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L’origine neurobiologique du trouble du déficit de l’attention confirmée

Une étude vient de confirmer, chez la souris, l’origine neurobiologique du trouble du déficit de l’attention (TDA), un syndrome dont les causes restent mal connues. Des chercheurs du CNRS, de l’université de Strasbourg et de l’Inserm1 ont identifié une structure cérébrale, le colliculus supérieur, dont l’hyperstimulation entraine des modifications de comportement similaires à celles de certains patients souffrant de TDA. Leurs travaux montrent aussi une accumulation de noradrénaline dans la zone concernée, mettant en lumière un rôle de ce médiateur chimique dans les troubles de l’attention. Ces résultats sont publiés dans la revue Brain Structure and Function.

Le trouble du déficit de l’attention touche entre 4 et 8% des enfants. Il se manifeste principalement par une perturbation de l’attention, une impulsivité verbale et motrice, parfois accompagnés d’hyperactivité. Environ 60% de ces enfants présenteront encore des symptômes à l’âge adulte. Il n’existe à ce jour aucun traitement curatif. Seule l’administration de psychostimulants améliore l’état des patients, avec cependant des effets secondaires importants tels que la dépendance. Une controverse persistante autour de l’origine neurobiologique de ce trouble a freiné le développement de nouveaux traitements.

L’étude strasbourgeoise s’intéresse au comportement de souris transgéniques présentant un défaut développemental au niveau du colliculus supérieur. Cette structure, située dans le cerveau moyen, est une plaque tournante sensorielle impliquée dans le contrôle de l’attention et de l’orientation visuelle et spatiale. Les souris étudiées sont caractérisées par une duplication des projections neuronales entre le colliculus supérieur et la rétine. Cette anomalie provoque une hyperstimulation visuelle du colliculus supérieur, dans lequel on trouve également un excès de noradrénaline. Les effets de ce neurotransmetteur, qui varient chez différentes espèces, sont encore mal connus.

Cependant, ce déséquilibre en noradrénaline est associé à des changements comportementaux significatifs chez les souris porteuses de la mutation génétique. En les étudiant, les chercheurs ont observé une perte de l’inhibition : les souris hésitent par exemple moins à pénétrer dans un environnement hostile. Elles ont en fait des difficultés à prendre en compte les informations pertinentes et font preuve d’une forme d’impulsivité. Ces symptômes rappellent ceux des patients adultes souffrant d’une des formes du TDA.

Actuellement, les travaux fondamentaux sur le TDA utilisent surtout des modèles animaux obtenus par des mutations perturbant les voies de production et de transmission de la dopamine. Chez les souris au colliculus supérieur malformé, ces voies sont intactes. Les modifications interviennent ailleurs, au niveau des réseaux de neurones du cerveau moyen. Utiliser ces nouveaux modèles permettrait de développer une approche plus globale du TDA, en élargissant le périmètre classique des recherches sur ses causes. Caractériser plus précisément les effets de la noradrénaline sur le colliculus supérieur pourrait donc ouvrir la voie à des stratégies thérapeutiques innovantes.

Colliculus supérieur

Sur cette image un marquage permet de voir les axones des neurones de la rétine (en rouge) qui innervent le colliculus supérieur (en bleu) chez une souris « normale »
© Michael Reber / Inserm Institut des neurosciences cellulaires et intégratives

(1) Du Laboratoire de neurosciences cognitives et adaptatives (CNRS/Université de Strasbourg) et de l’Institut des neurosciences cellulaires et intégratives (CNRS)

Caféine et maladie d’Alzheimer : un lien avec la protéine Tau

Des chercheurs de l’Inserm, de l’Université Lille 2/Université Lille-Nord de France et du CHRU de Lille dirigés par David Blum chargé de recherche à l’Inserm fournissent la preuve expérimentale des effets bénéfiques de la caféine dans un modèle animal de la maladie d’Alzheimer. Ces travaux, réalisés chez la souris et publiés dans la revue Neurobiology of Aging, renforcent l’idée d’un effet protecteur de la caféine sur certaines pathologies cérébrales.
Post-it note with smiley face sticked on cup 

©fotolia


Avec plus de 800 000 personnes atteintes en France, la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées représentent la première cause de perte des fonctions intellectuelles liée à l’âge. Les altérations cognitives observées dans la maladie d’Alzheimer sont notamment le résultat de l’accumulation de protéines Tau anormales dans les cellules nerveuses en dégénérescence. La consommation habituelle de caféine est connue pour réduire le déclin cognitif au cours du vieillissement et le risque de développer une démence. Cependant, les effets de la caféine sur les pathologies liées à la protéine Tau, et dont fait partie la maladie d’Alzheimer, autrement appelées Tauopathies, n’étaient pas clairement élucidés.

Le Dr. David Blum, du laboratoire « Alzheimer & Tauopathies » de l’unité mixte de recherche 837 (Inserm/Université Lille 2/Université Lille Nord de France/CHRU de Lille) dirigée par le Dr. Luc Buée vient de montrer, chez la souris, qu’une consommation habituelle de caféine prévient des déficits de mémoire et de certaines modifications de la protéine Tau. Pour parvenir à ce résultat, de jeunes souris transgéniques, qui développent progressivement avec l’âge une neurodégenerescence liée à la protéine Tau, ont reçu durant 10 mois de la caféine par voie orale.

 » Les souris traitées par la caféine ont développé une pathologie moins importante du point de vue de la mémoire, des modifications de la protéine Tau mais également de la neuro-inflammation » explique David Blum, chargé de recherche à l’Inserm. Cette étude fournit la preuve expérimentale d’un lien entre consommation de caféine et les pathologies liées à la protéine Tau dans un modèle de neurodégénérescence de la maladie d’Alzheimer. Cette étude indique également que la caféine agirait sur différents dysfonctionnements cérébraux impliqués dans la maladie d’Alzheimer pour exercer ses effets bénéfiques.

« Ces travaux vont dans le sens d’une contribution importante des facteurs environnementaux dans le développement de la maladie d’Alzheimer, souligne le chercheur. Aux vues de ces résultats, nous souhaitons maintenant d’une part identifier la cible moléculaire responsable des effets bénéfiques de la caféine et, d’autre part, mettre sur pied un essai clinique à base de caféine chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer  » ajoute-t-il.


Ces travaux ont fait l’objet d’un soutien du LabEx DISTALZ (development of Innovative Strategies for a Transdisciplinary Approach to Alzheimer’s Disease) dans le cadre des investissements d’avenir et des associations France Alzheimer et LECMA/AFI.

Ataxie de Friedreich : une thérapie génique efficace chez l’animal

L’équipe d’Hélène Puccio, directrice de recherche Inserm à l’IGBMC (Inserm / CNRS / Université de Strasbourg), en collaboration avec celle de Patrick Aubourg (Inserm et Professeur de Neuropédiatrie à l’hôpital Bicêtre-Paris Sud) a démontré chez la souris, l’efficacité d’une thérapie génique sur l’atteinte cardiaque associée à l’ataxie de Friedreich, une maladie neurodégénérative rare héréditaire. Le transfert d’une copie normale du gène déficient dans la maladie, via un vecteur viral, a permis de guérir complètement et très rapidement le cœur malade des souris traitées. Ces résultats sont publiés le 06 Avril 2014 dans la revue Nature Medicine.

L’ataxie de Friedreich est une maladie héréditaire rare et grave, associant une atteinte neurodégénérative progressive, une atteinte du cœur et un risque accru de diabète. Cette pathologie concerne une naissance sur 50 000. Aucun traitement efficace n’est disponible à l’heure actuelle pour cette maladie. L’ataxie de Friedreich débute le plus souvent à l’adolescence par des troubles de l’équilibre et de coordination (ataxie) des mouvements volontaires des jambes et des bras, confinant la plupart des patients au fauteuil roulant au bout de 10 à 20 ans d’évolution. Ce sont cependant les complications cardiaques qui engagent le pronostic vital chez 60 % des patients, le plus souvent avant l’âge de 35 ans.

La maladie est causée par une mutation principale dans le gène FXN, qui conduit à une réduction drastique de la production de la protéine appelée « frataxine ». Le taux réduit de frataxine perturbe l’activité de la mitochondrie, un organite essentiel à la cellule et qui joue un rôle fondamental dans la production d’énergie. Les tissus nerveux (cervelet, moelle épinière) et cardiaque sont particulièrement touchés par ce déficit énergétique, qui peut provoquer jusqu’à une insuffisance cardiaque fatale.

Les équipes d’Hélène Puccio, directrice de recherche Inserm, et Patrick Aubourg ont développé une approche thérapeutique basée sur l’utilisation d’un virus adéno-associé (AAV)[1], qui est connu pour cibler et faire exprimer avec efficacité un gène thérapeutique dans les cellules cardiaques. Le virus a été modifié pour être rendu inoffensif, tout en gardant sa capacité d’introduire une copie normale du gène FXN dans les cellules du cœur et d’y faire ainsi exprimer la frataxine normale.

L’équipe d’Hélène Puccio a testé sur un modèle de souris reproduisant les symptômes cardiaques des patients atteints d’ataxie de Friedreich l’efficacité de ce traitement. Les résultats de l’étude démontrent qu’une seule injection d’AAVrh10 exprimant la frataxine par voie intraveineuse permet, non seulement d’empêcher le développement de l’atteinte cardiaque chez des animaux avant l’apparition des symptômes, mais de façon plus impressionnante, un rétablissement complet et rapide du cœur d’animaux à un stade avancé de la maladie cardiaque. Au bout de trois semaines de traitement, le cœur redevient totalement fonctionnel, l’aspect du tissu cardiaque et la fonction des mitochondries sont très proches de ceux de souris saines. « C’est la première fois qu’une thérapie génique permet une rémission complète, durable et aussi rapide d’une maladie cardiaque dans un modèle animal. » explique Hélène Puccio.

Figure 3 post review

Mesure de l’activité d’une protéine mitochondriale (en bleu) essentielle à la production d’énergie cellulaire et qui est perturbée en absence de frataxine (absence de marquage dans le cœur non traité). Le traitement par thérapie génique exprimant la frataxine permet de corriger sur la totalité de la surface du cœur l’activité de cette protéine essentielle. © Inserm / H. Puccio

Par ailleurs,  le système nerveux central étant une autre cible des vecteurs AAV, les équipes d’Hélène Puccio et Patrick Aubourg sont en train de vérifier si une approche similaire de thérapie génique pourrait être aussi efficace qu’elle l’est pour le cœur, au niveau de la moelle épinière et du cervelet.

Ces résultats prometteurs font d’ores et déjà l’objet d’un développement pour proposer aux patients atteints d’ataxie de Friedreich et une cardiomyopathie évolutive un traitement par thérapie génique. Dans cet objectif, trois des auteurs de la publication ont créé AAVLife, entreprise française dédiée à la thérapie génique pour les maladies rares, pour entreprendre les essais chez l’homme. Cet essai a fait l’objet d’une demande de dépôt de brevet par Inserm Transfert.

Cette étude a été réalisée notamment grâce au soutien des associations FARA[2], AFAF[3] et l’AFM[4].

 


[1] AAV : plus particulièrement le serotype AAVrh10.

[2] Friedreich’s Ataxia Research Alliance, association américaine dédiée au traitement de l’ataxie de Friedreich

[3] Association Française de l’Ataxie de Friedreich

[4] Association Française contre les Myopathies

Les nouveau-nés font déjà le lien entre l’espace, le temps et les quantités

Les nourrissons possèdent déjà à leur naissance une représentation de l’espace, du temps et des quantités. C’est ce qu’ont réussi à démontrer Dr Maria Dolores de Hevia, Dr Véronique Izard, Aurélie Coubart, Professeur Elizabeth Spelke et Professeur Arlette Streri du Laboratoire de psychologie de la perception (Université Paris Descartes/CNRS/ Inserm) dans une étude publiée dans la revue PNAS.

L’origine des concepts d’espace, de temps et de quantité est un sujet étudié par différentes disciplines comme la philosophie, la psychologie expérimentale, la psychologie du développement et les sciences cognitives. L’espace, le temps et les quantités sont reliés à la fois dans le monde et dans l’esprit humain, mais comment ces connections viennent-elles à l’esprit ? Apprend-on à relier ces concepts grâce à nos expériences sensorielles en observant leurs corrélations dans le monde qui nous entoure ou bien notre esprit  permet-il d’emblée de les appréhender naturellement dès notre naissance ?

4 month old baby

© Fotolia

Afin de répondre à cette question, un protocole expérimental a été mis en place, au sein de la maternité de l’hôpital Bichat, permettant d’enregistrer l’attention visuelle de 96 nouveau-nés âgés de 2 jours en moyenne (entre 7h et 96h). L’expérience les plaçait dans une situation sollicitant deux de leurs modalités sensorielles : la vision et l’audition. Dans une première phase, pendant une minute, les nouveau-nés entendaient une séquence de sons évoquant une quantité numérique (6 ou 18 syllabes) et/ou une durée (1.4 ou 4.2 secondes), pendant qu’ils voyaient sur un écran une ligne légèrement en mouvement. Dans une seconde phase, les expérimentateurs présentaient de nouveaux événements visuels et auditifs, modifiés par rapport à la première phase. Cependant, ces événements changeaient soit de manière congruente (1), tous dans la même direction (ex : ligne plus longue, et une quantité de sons plus élevé), soit de manière non congruente, dans des directions opposées (ex : ligne plus grande, quantité de sons réduit).

Les résultats ont montré que les nouveau-nés réagissent quand ces grandeurs changent de manière congruente. Ils sont donc capables de relier une quantité numérique et/ou une durée, à une longueur dans l’espace.

Ce protocole expérimental a permis de montrer que, seulement quelques heures après leur naissance, les êtres humains sont déjà sensibles à la structure commune du temps, de l’espace et de la quantité, confortant ainsi certaines théories philosophiques comme celles de Kant.

Reste à savoir si d’autres dimensions quantitatives (luminosité, sonorité, etc..) sont concernées et à déterminer les bases cérébrales de ces prédispositions.

(1)   Qui est en rapport avec quelque chose.

Comment la lumière influence t-elle le fonctionnement du cerveau ?

Pensiez-vous que notre cerveau pouvait exécuter d’autant mieux une tâche cognitive, que nous avons été exposés à la lumière quelques heures auparavant ? Des chercheurs de l’Unité Inserm 846 « Cellules Souches et Cerveau « et du Centre de Recherche du Cyclotron de l’Université de Liège (Belgique) viennent de montrer que cet « effet retard » était dû au fait que nous possédons une sorte de mémoire de la lumière (ou mémoire photique). Les résultats de ce travail sont publiés dans la revue PNAS.

Il est établi depuis longtemps que la lumière exerce des effets importants sur le cerveau et notre bien-être. La lumière n’est pas uniquement indispensable à la vision, mais joue aussi un rôle essentiel dans un ensemble de fonctions dites « non-visuelles » comme la synchronisation de notre horloge biologique avec l’alternance jour-nuit. La lumière constitue également un stimulant puissant pour l’éveil et la cognition et elle est couramment employée pour améliorer la performance, et pour lutter contre la somnolence ou le « blues hivernal ».

Les mécanismes qui sous-tendent ces effets positifs de la lumière ne sont que très peu connus.

Durant les 10 dernières années, des scientifiques ont découvert un nouveau type de cellule sensible à la lumière dans l’œil (photorécepteur) appelé mélanopsine. Ce nouveau photorécepteur est essentiel pour transmettre l’information lumineuse vers de nombreux centres du cerveau dits « non-visuels ». Les recherches en laboratoire ont montré que sans ce photorécepteur, les fonctions non-visuelles sont perturbées, l’horloge biologique est déréglée et fonctionne en « roue libre » par rapport à l’alternance jour-nuit, et l’effet stimulant de la lumière est compromis.

La mélanopsine diffère des cônes et des bâtonnets puisqu’elle exprime des propriétés ressemblant aux photorécepteurs des invertébrés et elle est particulièrement sensible à la lumière bleue.  Toutefois, chez l’être humain, le rôle de la mélanopsine dans la régulation de l’éveil et de la cognition humaine n’est pas établi.

Des chercheurs du Centre de Recherche du Cyclotron de l’Université de Liège (Belgique) et du Département de Chronobiologie de l’Institut Cellules Souches et Cerveau de l’Inserm viennent cependant d’apporter les preuves de son implication dans l’impact de la lumière sur le cerveau.

En exploitant les propriétés photoréceptrices uniques de la mélanopsine couplée à Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle (IRMf), ils ont pu montrer que l’impact de la lumière sur les régions cérébrales nécessaires à la réalisation d’une tâche cognitive dépendait de la couleur spécifique de la lumière reçue plus d’une heure auparavant. 

Une exposition préalable à la lumière orange avant une lumière test augmente l’impact de cette lumière test, alors qu’une exposition préalable à une lumière bleue produit l’effet inverse.

image IRM

16 jeunes participants ont réalisé une tâche cognitive pendant qu’ils étaient exposés à une lumière test. Les régions cérébrales en orange répondaient plus à la lumière test si les participants avaient été exposés à une lumière orange 70 minutes plus tôt. 1. Thalamus; 2. Cortex prefrontal dorsolateral; 3. Cortex préfrontal ventrolatéral. Ces régions sont importantes pour la régulation de l’éveil et des processus cognitifs complexes. © Inserm/ Howard Cooper

Ce « effet retard » d’une exposition à la lumière sur la réponse lumineuse suivante est typique de la mélanopsine et de certains photopigments rencontrés chez les invertébrés et les plantes, et est connu sous le nom de « mémoire photique ».

 » Nous aurions donc une machinerie dans l’œil identique à celle des invertébrés qui participe à la régulation de notre cognition. De façon générale, la lumière de notre environnement évolue au cours de la journée et ces changements modifient notre état. Cette recherche met en avant l’importance de la lumière pour les fonctions cognitives cérébrales et constitue une preuve en faveur d’un rôle cognitif de la mélanopsine. » explique Howard Cooper.

Pour les chercheurs, cette découverte plaide également pour l’utilisation et la conception de systèmes lumineux qui optimisent les performances cognitives.

Pourquoi le cerveau se souvient-il des rêves?

Certaines personnes se souviennent de leurs rêves tous les matins alors que d’autres s’en souviennent rarement. L’équipe de Perrine Ruby, chargée de recherche Inserm, au sein du centre de recherche en neurosciences de Lyon (Inserm / CNRS / Université Claude Bernard Lyon 1) a étudié l’activité cérébrale de ces rêveurs afin de comprendre ce qui les différencient. Dans une étude publiée dans la revue Neuropsychopharmacology, les chercheurs montrent que la jonction temporo-pariétale, un carrefour du traitement de l’information dans le cerveau, est plus active chez les grands rêveurs. Elle induirait une plus grande réactivité aux stimulations extérieures, faciliterait ainsi le réveil au cours du sommeil, ce qui favoriserait la mémorisation des rêves.

L’origine du rêve continue d’être un mystère pour les chercheurs qui étudient la différence entre les « grands rêveurs », qui parviennent à se souvenir de leurs rêves régulièrement, et les « petits rêveurs » pour lesquels cet événement est plus rare. En janvier 2013 (travaux publiés dans la revue Cérébral Cortex), l’équipe de Perrine Ruby, chargée de recherche à l’Inserm et ses collaborateurs du centre de recherche en neurosciences de Lyon, ont réalisé deux constats : les « grands rêveurs » comptabilisent 2 fois plus de phases de réveil pendant le sommeil que les « petits rêveurs » et leur cerveau est plus réactif aux stimuli de l’environnement. Cette sensibilité expliquerait une augmentation des éveils au cours de la nuit et permettrait ainsi une meilleure mémorisation des rêves lors de cette brève phase d’éveil. Dans cette nouvelle étude, l’équipe de recherche  a cherché quelles régions du cerveau différencient les grands des petits rêveurs en mesurant l’activité cérébrale spontanée en Tomographie par Emission de Positons (TEP) à l’éveil et pendant le sommeil chez 41 rêveurs volontaires.

Les volontaires ont été classés en 2 groupes : 21 « grands rêveurs » se souvenant de leur rêve en moyenne 5.2 fois par semaine et 20 « petits rêveurs » rapportant en moyenne 2 rêves par mois.

Les chercheurs ont mesuré avec le scanner TEP l’activité cérébrale des grands et petits rêveurs pendant l’éveil et pendant le sommeil. (Voir vidéo).
Les résultats révèlent que les grands rêveurs présentent une activité cérébrale spontanée plus forte pendant leur sommeil au niveau du cortex préfrontal médian (MPFC) et de la jonction temporo-pariétale (JTP), une zone cérébrale impliquée dans l’orientation de l’attention vers les stimuli extérieurs.

Jonction-temporo-parietal


Jonction temporo-pariétale (JTP) © Perrine Ruby / Inserm

« Cela explique pourquoi les grands rêveurs réagissent plus aux stimuli de l’environnement et se réveillent plus au cours de leur sommeil que les petits rêveurs, et ainsi pourquoi ils mémorisent mieux leurs rêves. En effet le cerveau endormi n’est pas capable de mémoriser une nouvelle information en mémoire, il a besoin de se réveiller pour pouvoir faire ça »

 explique Perrine Ruby, chargée de recherche à l’Inserm.

Le neuropsychologue sud-africain Mark Solms avait remarqué dans de précédents travaux que des lésions de ces deux zones conduisaient à une cessation des souvenirs de rêves. Les travaux de l’équipe lyonnaise ont pour originalité de mettre en évidence des différences d’activité cérébrale entre grands et petits rêveurs pendant le sommeil mais également à l’éveil. 

« Ces résultats montrent que les grands et petits rêveurs se différencient en terme de mémorisation du rêve mais n’exclut pas qu’ils se différencient également en terme de production de rêve. En effet, il est possible que les grands rêveurs produisent une plus grande quantité de rêve » conclut l’équipe de recherche.

Mécanisme élucidé : comment la perception des odeurs agit sur la prise alimentaire

L’équipe de chercheurs menée par Giovanni Marsicano, directeur de recherche Inserm au sein de l’unité 862 (NeuroCentre Magendie de Bordeaux), est parvenue à élucider comment le système endocannabinoïde contrôle la prise alimentaire en agissant sur la perception des odeurs. Ces travaux sont à paraître dans la revue Nature Neuroscience, datée du 9 février 2014.

Nature-Neuro Nose_illustration

© Charlie Padgett

Chez l’animal, comme chez l’homme, on sait que ce sont les mécanismes de la faim qui incitent la prise alimentaire. La faim déclenche un ensemble de mécanismes poussant à s’alimenter, comme par exemple l’augmentation des perceptions sensorielles telles que l’olfaction. Or, les chercheurs sont parvenus à démontrer ce qui lie dans le cerveau la faim à l’augmentation de la perception de l’odeur et par conséquent au besoin de manger.

Les chercheurs ont découvert chez la souris comment ce mécanisme est enclenché au niveau du système endocannabinoïde. Ce système rassemble des récepteurs situés dans le cerveau et impliqués dans différentes sensations comme l’euphorie ou l’anxiété, ou encore la douleur, et également sensibles aux substances cannabinoïdes, comme le cannabis.

Les chercheurs ont découvert que les récepteurs au cannabinoïdes CB1 contrôlent un circuit qui met en relation le bulbe olfactif (première région du système nerveux à traiter l’information olfactive, situé au-dessus du nez) et le cortex olfactif (structures supérieures du cerveau). Quand la sensation de faim est ressentie, elle déclenche l’activité des récepteurs cannabinoïdes qui activent à leur tour le circuit olfactif qui devient plus réactif.

C’est donc ce mécanisme biologique qui provoque l’augmentation de l’olfaction pendant la faim et qui explique une des raisons de la prise alimentaire et de l’attirance pour la nourriture.

Chez les patients obèses ou anorexiques, les chercheurs supposent que le circuit impliquant le système olfactif est altéré : la sensibilité aux odeurs va être plus ou moins forte par rapport à la normale. L’élucidation du mécanisme biologique permettra à long terme une meilleure prise en charge de ce type de pathologies.

Ces travaux ont été financés par l’ERC (European Research Council).

Autisme : l’hormone de l’accouchement contrôlerait l’expression du syndrome chez l’animal

La communauté scientifique s’accorde sur l’origine précoce – fœtale et/ou postnatale de l’autisme. L’équipe de Yehezkel Ben-Ari, directeur de recherche émérite à l’Inserm et son équipe de l’Institut de neurobiologie de la méditerranée (INMED), vient de franchir un nouveau cap dans la compréhension de la maladie. Les chercheurs démontrent dans un article publié dans Science que les taux de chlore dans les neurones de souris modèles d’autisme sont élevés et le restent de façon anormale dès la naissance. Ces résultats valident le succès du traitement diurétique testé par les chercheurs et cliniciens chez des enfants autistes en 2012 et suggèrent chez la souris que le diurétique pris avant la naissance corrige les déficits chez les descendants. Ils montrent également que l’ocytocine, hormone de l’accouchement, produit une baisse du taux de chlore pendant la naissance qui contrôle l’expression du syndrome autistique. 


Ces travaux sont à paraitre dans Science daté du 6 février 2014

Les neurones ont des taux élevés de chlore pendant toute la phase embryonnaire. En conséquence, le principal médiateur chimique du cerveau – le GABA – excite les neurones lors de cette phase au lieu de les inhiber afin de faciliter la construction du cerveau. Ensuite, une baisse naturelle du taux de chlore permet au GABA d’exercer son rôle inhibiteur pour réguler l’activité du cerveau adolescent/adulte. Dans de nombreuses pathologies cérébrales (épilepsies infantiles, trauma crâniens…) des études ont montré que les niveaux de chlore sont anormalement élevés. A partir de différentes observations, l’équipe du Dr Lemonnier (Brest) et celle de Yehezkel Ben-Ari à l’Inserm ont effectué un essai clinique en 2012 en émettant l’hypothèse de taux de chlore élevés dans les neurones de patients autistes. Les chercheurs ont  montré que l’administration à des enfants autistes d’un diurétique (qui réduit les taux de chlore dans les neurones) a des effets bénéfiques[1]. Les résultats de l’essai allaient dans le sens de cette hypothèse mais la démonstration de taux de chlore élevés dans les neurones autistes manquait pour établir le mécanisme proposé et justifier le traitement.

Dans cette étude, les chercheurs ont donc utilisé deux modèles animaux d’autisme – un génétique – le syndrome de l’X Fragile qui est la mutation génétique la plus fréquente liée à l’autisme – et l’autre produit par l’injection à la rate gestante de Valproate de sodium- un produit connu pour générer des malformations et notamment un syndrome autistique chez les enfants.

Un taux de chlore élevé dans le cerveau

Les chercheurs ont enregistré pour la première fois l’activité des neurones embryonnaires et des neurones immédiatement après la naissance afin d’observer les modifications des taux de chlore. Les enregistrements révèlent que les taux de chlore des neurones jeunes et adultes des animaux modèles d’autisme sont anormalement élevés. Le GABA excite fortement les neurones et les chercheurs ont enregistré des activités électriques aberrantes dans le cerveau qui persistent chez les animaux adultes.

Fait particulièrement impressionnant, la chute du taux de chlore, qui a lieu pendant la naissance chez les animaux contrôles, est absente dans ces 2 modèles animaux, les neurones ayant le même taux de chlore avant et après la naissance. Ces taux élevés sont dus à des activités réduites d’un transporteur de chlore qui empêche son expulsion du neurone. Par conséquent, une propriété majeure des neurones pendant la naissance est abolie dans des modèles animaux d’autisme.

« Les taux de chlore pendant l’accouchement sont déterminants dans l’apparition du syndrome autistique« 

 explique Yehezkel Ben-Ari, directeur de recherche émérite à l’Inserm.

Les effets bénéfiques du diurétique sur l’activité cérébrale

Les chercheurs ont alors administré un traitement diurétique à la mère (dans les deux modèles animaux) –peu avant l’accouchement pendant 24heures pour tester s’il restaurait l’inhibition cérébrale chez les descendants. Ils montrent que la chute de chlore est rétablie dans les neurones plusieurs semaines après un traitement unique pendant la naissance. D’après l’équipe de recherche, le traitement anténatal restore des activités cérébrales quasi normales et corrige le comportement “autiste” chez l’animal une fois devenu adulte.

« Ces résultats valident donc l’hypothèse de travail qui nous a amené au traitement mis au point en 2012 » souligne le principal auteur de l’étude.

L’ocytocine, hormone de l’accouchement, réduit naturellement les taux de chlore

Le rôle de l’ocytocine dans la baisse du chlore neuronal a également été étudié. Les chercheurs avaient préalablement montré en 2006[2] que cette hormone, qui déclenche le travail, a aussi de nombreuses actions bénéfiques sur le cerveau du nouveau-né et notamment des effets protecteurs en cas de complications pendant l’accouchement et même des propriétés analgésiques. L’ocytocine agit comme le diurétique en réduisant les taux de chlore intracellulaires.

Dans cette étude, l’équipe a testé les effets à long terme du blocage des actions de l’hormone avant la naissance. Une molécule qui bloque les signaux générés par l’ocytocine a été injectée à aux souris gestantes. Les chercheurs ont évalués les effets de ce blocage chez les descendants et révèlent qu’il reproduit chez la progéniture la totalité du syndrome autistique, à la fois sur  les aspects électriques et comportementaux (identiques à ceux des deux modèles animaux d’autisme). Par conséquent, les actions naturelles de l’hormone, tout comme celles du diurétique, sont cruciales pendant cette phase délicate et contrôleraient la pathogenèse de l’autisme par l’intermédiaire des taux de chlore cellulaires.

« Ces données valident notre stratégie thérapeutique et suggèrent que l’ocytocine agissant sur les taux de chlore pendant la naissance module/contrôle l’expression du syndrome autistique »

affirme Yehezkel Ben-Ari.

L’ensemble de ces observations suggère qu’un traitement le plus précoce possible est indispensable pour prévenir autant que possible la maladie.

Ce travail soulève l’importance d’entreprendre des études épidémiologiques précoces afin de mieux comprendre la pathogenèse de la maladie, notamment en analysant les données sur les accouchements durant lesquels intervient la chute de chlore. En effet, des accouchements compliqués avec par exemple des épisodes d’absence d’oxygénations prolongées ou des complications pendant la grossesse telles que des infections virales sont souvent suggérées comme facteurs de risque.

Enfin, étant donné le rôle de l’ocytocine dans le déclenchement du travail, « même s’il est vrai que les données épidémiologiques suggérant que des césariennes programmées pouvaient accroître l’incidence de l’autisme sont controversées, il n’en reste pas moins que ces études devraient être poursuivies et approfondies afin de confirmer ou infirmer cette relation qui reste possible » souligne Yehezkel Ben-Ari  ,et de conclure : « pour traiter ce type de maladies, il faut comprendre comment le cerveau se développe et comment les mutations génétiques et les agressions environnementales modulent les activités du cerveau in utéro ».


[1] Lire le Communiqué – Salle de presse de l’Inserm – Un essai clinique prometteur pour diminuer la sévérité des troubles autistiques (Translational Psychiatry, 2012)

[2] Maternal Oxytocin Triggers a Transient Inhibitory Switch in GABA Signaling in the Fetal Brain During Delivery. Tyzio et al, Science 2006

Maladie de Parkinson une avancée capitale grâce à la thérapie génique

Une équipe franco-anglaise (AP-HP, Inserm, UPEC, CEA/Mircen, Oxford Biomedica, Cambridge University) a mené une étude clinique de phase 1/2 de thérapie génique chez des patients souffrant d’une forme évoluée de la maladie de Parkinson. Quinze patients ont pu bénéficier de ce nouveau traitement consistant à injecter un vecteur exprimant les gènes de trois enzymes indispensables à la biosynthèse de dopamine, qui fait défaut dans la maladie de Parkinson. Grâce à cette thérapie, certaines cellules dans le cerveau se mettent de nouveau à fabriquer et à sécréter la dopamine. Chez tous les patients, les symptômes moteurs de la maladie ont été améliorés jusqu’à 12 mois après l’administration du traitement.
Avec un recul de 4 ans, cette étude démontre à ce stade l’innocuité et la tolérance du vecteur lentiviral utilisé pour la première fois chez l’homme. Cette étude a été coordonnée par le Pr Stéphane Palfi, chef du service de neurochirurgie de l’hôpital Henri-Mondor (AP-HP). Elle fait l’objet d’une publication dans The Lancet.

Ecouter les explications du Professeur Palfi (durée 15 min)

Palfi opération

repérage des cibles en téléradiographie – © AP-HP

Parkinson, une maladie neurodégénérative fréquente

Avec environ 120 000 patients en France, la maladie de Parkinson est l’affection neurologique dégénérative la plus fréquente après la maladie d’Alzheimer. Elle se traduit essentiellement par des symptômes moteurs de sévérité progressive et croissante, tels que des tremblements, une rigidité des membres et une diminution des mouvements du corps. Cette pathologie est due à la dégénérescence des neurones produisant la dopamine, un neurotransmetteur intervenant dans le contrôle de la motricité. Actuellement, le traitement des personnes atteintes de cette maladie consiste à prendre des médicaments mimant l’action de la dopamine manquante dans le cerveau de ces patients. Si ce traitement permet d’obtenir une bonne amélioration de l’activité motrice dans les premiers stades de la maladie, des effets indésirables sévères apparaissent au fils du temps : fluctuations de l’effet du traitement et mouvements anormaux involontaires, appelés dyskinésies.

Développer un nouveau traitement permettant une restitution physiologique de la dopamine manquante

Depuis quelques années, les experts de la maladie de Parkinson, chercheurs et médecins, ont émis l’hypothèse que la prise intermittente de médicaments dans la journée altère le fonctionnement du cerveau en stimulant de manière trop irrégulière les neurones. Ce phénomène serait à l’origine des complications du traitement dopaminergique.

Les enjeux actuels du traitement de la maladie de Parkinson consistent donc à développer une technologie qui permettrait d’induire :

·  une stimulation dopaminergique continue ;

·  une stimulation dopaminergique locale afin d’induire des effets moteurs bénéfiques tout en évitant les complications consécutives à la stimulation dans d’autres régions du cerveau non atteintes par la maladie de Parkinson.

C’est pourquoi, aujourd’hui, les chercheurs se tournent vers la thérapie génique, qui consiste à faire exprimer directement un gène thérapeutique par les cellules du cerveau.


Les travaux du Pr Palfi : augmenter la synthèse de dopamine par thérapie génique


Dans la majorité des cas, la maladie de Parkinson n’est pas d’origine génétique. Cependant, les modifications biochimiques responsables des symptômes peuvent être corrigées par une stratégie de thérapie génique de type « remplacement ou restauration de fonction » pour augmenter la synthèse de dopamine (par expression des gènes impliqués dans la biosynthèse de la dopamine) et restaurer en partie la fonction des cellules dopaminergiques. C’est cette approche qui a été adoptée dans l’étude biomédicale de phase I/II coordonnée par le Pr Stéphane Palfi (hôpital Henri- Mondor, AP-HP), dont les résultats viennent d’être publiés. Quinze patients ont été opérés par le Pr Palfi, investigateur coordonnateur, dans 2 centres d’excellence de neurochirurgie : l’hôpital Henri Mondor (AP-HP) en France et l’hôpital Addenbrookes à Cambridge, au Royaume-Uni.

Pour la 1ère fois chez l’homme, l’équipe a utilisé un vecteur lentiviral 1, qui exprime les gènes de trois enzymes – AADC (décarboxylase des acides aminés aromatiques), TH (tyrosine hydroxylase) et CH1 (GTP-cyclohydrolase 1) – indispensables à la biosynthèse de la dopamine.

Le produit a été administré dans la région du cerveau appelée le striatum lors d’une opération chirurgicale lourde.

Une fois au bon endroit, les gènes contenus dans le lentivirus peuvent s’exprimer et reprogrammer des cellules qui se mettent à fabriquer et à sécréter de la dopamine dans le milieu extracellulaire. Trois niveaux de doses croissantes (1x, 2x et 5x) ont été testés.

La production de dopamine in vivo de façon locale et continue a été restaurée chez les 15 patients souffrant d’une forme évoluée de cette maladie.


Le suivi sur le long terme de ces patients (4 ans) a mis en évidence l’innocuité, la tolérance et des signes d’efficacité thérapeutique du vecteur viral indéniables et dépendant de la dose administrée : la plus forte dose de vecteur induisant des effets thérapeutiques plus importants.

« Cette étude biomédicale de thérapie génique montre l’innocuité sur le long terme du transfert de gènes par le vecteur lentiviral lorsqu’il est injecté directement dans le cerveau de patients atteints par la maladie de Parkinson » explique le Pr Stéphane Palfi. « L’analyse clinique suggère que le vecteur utilisé permet une réduction des symptômes moteurs selon la dose de vecteur administrée, la plus forte dose étant la plus efficace. Les prochains développements cliniques du vecteur auront pour objectifs de valider une construction virale améliorée permettant d’induire une libération accrue de dopamine (phase 2a). Cette phase sera suivie de l’étude de l’effet thérapeutique de ProSavin® en comparant un groupe de patients traités à un autre groupe non traité (phase 2b). Cette étude pionnière de l’utilisation en thérapie génique d’un lentivirus injecté in-situ va certainement ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques dans les maladies du système nerveux. »

Des recherches entamées en 2009

Cet essai clinique fait suite à une étude préclinique publiée en 2009, qui avait montré pour la première fois l’efficacité et l’innocuité du médicament chez un modèle animal. Réalisée au sein de la plateforme translationnelle MIRCen du CEA, elle a ouvert la voie à l’étude clinique de ProSavin®.

La thérapie génique consiste à introduire des gènes thérapeutiquesin vivo afin qu’ils s’expriment directement dans les cellules ciblées. Elle repose sur l’utilisation des vecteurs viraux, tels que les lentivirus, les adénovirus et les AAV (« adeno-associated virus », qui ont la capacité d’introduire leur matériel génétique dans le noyau des cellules hôtes. Plusieurs exigences doivent être absolument satisfaites pour qu’un virus sauvage puisse être transformé en vecteur capable d’assurer un transfert de gènes d’intérêt thérapeutique en toute sécurité : ces enveloppes virales sont débarrassées de leurs propriétés de multiplication et rendues non pathogènes.

Découverte d’une molécule qui protège le cerveau d’une intoxication au cannabis

Deux équipes de chercheurs de l’Inserm dirigées par Pier Vincenzo Piazza et Giovanni Marsicano (Unité Inserm 862 « Neurocentre Magendie » à Bordeaux) viennent de découvrir qu’une molécule produite par le cerveau, la prégnénolone, constitue un mécanisme naturel de défense contre les effets néfastes du cannabis chez l’animal. Comment ? En empêchant le THC, le principe actif du cannabis, d’activer pleinement ses récepteurs cérébraux, notamment le récepteur CB1 dont la sur-activation par le THC est responsable des effets intoxicants du cannabis. Grâce à l’identification de ce mécanisme, les chercheurs développent déjà des approches pour le traitement de l’addiction au cannabis.

Ces résultats sont publiés dans la revue Science datée du 3 janvier.

L’addiction au cannabis concerne plus de 20 millions de personnes dans le monde et un peu plus d’un demi-million de personnes en France. Elle est devenue ces dernières années l’un des premiers motifs de consultation dans les centres spécialisés dans le soin des addictions. De plus la consommation de cannabis concerne principalement une population particulièrement fragile aux effets néfaste de cette drogue : les 16-24 ans, dont 30% en consomme.

Alors que les consommateurs de cannabis recherchent un état de détente, de bien-être et une modification des perceptions, les dangers d’une consommation régulière de cannabis sont nombreux. Deux troubles majeurs du comportement sont associés à la prise de cannabis chez l’homme : des déficits cognitifs et une perte généralisée de la motivation. Les utilisateurs réguliers de cannabis, en plus d’une forte dépendance au produit, présentent donc des troubles de la mémoire et un manque de motivation qui rendent leur intégration sociale particulièrement compliquée.

Le principe actif du cannabis, le THC, agit sur le cerveau par l’intermédiaire des récepteurs cannabinoïdes CB1 situés sur les neurones. En se fixant sur ces récepteurs, le THC les détourne de leur rôle physiologique qui consiste à réguler la prise alimentaire, le métabolisme, les processus cognitifs et le plaisir. La sur-stimulation des récepteurs CB1 par le THC va en revanche provoquer une diminution des capacités de mémorisation, une démotivation et progressivement une forte dépendance.

Effets cannabis cerveau

De nombreux scientifiques cherchent à identifier des molécules qui pourraient contrer les effets du cannabis et la dépendance qu’il engendre.

Dans ce cadre-là, les équipes Inserm de Pier Vincenzo Piazza et Giovanni Marsicano se sont intéressées à une hormone produite dans le cerveau : la prégnénolone. La pregnenolone était considérée jusqu’ alors comme un précurseur inactif dont transformation permet la fabrication de toutes les hormones stéroïdiennes (progestérone, testostérone, …). Mais les chercheurs de l’Inserm viennent de lui découvrir un nouveau rôle : la pregnenolone constitue un mécanisme de défense naturelle contre le cannabis et peut protéger le cerveau des effets néfastes de cette drogue.

En effet, la sur-activation des récepteurs cannabinoides CB1 par des fortes doses de THC – bien supérieures à celles auxquelles est exposé le consommateur régulier – déclenche la synthèse de prégnénolone. Elle se fixe alors sur un site qui lui est spécifique sur les mêmes récepteurs CB1 (voir figure ci-contre) et diminue certains des effets du THC.
Pour aller plus loin, les chercheurs ont administré de la prégnénolone à des souris. Cette administration externe de prégnénolone augmente encore plus le niveau cérébral de cette hormone, et permet ainsi de bloquer les effets néfastes du cannabis.

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© Derek Shore, Pier Vincenzo Piazza and Patricia Reggio


Au niveau neurobiologique, la prégnénolone diminue fortement la libération de dopamine déclenchée par le THC. Une libération excessive de dopamine par les drogues est considérée à la base de leurs effets addictifs.

Ce rétrocontrôle négatif (c’est le THC lui-même qui déclenche la production de pregnenolone que à son tour inhibe les effets du THC) assuré par la prégnénolone révèle un processus naturel, jusqu’alors inconnu, qui protège le cerveau d’une sur-activation des récepteurs CB1.

Un mécanisme de protection qui ouvre de nouvelles approches thérapeutiques.

En détails, des rats ont été soumis à de doses équivalentes de cocaïne, de morphine, de nicotine, d’alcool et de cannabis. Le dosage de plusieurs hormones stéroïdes produites par le cerveau (prégnénolone, testostérone, allopregnénolone, DHEA) a alors été effectué. Une seule substance, le THC, augmente les stéroïdes cérébraux. Parmi ces stéroïdes, seule la prégnénolone augmente de façon considérable (entre +1500 et 3000 % pendant 2 heures).

Dose pregnenolone


Cette augmentation est un mécanisme endogène qui modère les effets du THC. En effet, si on bloque la synthèse de prégnénolone, les effets du THC augmentent. A l’inverse, l’administration de prégnénolone à des rats ou des souris, à des doses (entre 2 et 6 mg/kg) qui augmentent encore plus les concentrations cérébrales de cette hormone, permet de bloquer les effets comportementaux négatifs du THC. Par exemple, les animaux ainsi traités récupèrent des capacités mnésiques normales, présentent une sédation plus faible et sont moins motivés pour s’administrer des cannabinoïdes.

Enfin des tests menés sur des cellules en culture qui expriment le récepteur CB1 humain confirment l’efficacité de la prégnénolone pour contrer l’action moléculaire du THC chez l’homme.



Pier Vincenzo Piazza met en garde contre une utilisation thérapeutique de la prégnénolone :  » Cette hormone ne pourra pas être utilisée telle quelle comme médicament car elle est mal absorbée et rapidement métabolisée par l’organisme ». Toutefois l’espoir de voir surgir une nouvelle thérapie de la toxicomanie de cette découverte est fort, nous explique le chercheur : « Nous avons développé des dérivés de la prégnénolone qui sont stables et bien absorbés et qui sont en principe utilisables comme médicament. Nous espérons commencer les essais cliniques bientôt afin de vérifier si nos attentes se confirment et si nous avons véritablement découvert la première thérapie pharmacologique de la dépendance au cannabis ».

Ces travaux ont bénéficié du soutien de la MILDT, du Conseil Régional d’Aquitaine, de l’ERC, et de l’Inserm

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