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A l’origine de l’asymétrie, une protéine qui donne le tournis

Doigt de migration cellulaire précédé par une cellule leader. En bleu, les noyaux des cellules, en vert, l’actine, en rouge, la myosine. Le câble pluricellulaire d’acto-myosine est bien visible sur les bords du doigt. ©Inserm/Cochet-Escartin, Olivier, 2014

L’asymétrie joue un rôle majeur en biologie, à toutes les échelles : enroulement en spirale de l’ADN, cœur positionné à gauche, préférence pour la main gauche ou la droite… Une équipe de l’Institut de biologie Valrose (CNRS/Inserm/Université Côte d’Azur), en collaboration avec des collègues de l’université de Pennsylvanie, a montré qu’une unique protéine induit le mouvement en spirale d’une autre molécule puis, par effet domino, la torsion des cellules, des organes et du corps entier, jusqu’à déclencher un comportement latéralisé. Ces travaux sont publiés dans la revue Science le 23 novembre 2018.

Notre monde est fondamentalement asymétrique : enroulement de la double hélice d’ADN, division asymétrique des cellules souches, localisation du cœur humain à gauche… Mais comment émergent ces asymétries et sont-elles liées les unes aux autres ?

À l’Institut de biologie Valrose l’équipe du chercheur CNRS Stéphane Noselli comprenant aussi des chercheurs de l’Inserm et de l’Université Cote d’Azur étudie depuis plusieurs années l’asymétrie droite-gauche afin de résoudre ces énigmes. Ces biologistes avaient identifié le premier gène contrôlant cette asymétrie chez la mouche du vinaigre (drosophile), l’un des organismes modèles préférés des biologistes. Plus récemment, l’équipe a montré que ce gène joue le même rôle chez les vertébrés : la protéine qu’il produit, la myosine 1D[1], contrôle l’enroulement ou la rotation des organes dans le même sens.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont induit la production de myosine 1D dans des organes normalement symétriques de la drosophile, comme les trachées respiratoires. De façon spectaculaire, cela a suffi à induire une asymétrie à tous les niveaux : cellules déformées, trachées s’enroulant sur elles-mêmes, organisme entier torsadé, et comportement de nage hélicoïdale des larves de mouches. Chose remarquable, ces nouvelles asymétries se développent toujours dans le même sens.

Afin d’identifier l’origine de ces effets en cascade, des biochimistes de l’université de Pennsylvanie ont apporté leur concours : ils ont mis en présence, sur une lame de verre, la myosine 1D et un composant du « squelette » des cellules, l’actine. Ils ont alors pu constater que l’interaction des deux protéines entraine un mouvement en spirale de l’actine.

Outre son rôle dans l’asymétrie droite-gauche chez la drosophile et les vertébrés, la myosine 1D apparaît donc comme une protéine unique capable à elle seule d’induire l’asymétrie à toutes les échelles, d’abord au niveau moléculaire, puis, par effet domino, cellulaire, tissulaire et comportemental.

Ces résultats suggèrent un mécanisme possible d’apparition soudaine de nouveaux caractères morphologiques au cours de l’évolution, comme par exemple la torsion du corps des escargots. La myosine 1D aurait toutes les caractéristiques requises pour l’émergence de cette innovation, puisque son expression suffit à elle seule à induire la torsion à toutes les échelles.

[1] Les myosines sont une classe de protéines qui interagissent avec l’actine (constituant du squelette des cellules ou cytosquelette). La plus connue d’entre elles, la myosine musculaire, est responsable de la contraction musculaire.

Identification d’un facteur génétique à l’origine de la fibrose pulmonaire qui complique la polyarthrite rhumatoïde

 Radiographie de mains de patient atteint de polyarthrite rhumatoïde, déviation cubitale. ©Inserm/Cantagrel, Alain, 1993

Les équipes de rhumatologie, de pneumologie, de génétique et le département hospitalo-universitaire FIRE de l’hôpital Bichat Claude-Bernard AP-HP, en collaboration avec l’Inserm, l’Université Paris Diderot, le Broad Institute of MIT and Harvard, Cambridge, Massachusetts, USA, ont découvert que l’allèle rare du variant rs35705950 du gène MUC5B multiplie par 6 le risque de survenue d’une fibrose pulmonaire chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR). Cette large étude d’association génétique démontre l’existence d’une base génétique commune entre la fibrose pulmonaire associée à la polyarthrite rhumatoïde et la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI). Ces résultats, obtenus avec la participation d’un réseau national et international de pneumologues et rhumatologues, sont publiés dans la revue The New England Journal of Medicine le 20 octobre 2018. Ils constituent une première étape dans la compréhension des pneumopathies interstitielles diffuses (PID) de la polyarthrite rhumatoïde, complication grave dont la prise en charge thérapeutique n’est actuellement pas codifiée.

 Les équipes ont testé l’influence du principal facteur de risque génétique de la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) : le variant rs35705950 du gène MUC5B

Cette étude d’association génétique cas-témoins, coordonnée par le Pr Philippe Dieudé, en collaboration avec le Pr Bruno Crestani, a comparé 620 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde avec pneumopathie interstitielle diffuse (PID), 614 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde sans PID et 5448 individus témoins, issus de 7 pays distincts (France, Grèce, Pays-Bas, Japon, Chine, Mexique et USA).

Les résultats de ce travail collaboratif international montrent une contribution du variant MUC5B rs35705950 dans le déterminisme de la PID au cours de la polyarthrite rhumatoïde. 

La présence de l’allèle à risque multiplie par 3 le risque de survenue de la pneumopathie interstitielle diffuse (PID) et par 6 celui de pneumopathie interstitielle commune (PIC) (forme la plus sévère de PID). Enfin, une phase exploratoire explorant 12 autres marqueurs de susceptibilité de la FPI suggère l’existence d’une architecture génétique commune entre la FPI et la fibrose pulmonaire de la polyarthrite rhumatoïde.

Ce travail est le premier à montrer qu’il existe des voies communes entre les deux maladies– la fibrose pulmonaire de la polyarthrite rhumatoïde et la fibrose pulmonaire idiopathique – et apporte un argument de poids pour favoriser des études d’intervention thérapeutique dans la fibrose pulmonaire associée à la polyarthrite rhumatoïde, utilisant les médicaments anti-fibrosants déjà validés dans la fibrose pulmonaire idiopathique.

 

Pour en savoir plus

La pneumopathie interstitielle diffuse (PID) est une manifestation extra-articulaire fréquente et très sévère de la polyarthrite rhumatoïde (PR), qui affecte près de 30% des patients atteints de PR, et évolue progressivement vers une fibrose pulmonaire irréversible dans environ 40 à 50 % des cas. Ainsi, la survenue d’une PID est responsable d’environ 7 à 10% des décès chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et la médiane de survie varie entre 2 et 5 ans après l’apparition des signes fonctionnels pulmonaires. Les facteurs de risques et les mécanismes physiopathologiques qui expliquent l’apparition de fibrose pulmonaire au cours de la PR restent en grande partie méconnus. 

La fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) est une maladie pulmonaire caractérisée par une fibrose progressive, au cours de laquelle il n’existe pas d’atteinte extra-respiratoire, pour laquelle les origines génétiques sont connues. 

La fibrose pulmonaire de la polyarthrite rhumatoïde présente des similitudes avec la fibrose pulmonaire idiopathique, notamment une prévalence élevée de la pneumopathie interstitielle commune (PIC), des facteurs de risques environnementaux partagés (tel que le tabagisme) et un pronostic très sévère.

Des chercheurs à Généthon démontrent la possibilité de ré-administrer une thérapie génique

Crédits: Thérapie génique dans le traitement de la cécité, Inserm/Dubus, Elisabeth

Des chercheurs de Généthon, le laboratoire de l’AFM-Téléthon, et de l’Inserm, en collaboration avec la biotech américaine Selecta Biosciences, démontrent la possibilité de ré-administrer une thérapie génique par vecteur AAV (virus adéno-associé), sans réponse immunitaire, grâce à des nanoparticules de rapamycine, un immunosuppresseur. Une première scientifique, dont les résultats sont publiés ce jour dans la revue Nature Communications, qui, à terme, renforcera l’efficacité thérapeutique de la thérapie génique.

La thérapie génique consiste à injecter un gène-médicament dans un organisme grâce un vecteur, un « moyen de transport » capable de franchir toutes les barrières biologiques de la cellule jusqu’au noyau. Les vecteurs les plus utilisés sont dérivés de virus, notamment AAV (virus adéno-associé). Les vecteurs AAV sont notamment utilisés pour la thérapie génique du muscle, du foie, de l’oeil… Une des limites de ces vecteurs est que, une fois injectés, ils induisent une réaction immunitaire du sujet traité rendant impossible la ré-administration du produit de thérapie génique, pourtant parfois nécessaire pour assurer l’efficacité d’un traitement sur le long terme, en particulier dans les applications systémiques (corps entier) et/ou pédiatriques.

C’est pourquoi une équipe de Généthon / Inserm dirigée par le Dr Federico Mingozzi, a cherché à contourner cet obstacle biologique et rendre ainsi l’organisme des malades tolérant à une seconde injection de thérapie génique par AAV. Pour y parvenir, les chercheurs ont utilisé des nanoparticules de rapamycine, un immunosuppresseur connu, développées par la biotech américaine Selecta Biosciences, qu’ils ont injecté simultanément à un vecteur AAV par voie intraveineuse. Ils ont constaté, sur des modèles animaux, que cette administration simultanée inhibe les réactions immunitaires de l’organisme.

Cette première scientifique est prometteuse pour le traitement des maladies génétiques rares car, si l’efficacité de cette technique est confirmée, elle permettrait de traiter les malades dès les premiers signes de la maladie et de réinjecter un médicament de thérapie génique si l’effet thérapeutique devait s’atténuer avec le temps.

« Lorsque nous envisageons un traitement par thérapie génique, en l’occurrence pour des maladies rares, nous savons que nous ne pouvons injecter les patients qu’une seule fois donc il faut être sûr d’intervenir au bon moment. Par exemple, pour la maladie de Crigler-Najjar, nous avons fait le choix de traiter à partir de l’âge de maturité du foie (10 ans) pour que l’efficacité du traitement soit optimale. Si les prochaines études, qui sont déjà en cours, devaient confirmer l’efficacité de cette nouvelle technique, l’approche sera différente et nous pourrions traiter les enfants beaucoup plus tôt » souligne Federico Mingozzi, chercheur à Généthon et directeur de recherche à l’Inserm.

« Cette première scientifique est une nouvelle démonstration de la capacité d’innovation de notre laboratoire Généthon et de la qualité de nos chercheurs qui, sans cesse, imaginent, développent et innovent pour faire émerger de nouvelles solutions thérapeutiques pour les maladies rares. Cette avancée prometteuse ouvre de nouvelles perspectives pour la thérapie génique et de nouveaux espoirs pour les malades. » déclare Frédéric Revah, directeur général de Généthon.

A propos de Généthon – www.genethon.fr
Créé et financé par l’AFM-Téléthon, Généthon a pour mission de mettre à la disposition des malades des traitements innovants de thérapie génique. Après avoir joué un rôle pionnier dans le décryptage du génome humain, Généthon est aujourd’hui, avec près de 180 chercheurs, médecins, ingénieurs, spécialistes des affaires réglementaires…, un des principaux centres internationaux de recherche et développement préclinique et clinique de traitements de thérapie génique pour les maladies rares.
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L’AFM-Téléthon est une association de malades et de parents de malades engagés dans le combat contre la maladie. Grâce aux dons du Téléthon (89,2 millions d’euros en 2017), elle est devenue un acteur majeur de la recherche biomédicale pour les maladies rares en France et dans le monde. Elle soutient aujourd’hui des essais cliniques concernant des maladies génétiques de la vue, du sang, du cerveau, du système immunitaire, du muscle. À travers ses laboratoires, c’est également une association atypique en capacité de concevoir, produire et tester ses propres

Nouvelle classification des myosites, maladies rares du muscle : une étape déterminante vers un meilleur diagnostic et des traitements personnalisés

Coupe transversale de muscle humain, régénération de fibres musculaires après un traitement de la myopathie de Duchenne. Crédits: Inserm/Fardeau, Michel

L’équipe « Myopathies inflammatoires et thérapies innovantes ciblées »  de l’Institut de Myologie, dirigée par le Pr Olivier Benveniste, a mis en évidence une nouvelle classification des myosites, maladies inflammatoires du muscle. Désormais, 4 nouveaux types de myosites, prenant en compte tous les critères cliniques des patients, sont définis. Ces travaux impliquant des équipes de recherche de l’Institut de Myologie, de l’Inserm, de l’AP-HP et de Sorbonne Université, publiés ce jour dans la revue JAMA, ouvrent la voie à un diagnostic fiable et à des traitements personnalisés.

Les myosites (ou myopathies inflammatoires) constituent un groupe de maladies rares auto-immunes du muscle, c’est-à-dire des maladies dans lesquelles le système immunitaire, chargé de protéger l’organisme contre des attaques extérieures (microbe, virus…), se dérègle et s’attaque à l’organisme (ici le muscle). Elles concernent entre 3 000 et 5 000 adultes et enfants en France.

Si toutes les myosites ont une composante auto-immune, chacune possède des mécanismes de déclenchement qui lui sont propres. Jusqu’à présent, la classification identifiait 3 types de myosites (polymyosite, dermatomyosite, myosite à inclusions) selon un système de classification établi en 1975 puis mis à jour en 2017 (critères ACR,/EULAR des Rhumatologues) et fondé essentiellement sur des critères cliniques et histologiques. Le Pr Olivier Benveniste, responsable de l’équipe « Myopathies inflammatoires et thérapies innovantes ciblées » à l’Institut de Myologie, suivant quotidiennement des patients depuis 20 années à l’hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, a identifié des erreurs diagnostiques graves liées à cette classification incomplète et, de fait, non-homogène, de ces pathologies générant parfois même des erreurs dans le traitement donné aux patients. Certains patients diagnostiqués par erreur comme ayant une myosite à inclusions ont pu être ainsi traités avec une forte dose de corticoïdes alors que ces derniers aggravent leur état.

C’est pourquoi, avec son équipe et en collaboration avec le centre de référence des maladies neuromusculaires de l’Institut de Myologie, il a lancé une étude sur 260 patients dont il a recueilli et analysé toutes les caractéristiques cliniques et notamment la présence d’auto-anticorps, parfois causes ou conséquences de la maladie. Par des méthodes statistiques innovantes et sans a priori, c’est à dire l’algorithme mathématique agrège les patients qui se ressemblent (analyse en cluster) sans intervention des chercheurs,  ces derniers ont mis en évidence une nouvelle classification avec 4 grands types de myosites : myosite à inclusions, dermatomyosite, myopathie nécrosante auto-immune, syndrome des anti-synthétases (les polymyosites ne constituant plus un type de myosite en tant que tel).

Caractéristiques des 4 types :

Myosite à inclusions : Cette myosite affecte plus souvent les hommes de plus de 60 ans. Elle est lentement progressive mais induit finalement un déficit moteur très handicapant. Elle touche plus particulièrement les quadriceps (muscle des cuisses qui servent à monter les escaliers, se relever d’une chaise, être stable à la marche…), les muscles qui servent à fermer et serrer les mains et les muscles de la déglutition. Cette maladie résiste aux traitements immunosuppresseurs classiques comme les corticoïdes. Elle est due à la présence dans le muscle d’une réaction inflammatoire (la myosite) et d’un processus neurodégénératif apparenté à la maladie d’Alzheimer (donnant les inclusions).

Dermatomyosite : Elle touche plus souvent les femmes. Les enfants peuvent être atteints. Un risque de cancer associé apparait chez les sujets les plus âgés (généralement après 60 ans). Outre la myosite avec qui entraine une faiblesse musculaire prédominante aux épaules, cette maladie est caractérisée par la présence de lésions dermatologiques typiques. Cette maladie est due à un dérèglement du système immunitaire mettant en jeu l’interféron de type 1 qui permet de se défendre contre les virus. De nouveaux traitements ciblant spécifiquement cette voie de l’interféron sont en cours de développement. Les anticorps spécifiques des dermatomyosites sont les anti-Mi2, anti-SAE, anti-NXP2, ou anti-TIF1gamma.

Myopathie nécrosante auto-immune : Il s’agit d’une atteinte purement musculaire touchant les patients de tout âge. C’est la myosite qui en l’absence de traitement conduit à l’atrophie musculaire la plus sévère et handicapante. Cette maladie est liée à la présence de deux anticorps spécifiques anti-SRP ou anti-HMGCR qui attaquent et détruisent directement les muscles. Les anti-HMGCR peuvent apparaitre après la prise de statines. Le traitement vise ici à faire disparaitre ces anticorps.

Syndrome des anti-synthétases : Cette maladie touche le muscle mais aussi les articulations (donnant un rhumatisme), et les poumons (donnant un essoufflement parfois sévère). Ici aussi, certains anticorps semblent responsables. Il s’agit des anti-Jo1, anti-PL7 ou anti-PL12.

Cette nouvelle classification est déterminante pour poser un diagnostic et proposer un traitement personnalisé aux malades.

«Nous nous sommes rendu compte que la classification actuelle des myosites n’était pas adaptée et pouvait souvent conduire à l’échec d’un traitement potentiel en raison de groupes de patients non-homogènes dans un même essai. Notre but était donc de définir une classification fondée des critères phénotypiques, biologiques et immunologiques afin de pouvoir mieux diagnostiquer les différents types de myosites et de trouver, à terme, des traitements adaptés pour les malades. Cette nouvelle classification devient une référence puisque même la FDA, qui utilisait jusqu’alors la classification américaine, recommande de se baser sur nos travaux. » explique le Pr Benveniste.

Chez la souris, une exposition au chlordécone a des effets transgénérationnels sur la production de spermatozoïdes

souris blanches et noires

Une étude coordonnée par des chercheurs de l’Inserm au sein de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail à Rennes, montre que l’exposition de souris gestantes au chlordécone[1] entraine chez leur descendance mâle (3e génération) une diminution du nombre de cellules souches germinales (à l’origine des spermatozoïdes), une atteinte de leur différenciation et une diminution du nombre de spermatozoïdes matures. Ces travaux sont publiés dans la revue Scientific Reports

Lors du développement embryonnaire, l’exposition maternelle à certains facteurs environnementaux peut avoir un impact sur le fœtus à naître. L’exposition précoce à certains perturbateurs endocriniens est suspectée d’entrainer des effets sur la fonction de reproduction.  L’objectif de cette nouvelle étude était de tester chez l’animal, l’hypothèse de conséquences sur plusieurs générations, de l’exposition au cours de la gestation au chlordécone, un perturbateur endocrinien avéré.

Il est en effet bien établi que l’exposition au chlordécone à l’âge adulte et à des doses élevées induit chez l’animal de laboratoire ainsi que chez l’homme une atteinte de la production et de la qualité spermatique. Des études épidémiologiques précédemment conduites par l’Inserm aux Antilles, ont montré que les niveaux d’exposition environnementale au chlordécone, auxquels les populations sont confrontées actuellement, ne sont pas de nature à entrainer des modifications des caractéristiques du sperme, lorsque l’exposition intervient à l’âge adulte. Mais du fait de la capacité du chlordécone à traverser la barrière placentaire, la question d’un effet de cette substance lors d’une exposition cours de la vie intra-utérine restait sans réponse.

Pour apporter des éléments de réponse, des souris gestantes ont été exposées par voie orale à une dose journalière de chlordécone connue pour ne pas induire d’effets néfastes chez cette espèce (100 μg par kg de poids corporel). La période d’exposition choisie (du 6ème au 15ème jour embryonnaire) correspond à une fenêtre critique pour la transmission d’information épigénétique aux générations suivantes mais également de vulnérabilité pour le développement des cellules germinales.

Principaux résultats : l’exposition des femelles gestantes au chlordécone entraine à la troisième génération (première génération n’ayant pas été directement exposée) une diminution du nombre de cellules souches germinales ou spermatogonies, une atteinte de leur différenciation et une diminution du nombre de spermatozoïdes matures.  

En d’autres termes, explique Fatima Smagulova, chercheuse à l’Inserm, responsable scientifique de ce travail et d’une équipe ATIP/Avenir :  » l’ensemble de la lignée germinale chez le mâle est affecté soit de manière quantitative soit de manière qualitative et ce, après deux générations. »

Ces modifications apparaissent corrélées à des changements de localisation de certaines marques épigénétiques (notamment méthylation et acétylation des histones) situées au niveau des promoteurs de gènes codants pour des facteurs de transcription, dont certains sont régulées par ESR1 (connu également sous le nom de récepteur alpha aux œstrogènes).

Enfin, des modifications de l’expression de 377 gènes codant pour des protéines impliquées dans des fonctions cellulaires essentielles (ségrégation des chromosomes, division cellulaire, réparation de l’ADN) sont observées.

Cette recherche menée chez des rongeurs montre que l’exposition prénatale au chlordécone à de faibles doses entraine des effets transgenerationnels sur la production spermatique et suggère que les propriétés hormonales de la molécule pourraient être impliquées dans les mécanismes conduisant à ces effets. Les chercheurs ignorent cependant quelle pourrait être la portée effective de ces résultats sur la fertilité des hommes résidants aux Antilles ayant été exposés au chlordécone lors de leur vie prénatale.

[1] Le chlordécone est un insecticide organochloré employé aux Antilles de 1973 jusqu’en 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. Sa présence persistante dans l’environnement est à l’origine de la contamination de diverses denrées alimentaires locales, végétales et animales, terrestres et aquatiques. La population, y compris les femmes enceintes, sont exposées comme l’ont montré des études d’imprégnation menées antérieurement par l’Inserm, l’exposition ayant lieu principalement aujourd’hui par la consommation d’aliments contaminés.

Pandoravirus : des virus géants qui inventent leurs propres gènes

Pandoravirus quercus, trouvé à Marseille. Coupe fine visualisée en microscopie électronique. Barre d’échelle : 100 nm. ©IGS- CNRS/AMU.

La famille de virus géants pandoravirus s’enrichit de trois nouveaux membres, isolés par des chercheurs du laboratoire Information génomique et structurale (CNRS/AixMarseille Université), associés au laboratoire Biologie à grande échelle (CEA/Inserm/Université GrenobleAlpes) et au CEA-Genoscope. Lors de sa découverte1, cette famille de virus avait étonné par son étrangeté – génomes géants, nombreux gènes sans équivalent connu. Dans Nature Communications le 11 juin 2018, les chercheurs proposent une explication : les pandoravirus seraient des fabriques à nouveaux gènes – et donc à nouvelles fonctions. De phénomènes de foire à innovateurs de l’évolution, les virus géants continuent de secouer les branches de l’arbre de la vie !

 

En 2013, la découverte de deux virus géants ne ressemblant à rien de connu brouillait la frontière entre monde viral et monde cellulaire[1]. Ces pandoravirus sont aussi grands que des bactéries et dotés de génomes plus complexes que ceux de certains organismes eucaryotes[2]. Mais leur étrangeté – une forme inédite d’amphore, un génome énorme[3] et atypique – posait aussi la question de leur origine. 

La même équipe a depuis isolé trois nouveaux membres de la famille à Marseille, Nouméa et Melbourne. Avec un autre virus trouvé en Allemagne, cela fait désormais six cas connus que l’équipe a comparés par différentes approches. Ces analyses montrent que, malgré une forme et un fonctionnement très similaires, ils ne partageant que la moitié de leurs gènes codant pour des protéines. Or, les membres d’une même famille ont généralement bien plus de gènes en commun…

De plus, ces nouveaux membres de la famille possèdent un grand nombre de gènes orphelins, c’est‐à‐dire codant pour des protéines sans équivalent dans le reste du monde vivant (c’était déjà le cas pour les deux premiers pandoravirus découverts). Cette caractéristique inexpliquée est au cœur de tous les débats sur l’origine des virus. Mais ce qui a le plus étonné les chercheurs, c’est que ces gènes orphelins sont différents d’un pandoravirus à l’autre, rendant de plus en plus improbable qu’ils aient été hérités d’un ancêtre commun à toute la famille !

Analysés par différentes méthodes bioinformatiques, ces gènes orphelins se sont révélés très semblables aux régions non‐codantes (ou intergéniques) du génome des pandoravirus. Face à ces constats, un seul scénario pourrait expliquer à la fois la taille gigantesque des génomes des pandoravirus, leur diversité et leur grande proportion de gènes orphelins : une grande partie des gènes de ces virus naîtrait spontanément et au hasard dans les régions intergéniques. Des gènes « apparaissent » donc à des endroits différents d’une souche à l’autre, ce qui explique leur caractère unique.  

Si elle est avérée, cette hypothèse révolutionnaire ferait des virus géants des artisans de la créativité génétique, qui est un élément central, mais encore mal expliqué, de toutes les conceptions de l’origine de la vie et de son évolution.

[1] Communiqué de presse du 18 juillet 2013 : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/3173.htm 

[2] Organismes dont les cellules sont dotées de noyaux, contrairement aux deux autres règnes du vivant, les bactéries et les archées.

[3] Jusqu’à 2,7 millions de bases.

Voir aussi « Behind the paper: Giant pandoraviruses create their own genes » sur le blog natureecoevocommunity.nature.com 

Ces recherches ont bénéficié, entre autres, d’un financement de la Fondation Bettencourt Schueller à Chantal Abergel, lauréate 2014 du prix « Coup d’élan pour la recherche française ».

Découverte d’une première cause génétique de la maladie de Whipple

Une mutation du gène IRF4 nous désarme face à la bactérie T.whipplei.

Une équipe franco-américaine associant des chercheurs de l’Inserm, de l’Université Paris-Descartes, et des médecins regroupés au sein de l’Institut Imagine à l’hôpital Necker-Enfants Malades AP-HP et de l’Université Rockefeller à New-York a découvert une cause génétique de la maladie de Whipple, pathologie intestinale chronique. En étudiant une famille dont 4 membres ont développé les symptômes, l’équipe a constaté que la mutation du gène IRF4 provoque une déficience de la réponse immunitaire face à la bactérie Tropheryma whipplei, à l’origine de la maladie. Cette bactérie, commune et rencontrée par de nombreux individus, provoque alors chez les porteurs de la mutation une infection chronique potentiellement mortelle sans traitement. Avec cette découverte, le premier pas vers une explication génétique de la maladie a été fait.

Infection bactérienne chronique, la maladie de Whipple se déclare autour de l’âge de 50 ans et peut entraîner des signes cliniques tels que diarrhées, syndrome de malabsorption, fièvre, perte de poids, atteintes articulaires, cardiovasculaires ou du système nerveux central. En l’absence ou en cas d’échec d’un traitement antibiotique, elle peut évoluer jusqu’à la mort.

La maladie est provoquée par Tropheryma whipplei, une bactérie que nous sommes nombreux à rencontrer dans notre vie (jusqu’à 50% des membres de certaines populations en sont porteurs), mais qui affecte une très faible partie des individus : seul un sujet sur un million développe les symptômes de la maladie.

L’équipe menée par le Pr. Jean-Laurent Casanova, directeur du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses à l’Institut Imagine – Inserm, Université Paris Descartes, AP-HP-, membre du service d’immunologie-hématologie et rhumatologie pédiatrique de l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, le Dr Jacinta Bustamante, enseignant-chercheur dans le même laboratoire et au sein du centre de diagnostic des déficits immunitaires à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, et le Dr. Laurent Abel, co-directeur du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses à Imagine, a constaté que plusieurs familles comptent plusieurs membres touchés par la maladie, évoquant une origine génétique.

Le chercheur Antoine Guérin, premier auteur de l’article scientifique sur cette découverte, a étudié une famille française comprenant 5 porteurs sains et 4 membres touchés par la maladie. Ces 4 patients sont tous porteurs d’une mutation du gène IRF4, qui code pour la production d’une protéine ayant un rôle clé dans l’immunité, et rendue non fonctionnelle par cette mutation. Le dysfonctionnement de ce gène rend ces patients vulnérables à une infection par T. whipplei. L’étude met également en évidence le mode de transmission de la maladie, héréditaire, autosomale dominante : hériter d’un seul allèle muté suffit à être atteint.

Avec cette étude et la découverte de cette mutation, l’équipe de recherche pose la première pierre d’une explication génétique de la maladie. Le séquençage d’une cohorte de patients n’a pas retrouvé d’autres mutations du même gène montrant ainsi une hétérogénéité génétique de la maladie. Il reste à trouver et comprendre le mécanisme de déficience immunitaire causée par la mutation du gène et à trouver d’autres mutations génétiques qui peuvent expliquer la vulnérabilité face à la maladie.

Cette avancée permet de comprendre pourquoi certains patients exposés à la bactérie sont malades ou non, d’améliorer le diagnostic, le conseil génétique aux familles et la prise en charge de patients présentant les signes de la maladie.

Ces travaux font l’objet d’une publication sur www.elifesciences.org « IRF4 haploinsufficiency in a family with Whipple’s disease », publiée le 14 Mars 2018.

Découverte d’une thérapie d’avenir pour les hémoglobinopathies

©Inserm/Féo, Claude

Grâce à la technique d’édition génomique CRISPR-Cas9, des chercheurs de l’Inserm, de l’hôpital Necker-Enfants malades-AP-HP, et de l’Université Paris Descartes au sein de l’Institut Imagine ont réussi à réactiver un gène qui pourrait améliorer l’aspect des globules rouges des malades atteints d’hémoglobinopathies telles que la drépanocytose et la bêta-thalassémie. Les équipes d’Annarita Miccio, chercheuse Inserm, du Pr. Marina Cavazzana AP-HP et Isabelle André-Schmutz, chercheuse Inserm font état de cette nouvelle piste de recherche et de traitement des β-hémoglobinopathies dans la revue Blood.

Des millions de personnes sont touchées par les formes sévères de ces maladies dans le monde. Elles se caractérisent par une altération de l’expression du gène codant pour la globine-β : l’un des composants essentiels de l’hémoglobine. Ces altérations peuvent mener à un défaut d’expression de la globine-β, comme dans le cas des β-thalassémies, ou par une agrégation de l’hémoglobine en fibrilles conduisant à la déformation des globules rouges, dans le cas de la drépanocytose.

Le laboratoire d’Annarita Miccio, chercheuse Inserm, s’est tout particulièrement intéressé aux mécanismes de réactivation de l’hémoglobine fœtale. Cette hémoglobine a la particularité de comporter, en lieu et place de la globine-β, une autre globine, appelée globine-γ, qui n’est exprimée qu’au cours du développement fœtal.

La plupart des patients souffrant de β-hémoglobinopathies disposent d’une forme non altérée du gène codant pour cette protéine. Sa réactivation chez les patients thalassémiques et drépanocytaires permettrait de remplacer la globine-β mutée par la globine-γ. Ce changement conduirait à une amélioration sensible de l’état des globules rouges observée pour ces maladies et donc des symptômes associés (douleurs liées aux crises vaso-occlusives dans la drépanocytose ou correction de l’anémie dans les deux maladies).

Les résultats montrent que certaines séquences génétiques responsables du blocage de l’expression de la globine-γ peuvent être modifiées, notamment une séquence d’ADN qui freine la production de globine γ après la phase de développement fœtal. Sa suppression, à l’aide des « ciseaux génétiques » CRISPR/Cas9, réactive la synthèse de globine-γ à des taux suffisants pour être envisagés à l’avenir en protocole thérapeutique. Cette étude améliore également l’état des connaissances sur le mécanisme de régulation de l’expression des globines γ à β au cours de notre développement.

Elle contribue également au développement de protocoles thérapeutiques curatifs pour ces maladies dont la majorité des traitements actuels demeurent symptomatiques et très lourds pour les patients.

En chiffres :

La bêta-thalassémie et la drépanocytose affecteraient à elles seules près de 100 millions de personnes porteuses saines ou malades dans le monde. 60 000 nouveaux cas de β-thalassémie et 300 000 de drépanocytose sont diagnostiqués chaque année à l’échelle mondiale.

Outre la forte mortalité observée, les formes moins sévères affectent considérablement la qualité de vie de ces patients et leur prise en charge représente un coût très important pour les systèmes de santé.

Dans les pays en développement, où ces maladies ont l’incidence la plus élevée, les β-hémoglobinopathies représentent un enjeu de santé publique majeur.

Bêta-thalassémie :

– 90 millions de personnes concernées dans le monde, environ 288 000 malades

– 60 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année.

Drépanocytose :

– 43 millions de personnes dans le monde porteuses de l’allèle S moyennement affectées.

– 4,4 millions de patients homozygotes dans le monde, donc très malades.

– 300 000 nouveau-nés diagnostiqués drépanocytaires dans le monde chaque année.

– 114 000 morts dans le monde en 2015. 

Nouveau succès de thérapie génique dans la bêta-thalassémie

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Dans un article du New England Journal of Medicine paru le 19 avril, les résultats intermédiaires d’un essai clinique (HGB-205) conduit par la Pr. Marina Cavazzana et ses équipes à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP en collaboration avec l’Institut Imagine (AP-HP/Inserm/Université Paris Descartes) ainsi que ceux d’un essai multicentrique international (HGB-204) mené aux Etats-Unis, en Thaïlande et en Australie, montrent que la thérapie génique est efficace pour améliorer l’état de santé ou guérir les patients atteints de bêta-thalassémie. Ces deux essais cliniques ont utilisé le même vecteur thérapeutique « LentiGlobin », développé à l’université d’Harvard à Boston et au CEA de Fontenay-aux-Roses par le Pr. Philippe Leboulch, en collaboration avec la société américaine bluebird bio dont il est fondateur.

La Pr Marina Cavazzana, cheffe du département de biothérapie de l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, co-directrice de laboratoire du laboratoire Inserm de lymphohématopoïèse humaine à l’Institut Imagine, et son équipe ont traité des malades qui produisent désormais une hémoglobine thérapeutique en quantité suffisante pour arrêter le recours aux transfusions sanguines mensuelles.

Huit ans après la première thérapie génique dans cette maladie, réalisée par les Pr Cavazzana et Leboulch (Cavazzana et al. 2010), le vecteur lentiviral « LentiGlobin » de cette thérapie a été généré sous la direction du Pr. Leboulch des universités Paris-Sud et d’Harvard et ses collaborateurs, comme le Dr. Emmanuel Payen, au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) où le Pr Leboulch est Haut-Conseiller pour l’innovation médicale de la Direction de la Recherche Fondamentale du CEA et Directeur Scientifique Honoraire de l’Institut de recherches François Jacob. Ces essais sont promus par la société américaine bluebird bio, qui a été fondée par le Pr Leboulch à Boston. Cumulant 15 à 42 mois de suivi, les patients des deux essais ne présentent aucun effet adverse et ont repris leurs activités professionnelles ou scolaires.

Une jeune femme témoigne :

« J’ai bientôt 24 ans j’ai bénéficié d’une autogreffe il y a 4 ans. Grâce à ça aujourd’hui, je n’ai plus de transfusion mais surtout plus de Desféral, qui était mon traitement en forme de piqûre sous cutanée que je devais faire tous les jours afin de descendre ma ferritine. C’était assez compliqué, surtout mentalement car j’étais jeune et je ne me sentais pas comme les autres… Aujourd’hui je me sens mieux psychologiquement. Je ne prends qu’un traitement par voie orale qui est un antibiotique, car on m’avait enlevé la rate [endommagée par des dépôts de fer liés aux transfusions, ndlr] et un traitement hormonal. Je suis suivie à l’Hôpital L’Archet […] ainsi qu’à l’hôpital Necker par le Dr Cavazzana ainsi que le Dr Semeraro. Je vais à Paris tous les 6 mois à peu près, pour faire un bilan sur ma santé (un contrôle) mais tout va très bien. Je suis ravie, j’ai eu la chance d’avoir bénéficié de cette autogreffe et je la souhaite à toute personne malade. »

La bêta-thalassémie est l’une des maladies génétiques monogéniques les plus fréquentes. Elle est causée par plus de 200 mutations du gène de la bêta-globine (HBB) et touche près de 288 000 personnes dans le monde avec 60 000 nouveaux cas par an. Transmise selon un mode autosomique récessif, elle perturbe la production de la chaine bêta de l’hémoglobine, entraînant une anémie plus ou moins sévère. Dans sa forme majeure, la bêta-thalassémie nécessite des transfusions mensuelles, et un traitement contre l’effet délétère des dépôts de fer causés par ces transfusions. Celles-ci n’ont qu’un effet palliatif.

Le traitement curatif proposé à ces patients est en général une greffe allogénique de cellules de moelle osseuse, quand ils ne présentent pas un état clinique trop fragile et qu’ils ont un donneur compatible dans leur fratrie, ce qui n’est possible que dans environ 25% des cas. De plus, les taux de succès sont inégaux et les patients demeurent vulnérables aux infections dans les mois qui suivent la greffe et à la « maladie du greffon contre l’hôte »

Dans les essais HGB-204 et HGB-205 de phase 1-2, commencés en 2013, les chercheurs ont prélevé des cellules souches sanguines des patients. Ils les ont modifiées à l’aide du vecteur LentiGlobin BB305 pour leur apporter un gène sain substitutif, avant de les greffer aux patients préalablement conditionnés par un traitement myéloabatif.

Ces cellules souches thérapeutiques ont ainsi produit des globules rouges à l’hémoglobine saine en quantité satisfaisante. Selon les génotypes des patients, la thérapie génique les a libérés de toute transfusion (12 sur 13 patients avec un génotype non-bêta0/bêta0), ou a réduit leur volume de 73 % et diminué la fréquence des transfusions (3 des 9 patients avec un génotype bêta0/bêta0 ou deux copies de la mutation IVS1-110).

« Après la preuve de principe thérapeutique que nous avions obtenue chez un patient thalassémique et un patient drépanocytaire, ces essais multicentriques internationaux confirment la consistance et la magnitude de l’efficacité thérapeutique de notre vecteur chez de nombreux patients. Des essais cliniques de phase 3 sont maintenant en cours sur plusieurs continents avant d’effectuer la demande de mise sur le marché de ce médicament biologique» a déclaré le Pr. Leboulch.

«  La thérapie génique a de nouveau montré sa puissance thérapeutique, à condition que les expertises provenant  de différentes domaines soient réunies. A ce titre, je remercie l’ensemble des équipes soignantes de l’Hôpital Necker et  de l’AP-HP pour nous avoir fait bénéficier de cette expertise incontournable, clé du succès de ce traitement. Notre effort doit maintenant porter sur l’extension de cette approche à un grand nombre de patients » a souligné la Pr Cavazzana.

La vie de ces patients a déjà radicalement changé. Dans le cadre des essais HGB-204 et HGB-205, ils continueront à être suivis pendant 13 ans.

L’article « Gene Therapy in Patients with Transfusion-Dependent β-Thalassemia » est paru le 19 avril dans le New England Journal of Medicine

La flunarizine, nouveau candidat médicament dans le traitement de l’amyotrophie spinale

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Une équipe de chercheurs de l’Inserm (INSERM UMR 1124 « Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire ») et des universités Paris Descartes et Paris Diderot, vient de découvrir qu’un médicament déjà utilisé contre la migraine et l’épilepsie, la flunarizine, permet de réparer un défaut moléculaire lié à l’amyotrophie spinale, maladie grave et incurable. Ce travail est l’aboutissement de recherches menées depuis 1995, lorsque l’équipe Inserm à laquelle appartenait Suzie Lefebvre, directrice des travaux publiés aujourd’hui, est parvenue à identifier le gène responsable de l’amyotrophie spinale infantile. Les résultats des premiers essais chez l’animal, parus dans Scientific Reports, se révèlent extrêmement prometteurs avec une nette amélioration de l’état de santé. Ils doivent maintenant se confirmer chez l’homme. 

L’amyotrophie spinale est une maladie rare d’origine génétique. Elle touche 1 à 9 individus pour 100.000. Elle est due à une dégénérescence des motoneurones dans la moelle épinière qui entraine une perte musculaire progressive. Les symptômes apparaissent le plus souvent après la naissance, avec l’impossibilité d’acquérir le port de tête; ou un peu plus tard dans la petite enfance, avec l’impossibilité de marcher. Plus rarement, les symptômes apparaissent à l’adolescence avec des troubles musculaires importants mais compatibles avec une vie à peu près normale.

La maladie est causée par une mutation sur le gène SMN1 qui entraine un déficit en protéine SMN. C’est alors le gène SMN2, quasiment identique, qui prend le relai mais il produit en majorité une protéine SMN tronquée peu fonctionnelle.

 

Un problème d’adressage de la protéine SMN

Chez les individus sains, la protéine SMN est attirée dans des structures du noyau de la cellule appelées corps de Cajal. Y sont formés de petits ARN non codants, impliqués dans une étape de maturation des ARN messagers (l’épissage),  précurseurs des protéines. Dans l’amyotrophie spinale, les protéines SMN tronquées ne parviennent pas à rejoindre les corps de Cajal, ces derniers fonctionnent mal et la fabrication des petits ARN non codants est altérée. Ainsi, de nombreux ARN messagers présentent des problèmes de maturation et aboutissent à des protéines anormales ou déficientes et cela dans tous les tissus.

Pour tenter de restaurer ce mécanisme chez les malades, les chercheurs ont testé des molécules à visée thérapeutique in vitro, sur des cellules issues de patients atteints de la forme sévère de la maladie. L’objectif était d’en trouver une ou plusieurs capables de réacheminer les protéines SMN vers les corps de Cajal pour qu’ils retrouvent leur fonctionnalité.

 

La flunarizine efficace sur des cellules provenant de différents patients

Une seule molécule a démontré un effet sur un grand nombre de cellules de patients différents : la flunarizine, déjà utilisée dans le traitement de la migraine et de l’épilepsie. Dans un second temps, des souris malades ont été traitées dès la naissance avec cette molécule, à raison d’une injection par jour au niveau de la moelle épinière. L’espérance de vie des animaux traités a augmenté de 40% en moyenne, passant de 11 à 16 jours et même jusqu’à 36 jours pour l’un de sujets. L’analyse des motoneurones et des muscles montre qu’ils sont préservés plus longtemps chez les animaux traités. « La molécule présente un effet neuroprotecteur important bien que l’on ne se sache pas encore expliquer pourquoi », déclare Suzie Lefebvre, responsable de ces travaux et membre de l’équipe ayant découvert en 1995 le gène responsable de l’amyotrophie spinale infantile. En outre, son équipe a constaté que  la flunarizine permettait de rétablir le fonctionnement des petits ARN non codants fabriqués dans les corps de Cajal pour la maturation des ARN messagers.

 

Des résultats à confirmer chez l’homme

Reste à tester la flunarizine chez l’homme mais cette étape se heurte à la difficulté de recruter des patients dans le cadre d’une maladie rare. En outre, la plupart d’entre eux sont déjà inclus dans un essai clinique d’évaluation d’un médicament de nouvelle génération ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché en décembre 2016 et ne peuvent donc pas être mobilisés pour un second essai. A terme, les deux approches thérapeutiques qui ciblent des mécanismes différents, pourraient tout à fait devenir complémentaires pour favoriser la survie et la qualité de vie des patients.

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