Menu

De l’ADN non codant au secours des maladies des globules rouges

Des régions non codantes du génome semblent diminuer la sévérité de deux maladies des globules rouges : la bêta thalassémie et la drépanocytose. Une équipe de chercheurs dirigée par Eric Soler (Unité Inserm 967 «  Stabilité génétique, cellules souches et radiations « , hébergée au CEA de Fontenay-aux-Roses[1]) en collaboration avec une équipe anglaise et une équipe néerlandaise[2] est parvenue à élucider les mécanismes expliquant comment des séquences d’ADN non codant, autrefois appelé « ADN poubelle », et situées sur des régions très éloignées des gènes, exercent leur action pour améliorer les symptômes des bêta thalassémies et des drépanocytoses.

Ces travaux seront publiés dans la revue Journal of Clinical Investigation et seront accessibles en ligne à partir du 10 mars 2014.

Les bêta thalassémies et la drépanocytose font partie des troubles héréditaires les plus fréquents touchant les globules rouges. La drépanocytose, qui affecte 300 000 nouveau-nés chaque année, est sur le point de devenir la maladie génétique la plus fréquente en Europe. Leurs troubles sont causés par des mutations du gène de la β globine, conduisant à des altérations de l’hémoglobine adulte, responsable du transport d’oxygène dans le sang. Malgré l’implication d’un gène unique, ces deux maladies peuvent être plus ou moins sévères. De nombreux facteurs peuvent en modifier la gravité, en particulier la capacité de certains patients à produire de l’hémoglobine fœtale normalement maintenue ‘silencieuse’ chez l’adulte. Chez certains individus elle ‘échappe’ à cette répression naturelle sans aucune conséquence sur leur santé. Mais, spécifiquement chez les patients thalassémiques et drépanocytaire elle produit un effet bénéfique en compensant les défauts d’hémoglobine adulte.

Etude de la drépanocytose. © C Feo/Inserm

Les régions non codantes du génome, autrefois appelées « ADN poubelle », ont un rôle aujourd’hui reconnu dans la régulation des gènes. Leurs mutations ou variations peuvent ainsi être impliquées dans la survenue ou la sévérité de nombreuses pathologies (diabètes, maladies cardiovasculaires, cancers). Etonnamment, ces variants génétiques présents en grand nombre dans les régions non codantes du génome sont fréquemment localisés à des distances considérables des gènes.

Une équipe de chercheurs dirigée par  Swee Lay Thein avait identifié il y a plus de 10 ans, des variants génétiques liés à la production d’hémoglobine fœtale chez l’adulte. Leurs mécanismes d’action étaient restés néanmoins inexpliqués jusqu’à aujourd’hui. En effet, ces variants ne sont pas localisés sur les chromosomes qui contiennent les gènes produisant l’hémoglobine, mais se trouvent dans un ‘désert génétique’ non codant du chromosome 6q23, à des dizaines de milliers de paires de bases des gènes les plus proches.

A partir de prélèvements effectués chez des patients thalassémiques, les chercheurs ont combiné l’utilisation de techniques d’analyse de repliement des chromosomes, à des analyses d’ADN à haut débit pour élucider les mécanismes moléculaires expliquant comment les variants non codants exercent leur action et améliorent les symptômes des thalassémies et drépanocytoses.

Les chercheurs ont montré que ces variants, dans un contexte normal, interagissent physiquement avec le gène MYB, distant de plus de 80 000 paires de bases, grâce au repliement des chromosomes.  » Il faut imaginer notre ADN comme une pelote de laine. Si on déroule cette pelote ces deux régions sont très éloignées l’une de l’autre, mais au sein de la pelote, elles peuvent être très proches. » explique Eric Soler.

Or, chez les patients atteints de bêta-thalassémie ou de drépanocytoses et porteurs de ces variants, on constate une diminution des repliements des chromosomes. Les variants accèdent plus difficilement au gène MYB et l’activent moins efficacement. Cette baisse d’expression du gène MYB chez les patients thalassémiques et porteurs de ces variants, conduit à une réactivation des globines fœtales saines (normalement silencieuses chez l’adulte) permettant de reconstituer une hémoglobine fonctionnelle. « La diminution de l’expression du gène MYB permet ainsi de compenser le défaut de globines adultes et d’améliorer significativement les symptômes des bêta thalassémies et de la drépanocytose », expliquent les auteurs.

Ainsi, « le gène MYB représente une nouvelle cible thérapeutique majeure pour le traitement des bêta thalassémies et de la drépanocytose, pour lesquelles une réactivation de l’hémoglobine fœtale constitue une stratégie thérapeutique de choix », suggèrent Eric Soler et Swee Lay Thein.

Eric Soler est lauréat du programme ATIP-Avenir qui permet à de jeunes chercheurs de mettre en place et d’animer une équipe, de promouvoir la mobilité et d’attirer dans les laboratoires de jeunes chefs d’équipes de haut niveau.

Depuis leurs créations, ces deux programmes (Atip au CNRS et Avenir à l’Inserm) ont permis à plus de 406 chercheurs de constituer leur propre équipe de recherche dans les domaines des sciences de la vie et de la santé. En 2009, dans le cadre d’un partenariat, l’Inserm et le CNRS ont réuni leurs 2 programmes en un seul : Atip-Avenir


[1] CEA/DSV/iRCM – Institut de radiobiologie cellulaire et moléculaire, Fontenay-aux-Roses

[2] Les équipes de Swee Lay Thein, directeur clinique du ‘Red Cell Centre’ du King’s College Hospital de Londres, et de Frank Grosveld, professeur en spécialité Biologie Cellulaire à L’Erasmus Medical Center de Rotterdam

Améliorer la chimiothérapie en empêchant la réparation des cellules tumorales

Les chimiothérapies sont des traitements anticancéreux dont le principe consiste à induire des lésions dans l’ADN des cellules tumorales afin d’inhiber leur prolifération. Toutefois, de manière naturelle l’organisme tente de réparer ces lésions et diminue ainsi l’efficacité des chimiothérapies. Bloquer les mécanismes de réparation de l’ADN, permettrait de potentialiser la chimiothérapie en diminuant la résistance des cellules au traitement. Une équipe de chercheurs dirigée par Frédéric Coin, directeur de recherche Inserm à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg (Unité mixte Inserm/CNRS/Université de Strasbourg) a découvert une nouvelle molécule, la spironolactone, qui laisse entrevoir à très court terme son utilisation comme adjuvant aux chimiothérapies.

Leurs résultats sont publiés dans Chemistry&Biology.

Rayons UV, agents physiques ou chimiques, notre organisme est constamment soumis à des agressions provenant de notre environnement et qui provoquent des dommages plus ou moins importants sur notre ADN. Il a ainsi été développé tout un système de vérification et de réparation. Parmi ces mécanismes, la NER (Nucleotide Excision Repair) est étudiée depuis plusieurs années par les chercheurs de l’équipe de Frédéric Coin et Jean-Marc Egly à l’IGBMC. Ce mécanisme est ainsi capable de détecter une lésion, puis de remplacer le fragment d’ADN endommagé par un fragment sain.

La chimiothérapie cytotoxique vise à bloquer les divisions des cellules cancéreuses afin d’empêcher la prolifération tumorale. Parmi les molécules utilisées, pour le traitement de nombreux cancers comme le cancer colorectal, cervico-facial, ou bien celui des testicules, de la vessie, des ovaires ou des poumons, on retrouve des médicaments à base de platine. Ces molécules se lient à l’ADN cellulaire, provoquent des dommages dans ce dernier, empêchant ainsi sa réplication. Bloquer les mécanismes de réparation de l’ADN, en l’occurrence l’activité NER, permettrait de potentialiser la chimiothérapie en diminuant la résistance des cellules au traitement.

Les chercheurs de l’IGBMC se sont donc mis en quête d’une molécule inhibitrice de l’activité NER. Ils ont ainsi testé près de 1200 molécules thérapeutiques et mis en évidence l’action de la spironolactone, une molécule déjà utilisée pour le traitement de l’hypertension, sur l’activité NER.


Les chercheurs ont notamment montré que son action combinée à celle des dérivés de platine provoquait une augmentation importante de la cytotoxicité dans les cellules cancéreuses du colon et des ovaires.

La spironolactone étant déjà utilisée par ailleurs, elle ne nécessite pas de nouvelle demande de mise sur le marché et ses effets secondaires sont déjà connus. Ce résultat laisse donc présager le développement rapide de nouveaux protocoles de chimiothérapie incluant la spironolactone.

illustration coin

© Inserm/ Frédéric Coin

Visualisation par immunofluorescence, 1h après traitement, des protéines XPC (en rouge) et XPB (en vert) impliquées dans l’activité de NER. A droite le traitement avec la spironolactone induit une dégradation rapide de XPB qui explique l’inhibition de la NER.

Efficacité de la thérapie génique dans les modèles murin et canin de myopathie myotubulaire

Une équipe de chercheurs français du laboratoire Généthon, dirigée par le Dr Anna Buj Bello (Généthon/Inserm), et les équipes américaines de l’University of Washington et de Harvard Medical School, ont démontré l’efficacité d’une thérapie génique dans des modèles de la myopathie myotubulaire, une maladie neuromusculaire extrêmement sévère de l’enfant. Le transfert du gène MTM1, déficient dans la maladie, a permis de corriger les muscles atteints chez la souris et le chien et de prolonger la survie des animaux traités. Ces travaux publiés ce jour dans Science Translational Medicine ont été réalisés notamment grâce aux dons du Téléthon français et au soutien du Myotubular Trust.

Découvrir les images des chiens traités

ADN  

©fotolia

La myopathie myotubulaire est une maladie génétique liée à l’X qui touche 1 garçon nouveau-né sur 50 000. Elle est due à des mutations du gène MTM1 codant la myotubularine, une protéine impliquée dans le fonctionnement des cellules musculaires. Dans sa forme la plus grave, elle entraîne une hypotonie et faiblesse musculaire généralisée et la mort de l’enfant dans les premières années de vie. Il n’existe aujourd’hui aucun traitement efficace pour cette maladie rare très sévère.

L’étude menée par l’équipe française de Généthon, le laboratoire de l’AFM-Téléthon, des chercheurs de l’Inserm et l’équipe américaine de l’University of Washington, avait pour objectif d’évaluer l’efficacité d’une injection intraveineuse unique d’un vecteur viral adéno-associé (AAV) exprimant la myotubularine dans les muscles de souris et de chiens porteurs d’une mutation MTM1.

Dès 2009 à Généthon (Evry, France), l’équipe du Dr Anna Buj Bello, chercheur de l’Inserm, a réalisé les premières études  de thérapie génique par voie intraveineuse sur des souris atteintes de cette pathologie. Leur succès a conduit au développement d’une étude chez les chiens naturellement porteurs de cette anomalie génétique, avec les équipes américaines de Boston et de Seattle. Les vecteurs utilisés pour la thérapie génique ont été développés et fabriqués à Généthon.

Un traitement qui permet un renforcement musculaire significatif, la normalisation de la fonction respiratoire et une survie prolongée

Les résultats de l’étude indiquent une augmentation de la force musculaire, une amélioration de la fonction respiratoire ainsi qu’une meilleure mobilité, et une survie prolongée des animaux.

Il s’agit de la première démonstration de correction persistante après une unique injection intraveineuse d’AAV dans un modèle animal de maladie neuromusculaire de grande taille. Une seule dose du vecteur-médicament a ainsi permis l’expression à long terme de la myotubularine dans les muscles.

Pour le Dr Anna Buj Bello, investigatrice principale à Généthon : « ces résultats sont l’aboutissement de 4 années de recherche et montrent à quel point la thérapie génique est efficace pour cette maladie génétique du muscle. Nous pouvons enfin envisager un essai clinique chez les patients. »

Pour le Dr Martin Childers de l’Université de Washington : « Ces résultats pré-cliniques sont extraordinaires pour les maladies musculaires héréditaires. Deux des chiens traités avec cette thérapie génique AAV semblent presque normaux, même au niveau microscopique. »

Pour le Dr Alan Beggs, directeur du Manton Center for Orphan Disease Research de l’hôpital pédiatrique de Boston : « Démontrer que la thérapie génique est efficace pour prolonger la vie de ces chiens est extrêmement excitant et nous permet d’obtenir les informations nécessaires pour envisager des essais cliniques chez l’homme. »

Pour Fulvio Mavilio, directeur scientifique de Généthon et co-auteur de cette étude : « Ces résultats ont un impact important sur la perspective de développer des traitements contre des maladies neuromusculaires. Ils sont extrêmement prometteurs pour les essais à venir chez l’Homme. »

Pour Frédéric Revah, directeur général de Généthon : « Pour la première fois, les chercheurs ont obtenu un effet thérapeutique systémique sur une maladie neuromusculaire chez le chien avec une seule injection: le traitement n’agit pas localement mais dans tout l’organisme. Généthon est fier d’avoir travaillé avec les meilleures équipes dans le monde pour parvenir à ce résultat et notre prochain objectif est la mise en place d’un essai clinique chez l’homme. »

Pour Laurence Tiennot-Herment, Présidente de  l’AFM-Téléthon et de Généthon : « Ce résultat obtenu par notre laboratoire Généthon, associé aux meilleures équipes américaines, est une avancée majeure pour les familles qui mènent un combat sans relâche contre la maladie. Notre détermination à vaincre la maladie est plus forte que jamais et, grâce au soutien des donateurs du Téléthon, nous avançons, pas à pas, vers de nouvelles victoires. »

L’AFM-Téléthon en France, Muscular Dystrophy Association aux Etats-Unis, Myotubular Trust en Grande-Bretagne, Andernson Family Foundation et Joshua Frase Foundation ont participé au financement de cet essai.

Maladie de Parkinson une avancée capitale grâce à la thérapie génique

Une équipe franco-anglaise (AP-HP, Inserm, UPEC, CEA/Mircen, Oxford Biomedica, Cambridge University) a mené une étude clinique de phase 1/2 de thérapie génique chez des patients souffrant d’une forme évoluée de la maladie de Parkinson. Quinze patients ont pu bénéficier de ce nouveau traitement consistant à injecter un vecteur exprimant les gènes de trois enzymes indispensables à la biosynthèse de dopamine, qui fait défaut dans la maladie de Parkinson. Grâce à cette thérapie, certaines cellules dans le cerveau se mettent de nouveau à fabriquer et à sécréter la dopamine. Chez tous les patients, les symptômes moteurs de la maladie ont été améliorés jusqu’à 12 mois après l’administration du traitement.
Avec un recul de 4 ans, cette étude démontre à ce stade l’innocuité et la tolérance du vecteur lentiviral utilisé pour la première fois chez l’homme. Cette étude a été coordonnée par le Pr Stéphane Palfi, chef du service de neurochirurgie de l’hôpital Henri-Mondor (AP-HP). Elle fait l’objet d’une publication dans The Lancet.

Ecouter les explications du Professeur Palfi (durée 15 min)

Palfi opération

repérage des cibles en téléradiographie – © AP-HP

Parkinson, une maladie neurodégénérative fréquente

Avec environ 120 000 patients en France, la maladie de Parkinson est l’affection neurologique dégénérative la plus fréquente après la maladie d’Alzheimer. Elle se traduit essentiellement par des symptômes moteurs de sévérité progressive et croissante, tels que des tremblements, une rigidité des membres et une diminution des mouvements du corps. Cette pathologie est due à la dégénérescence des neurones produisant la dopamine, un neurotransmetteur intervenant dans le contrôle de la motricité. Actuellement, le traitement des personnes atteintes de cette maladie consiste à prendre des médicaments mimant l’action de la dopamine manquante dans le cerveau de ces patients. Si ce traitement permet d’obtenir une bonne amélioration de l’activité motrice dans les premiers stades de la maladie, des effets indésirables sévères apparaissent au fils du temps : fluctuations de l’effet du traitement et mouvements anormaux involontaires, appelés dyskinésies.

Développer un nouveau traitement permettant une restitution physiologique de la dopamine manquante

Depuis quelques années, les experts de la maladie de Parkinson, chercheurs et médecins, ont émis l’hypothèse que la prise intermittente de médicaments dans la journée altère le fonctionnement du cerveau en stimulant de manière trop irrégulière les neurones. Ce phénomène serait à l’origine des complications du traitement dopaminergique.

Les enjeux actuels du traitement de la maladie de Parkinson consistent donc à développer une technologie qui permettrait d’induire :

·  une stimulation dopaminergique continue ;

·  une stimulation dopaminergique locale afin d’induire des effets moteurs bénéfiques tout en évitant les complications consécutives à la stimulation dans d’autres régions du cerveau non atteintes par la maladie de Parkinson.

C’est pourquoi, aujourd’hui, les chercheurs se tournent vers la thérapie génique, qui consiste à faire exprimer directement un gène thérapeutique par les cellules du cerveau.


Les travaux du Pr Palfi : augmenter la synthèse de dopamine par thérapie génique


Dans la majorité des cas, la maladie de Parkinson n’est pas d’origine génétique. Cependant, les modifications biochimiques responsables des symptômes peuvent être corrigées par une stratégie de thérapie génique de type « remplacement ou restauration de fonction » pour augmenter la synthèse de dopamine (par expression des gènes impliqués dans la biosynthèse de la dopamine) et restaurer en partie la fonction des cellules dopaminergiques. C’est cette approche qui a été adoptée dans l’étude biomédicale de phase I/II coordonnée par le Pr Stéphane Palfi (hôpital Henri- Mondor, AP-HP), dont les résultats viennent d’être publiés. Quinze patients ont été opérés par le Pr Palfi, investigateur coordonnateur, dans 2 centres d’excellence de neurochirurgie : l’hôpital Henri Mondor (AP-HP) en France et l’hôpital Addenbrookes à Cambridge, au Royaume-Uni.

Pour la 1ère fois chez l’homme, l’équipe a utilisé un vecteur lentiviral 1, qui exprime les gènes de trois enzymes – AADC (décarboxylase des acides aminés aromatiques), TH (tyrosine hydroxylase) et CH1 (GTP-cyclohydrolase 1) – indispensables à la biosynthèse de la dopamine.

Le produit a été administré dans la région du cerveau appelée le striatum lors d’une opération chirurgicale lourde.

Une fois au bon endroit, les gènes contenus dans le lentivirus peuvent s’exprimer et reprogrammer des cellules qui se mettent à fabriquer et à sécréter de la dopamine dans le milieu extracellulaire. Trois niveaux de doses croissantes (1x, 2x et 5x) ont été testés.

La production de dopamine in vivo de façon locale et continue a été restaurée chez les 15 patients souffrant d’une forme évoluée de cette maladie.


Le suivi sur le long terme de ces patients (4 ans) a mis en évidence l’innocuité, la tolérance et des signes d’efficacité thérapeutique du vecteur viral indéniables et dépendant de la dose administrée : la plus forte dose de vecteur induisant des effets thérapeutiques plus importants.

« Cette étude biomédicale de thérapie génique montre l’innocuité sur le long terme du transfert de gènes par le vecteur lentiviral lorsqu’il est injecté directement dans le cerveau de patients atteints par la maladie de Parkinson » explique le Pr Stéphane Palfi. « L’analyse clinique suggère que le vecteur utilisé permet une réduction des symptômes moteurs selon la dose de vecteur administrée, la plus forte dose étant la plus efficace. Les prochains développements cliniques du vecteur auront pour objectifs de valider une construction virale améliorée permettant d’induire une libération accrue de dopamine (phase 2a). Cette phase sera suivie de l’étude de l’effet thérapeutique de ProSavin® en comparant un groupe de patients traités à un autre groupe non traité (phase 2b). Cette étude pionnière de l’utilisation en thérapie génique d’un lentivirus injecté in-situ va certainement ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques dans les maladies du système nerveux. »

Des recherches entamées en 2009

Cet essai clinique fait suite à une étude préclinique publiée en 2009, qui avait montré pour la première fois l’efficacité et l’innocuité du médicament chez un modèle animal. Réalisée au sein de la plateforme translationnelle MIRCen du CEA, elle a ouvert la voie à l’étude clinique de ProSavin®.

La thérapie génique consiste à introduire des gènes thérapeutiquesin vivo afin qu’ils s’expriment directement dans les cellules ciblées. Elle repose sur l’utilisation des vecteurs viraux, tels que les lentivirus, les adénovirus et les AAV (« adeno-associated virus », qui ont la capacité d’introduire leur matériel génétique dans le noyau des cellules hôtes. Plusieurs exigences doivent être absolument satisfaites pour qu’un virus sauvage puisse être transformé en vecteur capable d’assurer un transfert de gènes d’intérêt thérapeutique en toute sécurité : ces enveloppes virales sont débarrassées de leurs propriétés de multiplication et rendues non pathogènes.

Thérapie génique : lancement d’un essai clinique pour le traitement de la maladie de Sanfilippo B

Un essai clinique de phase I/II portant sur une thérapie génique destinée aux enfants atteints de la maladie de Sanfilippo B, une maladie génétique rare, a été lancé en octobre dernier chez un premier jeune patient. Cet essai est porté et coordonné par l’Institut Pasteur, qui en est le promoteur, ainsi que par l’Inserm,  l’AFM-Téléthon et Vaincre les Maladies Lysosomales (VML). Il est mené à Paris, à l’hôpital Bicêtre (AP-HP). Si le succès de cette thérapie se confirme, il ouvrira la voie à la mise au point d’autres traitements par thérapie génique reposant sur le même procédé.

Asthme enfant

 

© Inserm / Latron

Le syndrome de Sanfilippo est une maladie génétique rare et orpheline, qui touche environ un enfant sur 100 000. Il est dû à une mutation affectant les fonctions de digestion et de recyclage du lysosome, un des rouages de la machinerie interne des cellules. Les premiers symptômes –hyperactivité, troubles du langage– se manifestent vers l’âge de deux ans, pour évoluer ensuite vers une dégénérescence nerveuse, avec perte progressive de l’audition, de l’autonomie, et provoquer une mort prématurée le plus souvent avant 20 ans. Il n’existe à l’heure actuelle aucun traitement curatif ou symptomatique permettant de guérir ou de contrôler l’évolution de la maladie.

Cet essai clinique est le fruit de recherches collaboratives conduites depuis plus de 10 ans par l’équipe du Pr Jean-Michel Heard à l’Institut Pasteur (unité Biothérapies pour les maladies neurodégénératives, Institut Pasteur/Inserm U1115) en partenariat avec l’AFM-Téléthon et l’association Vaincre les Maladies Lysosomales (VML). Il repose sur la mise au point d’un vecteur viral capable de délivrer aux cellules du cerveau l’un des quatre gènes pouvant être mutés chez les malades, correspondant à quatre enzymes essentielles du lysosome. L’essai concerne ici la forme B de la maladie. L’apport du gène manquant doit permettre aux cellules de l’associer à leur ADN pour pouvoir produire l’enzyme faisant défaut.

Le traitement consiste en plusieurs injections intracérébrales effectuées en différentes zones du cerveau. Il a été administré à un premier malade en octobre 2013

par les professeurs Marc Tardieu et Michel Zerah, respectivement du département de neuropédiatrie de l’hôpital Bicêtre(AP-HP)et du pôle de neurochirurgie pédiatrique de l’hôpital Necker-enfants malades (AP-HP).

Le très jeune âge du patient –deux ans et demi– constitue pour les scientifiques et le corps médical un atout dans les  chances de succès de la thérapie. Trois autres enfants doivent être inclus dans l’essai au cours des prochains mois

 , grâce à la collaboration de l’association Vaincre les Maladies Lysosomales (VML).

La construction originale du vecteur viral, produit par la société uniQure, repose sur une technologie innovante qui permet la production industrielle de lots d’une très grande pureté, ce qui rend d’ores et déjà le processus compatible avec une utilisation à plus large échelle. uniQure a été choisie comme partenaire car cette société est la première à avoir reçu l’autorisation de mettre sur le marché en Europe un traitement de thérapie génique, Glybera®.

Compte-tenu de la progression lente de la maladie, il faudra attendre plusieurs années pour juger d’un éventuel effet bénéfique du traitement sur l’évolution naturelle. L’espoir soulevé par cet essai réside également dans une potentielle utilisation élargie du vecteur : en cas de succès, il pourrait être exploité pour la mise au point d’autres traitements par thérapie génique, notamment pour certaines maladies neurodégénératives.

Les mouvements des gènes observés in vivo

Certaines régions de l’ADN sont très mobiles et participent ainsi au contrôle de l’expression génétique par leurs mouvements dynamiques. L’équipe de Maria‐Elena Torres‐Padilla, directrice de recherche Inserm, à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (Inserm/CNRS/Université de Strasbourg) vient de développer une méthode permettant d’observer l’organisation et les mouvements du génome dans le temps et l’espace. Les chercheurs sont parvenus à marquer puis suivre des gènes parentaux au cours de divisions cellulaires. Cette nouvelle méthode constitue un atout majeur pour comprendre les processus qui en découlent pour la régulation des gènes.
Ces résultats sont publiés le 6 octobre 2013 sur le site de revue Nature Structural & Molecular Biology.

Dans le noyau cellulaire, l’ADN est très dynamique et change de configuration spatiale, comme c’est le cas lors du processus de division cellulaire. Il est déjà connu que la configuration spatiale de l’ADN, détermine si les gènes sont actifs ou inactifs, c’est-à-dire accessibles ou non en vue de leur expression. Dans cette étude, les chercheurs ont souhaité comprendre davantage la dynamique de la position du génome au sein du noyau pour une meilleure compréhension globale du génome et de l’expression de ses gènes.

Visualiser les mouvements des gènes grâce à la « méthode TGV »
Découvertes chez les bactéries, les protéines TALE sont des protéines de liaison à l’ADN «artificielles», capables de cibler une séquence d’ADN spécifique au sein d’une cellule. Utilisée depuis 2009, cette technologie était jusqu’alors appliquée avec des nucléases, enzymes capables de couper avec précision un ADN cible. Le travail mené par l’équipe de Maria-Elena Torres-Padilla a consisté en l’utilisation de la technologie TALE pour marquer une séquence du génome et visualiser son mouvement in vivo. Les chercheurs sont en effet parvenus à fusionner une protéine fluorescente verte, la mClover, à une protéine TALE, permettant ainsi d’observer la localisation de séquences d’ADN spécifiques au sein même du noyau de cellules vivantes. Cette méthode appelée TGV (TALE‐mediated Genome Vizualisation) a montré les résultats espérés et a permis de suivre l’ADN cible marqué en temps réel.

image 1

Figure 1. La protéine fluorescente (GFP) est fixée à une protéine TALE, elle-même fixée à la séquence d’ADN. © Yusuke Miyanari

Observer le devenir des gènes mâles et femelles après la fécondation

Toutes les cellules de l’organisme contiennent deux lots complets de chromosomes, l’un provenant de la mère, l’autre du père.

« Nous avons marqué spécifiquement les chromosomes provenant du père ou de la mère, et avec la technologie TGV et avons suivi leur localisation au fil des différentes divisions cellulaires. » explique Maria-Elena Torres-Padilla, directrice de recherche Inserm et principale auteur de l’étude.

image2

Figure 2. Les gènes du père sont marqués avec une protéine fluorescente rouge (RFP) tandis que ceux de la mère sont marqués avec une protéine fluorescente verte (GFP), ce qui permet d’observer en temps réel le positionnement des gènes mâles et femelles pendant la division © Yusuke Miyanari 

« Nos observations ouvrent d’importantes perspectives pour répondre à des questions dans des champs de recherches variés tels que le cycle cellulaire et les dynamiques de l’ADN, l’étude approfondie de l’expression des gènes parentaux, notamment pour découvrir s’ils se comportent et sont exprimés de la même façon ou non. » conclut Maria-ElenaTorres-Padilla.

De nouvelles molécules aux propriétés inédites ciblant le cytosquelette

crédit: © Inserm

Le dysfonctionnement du cytosquelette, élément constituant de la cellule, est souvent synonyme de pathologies comme l’apparition de métastases. Pour cette raison, c’est une cible d’intérêt pour de nombreuses thérapies. Des équipes du CNRS, de l’Université de Strasbourg et de l’Inserm emmenées par Daniel Riveline[1], Jean-Marie Lehn[2] et Marie-France Carlier[3], ont synthétisé des molécules capables de provoquer une croissance rapide des réseaux d’actine, l’un des composants du cytosquelette. C’est une première car seules des molécules stabilisant ou détruisant le cytosquelette d’actine étaient disponibles à ce jour. Ces composés aux propriétés inédites, dont l’action a été décryptée in vitro et in vivo, offrent un tout nouvel outil en pharmacologie. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Communications le 29 juillet 2013.

Le cytosquelette est composé notamment de filaments d’actine et de microtubules. Constitué de polymères en assemblage dynamique, il se construit et se déconstruit toutes les minutes et conditionne de nombreux processus cellulaires comme le mouvement, la division ou le transport intracellulaire. Il participe aux étapes clés de l’embryogénèse et à d’autres processus cruciaux du vivant. Son dysfonctionnement peut ainsi conduire à des pathologies graves. Certaines métastases par exemple se manifestent notamment par une activité amplifiée du cytosquelette. Identifier de nouvelles molécules ciblant le cytosquelette représente donc un enjeu majeur.

Jusqu’à présent, les molécules connues et utilisées en pharmacologie avaient pour effet de stabiliser ou de détruire le cytosquelette d’actine. L’actine permet d’assurer des actions vitales en s’assemblant et se désassemblant spontanément, continuellement et rapidement sous la forme de filaments qui s’organisent et forment des réseaux de faisceaux parallèles ou de mailles entrecroisées (appelés réseaux lamellaires). Issus de la chimie supramoléculaire[4], les nouveaux composés mis au point par les chercheurs ont des propriétés inédites : ils provoquent en quelques minutes la croissance des réseaux lamellaires de filaments d’actine.

C’est donc la première fois qu’un outil pharmacologique induit ce processus de croissance du réseau d’actine alors que le vivant l’effectue en permanence.

Les chercheurs ont ainsi montré que l’action de ces composés est spécifique in vivo (sur des cellules). Ils ont de plus identifié le mécanisme de croissance du réseau d’actine par des études comparées in vivo et in vitro, afin d’en assurer la validité.

Pour la biologie cellulaire ou moléculaire, cet outil propose un nouveau mode d’action possible sur le cytosquelette : il ouvre ainsi de nouvelles perspectives d’étude dans le décryptage du vivant. Ce résultat est probablement le point de départ pour la conception de nouveaux composés, issus de la même chimie, et potentiellement candidats à de nouvelles thérapies ciblant le cytosquelette.

cytosquelette

crédit : ©ISIS/IGBMC


Des réseaux lamellaires de filaments d’actine croissent après l’ajout des nouveaux composés (comparer les contours cellulaires à gauche et à droite).


[1] Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires (CNRS/Université de Strasbourg) et Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (CNRS/Université de Strasbourg/Inserm)

[2] Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires (CNRS/Université de Strasbourg)

[3] Laboratoire d’enzymologie et biochimie structurales du CNRS

[4] La chimie supramoléculaire, ou science de l’auto-assemblage et de l’auto-organisation à l’échelle moléculaire, s’intéresse aux entités chimiques résultant de la mise en œuvre des interactions entre objets moléculaires.

Comment le génome mâle est-t-il préservé jusqu’à l’œuf?

Pour quitter l’organisme mâle et atteindre l’œuf, le génome mâle véhiculé par le spermatozoïde subit de nombreuses transformations. Une équipe dirigée par Saadi Khochbin au sein de l’unité mixte de recherche 823 « Centre de recherche Institut Albert Bonniot » (Inserm/Université Joseph Fourier) à Grenoble vient de décrire les mécanismes moléculaires permettant la transmission du génome mâle à l’œuf. Les chercheurs révèlent le rôle essentiel d’une petite structure qui permet de compacter le génome afin qu’il soit préservé lors de son transport par le spermatozoïde jusqu’à l’œuf. Ces résultats sont publiés dans la revue Genes & Development le 24 juillet.

Spermatozoide-khochbin

Spermatozoide – © Inserm / Denise Escalier

Un des défis de la reproduction est le transport de l’ADN mâle via des cellules germinales hautement spécialisées, les spermatozoïdes. Ceux-ci sont capables de quitter l’organisme et de survivre du mâle jusqu’à l’organisme femelle, un trajet qui nécessite de sécuriser le génome qu’il contient afin de le préserver pour la fécondation. Pour ce faire, le génome change progressivement de configuration spatiale lors de la spermatogénèse. De cette manière, l’ADN est transporté sous une forme très compacte et donc très résistante. Un défaut dans le processus de compactage peut entrainer une infertilité.

Jusqu’alors, bien que les scientifiques aient identifié des molécules participant au compactage de l’ADN – histones, protéines de transition, protamines – les déterminants moléculaires à l’origine de ces changements rapides de configuration restaient obscurs.

L’équipe Inserm « Epigénétique et signalisation cellulaire » dirigée par Saadi Khochbin, directeur de recherche CNRS, décrit pour la première fois comment, dans les cellules germinales mâles, un élément « organisateur » dirige l’empaquetage compact,  très précis et spécifique du génome mâle. Il s’agit d’une histone particulière nommée TH2B, une des premières histones identifiée dès 1975. Cette petite protéine se fixe à l’ADN au cours de la spermatogenèse et lui donne une configuration spéciale requise pour son compactage final. Ainsi, véhiculé par le spermatozoïde, le génome paternel quitte l’organisme mâle et atteint l’œuf. De manière inattendue, les chercheurs ont également montré que cette histone est aussi présente dans l’œuf et participe, après fécondation au ré-empaquetage du génome mâle dès son entrée dans l’œuf.

« Nous avons donc découvert un élément important dans la transmission de l’information génétique paternelle qui participe non seulement à son conditionnement pour une expédition par l’organe reproducteur mâle mais également à sa réception par la cellule femelle »

, explique Saadi Khochbin, principal auteur de l’étude.

Cette recherche a nécessité la mise en place de plusieurs modèles de souris et d’approches impliquant les technologies récentes très sophistiquées afin d’explorer le génome dans sa globalité (techniques génomiques, transcriptomiques) et de comprendre de nouveaux mécanismes à l’échelle moléculaire (approches protéomiques et modélisations structurales).

Sur un plan fondamental, ces travaux améliorent les connaissances de la transmission du génome mâle lors de la reproduction et ont des implications dans la compréhension de l’infertilité et l’optimisation de la procréation médicalement assistée.

Cancers du rein, mélanomes de l’œil et mésothéliomes : un gène de prédisposition en commun

Une famille avec de nombreux cancers inexpliqués révèle que certaines prédispositions aux cancers du rein sont liées à des mutations du gène BAP1. Porté sur le chromosome 3, ce gène était déjà connu pour prédisposer à des cancers oculaires (mélanome uvéal) et de la plèvre (mésothéliome). Ces travaux réalisés par Marc-Henri Stern du laboratoire Génétique et Biologie des Cancers (Institut Curie/Inserm U830) en coordination avec le Pr Dominique Stoppa-Lyonnet (Institut Curie/Service de Génétique) sont publiés dans American Journal of Human Genetics en date du 6 juin 2013.

Tout est parti d’une famille présentant une histoire inhabituelle et inexpliquée, avec de multiples cas de cancers très divers chez des personnes jeunes. L’un de ses membres avait notamment développé successivement plusieurs atteintes du sein et du rein. Suivi de longue date par l’équipe du Service de Génétique de l’Institut Curie, aucune altération de gène classique de prédisposition à ces cancers n’avait été décelée. Le décryptage de son génome vient lever le mystère en révélant une mutation sur le gène BAP1 porté par le chromosome 3. 

“Rien dans la clinique ne nous orientait vers ce gène qui était connu pour prédisposer à des mésothéliomes et des mélanomes de l’œil” indique Marc-Henri Stern, chef de l’équipe Génétique et biologie des cancers du sein héréditaires (Institut Curie/Inserm U830) et coordinateur de l’étude.

Ce résultat a été confirmé par l’analyse des tumeurs rénales : dans des cellules malignes, seule la copie mutée, et donc non fonctionnelle, du gène BAP1 a été retrouvée. « Il arrive que certaines cellules perdent un chromosome. Si les cellules ont au départ deux bonnes copies du gène en question, cette perte n’est pas grave : la protéine peut toujours être fabriquée à partir de l’autre chromosome. Mais si les cellules ont une bonne et une mauvaise copies – ce qui est le cas lorsque l’on hérite d’une mutation transmise par l’un de ses parents –, il n’y a plus de bouée de secours. La perte du seul chromosome fonctionnel entraîne l’inactivation complète du gène dans la cellule : la protéine BAP1 ne peut alors être fabriquée ! » explique le chercheur. Or, la fonction la plus probable de la protéine BAP1 serait de faire partie d’un complexe qui modifie l’expression des gènes. Elle bloquerait, par un mécanisme inconnu à ce jour, la prolifération tumorale.

Les équipes de l’Institut Curie ne sont pas arrêtées là. Grâce à une collaboration avec l’équipe de Brigitte Bresac-de Paillerets (Institut de cancérologie Gustave Roussy) et le laboratoire de Nadem Soufir (hôpital Saint-Louis/Inserm/université Paris7 et de l’hôpital Bichat/AP-HP), elles ont constitué la série la plus importante de familles avec un syndrome BAP1, un syndrome extrêmement rare. Elle a révélé que 6 des 11 familles comportaient un nombre anormalement élevé de cancers du rein. L’analyse génétique réalisée sur les tumeurs de 4 des 9 personnes atteintes a confirmé l’inactivation du gène BAP1 dans les cellules malignes.

« Pour toutes ces familles, outre une surveillance ophtalmologique précoce, il est essentiel de mettre en place une surveillance rénale qui doit débuter dès l’âge de 25 ans. Ces cancers ont une meilleure chance de guérison s’ils sont détectés tôt » conclut Marc-Henri Stern.

Cancers du rein

En France, le cancer du rein représente environ 3 % de l’ensemble des cancers, avec 11 090 nouveaux cas en 2011, selon l’Institut National de Veille Sanitaire. De 2 à 3 % des cancers du rein sont liés à une prédisposition génétique, notamment  – pour trois quarts d’entre eux –   à une mutation du gène VHL, le gène associé au syndrome von Hippel Lindau.

Source : Les traitements du cancer du rein, INCa, mars 2013

Découverte d’une nouvelle méthode pour détecter la virulence des cancers

Une nouvelle façon d’appréhender le cancer et de prédire la dangerosité des tumeurs vient d’être présentée par une équipe de scientifiques de l’Institut Albert Bonniot de Grenoble regroupant des chercheurs du CNRS, de l’Inserm et de l’Université Joseph Fourier, en collaboration avec des médecins cliniciens et anatomopathologistes du CHU de Grenoble, et avec le soutien de l’Institut National du Cancer, la Ligue Nationale contre le Cancer et la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer. Les scientifiques ont montré que dans tous les cancers, il se produit une activation anormale de nombreux gènes propres à d’autres tissus. Ainsi, par exemple, dans les cancers du poumon, les cellules tumorales expriment des gènes spécifiques à la production de spermatozoïdes qui devraient être silencieux. D’après ces travaux, publiés le 22 mai 2013 dans Science Translational Medicine, en identifiant les gènes qui s’activent anormalement dans un cancer, on peut déterminer avec une grande précision l’agressivité de celui-ci. Ces travaux représentent un concept inédit qui permettra d’offrir aux malades un diagnostic précis et une prise en charge personnalisée. 

inserm_5467

© Inserm / Unité Inserm 335 – Radiographie du cancer du poumon

Toutes les cellules de notre organisme possèdent les mêmes gènes. Cependant, leur spécialisation les conduit à en activer certains et en réprimer d’autres. Or, dans une cellule cancéreuse, les mécanismes permettant à une cellule d’activer ou de mettre sous silence des gènes sont endommagés. Les scientifiques viennent de montrer que dans tous les cancers, on observe une sorte de « crise d’identité » des cellules cancéreuses : dans les organes ou tissus dans lesquels se développe une tumeur, des gènes spécifiques à d’autres tissus ou à d’autres étapes du développement de l’organisme s’expriment anormalement. Jusqu’à présent, cet aspect n’avait été que partiellement étudié.

En s’intéressant particulièrement à ces gènes qui se « réveillent » dans les tumeurs, les chercheurs ont montré que dans presque tous les cancers, plusieurs dizaines de gènes spécifiques de la lignée germinale et du placenta sont activés anormalement. Ceci représente une source très intéressante de bio-marqueurs potentiels pour caractériser les tumeurs.

Afin d’explorer les implications de ces activations aberrantes et leur signification, les scientifiques ont focalisé leurs efforts sur le cancer du poumon. Ils ont étudié les tumeurs de près de 300 patients touchés par ce cancer au CHU de Grenoble. Pendant dix ans, les médecins ont renseigné les dossiers des patients et ont conservé et annoté les tumeurs après résection chirurgicale. L’expression de l’ensemble des gènes humains a été analysée dans ces tumeurs et corrélée avec différents paramètres cliniques.

Parmi les gènes exprimés de manière aberrante dans les cancers du poumon, ils en ont découvert 26 dont l’activation est associée à des cancers particulièrement agressifs : lorsque ces gènes sont exprimés, c’est que le cancer est extrêmement virulent. Les chercheurs peuvent ainsi prévoir, au moment du diagnostic quels cancers sont à haut risque de provoquer une rechute de la maladie et de mener à une issue fatale, même dans les cas où la tumeur est traitée de façon adéquate à un stade précoce de son développement. Ces cancers à haut risque présentent des capacités de prolifération exacerbées et une facilité à se « cacher » des systèmes de défense de  l’organisme.

Ces travaux constituent une preuve de principe pour une nouvelle approche dans l’étude et le traitement du cancer : l’expression anormale dans un tissu ou organe de gènes spécifiques à d’autres tissus pourrait devenir un nouvel instrument pour établir un pronostic et personnaliser la prise en charge thérapeutique. D’un point de vue plus fondamental, il reste encore aux chercheurs à expliquer la relation entre l’expression anormale de ces gènes et la virulence du cancer. Une approche similaire à celle réalisée dans le cancer du poumon peut être étendue à quasiment tout type de cancers, ce qui ouvre des perspectives très larges quant à l’exploitation de ces découvertes.

fermer