence un mécanisme de modulation du microbiote intestinal impliquant une molécule aux pouvoirs antioxydant et anti-inflammatoire appelée REG3A. Celle-ci protégerait la barrière intestinale et les bactéries les plus sensibles à l’oxygène formant le microbiote améliorant ainsi la survie et la croissance de « bonnes » bactéries. La transplantation de microbiote fécal dans des souris modèles de colite sévère ou l’administration d’une protéine recombinante REG3A à des souris sauvages révèle une franche diminution de leur susceptibilité à la maladie. Ces résultats sont publiés dans la revue Gastroenterology et constituent une nouvelle approche de manipulation du microbiote intestinal à but thérapeutique, de restauration de la symbiose hôte-microbiote et d’atténuation de l’inflammation intestinale.

Un des facteurs clés de déséquilibres dans la composition du microbiote ou « dysbiose » est le stress oxydatif intestinal. Combiné aux réponses immunitaires, il est capable d’amplifier la production de radicaux libres, l’activation de cellules inflammatoires (macrophages), les déséquilibres de composition du microbiote en faveur de bactéries aérotolérantes et les lésions de la barrière intestinale.

Le Dr Jamila Faivre du service d’Onco-Hématologie de l’hôpital Paul-Brousse, AP-HP et son équipe de l’unité 1193 « Physiopathogenèse et Traitement des Maladies du Foie » du Centre Hépatobiliaire (Inserm/Université Paris-Sud) étudient le stress oxydatif comme cible thérapeutique pour prévenir ou traiter les maladies  et/ou les désordres liés à une dysbiose.

Dans cette étude, les chercheurs montrent qu’une protéine recombinante humaine appelée REG3A est capable de modifier le microbiote intestinal en diminuant les niveaux de radicaux libres. Ce mécanisme de régulation est basé sur l’activité anti-oxydante de cette molécule.

REG3A protège les bactéries commensales intestinales du stress oxydatif en piégeant les radicaux libres et en améliorant la survie et la croissance des « bonnes » bactéries de l’intestin connues pour être très sensibles à l’oxygène.

En accord avec les données obtenues dans des cultures bactériennes in vitro, la molécule délivrée dans la lumière digestive de souris transgéniques modifie la composition du microbiote intestinal avec surreprésentation de symbionts Gram positif tels que les Clostridiales et améliore la fonction barrière et la résistance des souris dans deux modèles de colite expérimentale sévère.

En allant plus loin, les chercheurs ont observé que la transplantation de microbiote fécal provenant de souris transgéniques qui expriment fortement REG3A protège les souris sauvages conventionnelles ainsi que des souris germ-free colonisées de la colite sévère induite. De plus, l’administration intrarectale de protéine recombinante humaine REG3A à des souris sauvages diminue significativement leur susceptibilité à la colite induite.

Ces résultats suggèrent qu’une thérapie biologique basée sur l’administration de protéine recombinante REG3A est une approche originale de (re)modelage du microbiote intestinal, d’atténuation de l’inflammation intestinale voire de prévention du cancer colorectal.

Par rapport aux stratégies actuelles l’originalité de cette approche  est double : utiliser une protéine humaine produite de manière endogène dans l’intestin et renforcer la proportion de bactéries intestinales à potentialité anti-inflammatoire en augmentant la concentration intra-luminale de REG3A pour préserver la symbiose hôte-microbiote et ainsi mieux combattre l’inflammation intestinale, voire extra-intestinale.

Cancer du pancréas : une étude « multiomique » identifie deux sous types de tumeurs, et une nouvelle piste de traitement potentiel

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Juan Iovanna (directeur de recherche Inserm) et ses collègues du Centre de recherche en cancérologie de Marseille (Inserm/ CNRS/ Aix Marseille Université/ Institut Paoli-Calmettes), en étroite collaboration avec le programme « Cartes d’identité des tumeurs (CIT) » de la Ligue nationale contre le cancer et l’Université de Wisconsin (Etats-Unis), ont généré une « banque » de quelque 200 tumeurs pancréatiques humaines vivantes, et des cellules issues de ces tumeurs. L’analyse « multiomique » de ces tumeurs, c’est-à-dire la caractérisation globale de l’ensemble des altérations de l’expression des gènes, des modifications dites épigénétiques de méthylation de l’ADN, a révélé deux sous-types principaux de tumeurs. Les spécificités de ces sous-types, identifiées par les chercheurs, pourraient constituer de nouvelles pistes thérapeutiques. Les résultats de ces travaux font l’objet d’une publication dans la revue Cell Reports.

Avec moins de 5 % de survie à 5 ans, le cancer du pancréas affiche les plus sombres pronostics de tous les cancers. A ce jour, la chirurgie reste le meilleur traitement possible pour les 15 à 20 % de patients dont la tumeur est opérable, avec une espérance de vie de 15 à 18 mois. Au stade de développement métastatique, la durée de vie est alors estimée entre 3 et 6 mois. La chimiothérapie et la radiothérapie ne sont que faiblement efficaces.

Comme les autres cancers, le cancer du pancréas résulte de la combinaison de facteurs génétiques, épigénétiques (des modifications biochimiques du génome) et environnementaux, qui provoquent des profils très hétérogènes de la maladie, avec des profils très contrastés de symptômes, de prédisposition et de réponse aux traitements des patients. Du fait de cette hétérogénéité, il est très important de pouvoir distinguer les différents types de patients, en fonction de leur profil de susceptibilité aux traitements disponibles.

Labellisée par la Ligue nationale contre le cancer, l’équipe Inserm de Juan Iovanna a généré une « banque » d’environ 200 tumeurs pancréatiques humaines (PDAC) vivantes, à partir de xénogreffes chez la souris, et des cellules issues de ces tumeurs. L’analyse des 29 premières tumeurs révèle que ces modèles reproduisent de façon remarquable les caractéristiques des tumeurs chez le patient, ainsi que leur interaction avec l’environnement immédiat de la tumeur – on parle de microenvironnement ou stroma, avec l’avantage dans ce modèle de pouvoir distinguer les cellules tumorales humaines transformées des cellules stromales murines non transformées.

Le programme de recherche en génomique des cancers « Cartes d’identité des tumeurs (CIT) », initié et soutenu par la Ligue nationale contre le cancer, a conduit une série d’analyses « omiques », c’est-à-dire la caractérisation de l’ensemble des altérations de l’expression des gènes et des modifications dites épigénétiques de méthylation de l’ADN. Les chercheurs observent que ces altérations entraînent des changements de l’expression des gènes et ont un impact sur la présence de cellules immunes dans le microenvironnement tumoral, aussi bien dans les cellules transformées que dans le stroma de l’animal hôte.

Ce profilage multiomique extensif a révélé deux sous-types principaux de PDAC avec des conséquences cliniques spécifiques pour chacun. Ces sous-types présentent des altérations spécifiques de la méthylation et de l’expression des gènes, ainsi que des voies de signalisation impliquées dans le « dialogue » entre cellules cancéreuses et cellules stromales. L’analyse de ces voies suggère des pistes thérapeutiques. Ces résultats révèlent l’interaction complexe et diverse entre les tumeurs PDAC et le stroma.

En conclusion, les données présentées dans ce travail révèlent que les xénogreffes représentent un modèle approprié pour des études précliniques, et reproduisent la diversité des cancers primaires dans lesquels le stroma est reconstitué. Son analyse multiomique est une source riche de nouvelles cibles thérapeutiques fiables pour traiter les patients atteints de PDAC.

Plasticité des ribosomes : une nouvelle piste de thérapie ciblée pour combattre le cancer

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L’équipe « Domaines nucléaires et pathologie » dirigée par Jean-Jacques Diaz, directeur de recherche Inserm au Centre de recherche en cancérologie de Lyon (Inserm/CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/Centre Léon Bérard), vient de démontrer qu’un des composants essentiels de la « machinerie cellulaire » qui fabrique les protéines, le ribosome, est dénaturé dans les tumeurs. Les chercheurs observent en effet que ces ribosomes modifiés fonctionnent différemment dans les cellules cancéreuses et produisent préférentiellement des protéines favorisant la prolifération et la survie des cellules cancéreuses. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives pour le développement de thérapeutiques innovantes anti-cancéreuses, ciblant ces machineries anormales. Ces travaux sont publiés ce jour dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences).

Les travaux de recherche de l’équipe de Jean-Jacques Diaz portent sur un mécanisme clé du fonctionnement d’une cellule : la production des protéines, réalisée par l’intermédiaire de « petits robots spécialisés » appelés ribosomes. Les ribosomes ont pour mission de récupérer le message génétique qui est encore codé, et de le décoder sous forme de protéines actives. Les protéines ainsi produites vont jouer des rôles dans différents mécanismes physiologiques de l’organisme, par exemple l’insuline impliquée dans le contrôle de la glycémie.

L’équipe de Jean-Jacques Diaz s’intéresse plus spécifiquement au rôle que jouent les ribosomes dans le cancer.

En effet, les cellules cancéreuses ont une activité métabolique et une prolifération anormalement élevée, ce qui requiert de fabriquer plus de protéines. Dans une étude majeure publiée en 2013 dans la revue Cancer Cell[1], les chercheurs avaient identifié certaines modifications des ribosomes qui surviennent au cours du développement des cancers du sein et du côlon, et qui favorisent le développement de ces maladies. Dans l’étude publiée ce mois-ci et coordonnée par Frédéric Catez, chargé de recherche CNRS, l’équipe lyonnaise montre le mécanisme par lequel ces modifications des ribosomes (des 2′-O-méthylations) altèrent la synthèse des protéines.

Les chercheurs ont notamment démontré que la plasticité de la 2′-O-méthylation modifie le fonctionnement des ribosomes. Cette découverte met en lumière une nouvelle facette du ribosome, celle d’un régulateur direct de la synthèse des protéines, alors qu’il était considéré, jusqu’à aujourd’hui, comme un simple effecteur.

Ce travail ouvre des perspectives nouvelles sur l’utilisation des ribosomes, notamment en cancérologie. En effet, en apportant une description précise, au niveau moléculaire, des ribosomes des cellules tumorales dans différents cancers, ces travaux ouvrent des voies de recherche encore inexplorées pour identifier de nouveaux marqueurs pronostiques du développement des tumeurs et pour développer de nouvelles thérapies ciblées contre ces ribosomes particuliers. Ces voies sont actuellement explorées par l’équipe de chercheurs du Centre de recherche en cancérologie de Lyon (CRCL).

[1] Marcel, V. et al. Cancer Cell. 2013. 24(3):318-30)

Une enzyme cruciale enfin démasquée

© L. Peris /GIN

Après 40 ans de recherche, des chercheurs du CEA, du CNRS, de l’Université Grenoble Alpes, de l’Université de Montpellier et de l’Inserm ont enfin démasqué l’enzyme responsable de la détyrosination de la tubuline. Surprise : ce n’est pas une enzyme mais deux qui ont été découvertes capables de modifier ce composant essentiel du squelette de la cellule. Ces travaux ouvrent de nouvelles pistes pour mieux comprendre le rôle de la tubuline dont les altérations accompagnent cancers, maladies cardiaques et défauts neuronaux. Ces résultats sont publiés le 16 novembre 2017 dans la revue Science.

Une collaboration internationale impliquant des chercheurs du CEA, du CNRS, de l’Inserm, de l’Université Grenoble Alpes, de l’Université de Montpellier et de l’Université de Stanford[1] a identifié une enzyme, la Tubuline CarboxyPeptidase (TCP), qui est responsable d’une transformation biochimique des microtubules cellulaires, la détyrosination. La détyrosination est une réaction biologique consistant à supprimer l’acide aminé terminal tyrosine[2], de la tubuline α, un composant des microtubules. Alors qu’elle était recherchée depuis quatre décennies, les biologistes ont réussi à isoler cette protéine par purification et ont ensuite apporté les preuves de son activité cellulaire.

Les microtubules contribuent à des fonctions cellulaires essentielles

Les microtubules sont des fibres dynamiques présentes dans toutes les cellules. Formés par l’assemblage de deux protéines (tubuline α et tubuline β), les microtubules assurent de  nombreuses fonctions. Ils séparent les chromosomes destinés aux deux cellules filles lors de la division cellulaire, ils contribuent à la polarité des cellules, à la morphologie et à la migration cellulaire. Ils forment des sortes de rails sur lesquels sont transportés des constituants cellulaires tels que des protéines ou des brins d’ARN.

Ces fonctions cellulaires sont régulées grâce à l’existence de « signaux » présents à la surface des microtubules. Ces signaux sont des modifications biochimiques des acides aminés (appelées modifications post-traductionnelles car elles ont lieu après la synthèse de la protéine) qui sont réalisées par plusieurs enzymes qui, ici, modifient les tubulines. 

L’enzyme TCP, identifiée après 40 ans de mystère

L’activité de l’une de ces enzymes a été mise en évidence pour la première fois en 1977 par des chercheurs argentins qui lui donnent le nom de TCP (Tubuline CarboxyPeptidase). Cette enzyme, qui n’avait jusqu’à ce jour jamais été identifiée (sa taille et sa séquence restaient inconnues), a comme fonction de supprimer le dernier acide aminé, une tyrosine, de l’extrémité de la tubuline α. C’est la réaction de détyrosination. Une enzyme réverse, la ligase TTL, est chargée de repositionner cette tyrosine à sa place. C’est la tyrosination. Ce cycle de détyrosination/tyrosination est vital pour la cellule et l’organisme. Une détyrosination massive (anormale) est observée dans plusieurs cancers sévères et maladies cardiaques. 

Identifier et caractériser la TCP constituait donc un objectif majeur pour comprendre la fonction physiologique de la détyrosination de la tubuline α et pour évaluer les conséquences de son inhibition.

Pour isoler la TCP, les chercheurs ont suivi son activité, utilisé des techniques classiques de biochimie et fait appel à des chimistes de l’Université de Stanford qui ont développé une petite molécule inhibitrice de son activité. Cette molécule a été utilisée comme hameçon pour « pêcher » l’enzyme convoitée.

Cycle de détyrosination/tyrosination de la tubuline
Les microtubules sont des fibres présentes dans toutes les cellules composées d’un empilement de tubulines α/β. La tubuline α porte une tyrosine (Y) à son extrémité qui est alternativement enlevée et replacée par deux enzymes, modifiant ainsi la surface des microtubules. La TCP (représentée par une scie composée de deux éléments, VASH/SVBP) est responsable de la détyrosination. La TTL (représentée par un tube de colle) replace la tyrosine sur la tubuline. Ce cycle est essentiel aux diverses fonctions des microtubules dans les cellules (division, migration, …) et vital pour l’organisme. © C. Bosc, GIN

Au final, ce ne sont pas une, mais deux enzymes qui ont été découvertes ! Ces dernières, dénommées VASH1 et VASH2, étaient déjà connues des scientifiques mais sans savoir qu’il s’agissait d’enzymes en lien avec le cytosquelette. Les chercheurs ont montré qu’à la condition d’être associées à une protéine partenaire appelée SVBP, VASH1 et VASH2 sont capables de détyrosiner la tubuline α. Pour le démontrer, les chercheurs ont supprimé leur expression (ou celle de leur partenaire SVBP) dans les neurones. Ils ont alors observé une très forte diminution du taux de détyrosination de la tubuline α, ainsi que des anomalies dans la morphologie des neurones (v. Figure). Les chercheurs sont allés plus loin en montrant que ces enzymes sont également impliquées dans le développement du cortex cérébral.

Des perspectives pour la lutte contre le cancer

Ainsi, quarante ans après les premiers travaux sur la détyrosination de la tubuline α, les enzymes responsables ont été démasquées ! Dorénavant, les scientifiques espèrent qu’en modulant l’efficacité de la TCP et en améliorant les connaissances du cycle détyrosination/tyrosination, ils pourront mieux lutter contre certains cancers et progresseront dans la connaissance des fonctions cérébrales et cardiaques.

Photographies de l’altération des neurones par une réduction de l’expression des enzymes TCP (VASH/SVBP. De gauche à droite : neurone contrôle, neurones dans lesquels l’expression de VASH1 et VASH2 est réduite, neurones dans lesquels l’expression de SVBP est réduite. Les neurones ayant moins d’enzyme présentent un retard de développement et des anomalies morphologiques. © L. Peris /GIN


[1] Les instituts suivants sont impliqués : Grenoble Institut des neurosciences, GIN (Inserm/Univ. Grenoble Alpes); l’Institut de biosciences et biotechnologies de Grenoble, BIG (Inserm/CEA/Univ. Grenoble Alpes) ; l’Institut pour l’avancée des biosciences, IAB (Inserm/CNRS/Univ. Grenoble Alpes), le Department of Pathology, Stanford University School of Medicine (Stanford, USA), l’Institut de génétique humaine, IGH (CNRS/Univ. de Montpellier), le Centre de recherche en biologie cellulaire de Montpellier, CRBM (CNRS/Univ. de Montpellier).

[2] La tyrosine est l’un des 22 acides aminés qui constituent les protéines

Les antibiotiques perturbent l’efficacité de l’immunothérapie

 

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Une étude publiée dans la revue Science par des chercheurs de Gustave Roussy, l’Inserm, l’Inra, l’AP-HP, IHU Méditerranée Infection et l’Université Paris-Sud démontre que la prise d’antibiotiques affecte l’efficacité d’un traitement par immunothérapie chez des patients atteints d’un cancer. Or, environ 20% des malades du cancer sont sous antibiothérapie. En analysant le microbiote intestinal de patients par métagénomique, les chercheurs ont montré que la présence de la bactérie Akkermansia muciniphila est associée à une meilleure réponse des patients à l’immunothérapie par anticorps anti-PD-1. De plus, en administrant cette bactérie à des souris comportant un microbiote défavorable, l’activité anti-tumorale de l’immunothérapie est restaurée.

Véritable révolution thérapeutique, l’immunothérapie a prouvé sa supériorité sur le traitement standard dans la prise en charge du mélanome métastatique, du cancer du poumon, du rein ou encore de la vessie mais son efficacité est limitée à une proportion de malades. «Nos travaux expliquent en partie pourquoi certains patients ne répondent pas. La prise d’antibiotiques a un impact négatif sur la survie des malades sous immunothérapies. La composition du microbiote est un facteur prédictif de réussite » résument le Dr Bertrand Routy, médecin hématologue à l’origine de ces travaux et sa directrice, le Pr Laurence Zitvogel, directrice du laboratoire « Immunologie des tumeurs et immunothérapie » (Inserm/Université Paris-Sud/Gustave Roussy).

Dans une première série, sur 249 patients traités par immunothérapie basée sur l’anti-PD-1/PD-L1 pour un cancer avancé du poumon, du rein ou de la vessie, 28% avaient pris des antibiotiques à cause d’une infection dentaire, urinaire ou pulmonaire mais leur état de santé général n’était pas différent de celui des patients non traités par antibiotiques.

Les résultats de l’étude démontrent qu’en créant un déséquilibre au niveau du microbiote intestinal (ou dysbiose), la prise d’antibiotiques deux mois avant et jusqu’à un mois après le début du traitement a un impact négatif sur la survie sans progression de la maladie  et la survie globale des patients dans ces trois types de cancer.

Un microbiote favorable déterminé par métagénomique

La composition précise du microbiote intestinal a été établie par métagénomique avant puis pendant le traitement sous immunothérapie chez 153 patients atteints d’un cancer du poumon ou du rein. Cette analyse de tous les gènes bactériens présents dans le microbiote intestinal a été menée par l’Inra (MétaGénoPolis, Dr Emmanuelle Le Chatelier). Une composition favorable, enrichie en Akkermansia muciniphila, a été identifiée chez les patients répondant le mieux à l’immunothérapie et chez ceux dont la maladie était stabilisée pendant au moins 3 mois.

Booster un microbiote défavorable

Pour prouver un lien direct de cause à effet entre la composition du microbiote intestinal et l’efficacité de l’immunothérapie, un microbiote favorable (provenant de patients ayant démontré une bonne réponse clinique à l’immunothérapie anti-PD-1) et un microbiote défavorable (provenant de patients en échec) ont été transférés à des souris qui en étaient dépourvues. Les souris transplantées avec le microbiote favorable présentaient une évolution favorable lorsqu’elles étaient traitées par immunothérapie contrairement à celle comportant le microbiote défavorable. Chez ces dernières, l’administration d’Akkermansia muciniphila a permis de restaurer l’efficacité de l’immunothérapie par anti-PD-1. En modifiant le microbiote de la souris, l’efficacité de l’immunothérapie a été rétablie grâce à l’activation de certaines cellules du système immunitaire.

Les résultats d’une équipe américaine (Dr Jennifer Wargo, MD Anderson, Houston, Texas) publiés en même temps dans la même revue viennent appuyer ces données en démontrant que la composition du microbiote de patients atteints d’un mélanome métastatique permet de prédire leur réponse à une immunothérapie anti-PD-1.

Ces travaux se poursuivent dans le cadre du projet Torino-Lumière (programme d’investissement d’Avenir de 9 M€). L’objectif du projet Torino-Lumière est de développer de nouveaux marqueurs prédictifs de la réponse thérapeutique aux immunothérapies des patients porteurs de cancers bronchiques, à partir de l’étude de leur microbiote. Une étude prospective multicentrique a démarré en 2016 avec pour objectif d’établir des signatures bactériennes favorables afin de développer des traitements basés sur une combinaison bactéries/immunothérapies.

À propos de l’immunothérapie

Les immunothérapies ont engendré une révolution thérapeutique en cancérologie. Ces nouvelles immunothérapies, par transfert de lymphocytes T activés ou par anticorps monoclonaux (anti-CTLA4 ou anti-PD1) ou bispécifiques, déclenchent le réveil du système immunitaire du patient.  Elles permettent non seulement de réduire la taille des tumeurs mais aussi, et pour la première fois, de prolonger notablement la survie des malades voire de les guérir de cancers métastatiques ou localement avancés.

À propos du microbiote intestinal

Le microbiote intestinal (anciennement appelé flore intestinale) est un écosystème complexe composé de 100 000 milliards de bactéries, virus, archae, parasites, levures… Ceux-ci colonisent l’intestin dès la naissance et participent à la maturation des défenses immunitaires. Chaque individu est doté d’un microbiote qui lui est propre. Sa composition est dictée par des facteurs génétiques, nutritionnels et environnementaux.

Le Yin et Yang des irradiations à faibles doses sur l’hématopoïèse

Une équipe de chercheurs du CEA, de l’Inserm, des universités Paris-Sud et Paris Diderot a montré qu’une exposition à des faibles doses d’irradiation (0.02 Gy) entraîne une perte de fonction des cellules souches hématopoïétiques[1] (CSH). Cette équipe montre aussi qu’une irradiation à cette faible dose facilite la prise de greffe de moelle osseuse sans myéloablation[2]. Ces résultats, parus dans Cell Reports le 26 septembre 2017, montrent à la fois les aspects délétères et bénéfiques d’une irradiation à faibles doses.

Quelles sont les conséquences d’une exposition à de faibles doses de rayonnements ionisants, par exemple lors d’examens médicaux utilisant les rayons X ? Des études épidémiologiques préalables ont associé les expositions à de faibles doses d’irradiation (<0.1 Gy) à l’augmentation de la fréquence d’apparition de maladies hématologiques. Cependant aucun lien biologique entre une exposition à de faibles doses d’irradiation et des anomalies de cellules hématopoïétiques n’avait été montré. Les résultats obtenus par les chercheurs du CEA, de l’Inserm, de l’Université Paris Sud et l’Université Paris Diderot montrent qu’une irradiation à faibles doses de cellules souches hématopoïétiques (CSH), cellules à l’origine de l’ensemble des cellules sanguines, entraîne une diminution du nombre de CSH et de leur fonctionnalité. Ces effets sur les cellules souches sont aussi observables in vivo en cas d’inflammation et pourraient conduire à un défaut de production des cellules sanguines et à des risques d’aplasie médullaire[3] ou de transformation leucémique.

Cette équipe a utilisé cette propriété pour tester un nouveau protocole pouvant permettre une prise de greffe de moelle osseuse sans myéloablation. En effet, le protocole, actuellement utilisé lors de transplantation de moelle osseuse autologue[4] consiste en la destruction médicamenteuse de la moelle osseuse du patient avant la greffe (myéloablation), destruction qui est malheureusement associée à de nombreux effets secondaires indésirables. En se basant sur leurs observations, les chercheurs ont montré qu’une irradiation à une très faible dose, dose utilisée en imagerie médicale, précédée d’un traitement actuellement utilisé en clinique et qui permet la sortie des CSH de la moelle osseuse, permettait une prise de greffe de moelle osseuse sans myéloablation.

Ces résultats indiquent la nécessité d’une prise en charge attentive lors d’imageries médicales en particulier chez des patients présentant un syndrome inflammatoire mais pourraient aussi apporter un bénéfice thérapeutique majeur pour les patients candidats à une transplantation de moelle osseuse autologue en particulier lors de protocole de thérapie génique.
 

Cellules souches hématopoïétiques (CSH), non irradiée (à g.) et irradiée (à d.) à la dose de 0,02 Gy. Marquage en bleu du noyau et en rouge de la protéine Nrf2 activée et nucléaire, témoin de la réponse de la CSH au stress oxydatif engendré par l’irradiation à 0.02 Gy.

 


[1] Cellules souches de la moelle osseuse à l’origine des cellules sanguines : globules rouges, plaquettes et globules blancs.
[2] Destruction médicamenteuse de la moelle osseuse du patient avant la greffe.
[3] Insuffisance de production par la moelle osseuse des différentes lignées sanguines, secondaire à la raréfaction plus ou moins durable des cellules souches hématopoïétiques.
[4] Aussi appelée autogreffe, la greffe autologue en thérapie génique consiste à prélever des cellules souches hématopoïétiques chez un patient et à reconstituer son hématopoïèse avec ses propres cellules souches génétiquement modifiées.

Prédire l’efficacité d’un traitement dans le cancer du poumon grâce à deux prises de sang

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4% des patients atteints d’un cancer du poumon non à petites cellules (CBNPC) sont porteurs du réarrangement de gène ALK. Les chercheurs de Gustave Roussy, de l’Inserm et de l’Université Paris-Sud démontrent que l’on peut aujourd’hui prédire l’efficacité de leur traitement (crizotinib) grâce à deux prélèvements sanguins. Ces prises de sang (avant et 2 mois après le début du traitement) permettent de mesurer la variation du nombre de cellules tumorales circulantes[1] (CTC) porteuses d’une anomalie génétique particulière (nombre anormal de copies du gène ALK). Une diminution du nombre de ces cellules permet de prédire une survie sans rechute plus longue chez ces patients. Ces travaux sont publiés dans la revue Cancer Research le 1er mai. Ils illustrent le potentiel des CTC en tant que biopsie liquide.

« L’importance et la durée de la réponse au crizotinib est impossible à prévoir et l’apparition d’une résistance est très variable selon les patients, de quelques mois à plusieurs années. Aujourd’hui il n’y a aucun moyen de distinguer les patients qui vont avoir une réponse durable de ceux qui vont résister précocement. Identifier un biomarqueur est un fort enjeu pour eux car d’autres traitements ciblant la résistance au crizotinib ont été développés » explique Françoise Farace, directrice de la plateforme cellules circulantes rares à Gustave Roussy.

Disponible depuis 2011, le crizotinib est le traitement standard pour les patients atteints d’un cancer du poumon non à petites cellules porteurs du réarrangement de gène ALK. Ces patients sont généralement jeunes et non-fumeurs.

Les 39 patients inclus dans cette étude ont tous eu une prise de sang avant de débuter le crizotinib. Une deuxième prise de sang a été réalisée deux mois après chez 29 patients (les échantillons de sang de 10 patients suivis dans d’autres centres n’ont pas pu être analysés). Dans les deux prélèvements de sang, les chercheurs ont isolé les CTC dans lesquelles ils ont analysé le réarrangement de gène ALK ainsi que la présence d’un nombre anormal  de copies de ce gène.

Les patients chez lesquels le nombre de CTC présentant une anomalie du nombre de copies du gène ALK diminue au cours des deux premiers mois de traitement, ont une survie sans progression significativement plus longue. La médiane de survie sans progression de la maladie était de 14 mois pour ces 13 patients,  et de 6 mois pour les 16 patients chez lesquels le nombre de ces cellules augmente ou est stable.

« Ces résultats doivent être confirmés par d’autres études pour pouvoir être exploités en routine clinique. Dans ce cas, deux prélèvements sanguins suffiront à prédire l’efficacité du crizotinib chez ces patients alors que ni les biopsies tumorales qui sont invasives et pas toujours réalisables, en particulier sous traitement, ni l’ADN circulant, ni la seule analyse des CTC avant traitement ne le permettent » conclut Françoise Farace.

[1] Présentes dans le sang en faible quantité, les cellules tumorales circulantes ou CTC peuvent être isolées des autres éléments sanguins et analysées. Leur analyse est plus complexe que le séquençage de l’ADN circulant, mais elles peuvent apporter des informations plus complètes.

La composition du microbiote intestinal prédit l’efficacité et la tolérance de l’immunothérapie du cancer chez l’homme

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Des équipes de l’AP-HP, de l’INRA, de Gustave Roussy et de l’Inserm montrent le rôle du microbiote dans la réponse aux immunothérapies du cancer. Elles révèlent que chez l’homme, la composition du microbiote intestinal aide à identifier les malades qui vont répondre favorablement ou non au traitement du mélanome, l’ipilimumab. Cette étude clinique, menée chez 26 patients, suggère qu’une modification de la composition du microbiote intestinal pourrait améliorer l’efficacité du traitement.

Ces résultats sont publiés dans la revue Annals of Oncology et constituent une nouvelle étape vers le traitement personnalisé des cancers.

Le microbiote intestinal est composé de plus de 100 000 milliards de bactéries et joue un rôle primordial dans le développement du système immunitaire. Il constitue un sujet de recherche en plein essor. Les équipes de recherche françaises se mobilisent pour connaître son rôle dans les maladies afin d’améliorer l’efficacité des traitements.

Dans cette étude réalisée chez l’homme, le Pr Franck Carbonnel, Chef du service de gastro-entérologie à l’hôpital Bicêtre, AP-HP, le Dr Patricia Lepage de l’INRA, le Pr Caroline Robert et le Pr Nathalie Chaput de Gustave Roussy ont étudié le microbiote intestinal de 26 patients atteints de mélanome avec des métastases et traités par l’anticorps monoclonal ipilimumab.

L’ipilimumab est une immunothérapie par anticorps anti-CTLA4 qui mobilise le système immunitaire du patient pour combattre la maladie. Le traitement est efficace chez une partie des malades, au prix d’effets indésirables sérieux, tels que des entérocolites qui ressemblent à la maladie de Crohn.

Les équipes ont montré que la composition du microbiote intestinal permet de reconnaître à l’avance les malades pour lesquels le traitement sera bénéfique ou non et ceux qui vont développer une entérocolite.

Les patients qui présentent une flore riche en bactéries Faecalibacterium et autres Firmicutes (notamment Faecalibacterium prausnitzii, Gemmiger formicilis et d’autres bactéries produisant du butyrate ; profil A) ont une meilleure réponse au traitement que les patients dont le microbiote est riche en bactéries du type Bacteroides (profil B). Par ailleurs, les patients présentant le profil A sont davantage sujets aux entérocolites que les patients du profil B.

Ces résultats confirment le rôle du microbiote dans la réponse aux immunothérapies du cancer. Ils ouvrent la voie à une meilleure identification des malades pouvant bénéficier de ces traitements. Enfin, ils constituent une étape majeure vers une manipulation de la composition de la flore intestinale afin d’améliorer l’efficacité de l’immunothérapie. Des recherches restent à mener pour limiter les effets secondaires induits par le traitement.

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