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Ne pas savoir faire face à l’incertitude : porte d’entrée de la psychose ?

Imaginez que vous soyez plongé dans un univers dans lequel les évènements n’auraient pas toujours les mêmes conséquences, et dont les règles changeraient à votre insu ? Comment vous adapteriez-vous ? La prise en compte de l’incertitude dans la prise de décision est une question fondamentale de psychologie générale. Notre univers s’avère plus ou moins prédictif et notre cerveau doit s’adapter à cette incertitude pour faire les meilleurs choix possibles en toute situation. C’est le sujet auquel se sont intéressés Fabien Vinckier et Raphaël Gaillard, chercheurs de l’hôpital Sainte Anne, de l’Inserm et de l’Université Paris Descartes, en collaboration avec Mathias Pessiglione chercheur Inserm au sein de l’Institut du Cerveau et de la Moelle à la Pitié–Salpêtrière, AP-HP, et Paul Fletcher, de l’Université de Cambridge en Grande Bretagne.  Cette étude parue dans Molecular Psychiatry révèle que la capacité à adapter nos décisions à l’incertitude inhérente à tout choix serait perturbée dans les premiers temps de la psychose.

Des participants ont été invités à jouer à un jeu sur ordinateur au cours duquel ils devaient décider de miser ou non sur des symboles. Les règles n’étaient pas toujours appliquées et s’inversaient de temps à autre (un symbole faisant globalement gagner de l’argent se mettait à en faire perdre, et vice versa). Placés dans ces conditions, les participants devaient être capables, pour adapter leurs choix, de détecter à la fois les changements des règles du jeu et les moments de stabilité. Il a été possible de montrer, grâce à des modèles mathématiques, que pour être le plus efficace, les participants utilisent pour faire leurs choix leur confiance dans les règles du jeu.

Pour reproduire les conditions des premiers temps de la psychose, les participants ont reçu en perfusion, alternativement, soit un placebo, soit de la kétamine à très faible dose. La kétamine est un agent anesthésiant utilisé tous les jours à forte dose au bloc opératoire, et qui provoque à faible dose des symptômes qui ressemblent beaucoup aux premiers temps d’un épisode psychotique. Le comportement des participants et leur activité cérébrale mesurée en continu en imagerie cérébrale magnétique fonctionnelle (IRMf) permettaient d’identifier les effets de la kétamine.

Grâce à ce dispositif, les chercheurs démontrent que la kétamine altère la capacité des participants à distinguer les moments pendant les règles du jeu sont stables et ainsi à optimiser leur comportement.

Ainsi, ils ne parvenaient pas à miser systématiquement sur le symbole gagnant (c’est-à-dire à miser dans 100% des cas même si le symbole n’est effectivement gagnant que dans 80% des cas), comme si un doute persistant les perturbait. Ce déficit est corrélé à un dérèglement d’un réseau cérébral fronto-pariétal.

« Cette étude caractérise le rôle clé de l’adaptation à l’incertitude dans la prise de décision et sa perturbation dans les premiers temps de la psychose. Elle devrait permettre de mieux comprendre l’émergence du délire et de guider l’innovation thérapeutique » explique Raphaël Gaillard, professeur de psychiatrie à l’Université Paris Descartes et chef du pôle hospitalo-universitaire de thérapeutique et santé mentale à l’hôpital Sainte Anne.

Cette étude met en évidence, dans un modèle pharmacologique de psychose, la perturbation de la capacité à adapter finement le comportement au caractère incertain de l’environnement. Les bases cérébrales de cette dysfonction sont identifiées (un réseau fronto-pariétal), et peuvent être mises en lien avec la voie moléculaire sur laquelle agit la kétamine et sur laquelle se concentre actuellement la recherche de nouveaux traitements de la schizophrénie.

Ce résultat s’inscrit dans la continuité de la publication parue dans la revue Science (Whitson, Science, 2008) sur l’émergence de phénomènes d’allure psychotique (superstitions, scénarios conspirationnistes) chez des personnes soumises à une forte incertitude. Certains symptômes psychotiques tels que l’émergence d’idées délirantes, pourraient constituer une sorte de réponse inadaptée à l’incapacité de construire et de maintenir une représentation stable du monde.

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Autisme : de l’intérêt d’une approche intégrée pour son diagnostic

Des chercheurs de l’Inserm (Unité Inserm 930  » Imagerie et cerveau « ) associés à l’Université François-Rabelais et au CHRU de Tours ont combiné trois approches clinique, neurophysiologique et génétique pour mieux comprendre des mécanismes cérébraux à l’origine de l’autisme. Testée sur deux familles, cette stratégie a permis aux chercheurs d’identifier des combinaisons de gènes spécifiques aux patients autistes les distinguant de patients souffrant de déficience intellectuelle.
Cette étude, publiée dans la revue Molecular Psychiatry, ouvre de nouvelles perspectives pour le diagnostic et la compréhension des mécanismes physiopathologiques de l’autisme.

L’autisme est une pathologie qui se manifeste par une grande hétérogénéité à la fois sur le plan de ses manifestations cliniques et sur le plan génétique. On estime aujourd’hui que près de 400 gènes pourraient participer à ce trouble. Le diagnostic de cette maladie est d’autant plus complexe qu’elle est fréquemment associée à d’autres troubles développementaux mettant en jeu les mêmes gènes.

Pour améliorer le diagnostic, les chercheurs de l’Inserm ont utilisé une approche originale multi-modale combinant :

  • Une évaluation clinique
  • Une analyse génomique à haut débit pour le séquençage de l’ensemble des gènes
  • Des analyses de l’activité électrique cérébrale en réponse à la perception d’un changement (électroencéphalographie – EEG)


Deux familles incluant des sujets atteints d’autisme et/ou de déficience intellectuelle ont bénéficié de cette approche intégrée. Au sein de ces deux familles, toutes les personnes touchées par la maladie étaient porteuses d’une mutation dans le gène NLGN4X se traduisant au niveau du cerveau par des problèmes de transmission de l’information dans les neurones.

Grâce à l’EEG, les chercheurs remarquent en premier lieu une altération dans les ondes cérébrales, propre aux patients souffrant d’autisme. Le reste de leur famille, y compris ceux atteints de déficience intellectuelle, ne présentaient pas cette caractéristique.

Grâce à cette nouvelle approche, une deuxième mutation rare été caractérisée et associée à l’activité cérébrale atypique mesurée en EEG chez les patients autistes.

Pour Frédéric Laumonnier et Frédérique Bonnet-Brilhault, principaux auteurs de ce travail, « cette étude permet de comprendre qu’il n’existe pas de « gène de l’autisme »  mais des combinaisons de gènes impliqués dans le neurodéveloppement qui vont atteindre le développement des réseaux neuronaux cibles de cette pathologie ».

L’identification de ces combinaisons est une étape clé dans la compréhension de la physiopathologie et à terme dans le développement de molécules thérapeutiques ciblées.

L’autisme est un trouble envahissant du développement qui apparaît précocement au cours de l’enfance et persiste à l’âge adulte. Il se manifeste par des altérations dans la capacité à établir des interactions sociales et à communiquer, ainsi que par des troubles du comportement. Les personnes souffrant d’autisme semblent souvent isolées dans une sorte de monde intérieur.

Retrouver le dossier d’information « Autisme » sur le site Inserm.fr

Ces travaux ont reçu le soutien de la Fondation de France et de l’Union Européenne (projet FP7 Gencodys)

Soigner la cécité : une nouvelle protéine en vue ?

Les maladies vasoprolifératives oculaires sont responsables de la perte de vision de millions de personnes dans les pays industrialisés. Aujourd’hui, de nombreux patients ne répondent pas au traitement proposé ciblant un facteur spécifique, le VEGF. Une équipe de chercheurs Inserm au sein de l’Institut de la Vision (Inserm/CNRS/Université Pierre et Marie Curie) en association avec une équipe du Centre de recherche cardiovasculaire de l’université Yale, démontrent que le blocage d’une autre protéine, Slit2, empêche le développement pathologique des vaisseaux, responsable de ces maladies, dans un modèle animal. Ces travaux sont publiés dans Nature Medicine.

Les maladies vasoprolifératives oculaires sont la cause principale de cécité dans les pays industrialisés. La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), la rétinopathie diabétique et la rétinopathie du prématuré (touchant les nouveau-nés) sont caractérisées par une atteinte progressive de la rétine, la région de l’œil qui réceptionne l’information visuelle et la transmet au cerveau. Cette altération est provoquée par une croissance anormale des vaisseaux sanguins dans la rétine. Ces vaisseaux fragilisés laissent alors diffuser du sérum, responsable d’un œdème qui soulève la rétine, et/ou du sang entrainant une hémorragie rétinienne.

Ce processus met en jeu plusieurs protéines nécessaires au développement normal ou pathologique des vaisseaux. L’action du facteur de croissance vasculaire endothélial (VEGF) est en particulier déterminante dans ce trouble oculaire. Actuellement, les traitements principaux visent à bloquer son action en injectant dans l’œil des inhibiteurs. Certains patients sont ou deviennent résistants à ces thérapies anti-VEGF.

C’est pourquoi l’équipe dirigée par Alain Chédotal, en collaboration avec une équipe menée par Anne Eichmann[1], s’est intéressée à l’identification de nouveaux facteurs impliqués dans le processus de croissance de nouveaux vaisseaux sanguins, l’angiogénèse. Ils se sont particulièrement penchés sur le cas de Slit2.

Slit2 est une protéine déjà connue pour son rôle dans le développement des connexions neurales. En agissant sur ses récepteurs Robo1 et Robo2, elle est aussi impliquée dans le développement de nombreux organes et de certains cancers. Les chercheurs ont donc formulé l’hypothèse que ce facteur pourrait avoir un rôle dans la vascularisation anormale observée dans les maladies vasoprolifératives oculaires.

Pour valider ce postulat, les scientifiques ont inactivé Slit2 dans un modèle de souris. Ils ont alors observé que la ramification des vaisseaux rétiniens et leur croissance étaient sévèrement réduites et ce, sans modifier la stabilité du réseau sanguin déjà existant. De manière surprenante ils ont découvert que sans cette protéine, l’action du VEGF était aussi partiellement réduite. En bloquant simultanément Robo1 et Robo2, ils ont obtenu les mêmes résultats. Ils ont ainsi démontré que Slit2 est nécessaire à l’angiogénèse dans la rétine.

« Le succès de ces premières expériences nous a laissé espérer que le contrôle de Slit2 bloquerait le développement anarchique des vaisseaux dans les pathologies oculaires » explique Alain Chédotal, directeur de recherche Inserm.


L’équipe a donc reproduit ces tests dans un modèle animal de rétinopathie du prématuré. Comme ils l’avaient suspecté, l’absence de la protéine Slit2 prévient la vascularisation anormale de la rétine chez ces jeunes souris.

Ces travaux suggèrent que les thérapies ciblant la protéine Slit2 et ses récepteurs Robo1 et Robo2 pourraient être bénéfiques pour les patients atteints d’une maladie oculaire vasoproliférative, tout particulièrement pour ceux résistants aux thérapies classiques anti-VEGF.

Au demeurant, il serait intéressant de mettre en place d’autres études pour mieux comprendre le mécanisme d’action de Slit2 et son lien avec le facteur VEGF. Cela pourrait ouvrir de nouvelles pistes pour le traitement des tumeurs.

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© Alain Chédotal / Inserm. Réseau vasculaire dans une rétine de souris d’une semaine. La croissance se fait vers le haut. Les cellules endothéliales constituant la paroi des vaisseaux sont visualisées en bleu et leur noyau en rouge. Le marquage vert indique le noyau des cellules en prolifération, qui seront à l’origine des nouveaux vaisseaux. Les cellules endothéliales en prolifération apparaissent donc en jaune (vert ajouté au rouge).

[1] Centre de recherche cardiovasculaire (Université Yale) et Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (CNRS/INSERM/Collège de France)

Une micropompe électronique pour soigner au cœur du cerveau

De nombreux médicaments potentiellement efficaces sont créés pour traiter les désordres neurologiques, mais ne peuvent pas toujours être utilisés dans la pratique. Typiquement, pour une maladie telle que l’épilepsie, agir sur le cerveau exactement au bon moment et au bon endroit est essentiel. C’est pourquoi l’équipe de chercheurs dirigée par Christophe Bernard au sein de l’Unité Inserm 1106 « Institut de neurosciences des systèmes », avec l’aide de scientifiques de l’Ecole des Mines de St. Etienne et de l’Université de Linköping (Suède), a développé une micropompe électronique et organique qui, associée à un anti-épileptique, inhibe de manière localisée, la crise épileptique au niveau du cerveau in vitro. Ces travaux sont publiés dans la revue Advanced Materials.

Actuellement, les médicaments sont l’approche la plus utilisée pour traiter les maladies du cerveau. Pourtant, il arrive que des produits prometteurs échouent aux tests au niveau clinique pour plusieurs raisons :
– Ils sont dilués dans des solutions potentiellement toxiques,
– Ils peuvent eux-mêmes être toxiques lorsqu’ils atteignent des organes vers lesquels ils ne sont pas initialement dirigés,
– La barrière hémato-encéphalique, qui sépare le cerveau de la circulation sanguine, empêche la majorité des molécules d’atteindre leurs cibles cérébrales,
– Les médicaments qui réussissent à pénétrer dans le cerveau vont agir de manière non spécifique et donc sur des régions cérébrales saines.

L’épilepsie est un exemple typique pour lequel de nombreux médicaments n’ont pu être commercialisés à cause de leur nocivité, alors qu’ils étaient potentiellement efficaces pour traiter les patients résistants aux traitements classiques [1] .

Lors d’une crise d’épilepsie, les cellules nerveuses d’une zone précise du cerveau s’activent soudainement de manière excessive. Comment alors contrôler ce phénomène sans intervenir sur les régions cérébrales saines ? Pour répondre à cette question, l’équipe de Christophe Bernard, en collaboration avec l’équipe de George Malliaras au Campus Georges Charpak-Provence de l’Ecole des Mines de Saint-Étienne et des scientifiques suédois, ont développé une micropompe biocompatible permettant de délivrer les substances thérapeutiques directement dans les zones du cerveau concernées.

La micropompe (20 fois plus fine qu’un cheveu) est constituée d’une membrane dite « à échange de cations », c’est-à-dire que des ions négatifs sont fixés à sa surface. Ainsi, elle attire les petites molécules chargées positivement, que ce soient des ions ou des médicaments. Lorsqu’un courant électrique lui est appliqué, le flux d’électrons généré projette les molécules d’intérêt vers la zone visée.

Pour pouvoir valider cette nouvelle technique, les chercheurs ont reproduit l’hyperexcitabilité des neurones épileptiques dans le cerveau de souris in vitro. Puis, ils ont injecté le GABA, une molécule naturellement produite dans le cerveau qui inhibe les neurones, au niveau de cette région hyperactive grâce à la micropompe. Les scientifiques observent alors que la molécule a non seulement mis fin à l’activité anormale de la région ciblée mais surtout, n’interfère pas avec les fonctions des neurones avoisinants.

Cette technologie résoudrait donc les obstacles rencontrés classiquement par les thérapies en permettant une action très localisée, directement dans le cerveau et sans toxicité périphérique.

« En équipant des électrodes, comme celles utilisées pour traiter la maladie de Parkinson, avec cette micropompe, il serait envisageable de se servir de cette technologie pour soigner des patients épileptiques résistants aux traitements classiques, ainsi que ceux pour lesquels les effets secondaires sont trop importants » explique Christophe Bernard, directeur de recherche Inserm.


Sur la base de ces premiers résultats, les chercheurs travaillent désormais sur un passage au modèle animal in vivo et sur la possibilité d’allier ce système de haute technologie à la mini puce qu’ils ont déjà développée en 2013. Le dispositif pourrait être embarqué et autonome. La puce servirait à détecter l’arrivée imminente de la crise, afin de déclencher l’activation de la pompe pour l’injection du médicament au moment le plus propice. Il serait donc possible de contrôler l’activité du cerveau et quand c’est nécessaire.

Au-delà de l’épilepsie, cette technologie de pointe combinée avec des médicaments déjà existants, offre de nouvelles perspectives pour de nombreuses pathologies du cerveau qui restent difficilement traitables aujourd’hui.

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La micropompe électronique organique (représentée par un cylindre violet) permet de libérer directement au milieu des neurones des molécules actives (sphères) qui vont permettre de contrôler l’activité de ces neurones (ici elles vont stopper une activité épileptique).

© Adam Williamson, Christophe Bernard, ID Labs, Arab4D (Christophe Bernard: Controlling Epileptiform Activity with Organic Electronic Ion Pumps. DOI: 10.1002/adma.201500482. 2015. Copyright Wiley-VCH Verlag GmbH & Co. KGaA. Reproduced with permission)


[1]  L’épilepsie en bref :

Cette pathologie, qui touche près de 50 millions de personnes dans le monde, est le désordre neurologique le plus fréquent après la migraine.

Les dysfonctionnements neuronaux des épileptiques entraînent des crises aux symptômes variés : de la perte de conscience aux troubles du mouvement, des sensations ou de l’humeur.

Malgré les progrès de la médecine, 30 % des personnes touchées sont résistantes à tout traitement.

Un composé pharmacologique pour restaurer la transmission neuromusculaire

Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’université Paris Descartes viennent de mettre en évidence l’effet bénéfique du chlorure de lithium sur un groupe d’affections génétiques à l’origine de dysfonctionnements du muscle appelées myasthénies congénitales. Ces résultats obtenus sur un nouveau modèle d’étude de la pathologie chez la souris, sont publiés dans la revue The Journal of Neuroscience et constituent une étape importante dans la recherche de traitements pour ces maladies rares.

Les syndromes myasthéniques congénitaux (SMC) débutent habituellement dans la période néonatale, mais parfois plus tardivement au cours de l’enfance, de l’adolescence, voire à l’âge adulte. Ils se traduisent par une faiblesse musculaire des bras et des jambes, une atteinte oculaire, des muscles faciaux et bulbaires (succion, déglutition, dysphonie). Ils se caractérisent par le dysfonctionnement de la transmission neuromusculaire. Cette maladie rare touche de 1 à 2 individus pour 500 000 (source : Orphanet).
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© Fotolia. Les synapses des neurones permettent la transmission des messages neuromusculaires.

Des chercheurs du « Centre de neurophysique, physiologie, pathologie » (CNRS / Université Paris Descartes) à Paris étudient les mécanismes physiopathologiques de ces maladies de la transmission neuromusculaire.
Chez une souris transgénique modèle d’étude de la pathologie, ils viennent de montrer l’effet bénéfique d’un composé pharmacologique nommé chlorure de lithium (LiCl). Le chlorure de lithium était déjà connu dans le traitement de certaines maladies du système nerveux central, telles que la dépression et le syndrome bipolaire.

« Le traitement par le chlorure de lithium de ces souris diminue la faiblesse et la fatigabilité musculaire » explique Laure Strochlic, chercheur Inserm.

 En détail, les chercheurs ont injecté le produit une fois par jour dans le péritoine des souris. Le composé restaure en grande partie la structure altérée des synapses, ces structures qui permettent la transmission de l’information entre les cellules nerveuses. Il agit en inhibant une enzyme appelée « GSK3 » dans le muscle, ce qui permet de rétablir le déficit moteur causé par la maladie.

Les chercheurs travaillent désormais à la généralisation de ces résultats sur d’autres modèles des myasthénies congénitales et à l’ajustement du dosage et de la durée du traitement. Ils envisagent un essai clinique pour tester l’efficacité du LiCl et d’autres inhibiteurs de l’enzyme GSK3 d’ici deux à trois ans.

Ces résultats sont protégés par un brevet déposé par Inserm Transfert.

Réparer le cortex cérébral, c’est possible

L’équipe d’Afsaneh Gaillard (Unité Inserm 1084, Laboratoire de neurosciences expérimentales et cliniques, Université de Poitiers) en collaboration avec l’Institut de recherche interdisciplinaire en biologie humaine et moléculaire de Bruxelles, vient d’aboutir à un premier pas important dans le domaine des thérapies cellulaires : réparer le cortex, chez la souris adulte, grâce à une greffe des neurones corticaux dérivés de cellules souches embryonnaires. Ces résultats viennent d’être publiés dans Neuron.

Le cortex cérébral est une des structures les plus complexes de notre cerveau, il est composé d’une centaine de type de neurones organisés en 6 couches et en de nombreuses aires distinctes sur le plan neuroanatomique et fonctionnel.

Les lésions cérébrales, qu’elles soient d’origine traumatique ou neurodégénérative, entrainent une mort cellulaire associée à des déficits fonctionnels importants. Afin de pallier les capacités limitées de régénération spontanée des neurones du système nerveux central adulte, les stratégies de remplacement cellulaire par transplantation de tissu embryonnaire présentent un potentiel intéressant.

Un défi majeur pour la réparation du cerveau est d’obtenir des neurones corticaux de couche et d’aire appropriées afin de rétablir de façon spécifique les voies corticales lésées.

Les résultats obtenus par les équipes d’Afsaneh Gaillard et de Pierre Vanderhaeghen de l’Institut de Recherche Interdisciplinaire en Biologie humaine et moléculaire de Bruxelles démontrent, pour la première fois, chez la souris, que les cellules souches pluripotentes différenciées en neurones corticaux permettent de rétablir les circuits corticaux lésés adulte sur le plan neuroanatomique et fonctionnel.
Ces résultats suggèrent par ailleurs que la restauration des voies lésées n’est possible que par des neurones de même type que la région lésée.

Cette étude constitue une étape importante dans le développement de thérapie cellulaire appliqué au cortex cérébral.

Cette approche, n’est encore qu’expérimentale (uniquement chez la souris de laboratoire). De nombreuses recherches seront nécessaires avant une application clinique éventuelle chez l’homme. Néanmoins, pour les chercheurs, « le succès de nos expériences d’ingénierie cellulaire, permettant de générer des cellules nerveuses de façon contrôlée et illimitée, et de les transplanter, constitue une première mondiale. Ces travaux ouvrent de nouvelles voies d’approche de réparation du cerveau endommagé, notamment après accidents vasculaires ou traumatismes cérébraux », expliquent-ils.
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Illustration montrant l’intégration des neurones greffés dans le cerveau après la lésion deux mois après greffe. Les projections spécifiques de cerveau adulte (rouge) vers les neurones greffés (vert). © A. Gaillard/Inserm

Ce projet a été financé par Agence Nationale de la Recherche (ANR-09-MNPS-027-01).

 

Le sommeil réduit les capacités de prédiction du cerveau

Pourquoi ne prenons-nous pas conscience des bruits extérieurs pendant notre sommeil ? Une étude, réalisée à Neurospin (CEA/Inserm), en collaboration avec le centre du sommeil et de la vigilance de l’Hôtel-Dieu à Paris (AP-HP), l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), Collège de France et les Universités Paris-Sud et Paris-Descartes, montre que même si les sons pénètrent toujours dans le cortex auditif, le sommeil perturbe la capacité du cerveau à les anticiper. Les chercheurs ont démontré que le cerveau n’est plus capable d’élaborer des prédictions dans le sommeil, car les signaux prédictifs en provenance des aires corticales supérieures semblent abolis. Ces résultats sont publiés dans la revue américaine PNAS du 2 Mars 2015.

A l’écoute d’une mélodie, le cerveau à l’état de veille utilise les régularités de la séquence de sons pour prédire les sons à venir. Cette capacité de prédiction s’appuie sur un fonctionnement hiérarchique d’un ensemble d’aires cérébrales. Si un son rompt la régularité de la séquence, le cerveau génère alors une série de signaux d’erreurs de prédiction responsables entre autres des réactions à la nouveauté ou des réactions de surprise. Des études antérieures en électro-encéphalographie ont permis de décrire au moins deux signaux d’erreur successifs : la Mismatch Négativité (MMN) et la P300. La MMN a déjà été observée chez des sujets à l’état non conscient (y compris en état de coma), alors que la P300 serait spécifique du traitement conscient, car elle reflète l’intégration de l’information à travers un vaste réseau cérébral au-delà des régions auditives.

Au cours du sommeil, les sons de l’environnement ne sont pas consciemment perçus. Cependant, on ne sait pas à quel niveau s’interrompt l’intégration de ces sons par le cerveau, et si il est toujours capable d’en extraire les régularités et de les anticiper. Cet aspect particulier du fonctionnement du cerveau a été testé par une équipe de Neurospin (Inserm/CEA), en collaboration avec le centre du sommeil et de la vigilance de l’Hôtel-Dieu à Paris (AP-HP), l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), Collège de France et les Universités Paris-Sud et Paris-Descartes. Les chercheurs ont étudié, par électro et magnétoencéphalographie (E/MEG), les signaux d’erreurs de prédiction (la MMN et la P300) chez des sujets éveillés et endormis.

Les chercheurs ont invité des volontaires à s’endormir à l’intérieur de la machine de magnéto-encéphalographie de NeuroSpin, en présence de sons répétitifs. Les résultats ont confirmé que la P300 est un marqueur spécifique du traitement conscient des sons, puisqu’elle disparaissait dès l’endormissement, dès lors que les sujets n’étaient plus réactifs aux sons. Par contre, la MMN a été observée dans tous les stades de sommeil (sommeil lent et sommeil paradoxal). Cependant, ce signal n’est que partiellement maintenu puisque certaines aires cérébrales, qui normalement s’activent à l’état éveillé, ne répondent plus au stimulus sonore. En effet, le pic d’activité qui résulte d’une erreur de prédiction chez un individu éveillé disparaît pendant le sommeil. Seuls persistent des phénomènes passifs d’adaptation sensorielle, localisés aux aires auditives primaires.

Les chercheurs ont donc démontré que, par un défaut de communication entre les aires cérébrales, le cerveau n’est plus capable d’élaborer des prédictions dans le sommeil

Il reste cependant capable de représenter les sons au sein des aires auditives et de s’y habituer s’ils sont fréquents, ce qui explique pourquoi une alarme nous réveille, mais pas le bruit régulier de l’horloge.


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© S. Dehaene. Reconstruction des sources cérébrales des signaux d’erreurs à partir des enregistrements en magnétoencéphalographie. Les signaux témoignant d’une erreur de prédiction, la partie intermédiaire de la MMN et la P300, disparaissent dans le sommeil. Seuls les mécanismes passifs d’adaptation sensorielle (les parties précoces et tardives de la MMN), confinés aux aires auditives, persistent. (Les différents temps sont exprimés en millisecondes, ils mesurent le délai de réponse au son.

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VEGF-C, un facteur de croissance indispensable pour fabriquer de nouveaux neurones

Le déclin du mécanisme de neurogénèse (néoformation de neurones) au cours du vieillissement est impliqué dans l’émergence de pathologies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer. Des travaux de recherche associant des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Pierre et Marie Curie au sein de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (Inserm/ CNRS / Université Pierre et Marie Curie), en collaboration avec une équipe du centre de recherche cardiovasculaire de Yale, démontrent l’importance du facteur VEGF-C dans l’activation des cellules souches neurales et en conséquence dans la production de nouveaux neurones. Ces résultats, publiés dans Cell Reports, apportent un nouvel espoir dans le développement de thérapies qui permettraient d’améliorer la production de neurones pour pallier le déclin cognitif chez les personnes atteintes d’Alzheimer.

Tout au long de sa vie, un adulte est capable de générer, à partir de cellules souches neurales (CSN), de nouveaux neurones afin de maintenir l’ensemble des capacités cognitives. Cette neurogénèse se produit au niveau de l’hippocampe, structure du cerveau jouant un rôle central dans la mémoire. Cependant, l’âge et certains accidents cérébraux entraînent un déclin de cette fonction, ce qui peut contribuer à l’apparition de troubles cognitifs graves, tels que la maladie d’Alzheimer.

Si les étapes de la néoformation de neurones sont bien connues, les mécanismes moléculaires de ce phénomène sont eux moins bien compris. En effet, les CSN passent la majorité du temps à l’état de quiescence durant lequel la cellule est hors du cycle cellulaire et ne se divise pas. Des facteurs répresseurs qui maintiennent cette phase de quiescence ont été identifiés alors qu’il existe encore de nombreuses interrogations quant aux facteurs permettant la sortie de cette « dormance » cellulaire.

C’est dans ce contexte que Jean-Léon Thomas et Anne Eichmann ont décidé de se pencher sur les facteurs de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF) et leurs récepteurs (VEGFR) – déjà suspectés de participer à la régulation de la croissance et du maintien des cellules neurales. Plus spécifiquement, ils ont choisi de s’intéresser au pouvoir activateur potentiel du facteur VEGF-C associé à son récepteur VEGFR3.

Leurs expériences in vitro et in vivo confirment que les CSN des rongeurs possèdent le récepteur VEGFR3 et produisent elles-mêmes le facteur VEGF-C. La stimulation des CSN par le VEGF-C mène à l’activation de ces cellules, c’est-à-dire à leur entrée en cycle cellulaire et à leur conversion en progéniteurs neuraux, pour finalement produire de nouveaux neurones. La particularité d’action du VEGF-C dans le cerveau, par rapport à d’autres facteurs de croissance vasculaires comme le VEGF-A, est qu’il induit une réponse des CSN à des concentrations où il ne provoque pas de prolifération vasculaire. Cette propriété confère un intérêt potentiel au VEGF-C comme activateur spécifique des CSN cérébrales.

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© Inserm, Jinah Han. Parmi les cellules souches neurales de l’hippocampe (caractérisées par l’expression de Nestine (blanc) et de GFAP (rouge)), les cellules qui possèdent le récepteur VEGFR-3 (en vert) sont très nombreuses .

Chez les souris déficientes en VEGFR3 dans les CSN, ce phénomène de neurogénèse est aboli. Les scientifiques montrent ainsi que le signal VEGF-C/VEGFR3 non seulement participe mais est absolument nécessaire au « réveil » des cellules souches neurales et donc à la création de nouveaux neurones.

Ce modèle mutant a aussi permis à l’équipe d’observer une corrélation entre troubles de l’humeur et détérioration de la fonction neurogénitrice de l’hippocampe. Comme suspecté, ces souris dont l’activation des CSN est compromise, vont développer avec l’âge une anxiété exagérée, similaire à celle retrouvée chez les patients Alzheimer. Ce résultat suggère que la signalisation neurale VEGF-C/VEGFR3 participe au maintien des fonctions cognitives dans le modèle murin.

Des observations validées chez l’homme

Dans la suite logique de ce travail mené chez le rongeur, les chercheurs se sont interrogés sur la présence de mécanismes similaires chez l’homme. Ils ont alors découvert que cette voie de signalisation est conservée dans les cellules neurales humaines où elle promeut aussi la prolifération et la survie cellulaires in vitro.

Bien que ces résultats soient encore préliminaires, ils apportent des arguments en faveur de l’idée que l’activité des CSN adultes pourrait participer au contrôle physiologique et comportemental à l’échelle de l’organisme. De même, la régression de cette activité au cours du vieillissement pourrait être associée à l’instauration de troubles de l’humeur comme l’anxiété et la dépression.
Au point de vue thérapeutique, ces travaux sont encourageants : VEGF-C serait un bon candidat pour améliorer la production de nouveaux neurones et compenser le déclin cognitif des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.

Cerveau et attention spatiale : L’hémisphère gauche peut-il compenser une lésion de l’hémisphère droit ?

Le Dr Paolo Bartolomeo, Directeur de recherche Inserm et chef d’équipe de PICNIC LAB[1] à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière – ICM (Institut sous tutelle de l’Inserm, du CNRS et de l’UPMC) – et ses collaborateurs ont publié le 21 janvier 2015 dans la revue Brain, les résultats de leurs recherches sur la « négligence spatiale unilatérale » encore connue sous le terme « d’héminégligence ». Les personnes atteintes de ce trouble agissent comme si elles ignoraient la moitié gauche du monde. Ce trouble survient essentiellement après une lésion de l’hémisphère droit du cerveau, par exemple suite à un AVC (Accident Vasculaire Cérébral), et en aggravent le handicap en gênant la rééducation et la récupération. Les scientifiques ont donc recherché des facteurs prédictifs de la persistance de ce trouble, afin de proposer aux patients une rééducation adaptée.

Le travail publié montre que les deux hémisphères peuvent en partie se compenser l’un l’autre en cas de lésion, grâce à des mécanismes, dits de « plasticité cérébrale », encore peu connus. Les résultats suggèrent cependant que cette compensation nécessite que les deux hémisphères « se parlent » via des connexions – faisceaux de matière blanche formés par les prolongements des neurones – non lésées.

En phase aiguë d’un AVC survenant dans l’hémisphère droit, la grande majorité des patients présente des signes de négligence gauche (la partie gauche de notre corps fonctionnant avec l’hémisphère droit et vice versa). Ces patients se comportent comme si la moitié gauche du monde n’existait plus. Ils ne mangent pas ce qui se trouve dans la moitié gauche de l’assiette, se cognent dans les meubles situés à gauche, ne se rasent ou ne se maquillent pas la partie gauche du visage. Ils récupèrent également moins bien de leurs déficits moteurs que les patients touchés à l’hémisphère gauche. Certains d’entre eux récupèrent avec le temps, mais l’amélioration spontanée de la négligence est loin d’être la règle : au moins un tiers des patients présentant ce trouble en phase aiguë continueraient à en présenter les signes plus d’un an après leur lésion. Cela souligne l’enjeu clinique à identifier les facteurs prédictifs de la persistance de la négligence, afin de proposer une rééducation adaptée aux patients chez lesquels ce trouble risque de devenir chronique.

Le Dr Paolo Bartolomeo et ses collaborateurs ont suivi l’évolution de la négligence dans le temps chez 45 patients avec lésions vasculaires de l’hémisphère droit. Des méthodes avancées d’imagerie par résonance magnétique ont permis d’étudier l’état les fibres de substance blanche qui permettent aux différentes régions du cerveau de communiquer entre elles, ainsi que les deux hémisphères. Tous les patients négligents avaient des atteintes dans les voies de communications entre la partie antérieure et la partie postérieure de l’hémisphère droit ; les patients avec négligence persistante plus d’un an après la lésion présentaient, en plus, une atteinte de la partie postérieure du corps calleux, la connexion qui permet aux deux hémisphères de communiquer entre eux. L’hémisphère gauche (sain) doit donc pouvoir communiquer avec l’hémisphère lésé (droit), afin d’apprendre à compenser les déficits visuo-spatiaux provoqués par la lésion cérébrale. Les patients avec atteinte du corps calleux sont à risque de négligence chronique, et devraient donc bénéficier d’un accès prioritaire aux traitements de rééducation.
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Un patient souffrant de négligence spatiale omet de recopier les éléments situés à gauche d’une figure
© PICNIC LAB – ICM


[1] Physiological Investigations of Clinically Normal & Impaired Cognition

AVC du jeune adulte : découverte d’un gène de susceptibilité associé au saignement des artères cervicales

Les chercheurs de l’unité mixte de recherche « Santé publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au vieillissement » (Inserm/ Institut Pasteur de Lille/Université Lille 2) en collaboration avec le CHRU de Lille, ont découvert un gène de susceptibilité impliqué dans la survenue de cette cause majeure d’accident cérébral du sujet jeune. Ce gène, PHACTR1, est connu pour être également associé à la survenue de migraines et d’infarctus du myocarde. Cette étude internationale, réalisée dans le cadre du consortium international CADISP[1] et publiée dans la revue Nature Genetics, révèle qu’une forme du gène est associée à la diminution du risque de développer une dissection des artères cervicales à l’origine des saignements entraînant l’accident. Ce travail ouvre de nouvelles perspectives pour identifier les personnes à risque et tenter de prévenir la survenue des attaques cérébrales chez le jeune adulte.
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Accident vasculaire cérébral. Visualisation du tPA « Activateur tissulaire du Plasminogène » en rouge, dans un vaisseau (en vert), et dans le tissu cérébral. Image réalisée à l’unité 919 Inserm « Serine protéases et physiopathologie de l’unité neurovasculaire », Caen. ©Inserm/U919


La dissection des artères cervicales est une cause majeure d’attaque cérébrale du sujet jeune. Elle consiste en un saignement qui survient dans l’épaisseur même de la paroi des artères carotides ou vertébrales et qui va « déchirer » l’artère (d’où le terme de dissection) longitudinalement sans rompre le vaisseau. Ce saignement va être à l’origine d’un hématome qui va diminuer le diamètre de l’artère et potentiellement entraîner son obturation. Souvent, la formation d’un caillot à l’intérieur de l’artère stoppe ainsi totalement le passage du sang vers le cerveau, entraînant un accident vasculaire cérébral.

Les causes de ces dissections sont encore inconnues. L’hypothèse qui prévaut aujourd’hui est celle d’une maladie multifactorielle, possiblement liée à une anomalie préexistante de l’élasticité de la paroi des vaisseaux. On observe chez ces patients des facteurs associés comme des migraines, de l’hypertension, des infections ou des traumatismes récents parfois mineurs (port de charges lourdes, chute de vélo, étirements cervicaux dus aux accélérations de certaines montagnes russes, coups portés à la nuque…). Dans l’immense majorité des cas, les dissections des artères cervicales surviennent sans contexte familial et sans maladie héréditaire sous-jacente. Toutefois, plusieurs hypothèses sont en faveur d’une susceptibilité individuelle, portée par le génome qui favoriserait la survenue de dissections artérielles. C’est dans ce contexte que le consortium CADISP a été lancé afin de constituer la plus vaste étude jamais réalisée dans le domaine pour pouvoir cribler systématiquement notre génome et découvrir les bases de cette susceptibilité génétique individuelle.

Douze pays au total, dont dix pays européens, les Etats-Unis et la Russie, ont pu réunir 2052 malades atteints de dissection et comparer leurs génomes à ceux de 17 064 personnes non atteintes. Les chercheurs et médecins ont pu démontrer qu’une forme particulière du gène PHACTR1 était associée à une diminution du risque de développer une dissection des artères cervicales. Cette même forme du gène PHACTR1 a été associée dans d’autres études à un risque diminué de migraines et à un risque augmenté d’infarctus du myocarde. Les chercheurs ont également identifié deux autres gènes potentiellement associés au risque de dissection : le gène LRP1 déjà associé à la migraine et à l’anévrysme de l’aorte abdominale et le gène LNX1, tous deux nécessitant d’autres confirmations.

« Face à la difficulté diagnostique et à la gravité de cette maladie, la caractérisation du gène de susceptibilité génétique PHACTR1 permettra de mieux comprendre les mécanismes d’apparition de ces dissections » explique Stéphanie Debette, neurologue, premier signataire de l’article et coordinatrice du consortium international CADISP.


« Grâce au regroupement des efforts de recherche au niveau mondial, nous espérons parvenir à identifier plus rapidement les personnes à risque et trouver des solutions pour prévenir les conséquences fonctionnelles majeures associées à la survenue d’une attaque cérébrale chez l’adulte jeune » conclut Philippe Amouyel, épidémiologiste, directeur de l’unité mixte de recherche impliquant l’Inserm, l’Institut Pasteur de Lille et l’Université Lille 2.

Ces résultats ont pu être obtenus grâce à l’ensemble des cliniciens et de leurs patients et aux capacités de génotypage et d’analyse du Centre National de Génotypage du CEA, du Centre d’Etude du Polymorphisme Humain et de l’Institut Pasteur de Lille.

[1] Cervical Artery Dissections and Ischemic Stroke Patients

Pour en savoir plus :

La dissection des artères cervicales : quels sont les signes ?
Ce phénomène pathologique touche le jeune adulte, homme ou femme, autour de 40 ans, présentant peu ou pas de facteurs de risque vasculaires. Il se traduit par la survenue d’une douleur à l’endroit de la dissection, en général au niveau du cou, ou de maux de tête inhabituels. Dans la majorité des cas, simultanément ou dans les heures qui suivent, des symptômes caractéristiques de l’accident vasculaire cérébral (paralysie, perte de sensibilité, perte de la parole, diminution du champ visuel…) surviennent. La fréquence de ces dissections est d’environ 2,5 à 3 pour 100 000 habitants et par an, ce qui en fait une maladie peu fréquente, dont en pense aujourd’hui qu’elle reste sous-estimée.

 

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