Menu

L’infection de certains neurones par le SARS-CoV-2 pourrait être à l’origine de symptômes persistants

SRAS-CoV2 Image illustrant l’infection par le SRAS-CoV2 (immunoréactivité pour la protéine S en blanc) dans les neurones olfactifs exprimant la protéine marqueur olfactive (OMP, en rouge) dans l’épithélium nasal humain. ©Vincent Prévot/Inserm

Les conséquences sur le cerveau d’une infection par le SARS-CoV-2, responsable de la Covid-19 sont de plus en plus documentées par la littérature scientifique. Des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CHU de Lille et de l’Université de Lille, au sein du laboratoire Lille neuroscience et cognition, en collaboration avec leurs collègues de l’Imperial College London, se sont intéressés plus spécifiquement aux conséquences de cette infection sur une population précise de neurones connue pour réguler la reproduction sexuelle via l’hypothalamus (les neurones exprimant l’hormone GnRH). Leurs résultats, suggèrent que l’infection peut entraîner la mort de ces neurones et être à l’origine de certains symptômes qui persistent dans le temps. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue eBioMedicine.

De nombreuses études scientifiques ont documenté les conséquences sur le cerveau d’une infection au SARS-CoV-2. Parmi les effets qui ont été identifiés, une proportion significative d’hommes présente des taux de testostérone faibles qui persistent dans le temps. Au-delà de quatre semaines, on peut parler alors de « Covid long ».

Une équipe de recherche de l’Inserm, du CHU et de l’Université de Lille, étudie depuis de nombreuses années le rôle de certains neurones exprimant une hormone appelée GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone). Ces neurones contrôlent depuis l’hypothalamus tous les processus associés aux fonctions reproductrices : la puberté, l’acquisition des caractères sexuels secondaires et la fertilité à l’âge adulte.

Ces mêmes scientifiques avaient par exemple précédemment identifié qu’un dysfonctionnement des neurones à GnRH dans un modèle animal de la trisomie 21, pouvait avoir des conséquences sur l’altération des fonctions cognitives associées à cette maladie.

Dans une nouvelle étude, ils ont voulu tester l’hypothèse selon laquelle une infection par le SARS-CoV-2 peut avoir des conséquences délétères sur cette population de neurones régulateurs de la reproduction.

 

Le virus pénètre les neurones à GnRH et altère leurs fonctions

En s’appuyant sur les dosages hormonaux (testostérone et LH) réalisés trois mois et un an après l’infection chez un petit groupe de 47 hommes[1], les scientifiques ont constaté que le contact avec le virus pouvait altérer les fonctions des neurones à GnRH, entraînant une chute du taux de testostérone chez certains patients quelques temps après l’épisode infectieux.

Les scientifiques ont ensuite voulu vérifier si l’infection des neurones à GnRH et les anomalies hormonales observées après l’infection pouvaient être associées à des déficits cognitifs. Ils ont pour cela répertorié les symptômes cognitifs rapportés par les patients de la cohorte, qui ont subi des tests approfondis à 3 mois, puis 1 an après l’infection. Résultats : la proportion de patients signalant des troubles de la mémoire ou de l’attention, quelle que soit leur fréquence ou leur gravité, mais aussi des difficultés de concentration, avait tendance à être légèrement plus élevée chez les patients qui présentaient des dosages hormonaux anormaux, caractérisés par une baisse du taux de testostérone.

« Bien qu’il s’agisse de mesures effectuées sur un petit échantillon de patients et uniquement masculins, ces résultats sont très intéressants et mériteraient d’être approfondis dans le cadre d’autres études menées à plus grande échelle », explique Waljit Dhillo, professeur à l’Imperial College London, co-dernier auteur de cette étude.

Pour compléter leurs analyses, les chercheurs ont enfin étudié le cortex de patients décédés des suites de la Covid-19. Ils ont identifié la présence du virus au niveau de l’hypothalamus et ont constaté la mort d’une partie de la population de neurones à GnRH.

« Ces résultats peuvent être inquiétants sur plusieurs points au regard du rôle de ces neurones dans la reproduction et de leur implication dans certaines fonctions cognitives. Ils pointent la nécessité d’optimiser et de généraliser le suivi médical des personnes atteintes de symptômes persistants suite à une infection par la Covid-19 », conclut Vincent Prévot, directeur de recherche à l’Inserm, co-dernier auteur de cette étude.

L’étude incite aussi à poursuivre les travaux sur les conséquences neurologiques du Covid long.

Ce projet de recherche a bénéficié d’un financement de l’ANRS-MIE.

 

[1]Ces données ont été collectées dans le cadre d’une étude plus large évaluant les fonctions surrénaliennes et thyroïdiennes après une infection par le Sars-CoV-2 : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34008009/

Maîtriser la peur : le cervelet, partenaire inattendu des troubles de l’humeur

Les Axones du cervelet (en bleu) se retrouvent autour de neurones du thalamus qui vont vers le cortex préfrontal (vert) mais pas autour de ceux qui vont vers l’amygdale (rouge), autre région impliquée dans le contrôle des émotions. ©Equipe Neurophysiologie des Circuits Cérébraux, Inserm/CNRS/ENS-PSL

Les travaux d’une équipe pilotée par Clément Léna et Daniela Popa, directeurs de recherche Inserm à l’Institut de Biologie de l’ENS, parus dans Nature Communications révèlent l’importance du cervelet dans les émotions. Cette région du cerveau, surtout connue pour son rôle dans le contrôle moteur, agit aussi sur une aire du cortex préfrontal impliquée dans les émotions, et par ce biais régule l’extinction des souvenirs aversifs. Ce travail ouvre la voie à une meilleure compréhension de la régulation des émotions dans les troubles de l’humeur, mais aussi dans diverses conditions pathologiques comme par exemple l’anoxie périnatale, les tumeurs cérébrales ou encore les effets de l’alcool.

Pour survivre ou simplement optimiser son existence, mieux vaut être capable de reconnaître les risques et ajuster sa conduite en conséquence. Par des mécanismes associatifs, le cerveau apprend à identifier les indices annonciateurs du danger. Ces associations doivent être continuellement mises à jour, notamment pour reconnaître l’innocuité d’indices perçus jusque-là comme menaçants mais ne s’avérant plus associés à un danger.

Un défaut dans les processus de neutralisation de tels indices exposerait à accumuler seulement les associations négatives en conduisant, par exemple, à maintenir indéfiniment des réponses émotionnelles intenses à un traumatisme passé. Cependant, plutôt que d’oublier ces indices devenus négligeables, une des méthodes employées par le cerveau est de confier au cortex préfrontal le soin de réprimer leur signification aversive, grâce à un véritable apprentissage de l’innocuité, aussi appelé extinction.

En étudiant le cerveau des souris, l’équipe composée de chercheurs et chercheuses de l’ENS-PSL et de l’Inserm a montré que la zone du cortex préfrontal en charge de cette fonction reçoit des informations en provenance du cervelet (via un relai dans le thalamus, cf. figure). Les chercheurs sont parvenus à effectuer une inactivation ciblée de cette projection en y introduisant des récepteurs inhibiteurs artificiels. Ils ont observé que lorsque ce circuit est inactivé, la réponse de peur à un stimulus qui ne représente plus un danger se prolonge anormalement, ce qui indique un déficit d’apprentissage.

Les enregistrements de l’activité dans ce circuit cérébral ont alors révélé que le cervelet participe à l’apprentissage de la répression des souvenirs négatifs en stoppant des activités rythmiques cérébrales associées à l’état de peur.

Ces travaux complètent une étude précédente de la même équipe, qui avait démontré que l’intensité de l’association « indices – dangers » était également sous contrôle du cervelet, par des projections vers une autre région du cerveau que le cortex préfrontal.

Alors que le cervelet est très connu pour son rôle dans le système moteur (les effets moteurs de l’alcool sont par exemple à peu près entièrement dus à un effet sur le cervelet), ces démonstrations d’une régulation par le cervelet de la formation et de l’extinction de la mémoire émotionnelle sont importantes. Elles montrent que cette structure agit sur les processus clés de la régulation des émotions générées par nos expériences passées. Ce travail ouvre notamment la voie à une meilleure compréhension de la régulation des émotions dans les troubles de l’humeur, mais aussi dans diverses conditions pathologiques, liées par exemple à la sensibilité du cervelet à l’anoxie périnatale, aux tumeurs cérébrales ou aux effets de l’alcool.

Restaurer la vision grâce à une nouvelle interface cerveau-machine : la thérapie sonogénétique

 thérapie sonogénétique La thérapie sonogénétique consiste à modifier génétiquement certains neurones afin de pouvoir les activer à distance par des ultrasons. © Alexandre Dizeux/Physics for Medicine Paris

Restaurer la vision grâce à une thérapie associant génétique et ultrasons ? Tel est l’objectif poursuivi par une équipe internationale dirigée par les directeurs de recherche Inserm Mickael Tanter et Serge Picaud, associant respectivement le laboratoire Physique pour la médecine (ESPCI Paris/PSL Université/Inserm/CNRS) et l’Institut de la vision (Sorbonne Université/Inserm/CNRS) à Paris en partenariat avec l’Institut d’ophtalmologie moléculaire et clinique de Bâle. Dans une nouvelle étude, ils ont apporté la preuve de concept de cette thérapie dite « sonogénétique » chez l’animal. Celle-ci consiste à modifier génétiquement certains neurones afin de pouvoir les activer à distance par des ultrasons. Les résultats montrent que, lorsqu’elle est utilisée sur les neurones de rongeurs, la sonogénétique permet d’induire une réponse comportementale associée à une perception lumineuse. Cette découverte permet d’envisager à plus long terme une application chez les personnes aveugles atteintes d’atrophie du nerf optique. L’étude est publiée dans Nature Nanotechnology.

La thérapie sonogénétique consiste à modifier génétiquement certains neurones afin de pouvoir les activer à distance par des ultrasons. Cette technologie avait préalablement été testée en culture et les premiers tests in vivo n’avaient pas permis de prendre conscience de son potentiel thérapeutique lié à sa très haute résolution spatiotemporelle. La modification génétique en question consiste à introduire le code génétique d’un canal ionique mécanosensible dans les cellules. Les neurones qui expriment ce canal peuvent alors être activés à distance par des ultrasons de faible intensité appliqués à la surface du cerveau sans nécessiter de contact (cf. schéma ci-dessous).

thérapie sonogénétique

Les ondes ultrasonores peuvent en effet accéder à des tissus en profondeur, comme dans le cortex visuel, même depuis la surface de la dure-mère[1] qui entoure le cerveau, et cibler des zones très précises. Ce sont ces ondes qui sont à la base des technologies d’échographie ou d’imagerie du cerveau à haute résolution. Dans le cas présent, elles permettent une activation très sélective, puisque seuls les neurones porteurs du canal mécanosensible et ciblés par le faisceau ultrasonore sont stimulés.

Dans une récente étude, une équipe de chercheurs et chercheuses menée par les directeurs de recherche Inserm Mickael Tanter et Serge Picaud a testé l’efficacité de cette thérapie sonogénétique chez l’animal. L’objectif de cette recherche est d’apporter une solution pour redonner la vue aux patients qui ont perdu la connexion entre leurs yeux et leur cerveau au cours de pathologies comme le glaucome, la rétinopathie diabétique, ou les neuropathies optiques héréditaires ou alimentaires.

Leurs résultats indiquent que la stimulation sonogénétique du cortex visuel permet d’induire une réponse comportementale associée à une perception lumineuse. L’animal apprend un comportement associatif dans lequel il cherche à boire dès qu’il perçoit la lumière. La stimulation ultrasonore de son cortex visuel induit le même réflexe uniquement si les neurones du cortex expriment le canal mécanosensible. Le comportement de l’animal suggère que la stimulation sonogénétique de son cortex a induit la perception lumineuse à l’origine du réflexe comportemental.

L’étude a montré que la thérapie fonctionne sur différents types de neurones, qu’ils soient dans la rétine ou dans le cortex visuel des rongeurs, démontrant ainsi le caractère universel de cette approche.

En convertissant les images de notre environnement sous forme d’une onde ultrasonore codée pour stimuler directement le cortex visuel, et ce à des cadences de plusieurs dizaines d’images à la seconde, la thérapie sonogénétique apparaît comme un réel espoir pour restaurer la vue des patients ayant perdu la fonction du nerf optique.

Plus généralement, cette approche de stimulation sonogénétique offre une technologie innovante pour interroger le fonctionnement du cerveau. À la différence des prothèses ou des stimulateurs neuronaux actuels, son fonctionnement « sans contact » et sélectif d’un type cellulaire représente une innovation majeure par rapport aux dispositifs avec électrodes.

« Cette thérapie sonogénétique pour restaurer, à terme, la vision de personnes aveugles illustre la puissance d’un projet pluridisciplinaire et d’une belle aventure humaine entre un biologiste de la rétine comme Serge Picaud, et moi-même, un physicien des ondes pour la médecine », déclare Mickael Tanter, directeur de recherche Inserm au laboratoire Physique pour la médecine de Paris (ESPCI Paris/PSL Université/Inserm/CNRS).

« Le développement d’un essai clinique de thérapie sonogénétique demande encore de passer par de nombreuses étapes pour valider son efficacité et sa sécurité. Si les résultats se confirment, cette thérapie pourrait réussir à restaurer la vue des patients de manière stable et en toute sécurité », conclut Serge Picaud, directeur de recherche Inserm et de l’Institut de la vision (Sorbonne Université/Inserm/CNRS).

 

[1] Couche la plus externe des méninges protégeant le cerveau

Vers une meilleure compréhension du rôle des hormones masculines chez les femmes atteintes de sclérose en plaques

sclérose en plaque

L’image montre la région cérébrale où l’on induit classiquement la démyélinisation. Les cellules rouges correspondent à l’ensemble des cellules microgliales ayant des propriétés inflammatoires quand la démyélinisation vient de se produire. Si le processus de régénération spontanée de la myéline est efficace, leur caractère inflammatoire s’atténue ensuite au profit d’un caractère anti-inflammatoire et pro-régénératif. Les cellules vertes sont une sous-population de ces cellules microgliales qui deviennent anti-inflammatoires. © Zahaf et al.

La sclérose en plaques, maladie auto-immune pour laquelle il n’existe pas encore de traitement curatif, touche trois femmes pour un homme. Face à ce constat, des scientifiques s’intéressent au rôle des hormones sexuelles pour mieux comprendre les différences entre hommes et femmes face à la maladie ainsi que sa progression. Une équipe de recherche menée par la chercheuse Inserm Elisabeth Traiffort au sein de l’unité U1195 « Maladies et hormones du système nerveux » (Inserm/Université Paris-Saclay) vient de montrer que même si les hormones masculines – les androgènes – sont présentes à des taux très faibles chez les femmes, leur présence est nécessaire pour régénérer la gaine de myéline qui est détruite dans la sclérose en plaques. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Communications.

La sclérose en plaques est une maladie auto-immune. Sous sa forme la plus fréquemment rencontrée, dite récurrente-rémittente[1] qui représente 85% des cas, elle se traduit par des poussées inflammatoires au cours desquelles les cellules immunitaires des patients s’attaquent à la myéline du système nerveux central et la détruisent (voir encadré). Ce phénomène entraine des lésions qui provoquent des troubles notamment moteurs, sensitifs ou visuels.

Ces symptômes sont réversibles au début de la maladie, grâce à la réparation spontanée de la myéline détruite. Cependant, avec le temps, les symptômes deviennent peu à peu irréversibles, ce qui reflète l’échec du processus de réparation et fait entrer les patients dans la phase progressive de la maladie. Si les traitements actuels permettent de réduire la fréquence et la sévérité des poussées inflammatoires améliorant donc la qualité de vie des patients, ils restent néanmoins inefficaces contre la progression de la maladie.

 

Qu’est-ce que la myéline ?

Un axone est le prolongement unique par lequel un neurone communique avec sa cellule cible. La myéline est une membrane biologique qui s’enroule autour des axones pour constituer une gaine. La gaine de myéline sert à isoler et à protéger les fibres nerveuses. Elle joue aussi un rôle d’accélérateur de la vitesse de propagation des messages nerveux transportant l’information le long de l’axone. La démyélinisation consiste en la destruction de la gaine de myéline suite à l’attaque du système nerveux.

La recherche actuelle vise ainsi à mieux appréhender les mécanismes de la maladie et à développer de nouvelles pistes thérapeutiques qui permettraient d’éviter l’entrée des patients dans la phase progressive, notamment en favorisant la régénération de la myéline. La chercheuse Inserm Elisabeth Traiffort et son équipe au sein de l’unité « Maladies et hormones du système nerveux » (Inserm/Université Paris-Saclay) s’attèlent par exemple à mieux comprendre les différences entre les femmes et les hommes face à la sclérose en plaques, afin de déterminer s’il pourrait être bénéfique, voire nécessaire, d’adapter la prise en charge thérapeutique en fonction du sexe des patients. Rappelons que la maladie est essentiellement féminine, puisque trois patients sur quatre sont des femmes.

Investiguer le rôle des androgènes chez les femmes

Si l’environnement hormonal des hommes et des femmes est très différent, il ne peut néanmoins être restreint à l’existence de taux élevés d’androgènes chez les hommes et de taux fluctuants d’estrogènes et de progestérone chez les femmes. Ainsi, on sait que les hommes produisent eux-aussi des estrogènes, en particulier dans le cerveau où l’on trouve l’enzyme permettant de convertir les androgènes en estrogènes, tandis que les femmes produisent elles de petites quantités d’androgènes. C’est sur ce dernier aspect que la chercheuse Inserm Elisabeth Traiffort et ses collègues se sont focalisés dans leur dernière étude.

Des travaux avaient déjà montré que les androgènes protègent les neurones dans le système nerveux central des hommes atteints de formes récurrentes-rémittentes de sclérose en plaques et induisent la régénération des gaines de myéline détruites chez le mâle, dans des modèles animaux de la maladie. Mais quel est le rôle des petites quantités d’androgènes que l’on retrouve aussi dans le système nerveux central des femmes ? Les androgènes, présents à des taux bien plus faibles que chez les hommes, peuvent-ils aussi avoir un impact sur la progression de la maladie chez les patientes ?

Les scientifiques ont travaillé avec des modèles animaux de la maladie mais également à partir de tissus de patients issus de banques de dons d’organes. Ils ont d’abord montré que dans les régions où la myéline est détruite, le récepteur AR qui permet aux androgènes de transmettre leur signal est fortement exprimé dans le tissu nerveux des femmes atteintes de sclérose en plaques, comme dans celui de souris femelles utilisées comme modèles de la maladie. Cette observation suggérait l’existence d’un rôle essentiel des androgènes au niveau du tissu démyélinisé des femmes atteintes.

En accord avec cette hypothèse, les scientifiques ont montré que même s’ils ne sont présents qu’en faible quantité chez les souris femelles, les androgènes ont bien une action favorisant une régénération optimale de la myéline détruite. En effet, lorsque les signaux transmis par les androgènes sont totalement absents, cette régénération est fortement réduite.

Enfin, d’autres observations menées chez l’animal et dans les tissus humains suggèrent que ces mêmes androgènes ont aussi des effets anti-inflammatoires majeurs dans le tissu nerveux démyélinisé des femelles contrairement à ce qui est observé chez les mâles. Les effets bénéfiques des androgènes chez les femmes atteintes de sclérose en plaques pourraient donc également être liés à la diminution du niveau d’inflammation locale, dans les zones où la myéline est détruite. Ce résultat est intéressant si l’on considère l’hypothèse actuelle selon laquelle la progression de la maladie pourrait être étroitement associée aux cellules inflammatoires résidant dans le tissu nerveux.

« Alors que les faibles taux d’androgènes détectés chez les femmes pouvaient laisser présager un rôle mineur pour ces hormones dans la maladie, nous montrons que ce n’est pas le cas. Nos données suggèrent l’utilisation de doses appropriées d’androgènes chez les femmes atteintes de sclérose en plaques et la nécessité de prendre en considération le sexe du patient dans l’approche thérapeutique de cette pathologie et vraisemblablement des autres pathologies mettant en jeu une destruction de la myéline du système nerveux central », conclut Elisabeth Traiffort.

 

Ces travaux ont été réalisés avec le soutien de la Fondation ARSEP.

 

[1] Il existe deux modes évolutifs de la maladie. La forme récurrente-rémittente est la plus fréquente. Elle représente 85% des cas au début de la maladie. Son évolution se fait sous forme de poussées, avec l’apparition de symptômes en quelques heures ou en quelques jours, souvent associés à une fatigue extrême et inhabituelle évocatrice du diagnostic. Puis, les symptômes disparaissent totalement ou partiellement en quelques semaines. La forme progressive dite ‘primaire’ ne représente que 15% des cas. Elle correspond à une aggravation lente et continue des symptômes neurologiques, sans poussées et sans rémission.

L’exposition pré et postnatale au chlordécone pourrait impacter le développement cognitif et le comportement des enfants

Chlordécone

Le chlordécone est un insecticide organochloré employé aux Antilles de 1973 à 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. © Adobe Stock

Malgré l’arrêt, il y a 30 ans, de son utilisation aux Antilles comme insecticide, le chlordécone persistant dans l’environnement continue de contaminer les populations. Si ses propriétés neurotoxiques sont bien établies, son impact sur le neurodéveloppement restait à préciser. Une équipe de recherche internationale impliquant des chercheuses et des chercheurs de l’Inserm au sein de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Inserm/Université de Rennes/École des hautes études en santé publique) s’est intéressée à l’impact de l’exposition pré- et postnatale au chlordécone sur les capacités cognitives et comportementales à l’âge de 7 ans de 576 enfants de la cohorte mère-enfant Timoun en Guadeloupe[1]. Leurs travaux montrent que cette exposition est associée à de moins bons scores sur les tests d’évaluation des capacités cognitives et des troubles comportementaux, avec un impact différent selon le sexe de l’enfant. Ces résultats, parus dans Environmental Health, invitent à prendre en compte l’impact potentiel de ces effets à l’échelle de la population, afin d’optimiser les politiques de prévention.

Le chlordécone est un insecticide organochloré employé aux Antilles de 1973 à 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. Sa présence persistante dans l’environnement est à l’origine de la contamination de la population via la consommation d’aliments eux-mêmes contaminés. Il est aujourd’hui considéré comme perturbateur endocrinien, neurotoxique, toxique pour la reproduction et le développement, mais aussi cancérogène. Des études expérimentales chez l’animal ont par ailleurs montré que l’exposition des femelles au chlordécone lors de la gestation entraîne des troubles neurocomportementaux et d’apprentissage chez la portée, de nature ou d’intensité différente en fonction du sexe.

Sa neurotoxicité s’explique par la capacité de la molécule à interagir avec de nombreux neurotransmetteurs[2] et par ses propriétés hormonales, notamment son action sur les estrogènes. Or, les estrogènes jouent un rôle crucial, de manière différenciée en fonction du sexe chromosomique, dans le développement du cerveau.

Face à ces différents constats, et pour mieux estimer l’impact éventuel de l’exposition prénatale et postnatale au chlordécone sur le neurodéveloppement infantile, des chercheuses et des chercheurs Inserm de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Inserm/Université de Rennes/École des hautes études en santé publique), au sein d’une équipe de recherche internationale, ont examiné les capacités intellectuelles et le comportement de 576 enfants de la cohorte mère-enfant Timoun en Guadeloupe.

Afin d’évaluer les niveaux d’exposition pré- et postnataux des enfants au chlordécone, la concentration du pesticide a été mesurée dans le sang du cordon ombilical à la naissance et dans le sang des enfants à l’âge de 7 ans. Les capacités intellectuelles de ces derniers ont été évaluées à l’aide de 4 indices : compréhension verbale, vitesse de traitement de l’information, mémoire de travail[3] et raisonnement perceptif[4].

Les mères ont également rempli un questionnaire permettant de mesurer chez l’enfant la présence de difficultés comportementales classées en deux catégories : celles dites « internalisées », qui regroupent symptômes émotionnels et problèmes relationnels avec les pairs, et celles dites « externalisées », qui se traduisent par des problèmes de comportement social (colère, réticence à l’autorité…), d’hyperactivité et/ou d’inattention.

L’exposition prénatale au chlordécone a été retrouvée associée, pour chaque doublement d’exposition, à une augmentation de 3 % du score estimant les difficultés comportementales de type « internalisées » à l’âge de 7 ans, avec une association plus forte chez les filles (+ 7 %) que chez les garçons (0 %).

L’exposition postnatale au chlordécone a, quant à elle, été retrouvée associée à de moins bons scores estimant les capacités intellectuelles générales (diminution de 0,64 point de QI pour un doublement du niveau d’exposition). Cela se traduit, en particulier chez les garçons, par une diminution des indices évaluant le raisonnement perceptif, la mémoire de travail et la compréhension verbale. En outre, l’exposition postnatale était associée à un plus grand nombre de difficultés de comportements « externalisées », autant chez les garçons que chez les filles.

Ces résultats indiquent que l’exposition au chlordécone pendant les périodes de développement in utero ou au cours de l’enfance est associée à une diminution des capacités intellectuelles et à une augmentation des difficultés comportementales, avec des effets parfois différents en nature et en intensité selon le sexe.

« Cela est cohérent avec les propriétés estrogéniques de ce pesticide et ses effets différentiels en fonction du sexe et de la période de développement du cerveau », précise Luc Multigner, directeur de recherche Inserm qui a participé à ces travaux.

Selon l’équipe de recherche, il apparaît par conséquent justifié de poursuivre les politiques publiques destinées à réduire l’exposition au chlordécone, notamment parmi les populations les plus sensibles, telles que les femmes enceintes et les enfants. Elle invite également à surveiller la prévalence et la prise en charge des enfants présentant un retard psychomoteur, des troubles sensoriels, neuromoteurs ou intellectuels et/ou des difficultés relationnelles.

« Si les effets neurologiques et neurocomportementaux constatés dans cette étude sont relativement modérés et subtils au niveau individuel, ils peuvent, compte tenu de l’exposition généralisée de la population antillaise au chlordécone, avoir un impact non négligeable au niveau de la population », conclut Luc Multigner.

 

[1] La cohorte mère-enfant Timoun a été conçue avec pour objectif d’évaluer l’impact sanitaire des expositions au chlordécone sur le déroulement de la grossesse et le développement infantile. Elle est menée conjointement par l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Inserm/Université de Rennes/École des hautes études en santé publique) et le service de gynécologie-obstétrique du CHU de la Guadeloupe. Cette cohorte est constituée de 1 068 femmes incluses au cours de leur grossesse entre 2004-2007. Dès leur naissance, les enfants ont fait l’objet d’un suivi aux âges de 3, 7 et 18 mois, puis de 7 ans.

[2] Les neurotransmetteurs sont des substances chimiques assurant la transmission de l’information entre les cellules nerveuses.

[3] La mémoire de travail est une forme de mémoire à court terme visant à utiliser l’information obtenue sur l’instant dans l’accomplissement d’une tâche précise.

[4] Le raisonnement perceptif mesure la capacité cognitive à intégrer et à manipuler des informations visuelles et spatiales afin de résoudre des problèmes visuels complexes.

Mieux comprendre le passage de la douleur aigue à la douleur chronique

douleur

© Inserm/Frédérique Koulikoff

Des chercheurs de l’Université de Montpellier et de l’Inserm à l’Institut des neurosciences de Montpellier montrent le rôle prépondérant du récepteur FLT3, dans la chronicisation de la douleur post-chirurgicale. En inhibant ce récepteur grâce à des anticorps thérapeutiques, les scientifiques pourraient proposer des pistes prometteuses pour la prévention des douleurs chroniques. Leurs résultats sont à paraître dans la revue Progress in neurobiology.  

Les douleurs chroniques sont des douleurs importantes qui persistent au-delà de trois mois. Environ 30% des patients ayant subi une chirurgie vont développer ce type de douleurs consécutivement à cette opération. Dans cette étude dirigée par Cyril Rivat, enseignant-chercheur à l’Université de Montpellier, les scientifiques mettent en lumière des mécanismes permettant de mieux comprendre l’apparition de ces douleurs chroniques post-opératoires et proposent des pistes pour les atténuer.

D’après les résultats de ces travaux réalisés sur un modèle animal, l’exposition répétée à une douleur (répétition d’une même chirurgie à une semaine d’intervalle), créé une vulnérabilité à long-terme qui se traduit par une augmentation de la sensibilité à la douleur et la survenue de pathologies anxiodépressives. Le récepteur FLT3 exprimé par certains neurones dits sensitifs joue un rôle clé dans ce phénomène. Concrètement, l’acte chirurgical induit l’activation du récepteur FLT3 des fibres nerveuses touchées ce qui entraine non seulement une augmentation de la douleur initiale mais également sa chronicisation.

Des anticorps dirigés contre FLT3

En collaboration avec l’Institut de recherche sur le cancer de Montpellier et la société Biodol Therapeutics, des anticorps thérapeutiques dirigés contre le récepteur FLT3 ont été générés. Ces anticorps inhibent l’activation de FLT3 ce qui réduit considérablement l’intensité des douleurs et stoppe la transition vers les douleurs chroniques. Le principe est simple, contrairement à la morphine ou à tout autre type d’antidouleur, ces anticorps ne pénètrent pas dans le cerveau, mais ciblent les nerfs lésés au niveau du système nerveux périphérique. FLT3 se positionne donc comme une cible prometteuse non seulement pour la prise en charge de la douleur post-opératoire mais également dans la prévention de sa chronicisation.

« Ces résultats sont encore préliminaires mais s’ils étaient confirmés ils pourraient venir en aide à de nombreux patients victimes de douleurs chroniques, a fortiori quand on sait qu’environ 300 millions de chirurgies sont réalisées chaque année à travers le monde », précise Cyril Rivat.

Prédire l’apparition de troubles anxieux dès l’adolescence grâce à l’intelligence artificielle

Anxiété

L’angoisse est une caractéristique commune à tous les troubles anxieux, troubles psychiatriques les plus répandus à l’adolescence. © Adobe Stock

L’angoisse est une caractéristique commune à tous les troubles anxieux, troubles psychiatriques les plus répandus à l’adolescence. Environ un adolescent sur trois est concerné. Certains de ces troubles – comme le trouble panique ou le trouble d’anxiété généralisée[1] – ont tendance à apparaître un peu plus tard dans la vie, ou à se consolider au début de l’âge adulte. Par conséquent, la détection des individus à risque élevé de développer une anxiété clinique (qui remplit des critères de diagnostic précis) est cruciale. Pour la première fois, une équipe dirigée par les chercheurs Inserm Jean-Luc Martinot et Éric Artiges, au sein du laboratoire Trajectoires développementales et psychiatrie (Inserm/ENS Paris-Saclay) et du Centre Borelli[2] (CNRS/Université Paris-Saclay), a recherché des prédicteurs de l’apparition de troubles anxieux à l’adolescence. Ils ont suivi l’évolution de la santé mentale d’un groupe d’adolescents de 14 ans à 23 ans. Grâce à l’intelligence artificielle, ils ont identifié les signes avant-coureurs les plus prédictifs à l’adolescence de l’apparition de troubles anxieux chez ces jeunes adultes. Les résultats de cette étude sont publiés dans Molecular Psychiatry.

Une personne souffre de troubles anxieux lorsqu’elle ressent une angoisse forte et durable sans lien avec un danger ou une menace réelle, qui perturbe son fonctionnement normal et ses activités quotidiennes. Ces troubles, dont la fréquence est élevée dans la population générale (environ 21 % des adultes seraient concernés au moins une fois au cours de leur vie) débutent souvent dans l’enfance ou pendant l’adolescence. Ainsi, un meilleur repérage dans ces tranches d’âge éviterait une aggravation des symptômes au cours de la vie.

De précédentes études ont mis en avant le pouvoir prédictif de l’intelligence artificielle dans le cadre de maladies psychiatriques comme la dépression ou encore les addictions[3]. Mais aucune étude ne s’était jusqu’alors intéressée à la recherche de prédicteurs des troubles anxieux.

Des chercheurs et chercheuses au sein du laboratoire Trajectoires développementales et psychiatrie (unité 1299 Inserm) au Centre Borelli (unité 9010 CNRS) ont tenté de détecter des signes avant-coureurs, à l’adolescence, de l’apparition de troubles anxieux à l’âge adulte.

Les scientifiques ont pour cela suivi un groupe de plus de 2 000 adolescents et adolescentes européens âgés de 14 ans au moment de leur inclusion dans la cohorte Imagen[4]. Les volontaires de l’étude ont rempli des questionnaires en ligne renseignant sur leur état de santé psychologique à 14, 18 et 23 ans. Le suivi dans le temps des volontaires a permis de mesurer l’évolution du diagnostic de l’anxiété.

Une étude d’apprentissage statistique poussée s’appuyant sur un algorithme d’intelligence artificielle a ensuite permis de déterminer si certaines des réponses formulées à l’adolescence (14 ans) avaient une incidence sur le diagnostic individuel de troubles anxieux à l’âge adulte (18-23 ans).

Trois grands prédicteurs ou signes avant-coureurs ont été mis en évidence, dont la présence à l’adolescence augmente significativement le risque statistique de troubles anxieux à l’âge adulte. Il s’agit du neuroticisme, du désespoir, et de symptômes émotionnels.

Le neuroticisme désigne une tendance persistante à ressentir des émotions négatives (peur, tristesse, gêne, colère, culpabilité, dégoût), une mauvaise maîtrise des pulsions, et une inadaptation face aux stress.

Le désespoir est associé à un faible score de réponses faites aux questionnaires évaluant l’optimisme et la confiance en soi.

Les symptômes émotionnels recouvrent les réponses aux questionnaires indiquant des symptômes tels que « des maux de tête/ d’estomac » ; « beaucoup de soucis, souvent inquiet » ; « souvent malheureux, abattu ou larmoyant » ; « nerveux dans les nouvelles situations, perd facilement confiance » ; « a facilement peur ».

Une partie de l’étude s’est par ailleurs intéressée à l’observation du cerveau des volontaires à partir d’examens d’imagerie par résonnance magnétique (IRM). Comme le développement du cerveau implique un changement de volume de différentes régions cérébrales à l’adolescence, les chercheurs ont voulu identifier dans ces images une modification éventuelle du volume de la matière grise qui pourrait être prédictive de futurs troubles anxieux.

Si l’imagerie n’a pas permis d’améliorer la performance de prédiction des troubles anxieux dans leur ensemble par rapport aux seules données issues des questionnaires, elle pourrait néanmoins permettre de déterminer plus précisément un type de trouble anxieux vers lequel une personne est susceptible d’évoluer.

« Notre étude révèle pour la première fois qu’il est possible de prédire de façon individualisée, et ce dès l’adolescence, l’apparition de troubles anxieux futurs. Ces prédicteurs ou signes avant-coureurs identifiés pourraient permettre de détecter les personnes à risque plus tôt et de leur proposer une intervention adaptée et personnalisée, tout en limitant la progression de ces pathologies et leurs conséquences sur la vie quotidienne », explique Jean-Luc Martinot, directeur de recherche à l’Inserm et pédopsychiatre, co-auteur de l’étude.

 

troubles anxieux adolescence

 

[1] Il existe plusieurs types de troubles anxieux : l’anxiété généralisée, le trouble panique, les phobies spécifiques, l’agoraphobie, le trouble d’anxiété sociale et le trouble d’anxiété de séparation.

[2] Centre de recherche en mathématiques appliquées

[3] Whelan R., Watts R., Orr C. et al. Neuropsychosocial profiles of current and future adolescent alcohol misusers. Nature 512, 185-189 (2014).

[4] Imagen est une étude de cohorte européenne qui a recruté 2 223 adolescents âgés de 14 ans entre 2008 et 2011. Cette cohorte est composée de jeunes de la population générale et non de patients.

Retour sur 5 avancées marquantes à l’Inserm en 2022

© Inserm

L’année 2022 a été marquée par de belles avancées pour l’Inserm qui ont, chacune dans leur domaine, contribué à améliorer la santé des citoyens et le quotidien de nombreux patients. Avant d’entamer une nouvelle année, nous vous proposons de jeter un coup d’œil dans le rétro. Très belle année 2023 à tous et au plaisir d’échanger autour de la devise qui nous anime : la Science pour la santé.

 

Janvier 2022 – Une thérapie génique prometteuse contre la drépanocytose et la bêta-thalassémie

La drépanocytose et la bêta-thalassémie sont deux maladies génétiques sanguines très fréquentes. Elles se caractérisent par une baisse anormale du taux d’hémoglobine des malades, avec des conséquences graves sur divers organes et une espérance de vie réduite. La seule option curative consiste actuellement à greffer des cellules de moelle osseuse issues de donneurs compatibles. Néanmoins, moins de 20 % des malades peuvent actuellement en bénéficier.

Des équipes de l’AP-HP, d’Université de Paris, de l’Inserm, au sein de l’Institut Imagine, ont mené une étude clinique de thérapie génique consistant à transplanter chez le patient ses propres cellules souches de moelle osseuse, génétiquement modifiées.

Pour tester cette thérapie génique, les équipes de recherche ont mené une étude clinique sur des patients bêta-thalassémiques et des patients drépanocytaires. Chez les premiers, le taux d’hémoglobine est revenu à la normale. Chez les seconds, il était corrigé pour deux tiers des patients. Ces résultats très prometteurs se sont maintenus sur la durée, sur plus de 4 ans.

Février 2022 – Une étude confirme les bénéfices du traitement intermittent contre le VIH

 Améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH et réduire les coûts des traitements sont deux enjeux majeurs de la recherche actuelle en santé. Pour y parvenir, le traitement intermittent est l’une des pistes explorées. Cette approche consiste à prendre le traitement pendant quatre jours consécutifs suivi de trois jours de « pause », au lieu d’une prise quotidienne. Il est important de tester rigoureusement cette stratégie thérapeutique afin de voir si elle pourrait être utilisée largement par les patients.

Mené en collaboration avec des médecins de l’AP-HP, le projet Quatuor financé par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, agence de l’Inserm, a confirmé l’efficacité du traitement intermittent. Les résultats obtenus ont souligné que la prise d’un traitement 4 jours par semaine était en effet aussi efficace que 7 jours sur 7 en ce qui concerne la suppression du virus et la tolérance au traitement. Il est également intéressant de souligner que le traitement intermittent a été associé dans cette étude à une amélioration de l’observance et de l’acceptabilité du traitement par les patients – ce qui est crucial pour leur santé à long terme ainsi que pour lutter efficacement contre l’épidémie mondiale de VIH.

 

Avril 2022 – Syndromes d’hypercroissance dysharmonieuse : premier et unique traitement autorisé par les autorités américaines

Les syndromes d’hypercroissance dysharmonieuse sont un groupe de maladies génétiques rares qui se caractérisent par le développement d’excroissances déformant certaines parties du corps et responsables de douleurs intenses, de fatigue, de saignements et de divers dysfonctionnements. Les malades souffrent ainsi de handicaps sévères et leur pronostic vital peut être parfois engagé.

Une étude clinique majeure menée par des équipes de l’Inserm, l’AP-HP et l’Université Paris Cité a démontré l’efficacité d’un médicament habituellement utilisé dans le cancer du sein. Il fonctionne en bloquant le gène défaillant responsable de ces syndromes. Les patients traités ont vu leurs lésions régresser et leurs symptômes s’améliorer. Ces résultats importants ont abouti cette année à une autorisation de mise sur le marché de ce médicament comme premier et unique traitement de ces maladies, par l’agence américaine du médicament (FDA).

 

Août 2022 – Trisomie 21 : une nouvelle thérapie pour améliorer les fonctions cognitives

Le syndrome de Down, ou trisomie 21, touche environ une naissance sur 800 et se traduit par diverses manifestations cliniques, parmi lesquelles un déclin des capacités cognitives. Une perte progressive de l’olfaction, typique des maladies neurodégé­nératives, est également fréquemment observées à partir de la période prépubère, et les hommes peuvent aussi présenter des déficits de maturation sexuelle.

Pour expliquer ces symptômes, les chercheurs de l’Inserm ont identifié des anomalies géné­tiques sur le chromosome 21 surnuméraire. Ces dernières entraînent un dysfonctionnement des neurones qui secrètent la GnRH, une hormone connue pour son rôle dans la repro­duction.

A partir de cette découverte, les scientifiques ont ensuite mené un essai clinique afin de tester les effets d’injections de la GnRH via un patch pendant 6 mois, sur des hommes porteurs de trisomie 21. Les résultats sont très prometteurs puisque ce traitement a permis d’améliorer leurs fonctions cognitives. Cela justifie le lancement d’une étude plus vaste – incluant des femmes – visant à confirmer l’efficacité de ce traitement pour les personnes atteintes de trisomie 21, mais aussi pour d’autres pathologies neurodégénératives, telles que la maladie d’Alzheimer.

 

Septembre 2022 – Tolérance et efficacité démontrées d’un vaccin thérapeutique contre le cancer

Dans de nombreux cancers, la reproduction illimitée des tumeurs est liée à une enzyme, la télomérase. En temps normal, celle-ci est essentielle au renouvellement de nos cellules, en protégeant nos chromosomes et donc notre ADN. Or dans les cancers, son activité anormalement élevée entraîne une prolifération des cellules. Cibler cette enzyme ouvre la voie au développement de nouveaux traitements, notamment pour des cancers difficiles à traiter avec des chances de survie faible, comme le cancer du poumon, principale cause de mortalité liée au cancer dans le monde.

Les chercheurs ont développé un vaccin qui active le système immunitaire afin qu’il soit en mesure de détecter et de détruire les cellules cancéreuses porteuses de la télomérase. Ils ont ensuite démontré son innocuité, sa bonne tolérance et son efficacité chez 80 % de patients vac­cinés atteints de cancer du poumon métastatique et en impasse thérapeutique. Une amélioration de la survie a été constatée pour la moitié d’entre eux.

Prochaine étape : démontrer l’efficacité de ce vaccin sur des tumeurs du cerveau, le cancer du foie ou encore cancers liés au papillomavirus. Des essais cliniques sont en cours.

TSA : Vers une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires de l’autisme

autisme

Images montrant l’anatomie cérébrale humaine sur deux plans de coupes axiales obtenue par IRM (partie gauche), puis les images correspondantes en imagerie moléculaire montrant une quantité plus élevée de récepteurs mGluR5 dans le cerveau d’un sujet adulte avec TSA (partie droite) comparativement à un témoin (partie centrale). © Laurent Galineau

Si la compréhension des troubles du spectre de l’autisme (TSA) a grandement progressé au cours des dernières années, les mécanismes moléculaires sous-jacents demeurent assez mal documentés. Plusieurs hypothèses ont été évoquées concernant un possible dysfonctionnement de certains neurotransmetteurs dans le cerveau, mais des études scientifiques rigoureuses manquent encore pour les valider. Dans une nouvelle publication, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et de l’université de Tours, au sein du laboratoire Imagerie & Cerveau, ont montré que des récepteurs particuliers du glutamate, un des neurotransmetteurs les plus importants du système nerveux, sont exprimés en grande quantité dans le cerveau d’adultes avec TSA. Toutefois, cette surexpression des récepteurs ne se retrouve pas à des stades plus précoces du développement. L’étude, promue par le CHU de Tours et publiée dans Molecular Psychiatry, ouvre la voie à une meilleure compréhension des TSA pour permettre d’affiner les recherches thérapeutiques.

Les troubles du spectre de l’autisme (TSA) résultent de particularités du neuro-développement et concernent environ 700 000 personnes en France. Ce terme regroupe des réalités cliniques très hétérogènes et les besoins spécifiques de chaque personne sont ainsi très variés. Le développement de traitements ciblant de façon spécifique les troubles sévères liés à l’autisme a longtemps été freiné en raison d’une connaissance parcellaire des mécanismes moléculaires et génétiques sous-jacents.

À l’heure actuelle, les personnes concernées peuvent donc avoir recours à des traitements pour d’éventuelles comorbidités comme les troubles du sommeil ou l’épilepsie, mais il n’existe pas de solution thérapeutique permettant d’améliorer les troubles du comportement ainsi que les altérations des interactions sociales associées. 

Parmi les pistes avancées pour expliquer le développement du TSA, figure celle d’un dysfonctionnement du glutamate le principal neurotransmetteur excitateur du système nerveux central. Des études ont récemment suggéré que des récepteurs du glutamate appelés « mGluR5 » (voir encadré) seraient exprimés en quantité augmentée dans certaines régions du cerveau chez les personnes concernées par les TSA.

mGluR5 et glutamate

mGluR5 est un récepteur abondamment exprimé au niveau du système nerveux central et en particulier au niveau du cortex cérébral, de l’hippocampe, du septum latéral, du striatum dorsal et du noyau accumbens, autant de régions cérébrales impliquées dans la cognition, le contrôle moteur et l’émotivité.

mGluR5 appartient à un sous-groupe de huit récepteurs qui sont activés par le glutamate, le principal neurotransmetteur excitateur du système nerveux central.

L’intervention pharmacologique sur ces récepteurs, et en particulier le blocage de mGluR5, est déjà en cours d’évaluation pour divers troubles comme l’anxiété, la dépression, la schizophrénie, la maladie de Parkinson, ou encore les addictions.

 

Mécanisme de compensation

Afin d’aller plus loin dans la compréhension des mécanismes moléculaires du TSA, l’équipe menée par Frédérique Bonnet-Brilhault au sein du laboratoire Imagerie & Cerveau (unité 1253 Inserm/Université de Tours) a cherché à mieux caractériser les dysfonctionnements du glutamate dans le cerveau d’adultes avec TSA.

Dans un premier temps, ils ont quantifié les niveaux de glutamate dans le cortex cingulaire de 12 adultes avec TSA et de 14 adultes sans TSA (participants « témoins »), en utilisant plusieurs approches méthodologiques. Dans un second temps, ils se sont intéressés à l’expression des récepteurs mGluR5 dans le cerveau des participants.

Les scientifiques ont ainsi observé que les niveaux de glutamate étaient très hétérogènes chez les adultes avec TSA. En revanche, ils ont constaté que la quantité de récepteurs mGluR5 exprimés était particulièrement élevée dans le cerveau de tous ces individus, comparativement aux témoins.

Ensuite, pour mieux comprendre comment la quantité de mGluR5 varie à différents stades du développement, l’équipe a aussi quantifié ces récepteurs dans le cerveau de jeunes rats – des modèles animaux de TSA et des animaux « témoins ».

Les analyses montrent que les quantités de mGluR5 des « rats TSA » et des « rats témoins » ne différaient pas pendant l’enfance. Cependant, à l’adolescence, ces récepteurs étaient présents en quantité plus importante dans certaines régions du cerveau des « rats TSA ».

Le fait que les récepteurs mGluR5 soient exprimés en grande quantité chez les adultes TSA qui participaient à l’étude, mais pas aux stades les plus précoces du développement dans les modèles animaux, suggère que la surexpression de ces récepteurs ne serait pas une cause de ce trouble, mais plutôt une conséquence qui apparaîtrait progressivement au cours de la vie.

« Nos résultats suggèrent que les changements dans la quantité des récepteurs mGluR5 exprimés au cours du développement pourraient être un mécanisme de compensation en réponse à des dysfonctionnements précoces des systèmes de communication du cerveau, plutôt qu’un élément primaire à l’origine du développement des TSA », explique Frédérique Bonnet-Brilhault.

À l’heure où la recherche chez les adultes TSA est une réelle priorité, ces travaux pointent la nécessaire compréhension de la trajectoire de développement de chaque individu avec TSA pour distinguer les causes des mécanismes d’adaptation.

Le point sur les TSA

L’autisme « typique », décrit par le pédopsychiatre Leo Kanner en 1943, est aujourd’hui intégré dans un ensemble plus vaste, celui des « troubles du spectre de l’autisme (TSA) ». Ce terme permet de rendre mieux compte de la diversité des situations. Ces troubles se caractérisent par :

  • des altérations des interactions sociales ;
  • des problèmes de communication (langage et communication non verbale) ;
  • des troubles du comportement : un répertoire d’intérêts et d’activités restreint et répétitif (stéréotypies : tendance à répéter les mêmes gestes, paroles ou comportements) ;
  • des réactions sensorielles inhabituelles.

Les TSA peuvent également être associés à des comorbidités : troubles anxieux, problèmes de sommeil, déficits de la fonction motrice, épilepsie…

Au sein de cette grande diversité clinique, il est important de relever les « atouts » ou « talents » qui peuvent découler de ce développement cérébral atypique. Le développement de thérapeutiques doit donc cibler ce qui correspond aux plaintes des personnes tout en préservant leurs particularités.

Maladie d’Alzheimer : des variations génétiques rares augmentent de façon importante le risque de développer la pathologie

Marquage fluorescent de la protéine Tau dans une cellule humaine hNT, la protéine Tau contribue à la maladie, particulièrement dans les formes familiales de la maladie d’Alzheimer ©Inserm/U837

Un consortium international rapporte deux nouveaux gènes dont certaines mutations rares augmentent fortement le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Ces travaux ont été pilotés par deux équipes françaises dirigées par Gaël Nicolas et Jean-Charles Lambert et par une équipe néerlandaise. Ils offrent une meilleure compréhension des mécanismes génétiques de la maladie d’Alzheimer et ouvrent de nouveaux axes de recherche avec des modèles in vitro et in vivo plus pertinents. Ces résultats pourraient également être susceptibles d’aboutir à de nouvelles stratégies en recherche thérapeutique. Ces résultats sont publiés en novembre 2022 dans la revue Nature Genetics.

La maladie d’Alzheimer est la plus fréquente des maladies neurodégénératives, touchant environ 1 200 000 personnes en France, dont 4 % avant l’âge de 65 ans. Il s’agit d’une pathologie multifactorielle complexe causée par l’interaction de multiples facteurs de prédisposition génétiques et non génétiques. Parce que la composante génétique est particulièrement importante dans cette pathologie, la caractériser est un enjeu majeur de la recherche pour mieux connaître les mécanismes et pouvoir proposer des stratégies thérapeutiques pertinentes.

Si nos connaissances sur l’implication de variants génétiques communs (fréquence supérieure à 1 % dans la population générale) ont énormément progressé ces dernières années avec la découverte de 75 régions chromosomiques/gènes associées au risque de développer la maladie, le rôle des variants rares voire très rares a été insuffisamment étudié. Ceux-ci pourraient pourtant occuper une place importante dans la prédisposition génétique de la maladie, de par leurs effets biologiques directs et leur grande diversité.

Deux nouveaux gènes identifiés

C’est dans ce contexte qu’un consortium international, piloté par deux équipes françaises dirigées par Gaël Nicolas à Rouen et Jean-Charles Lambert à Lille ainsi qu’une équipe néerlandaise du CHU d’Amsterdam VUMC dirigée par Henne Holstege, a identifié deux nouveaux gènes, dont certaines mutations rares augmentent fortement le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Les chercheurs de l’Inserm, de l’Institut Pasteur de Lille, du CHU de Lille, de l’Université de Lille, de l’Université de Rouen Normandie et du Centre National de Référence Malades Alzheimer Jeunes du CHU de Rouen ont, avec leurs collègues européens et américains, mené une étude de séquençage à haut-débit sur 16,032 patients et 16,522 témoins. Cette approche de séquençage permet de connaitre de façon la plus précise possible la plupart des variations génétiques portées par un individu.

En étudiant spécifiquement les régions de l’ADN qui codent pour les protéines de notre organisme (les exons), les chercheurs ont pu établir une cartographie des variations rares délétères qui modifient potentiellement les fonctions biologiques de ces protéines. Ils ont notamment pu valider l’implication de variants rares dans les gènes SORL1, TREM2 et ABCA7 mais aussi identifier deux nouveaux gènes majeurs, ATP8B4 et ABCA1, tandis qu’un dernier, ADAM10, reste à confirmer.

Certaines variations génétiques rares dans ces gènes sont associées à une augmentation importante du risque de développer la maladie, cet impact étant encore plus marqué dans les formes précoces de la maladie.

Mieux comprendre les mécanismes de la maladie

En raison de leurs impacts, ces variants rares vont permettre de mieux comprendre les mécanismes de la maladie. En effet, deux phénomènes pathologiques ont déjà bien été documentés : l’accumulation de peptides béta-amyloïdes et la modification et accumulation de la protéine Tau chez les malades.

Or, certains des gènes découverts dans cette étude sont impliqués dans la production ou l’agrégation des peptides béta-amyloïdes, confirmant leur rôle central dans le développement de la maladie. Par ailleurs, ce travail conforte le rôle important des cellules microgliales, dont une fonction majeure est de nettoyer le cerveau, rôle déjà mis au jour par des découvertes génétiques précédentes.

Ces résultats, basés sur la plus grande étude mondiale de données de séquençage à l’heure actuelle, permettent de faire un pas important dans la compréhension des facteurs génétiques de la maladie d’Alzheimer. Ils offrent une meilleure compréhension des mécanismes biologiques impliqués et permettent d‘ouvrir de nouveaux axes de recherche sur des modèles in vitro et in vivo plus pertinents ciblant ces nouveaux gènes. En poursuivant ces travaux, les scientifiques pourraient également être susceptibles d’aboutir à de nouvelles stratégies en recherche thérapeutique à l’avenir.

fermer