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La protéine à l’origine de la maladie de Huntington impliquée dans les tumeurs mammaires

Connue pour être responsable de la maladie de Huntington, une maladie neurodégénérative, la protéine huntingtine mutée est également impliquée dans la progression et l’agressivité des tumeurs mammaires. C’est le résultat des études menées par l’équipe de Sandrine Humbert[1], directrice de recherche Inserm à l’Institut Curie, et publiées le 9 janvier 2013 dans le journal EMBO Molecular Medicine. Au niveau cellulaire, la protéine huntingtine mutée empêche le bon fonctionnement du récepteur de type HER2[2] dont la surexpression conduit à une multiplication des cellules tumorales et à une survenue plus fréquente des métastases.

L’équipe de Sandrine Humbert montre pour la première fois que la protéine huntingtine est exprimée dans le tissu mammaire sain ainsi que dans les tumeurs mammaires. « De plus nous révélons que l’expression de la huntingtine mutante dans les tumeurs mammaires rend la tumeur plus agressive, en particulier parce que celle-ci développe davantage de métastases » explique Sandrine Humbert. Cette particularité tire son origine du lien existant entre la protéine huntingtine et le récepteur HER2. Placées à la surface de la cellule, les protéines HER2 agissent comme des « interrupteurs » et maintiennent l’équilibre entre multiplication, division et réparation cellulaires. À l’inverse, dans certaines cellules tumorales, ces « interrupteurs » sont en nombre trop important avec pour conséquence une multiplication anarchique des cellules, ce qui joue un rôle capital sur le pronostic et le traitement de la maladie.

« Notre travail établit que la protéine huntingtine mutante interfère avec le bon fonctionnement du récepteur HER2, provoquant ainsi son accumulation au niveau de la membrane. Cette accumulation active des voies de signalisation induisant des métastases », précise Sandrine Humbert.

Pour arriver à cette conclusion, l’équipe de chercheurs, en collaboration avec des médecins de l’Institut Curie et de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, a travaillé à la fois sur des modèles de souris combinant l’affection neurodégénérative et un cancer du sein, et sur des cellules. L’approche cellulaire a permis de montrer l’effet de la huntingtine sur la sévérité du cancer en induisant une suractivation de la voie de signalisation HER2. La protéine huntingtine mutante perturbe la fonction d’une autre protéine, la dynamine, ce qui conduit à une accumulation du récepteur HER2 à la surface de la cellule.

Une protéine aux localisations multiples

La huntingtine est la protéine mutée responsable de la maladie de Huntington. Affection neurologique rare, cette maladie touche 1 personne sur 10 000 et se manifeste à l’âge adulte. Les symptômes les plus caractéristiques sont des troubles mentaux (anxiété, irritabilité, dépression), une détérioration intellectuelle qui progresse jusqu’à la démence, auxquels sont associés des mouvements anormaux involontaires et saccadés des membres, de la tête et du cou.

   

Dans cette cellule cancéreuse mammaire, on peut observer le récepteur Her2 (vert) et la dynamine localisée sous la membrane (rouge). Lorsque la huntingtine mutante (à droite) est exprimée, la dynamine présente une localisation plus diffuse, partiellement nucléaire (bleu) et la quantité d’Her2 à la membrane est augmentée. A gauche, cellule cancéreuse où la protéine huntingtine n’est pas mutée.

Barre d’échelle : 10 mM. © C. Moreira Sousa/Institut Curie

L’anomalie génétique qui provoque la maladie de Huntington est une augmentation anormale de la répétition de trois acides nucléiques (C, A et G – appelé triplet CAG) au sein du gène codant pour la protéine huntingtine. Normalement, ce triplet CAG se répète entre 17 et 35 fois contre 40 fois au moins dans le cas de la maladie de Huntington. Plus les répétitions sont nombreuses, plus les symptômes apparaissent tôt.

Cependant, l’expression de la huntingtine n’est pas limitée aux cellules nerveuses différenciées. Elle est également exprimée à des niveaux élevés dans d’autres types cellulaires, comme dans les cellules épithéliales d’origine non-neuronale. Des équipes de recherche commencent ainsi à s’intéresser aux manifestations périphériques de la maladie de Huntington. Chef d’équipe dans une fondation de soins et recherche en cancérologie, Sandrine Humbert s’est naturellement dirigée vers l’étude du rôle de la huntingtine dans le tissu mammaire. C’est ainsi que son équipe montre que plus les répétitions sont nombreuses dans la protéine huntingtine, plus le cancer apparaît précocement. « Examiner la fonction de cette protéine dans d’autres types cellulaires que les neurones permet d’approfondir nos connaissances sur la biologie de la cellule et par extension sur les mécanismes de dérégulation à l’origine du cancer et des maladies neurodégénératives» précise -t-elle.

Vers un meilleur suivi des patientes atteintes de la maladie de Huntington

« Grâce aux nouvelles données acquises, nous allons examiner de manière plus précise les tumeurs de patientes atteintes de la maladie de Huntington. Nous pourrons ainsi déterminer si effectivement ces dernières doivent bénéficier d’un suivi particulier. Nous avons démontré que la taille de l’expansion du triplet CAG dans le gène codant la protéine huntingtine, à l’origine de son caractère mutant, était corrélée à une apparition plus précoce du cancer. Pour autant nous ne pouvons conclure à une plus forte incidence de la survenue de cancers du sein chez les femmes atteintes de la maladie de Huntington. Des études cliniques récentes suggèrent même le contraire. Ainsi, l’incidence du cancer du sein pourrait être plus faible chez les patientes atteintes de la maladie de Huntington. Par contre, lorsqu’un cancer du sein se déclare, il pourrait être, dans certains cas spécifiques, plus agressif » explique Sandrine Humbert. En parallèle, les chercheurs souhaitent étudier le rôle de la protéine huntingtine normale dans le cancer du sein.


[1]Sandrine Humbert est chef de l’équipe « Huntingtine, neurogenèse et cancer » dans l’unité Signalisation, neurobiologie et cancer Institut Curie/CNRS/Inserm

[2]Récepteur humain au facteur de transcription EGF (Human Epidermal Growth Factor Receptor-2)

L’obésité aggraverait les lésions associées à la maladie d’Alzheimer

Des chercheurs de l’Inserm et de l’Université Lille 2/Université Lille Nord de France viennent de fournir la preuve expérimentale de la relation entre l’obésité et les pathologies liées à la protéine Tau dans un modèle de neurodégénérescence de la maladie d’Alzheimer. Ces travaux, réalisés chez la souris et publiés dans la revue Diabetes, renforcent l’idée d’une contribution majeure des anomalies métaboliques dans le développement de démences.

Avec plus de 860 000 personnes atteintes en France, la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées représentent la première cause de perte des fonctions intellectuelles liée à l’âge. Les altérations cognitives observées dans la maladie d’Alzheimer sont notamment le résultat de l’accumulation de protéines Tau anormales dans les cellules nerveuses en dégénérescence (voir schéma ci-dessous). On sait que l’obésité, un facteur de risque majeur du développement d’une résistance à l’insuline et du diabète de type 2, accroit le risque de démences lors du vieillissement. Cependant, les effets de l’obésité sur les pathologies liées à la protéine Tau et dont fait partie la maladie d’Alzheimer, autrement appelées Tauopathies, n’étaient pas clairement élucidés. Les chercheurs supposaient notamment que la résistance à l’insuline jouait un rôle majeur dans ces effets de l’obésité.

L’équipe « Alzheimer & Tauopathies » de l’unité mixte de recherche 837 (Inserm/Université Lille 2/Université Lille Nord de France) dirigée par le Dr. Luc Buée, en collaboration avec l’unité mixte de recherche 1011 « Récepteurs nucléaires, maladies cardiovasculaires et diabète », vient de montrer, chez la souris, que les sujets obèses développent une pathologie aggravée. Pour parvenir à ce résultat, de jeunes souris transgéniques, qui développent progressivement avec l’âge, une neurodégenerescence liée à la protéine Tau, ont reçu durant 5 mois un régime riche en graisse, induisant une obésité progressive.

« A l’issue du régime, les souris obèses ont développé une pathologie aggravée tant du point de vue de la mémoire que des modifications de la protéine Tau »

explique David Blum, chargé de recherche à l’Inserm.

Cette étude fournit la preuve expérimentale de la relation entre l’obésité et les pathologies liées à la protéine Tau dans un modèle de neurodégénérescence de la maladie d’Alzheimer. Elle indique par ailleurs que la résistance à l’insuline ne serait pas le facteur aggravant, contrairement à ce qui était suggéré dans les précédentes études.

« Nos travaux renforcent l’idée d’une contribution majeure des facteurs environnementaux dans le développement de cette pathologie neurodégénérative, souligne le chercheur.  Nous travaillons désormais sur l’identification des facteurs responsables de cette aggravation » ajoute-t-il.

La dégénérescence des neurones dans la maladie d’Alzheimer

© Wikipedia – Zwarck  / licence Creative Commons  CC-BY-SA-2.5

Ces travaux ont fait l’objet d’un soutien du LabEx DISTALZ (development of Innovative Strategies for a Transdisciplinary Approach to Alzheimer’s Disease) dans le cadre des investissements d’avenir.

POUR CITER CETTE PAGE :
Communiqué – Salle de presse de l’Inserm – L’obésité aggraverait les lésions associées à la maladie d’Alzheimer
avec ce lien cliquable:
http://presse.inserm.fr/lobesite-aggraverait-les-lesions-associees-a-la-maladie-dalzheimer/6040/

Pourquoi les bonnes résolutions en matière d’activité physique ne tiennent pas toujours…

L’inactivité physique est un problème majeur de santé publique qui a des causes sociétales et neurobiologiques. Alors que « Faire du sport » est la résolution prioritaire pour les Français en 2013 (sondage Ipsos rendu public lundi 31 décembre), Francis Chaouloff, directeur de recherche Inserm au NeuroCentre Magendie (Unité mixte Inserm 862, Université Bordeaux Ségalen), Sarah Dubreucq, étudiante en Thèse, et François Georges, chargé de recherche CNRS à l’Institut Interdisciplinaire de Neurosciences (CNRS / Université Bordeaux Ségalen), viennent de découvrir le rôle important joué par une protéine, le récepteur des cannabinoïdes CB1, lors de la réalisation d’un exercice physique. Ces chercheurs ont montré chez la souris que la localisation de ce récepteur dans une aire cérébrale associée aux systèmes de motivation et de récompense, contrôle le temps pendant lequel un individu se livre à un exercice physique volontaire. Ces résultats sont publiés dans la revue Biological Psychiatry.

©fotolia

L’expertise collective menée par l’Inserm en 2008 a souligné les multiples bénéfices préventifs d’une activité physique régulière pour la santé. Pourtant, notre mode de vie dans la société industrielle restreint cette activité. Au-delà des origines sociales qui peuvent intervenir dans notre inactivité physique plus ou moins importante, celle-ci a également des bases biologiques.

« L’incapacité à ressentir du plaisir lors de l’activité physique, souvent citée comme une cause de non adhésion partielle ou totale à un programme d’exercice physique, indique que la biologie du système nerveux est bel et bien en jeu », explique Francis Chaouloff.

Mais de quelle manière précisément ? Les mécanismes neurobiologiques sous-jacents de cette inactivité physique restaient encore à identifier.

Grâce aux travaux réalisés par Francis Chaouloff (équipe de Giovanni Marsicano au NeuroCentre Magendie ; Unité mixte Inserm, Université Bordeaux Ségalen) et ses collaborateurs, ces mécanismes commencent à être décryptés. Ils impliquent de manière déterminante le système cannabinoïde endogène (ou système endocannabinoïde), et plus particulièrement un de ses récepteurs cérébraux. Les données mettant en avant des interactions entre le système endocannabinoïde, la cible du delta9-tétrahydrocannabinol (le principe actif du cannabis), et l’exercice physique, ne datent pas d’aujourd’hui. En effet, cela fait 10 ans que l’on sait qu’une session d’exercice physique active le système endocannabinoïde chez le sportif entraîné, mais le rôle exact de ce système lors de l’exercice physique est resté longtemps inconnu. Il y a 3 ans, la même équipe de recherche bordelaise a observé que des souris mutantes n’ayant plus de récepteur aux cannabinoïdes du type CB1, le principal récepteur du système endocannabinoïde dans le cerveau, couraient moins longtemps et sur de plus courtes distances que leurs congénères sains quand on leur donnait la possibilité d’utiliser une roue d’exercice. L’étude publiée ce mois-ci dans Biological Psychiatry tente de comprendre « comment », « où » et « pourquoi » l’absence de ce récepteur CB1 diminue partiellement (de 20 à 30 %) les performances d’exercice volontaire chez des souris ayant accès à une roue d’exercice 3 heures par jour.

Les chercheurs ont utilisé différentes lignées de souris mutantes pour le récepteur CB1 ainsi que des outils pharmacologiques. Ils ont tout d’abord montré que le récepteur CB1 contrôlant les performances de course est situé sur des terminaisons de neurones GABAergiques. Ils ont ensuite démontré que ce récepteur est localisé dans l’aire tegmentale ventrale (cf. schéma ci-dessous), une région cérébrale impliquée dans les processus motivationnels liés à la récompense, qu’elle soit naturelle (prise alimentaire, sexe) ou associée à la consommation de substances psychoactives.

Coupe longitudinale de cerveau de souris (haut) et schéma des interactions entre systèmes endocannabinoïde, GABAergique et dopaminergique lors de l’exercice physique volontaire (bas)

©Inserm/F. Chaouloff 

A gauche : la stimulation des recepteurs CB1 aboutit à l’excitation des neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale impliqués dans la motivation.
A droite : en l’absence de récepteur CB1, les performances sont diminuées de 20 à 30% en raison d’une motivation moindre.

ATV : Aire tegmentale ventrale/ NAc : noyau accumbens/ CPF : cortex préfrontal/ DA : dopamine

Sur la base de ces résultats et de travaux précédents, les chercheurs bordelais proposent le déroulement neurobiologique suivant : au début et pendant toute la durée de l’exercice physique, le récepteur CB1 est constamment stimulé par les endocannabinoïdes, des molécules lipidiques qui activent naturellement ce récepteur en réponse à de nombreux stimuli plaisants (récompenses) ou déplaisants (stress). La stimulation du récepteur CB1 par les endocannabinoïdes pendant l’exercice physique provoque une inhibition de la libération de GABA, un neurotransmetteur inhibiteur qui contrôle l’activité des neurones à dopamine associés aux processus de motivation et de récompense. De cette stimulation du récepteur CB1 résulte une « inhibition d’inhibition », c’est à-dire une activation des neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale. La stimulation du récepteur CB1 est donc un prérequis pour que l’exercice se prolonge, et ce, en procurant à l’organisme la motivation nécessaire.

A l’inverse, sans ces récepteurs CB1, le « frein GABAergique » continue de s’appliquer sur les neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale, diminuant alors partiellement les performances.

La découverte que les récepteurs CB1 jouent un rôle régulateur dans les circuits de la motivation à consommer différentes récompenses, naturelles, ou pas, n’est pas nouvelle. L’originalité de cette étude réside dans le fait que l’on peut ajouter l’exercice physique à la panoplie des récompenses naturelles régulées par le système endocannabinoïde. « Si cette hypothèse motivationnelle est validée, ce récepteur jouerait donc plus un rôle dans l’adhérence à l’exercice que dans les performances physiques stricto sensu », expliquent les chercheurs.

Cette étude révèle le rôle important joué par le système endocannabinoïde dans les performances d’exercice physique, et ce par l’impact qu’a ce système sur les processus motivationnels. Ces travaux ouvrent aussi de nouvelles voies de recherche quant aux médiateurs du plaisir, voire de l’addiction, associés à la pratique régulière de l’exercice physique. « Au-delà des endorphines, il nous faut donc maintenant considérer les endocannabinoïdes comme un autre médiateur potentiel des effets positifs de l’exercice physique sur notre humeur », estiment les chercheurs en conclusion.

Le cerveau des parfumeurs se modifie en fonction de leur expérience

Les aires cérébrales associées à l’olfaction sont plus développées chez les parfumeurs professionnels que chez le « commun des mortels ». En outre, plus ces experts ont une longue carrière derrière eux, plus grande est la quantité de matière grise dans leurs aires olfactives. Ce nouvel exemple de l’étonnante plasticité cérébrale dont est doté l’être humain vient d’être révélé par des chercheurs du CNRS et de l’Inserm de l’équipe Codage et mémoire olfactive du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CNRS/Inserm/Université Claude Bernard Lyon 1/Université Jean Monnet SaintEtienne). Ces résultats, obtenus grâce à des IRM anatomiques réalisées sur des parfumeurs professionnels, des étudiants en parfumerie et des sujets témoins montrent que l’entraînement permet d’inverser la diminution du volume de matière grise des aires olfactives liée à l’âge et observée dans la population générale. Ces travaux ont été publiés dans la revue NeuroImage  du 12 décembre 2012.

Des images anatomiques de cerveaux de parfumeurs novices et professionnels ainsi que ceux de sujets témoins appariés en âge ont été acquises à l’aide d’un scanner IRMf.

Copyright : JP Royet.

Lors de travaux précédents, les mêmes chercheurs avaient démontré que, grâce à l’entraînement, les parfumeurs acquièrent la capacité d’imaginer mentalement une odeur au point de la « sentir » dans leur nez alors qu’elle est physiquement absente, une faculté qui est hors de portée du « commun des mortels ». Les scientifiques avaient aussi observé que plus l’expertise des parfumeurs était grande, plus l’activité dans les régions olfactives et mnésiques diminuait. Ce résultat, paradoxal à première vue, s’explique par le fait que la communication neuronale est, chez ces experts, plus efficace, rapide et spécifique.

Suite à ces travaux, les chercheurs se sont demandé si l’entraînement intensif des parfumeurs se traduisait aussi par une augmentation du volume de matière grise dans les zones cérébrales liées à l’olfaction. Pour répondre à cette question, ils ont fait passer une IRM à 14 experts parfumeurs réputés, parmi lesquels Jean-Claude Ellena et Daniel André. Le même examen a été réalisé sur 13 étudiants de l’Institut Supérieur International de la Parfumerie, de la Cosmétique et de l’Aromatique de Versailles, et 21 sujets dits « naïfs », n’ayant aucune expertise olfactive particulière.

L’IRM a montré que le volume de matière grise du cortex olfactif primaire et d’une région orbitofrontale qui avoisine le sillon olfactif est plus grand chez les parfumeurs que chez les volontaires naïfs. Ce développement cérébral pourrait être dû à une augmentation du nombre des arborisations dendritiques (1), voire à une augmentation du nombre de neurones, mais cela n’est pas encore démontré. .

Ces travaux montrent aussi que le volume de matière grise est directement corrélé avec l’expérience des parfumeurs. Plus ils sont entraînés, plus le volume de ces aires olfactives est grand.


En revanche, les chercheurs ont observé que, chez les sujets naïfs, ces aires cérébrales se réduisent notablement avec l’âge, phénomène continu et général lorsqu’aucun entraînement n’est réalisé. Ainsi, cela indique que les modifications cérébrales observées chez les parfumeurs seraient le fruit de l’entraînement, et non de particularités innées.

Ces résultats rappellent les modifications structurales observées chez d’autres types d’experts comme les musiciens, les sportifs, les personnes multilingues, les mathématiciens, ou les chauffeurs de taxi. Tous ces spécialistes réorganisent et surdéveloppent des aires cérébrales spécifiques à leur expertise. L’extraordinaire capacité du cerveau à s’adapter à la demande environnementale et à se réorganiser avec l’expérience semble être sans limite.

Les parfumeurs novices et professionnels présentent un volume de matière grise des cortex olfactif primaire et orbital médian (en jaune) plus importants que chez les sujets témoins. Plus les parfumeurs professionnels ont de l’expérience, plus le volume de matière grise dans le cortex orbital médian est élevé (en vert). Inversement, plus les sujets témoins sont âgés, plus ce volume diminue (en bleu).

Copyright : JP Royet.

(1) Prolongements du corps cellulaire des neurones au bout desquels se trouvent les synapses qui permettent la communication entre deux neurones.

Un essai clinique prometteur pour diminuer la sévérité des troubles autistiques

Yehezkel Ben-Ari, fondateur et directeur honoraire Inserm de l’Institut de neurobiologie de la méditerranée et Eric Lemonnier, clinicien spécialiste de l’autisme au CHRU de Brest, viennent de publier les résultats d’un essai clinique en double aveugle pour évaluer l’intérêt d’un diurétique dans le traitement de l’autisme. Soixante enfants autistes et Asperger de 3 à 11 ans ont reçu pendant 3 mois soit un diurétique pour réduire les niveaux de chlore intracellulaire, soit un placebo. Bien que non curatif, ce traitement entraine, pour les trois quarts des enfants, une diminution de la sévérité des troubles autistiques. Une demande d’autorisation pour un essai multicentrique à l’échelle européenne vient d’être déposée par les chercheurs pour mieux déterminer la population concernée par ce traitement.

Le détail de ces travaux est publié dans la revue Translational Psychiatry datée du 11 décembre 2012


L’apport de la recherche fondamentale sur le chlore neuronal

De précédents travaux menés par l’équipe de chercheurs dirigée par Yehezkel Ben-Ari à l’unité Inserm 901 « Institut de neurobiologie de la méditerranée », à Marseille sur les concentrations intracellulaires de chlore, ont permis de montrer qu’elles sont anormalement élevées dans les neurones immatures, ceux ayant subi des crises d’épilepsie ou d’autres lésions cérébrales. De nombreux anxiolytiques, analgésiques et antiépileptiques, agissent en augmentant les effets du GABA – le principal médiateur chimique du cerveau – qui inhibe, en temps normal, les neurones. En présence d’une forte concentration de chlore dans les cellules, les effets du GABA sont inversés. Les molécules anxiolytiques accentuent ces effets : le GABA n’inhibe plus les neurones. Ces molécules vont augmenter l’excitation et donc aggraver la maladie au lieu de la réduire[1]. C’est ce qui a été observé dans le cas de l’épilepsie : le diazépam, un anxiolytique, aggravait les crises dans certaines conditions. L’équipe de recherche avait alors montré l’intérêt d’un diurétique pour pallier cet effet.

De la recherche fondamentale à la recherche clinique

Des données expérimentales indirectes suggèrent des modifications de l’inhibition cérébrale médiée par le GABA dans l’autisme. Eric Lemonnier, clinicien au CHRU de Brest a fait remarquer à Yehezkel Ben-Ari que le valium n’est pas prescrit aux enfants souffrant de l’autisme car ils deviennent, selon les parents, plus agités, suggérant comme dans l’épilepsie et d’autres pathologies cérébrales, que le chlore intracellulaire serait plus élevé. De cette rencontre est née l’idée de tester un diurétique – de la même manière que pour l’épilepsie – afin de déterminer si cela pouvait améliorer les troubles autistiques. Un essai pilote sur 5 enfants a été rapidement mis en place en 2010 car le bumétanide, le diurétique testé, est couramment utilisé, notamment dans le traitement de l’hypertension. La prise de ces molécules peut toutefois entrainer une baisse de potassium qui nécessite une supplémentation. Les chercheurs ont alors démarré un essai randomisé en double aveugle sur 60 enfants autistes et Asperger âgés de 3 à 11 ans.

Diminution de la sévérité des troubles autistiques

Les enfants ont été suivis pendant 4 mois. Un groupe a reçu le traitement diurétique (1mg de bumétanide) et le deuxième groupe un placebo pendant 3 mois. Le dernier mois, aucun traitement n’a été donné. La sévérité des troubles autistiques des enfants a été évaluée au démarrage de l’essai, à la fin du traitement, c’est-à-dire au bout de 90 jours et un mois après la fin de ce dernier.

Après 90 jours de traitement, le score moyen au test CARS (Childhood Autism Rating Scale) des enfants traités au bumétanide s’est amélioré de façon significative. La sévérité des troubles autistiques du groupe traité passe du niveau élevé (>36,5) à moyen (Clinical Global Impressions). A l’arrêt du traitement, certains troubles réapparaissent. Le traitement au bumétanide serait donc réversible.

Différents critères pour évaluer la sévérité des troubles : CARS, CGI, ADOS G

L’échelle comportementale CARS (Childhood Autism Rating Scale) couramment utilisée a permis d’évaluer la sévérité des troubles à partir de séquences filmées des enfants lors d’une activité initiée par un personnel soignant. Les films ont été analysés avec l’aide des parents. Un score est obtenu à partir de l’analyse : entre 30 et 36, l’enfant souffre d’un trouble modéré ou moyen, au-delà de 36, l’autisme de l’enfant est sévère.

Deux autres indicateurs permettent d’évaluer la sévérité des troubles : le diagnostic clinique CGI (Clinical Global Impressions) et un indicateur, ADOS G (Autism Diagnostic Observation Schedule Generic), qui regroupe les critères d’évaluation comme l’interaction sociale et la communication.

Le Dr Lemonnier explique le cas d’un garçon de 6 ans :

« Avant le traitement, l’enfant avait de faibles capacités de langage, une faible interaction sociale, une hyperactivité et un comportement en constante opposition. Après trois mois de traitement, ses parents, ses professeurs, le personnel de soin de l’hôpital et ses amis à l’école ont attesté qu’il participait mieux, notamment aux jeux proposés par le psychologue. Son attention et le contact visuel se sont également améliorés. »

« Même s’il ne peut pas guérir la maladie, le diurétique diminue la sévérité des troubles autistiques de la plupart des enfants. D’après les parents de ces enfants, ils sont plus « présents » »

ajoute Yehezkel Ben-Ari.

Etant donnée l’hétérogénéité de la population, les chercheurs ont supposé que le traitement pourrait agir différemment selon la sévérité des troubles autistiques. En reconstituant des groupes en fonction de la sévérité, les résultats suggèrent que le traitement serait plus efficace chez les enfants les moins affectés.

C’est pourquoi les chercheurs ont déposé une demande d’autorisation pour réaliser un essai multicentrique à l’échelle européenne afin de mieux déterminer la population concernée par ce traitement et à terme obtenir une AMM pour cette indication. Cet essai est piloté par une entreprise créée par le Prof. Ben-Ari et le Dr Lemonnier (Neurochlore). Des analyses sont également indispensables pour évaluer l’impact de la prise à long terme de ces molécules et la dose requise. Enfin, les chercheurs soulignent la nécessité de poursuivre les travaux sur les modèles expérimentaux afin de déterminer comment le chlore est régulé et comment il se dérégule dans les réseaux neuronaux de patients autistes.

Ces travaux ont fait l’objet d’un dépôt de brevet et d’une concession de licence accordée à la start-up Neurochlore. Neurochlore a reçu un financement de l’ANR (RPIB, projet « Cure Autism »).

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[1] Altération de l’action du GABA

© Inserm – F.Koulikoff

Schéma de gauche : dans les neurones matures, le GABA – le principal médiateur chimique du cerveau – inhibe les neurones en se fixant aux récepteurs (GABA R). L’entrée d’ions chlore (Cl) dans la cellule génère une entrée de chlore qui inhibe les neurones. Deux co-transporteurs de chlore contrôlent ces taux: le NKCC1 importe le chlore et est bloqué par le bumétanide ; le KCC2 se charge de rejeter l’excès de chlore hors de la cellule pour maintenir l’équilibre cellulaire.

Schéma de droite : Dans les neurones immatures, les taux élevés de chlore initiaux entrainent l’inversion de l’effet du GABA, dont l’action dépend du niveau de chlore initial, qui va exciter les neurones au lieu de les inhiber. L’importateur de chlore  NKCC1 domine dans les neurones immatures. Par contre,  l’exportateur naturel de chlore KCC2 va s’exprimer plus tard et sera éliminé dans des situations pathologiques. Cette dégradation entraine l’augmentation du chlore intracellulaire qui transforme l’inhibition en excitation cellulaire.

La profonde réorganisation des réseaux cérébraux dans le coma

Des chercheurs de l’Inserm et du CNRS à l’Université Joseph Fourier de Grenoble, en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Cambridge et de Strasbourg, et des cliniciens du CHU de Strasbourg, ont analysé les données de 17 patients dans le coma à partir des données d’IRM fonctionnelle. Ils ont pu mettre en évidence, chez ces patients, une réorganisation des réseaux cérébraux. Ces résultats, parus dans la revue PNAS datée du 26 novembre 2012, pourraient aider les cliniciens dans l’élaboration du diagnostic en cas de coma.

Les chercheurs se sont penchés sur l’analyse des réseaux cérébraux de patients cérébrolésés (non traumatisés) dans le coma, un état où la personne est considérée comme inconsciente.

Les auteurs de l’étude ont employé une méthodologie originale, basée sur la théorie des graphes, des images construites à partir de données d’IRM fonctionnelle au repos et à l’aide de méthodes robustes de traitement statistique du signal. Des index d’efficacité locale et globale des réseaux cérébraux fonctionnels ont été obtenus chez 17 patients cérébrolésés, et chez 20 volontaires sains. Les corrélations de 417 régions cérébrales ont été extraites afin de réaliser les graphes de connexions cérébrales à partir des corrélations statistiquement significatives.

Les chercheurs du CNRS au « GIPSA lab », de l’unité Inserm 836 « Grenoble Institut des neurosciences » et du Behavioural and Clinical Neuroscience Institute à Cambridge, en collaboration avec des cliniciens du CHU de Strasbourg, ont pu mettre en évidence chez les patients cérébrolésés (non traumatisés) dans le coma, une réorganisation des réseaux cérébraux.

Les résultats montrent que la connectivité cérébrale globale est conservée chez les patients dans le coma en comparaison avec les volontaires sains. En analysant la connectivité au niveau local, les auteurs de l’étude ont observé que certaines régions cérébrales fortement connectées (appelées « hubs ») chez les volontaires sains, sont plus faiblement connectées chez les patients dans le coma. Et inversement, des régions moins densément connectées du réseau chez le sujet sain deviennent des « hubs » chez les patients dans le coma.

Représentations cérébrales obtenues à partir des graphes de connectivité

Photos: © Sophie Achard – Petra Vertes

Selon une hypothèse en cours, les troubles de la conscience chez les patients en état de coma persistant seraient liés à des phénomènes de déconnexions entre certaines régions corticales, en particulier le précunéus. Les résultats de ces travaux vont dans ce sens. « La topologie des connexions cérébrales a bien résisté d’un point de vue global au traumatisme en réorganisant les régions les plus connectées du réseau. Il semble donc que le coma puisse être lié à des changements dans la localisation des « hubs » parmi les réseaux cérébraux », suggère Chantal Delon Martin, chargée de recherche à l’Inserm.  

L’évaluation des lésions cérébrales et le coma

Le patient peut traverser différents états cliniquement définis lorsqu’il présente des lésions cérébrales: l’état végétatif caractérisé par la préservation du cycle éveil-sommeil (ouverture des yeux spontanée, respiration autonome…) ; l’état de conscience minimale témoignant d’une certaine conscience de l’environnement (capacité de suivre des yeux, réagir à une stimulation) ; le syndrome de verrouillage (« locked in » syndrome) où le patient est paralysé mais conscient (il communique avec les yeux) ; la mort cérébrale lorsque le coma est irréversible (électroencéphalogramme plat, absence de flux sanguin).

Le coma (du grec κῶμα kôma signifiant « sommeil profond ») est un de ces différents états où l’on observe une abolition de la conscience de soi et du monde extérieur, qui survient suite à un accident (cérébral, cardiaque, …). Il existe deux phases de coma : la phase de coma dite « aigüe » (quelques jours après l’accident) et la phase dite « chronique » (au-delà d’un mois). La réorganisation cérébrale a été observée par les chercheurs lors de la phase « aigüe », lors de laquelle on ne sait pas vers quel type de coma le patient va évoluer.

L’évaluation des lésions cérébrales chez les patients dans le coma se fait actuellement par l’examen clinique, l’IRM morphologique, les potentiels évoqués et par le SPECT (Tomodensitométrie par émission photonique) ou la TEP (Tomographie par émission de positons). « Les résultats de cette étude pourraient aider les cliniciens dans l’élaboration difficile du diagnostic des patients dans le cas de coma car cette méthode permet de caractériser chaque patient individuellement », concluent les chercheurs.

Un nouveau facteur de susceptibilité génétique de la maladie d’Alzheimer découvert grâce à l’étude d’une maladie rare

Une étude internationale de grande ampleur, impliquant des chercheurs français de l’Unité mixte de recherche Inserm-Institut Pasteur Lille-Université Lille Nord de France « Santé publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au vieillissement », dirigée par Philippe Amouyel, vient de mettre au jour un gène de susceptibilité d’une maladie rare à l’origine de la susceptibilité à une maladie fréquente, la maladie d’Alzheimer, témoignant ainsi de l’hétérogénéité de l’étiologie de la maladie d’Alzheimer. Cette approche de séquençage systématique des exons est détaillée dans un article paru dans la revue The New England Journal of Medicine datée du 14 novembre 2012.

L’ostéodysplasie polykystique lipomembraneuse avec leucoencéphalopathie sclérosante ou maladie de Nasu-Hakola est une affection génétique transmise sur le mode autosomique récessif. La maladie débute vers la trentaine par des douleurs du poignet ou de l’épaule associées à des gonflements articulaires. Des fractures osseuses surviennent pour des traumatismes mineurs. Les radiographies osseuses mettent en évidence des kystes épiphysaires. Apparaissent ensuite de légers changements de la personnalité suivi par des symptômes neurologiques frontaux (euphorie, perte de l’inhibition sociale) évoluant vers une démence à début précoce. Cette affection a été associée à des mutations dans le gène TREM2 (Triggering Receptor Expressed on Myeloid cells 2) sur le chromosome 6

Aujourd’hui, des chercheurs britanniques, américains et français, viennent de montrer que sur cette même région du chromosome 6, des mutations du gène TREM2 étaient associées à un risque 5 fois plus élevé de développer une maladie d’Alzheimer à début tardif. Un séquençage complet a été réalisé chez 281 individus avec une maladie d’Alzheimer et 504 témoins. L’analyse du gène TREM2 a permis de montrer un excès de mutations de TREM2 chez les malades par rapport aux témoins. La caractérisation d’une de ces mutations de TREM2, dans de très larges échantillons de populations de patients atteints de maladie d’Alzheimer a permis aux chercheurs de mesurer précisément la force importante de cette association entre mutation de TREM2 et la maladie. Enfin une étude de réplication a été réalisée dans une autre série indépendante de 1994 cas et 4602 contrôles qui est venue confirmer cette forte association (OR=4,97 IC95% [2,42-10,21], P<6.10-6).

Ces résultats sont aussi confirmés dans le même numéro de la revue The New England Journal of Medicine par une équipe islandaise qui montre également que ce gène est un facteur de risque de maladie d’Alzheimer dans la population finlandaise ainsi que dans d’autres populations européennes.

Une analyse anatomopathologique de six individus présentant des variants du gène TREM2 a mis en évidence des lésions cérébrales de type Alzheimer. L’étude de l’expression du gène TREM2 dans des cerveaux humains normaux a permis de montrer une localisation importante dans la substance blanche et dans l’hippocampe et le cortex. Dans un modèle de souris transgénique de la maladie d’Alzheimer, une augmentation d’expression de TREM2 a été observée dans les cellules microgliales entourant les plaques amyloïdes et les neurones comparativement à des souris normales. Le gène TREM2 code pour une protéine qui participe à l’activation de la réponse immunitaire dans les macrophages et les cellules dendritiques.

Cette découverte à deux conséquences principales. Tout d’abord cette observation permet de mieux comprendre l’implication du système immunitaire dans la maladie d’Alzheimer pour lequel le gène du récepteur du complément 1 (CR1) avait déjà été impliqué dans des travaux antérieurs de l’UMR744 Inserm-Lille2-IPL[1], ouvrant la voie à de nouvelles hypothèses de prise en charge de la maladie d’Alzheimer. Par ailleurs, cette approche de séquençage systématique des exons a permis de trouver un gène de susceptibilité d’une maladie rare à l’origine de la susceptibilité à une maladie fréquente, témoignant ainsi de l’hétérogénéité de l’étiologie de la maladie d’Alzheimer. C’est la perte d’activité de ce gène à l’état homozygote ou hétérozygote qui détermine la nature de l’affection.

Ces résultats qui témoignent des nombreuses avancées dans la compréhension de la maladie d’Alzheimer ont impliqué des équipes du labex Distalz, et ont pu être réalisés en partie grâce au soutien de la Fondation de Coopération Scientifique sur la maladie d’Alzheimer, qui coordonne le volet recherche du Plan de lutte contre la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées, lancé en février 2008.

Avec l’augmentation de la longévité des populations humaines, le nombre de patients atteints de maladie d’Alzheimer tend à augmenter en France et partout dans le monde. Première cause de troubles de la mémoire et des fonctions intellectuelles chez la personne âgée, cette affection constitue donc un enjeu majeur de santé publique.

La maladie d’Alzheimer est l’une des principales causes de dépendance de la personne âgée. Elle résulte d’une dégradation des neurones dans différentes régions du cerveau. Elle se manifeste par une altération croissante de la mémoire, des fonctions cognitives ainsi que par des troubles du comportement conduisant à une perte progressive d’autonomie. En France, la maladie d’Alzheimer touche plus de 850 000 personnes et représente un coût social et économique majeur.

La maladie d’Alzheimer est caractérisée par le développement dans le cerveau de deux types de lésions : les plaques amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires. Les plaques amyloïdes proviennent de l’accumulation extracellulaire d’un peptide, le peptide β amyloïde (Aβ), dans des zones particulières du cerveau. Les dégénérescences neurofibrillaires sont des lésions intraneuronales provenant de l’agrégation anormale, sous forme de filaments, d’une protéine appelée protéine Tau.

L’identification des gènes qui participent à la survenue de la maladie d’Alzheimer et à son évolution permettra d’aborder plus rapidement les mécanismes physiopathologiques à l’origine de cette affection, d’identifier des protéines et des voies métaboliques cibles de nouveaux traitements et d’offrir des moyens d’identifier les sujets les plus à risque lorsque des traitements préventifs efficaces seront disponibles


[1] Genome-wide association study identifies variants at CLU and CR1 associated with  Alzheimer’s disease.

Lambert JC, Heath S, Even G, Campion D, Sleegers K, Hiltunen M, Combarros O, Zelenika D, Bullido MJ, Tavernier B, Letenneur L, Bettens K, Berr C, Pasquier F, Fiévet N, Barberger-Gateau P, Engelborghs S, De Deyn P, Mateo I, Franck A, Helisalmi S, Porcellini E, Hanon O; the European Alzheimer’s Disease Initiative Investigators, de Pancorbo MM, Lendon C, Dufouil C, Jaillard C, Leveillard T, Alvarez V, Bosco P, Mancuso M, Panza F, Nacmias B, Bossù P, Piccardi P, Annoni G, Seripa D, Galimberti D, Hannequin D, Licastro F, Soininen H, Ritchie K, Blanché H, Dartigues JF, Tzourio C, Gut I, Van Broeckhoven C, Alpérovitch A, Lathrop M, Amouyel P. Nature Genetics 2009. 41: 1094-1099.

Un système de vision sonore pour les aveugles de naissance

Un système de « vision sonore » permettant à des aveugles de naissance de percevoir les formes d’un visage, d’une maison, et même de lettres et de mots est mis au point par une équipe de l’Université Hébraïque de Jérusalem. Grâce à ce dispositif, les chercheurs montrent que les zones du cortex cérébral dédiées normalement à la lecture s’activent sous l’effet des stimulations chez les personnes aveugles de naissance.
[break]Les résultats de cette étude, réalisée avec le concours de chercheurs du centre de recherche de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (Inserm/UPMC/AP-HP) et de NeuroSpin (CEA-Inserm), ont été publiés le 8 novembre dans la revue Neuron.

Il est généralement admis que chez les aveugles de naissance, le cortex visuel ne peut se développer de façon normale, au point qu’il sera impossible ultérieurement de retrouver la vue, même en cas de correction de la cécité. En réalité, des aveugles peuvent accéder à une sorte de vision, décrire des objets, et même identifier des lettres et des mots écrits, grâce à un dispositif de « substitution sensorielle » (SSD) transformant les images en sons.

C’est ce que vient de montrer l’étude réalisée au Centre de Neurosciences Edmond et Lily Safra (Université Hébraïque, Jérusalem). Cette étude  a été conçue par les chercheurs de l’Université Hébraïque, qui en ont réalisé la partie expérimentale, avec l’appui scientifique des spécialistes français de neuroimagerie cognitive.

Concrètement, le dispositif comprend une petite caméra vidéo incorporée à des lunettes, un ordinateur portable (ou un Smartphone) transformant l’image en sons, et un casque stéréo pour  entendre ces sons. Par exemple, une ligne oblique sera transformée en un son de plus en plus aigu (ou de plus de plus grave). Le même principe permet de coder sous forme auditive des images beaucoup plus complexes.

©Amir Amedi Lab

Les aveugles peuvent atteindre avec ce système une acuité « visuelle » meilleure que celle qui définit la cécité selon les critères de l’OMS.

Après seulement 70 heures d’un entraînement spécialisé, les aveugles parviennent à classer correctement des images en différentes catégories (visages, maisons, etc.). Ils peuvent également percevoir d’autres informations importantes, comme la localisation des personnes présentes dans la pièce ou quelques expressions faciales. Ils parviennent même à lire des lettres et des mots (toutes les vidéos sur http://brain.huji.ac.il/).

Au-delà des performances autorisées par ce système de substitution sensorielle, les chercheurs de l’Université Hébraïque ont cherché à comprendre ce qui se passe dans le cerveau des aveugles lorsqu’ils apprennent à « voir » grâce aux sons. Pour cela, ils ont mis au point une étude d’IRM fonctionnelle avec un paradigme spécifique.

En particulier, ils ont montré que les régions du cortex normalement dédiées à la perception visuelle, dont l’utilité est incertaine chez les sujets aveugles, sont fortement activées lors de la « vision sonore » de visages, de maisons, de mots, etc.

Non seulement le cortex visuel s’active, mais en outre il montre une spécialisation fonctionnelle « normale » pour les différentes catégories d’objets. Ainsi, chez les sujets voyants, une région bien précise du cortex visuel de l’hémisphère gauche (connue sous le sigle de VWFA), est connue pour s’activer plus fortement lors de la perception de chaînes de lettres que lors de la perception d’autres types d’objets. Or c’est très exactement la même région qui s’active lorsque les sujets aveugles lisent des lettres grâce au dispositif de « vision sonore ».

« Le fait que cette spécialisation pour la lecture se développe après seulement quelques heures d’entraînement, met en évidence un degré remarquable de plasticité cérébrale »

explique Stanislas Dehaene (Centre d’imagerie NeuroSpin). Ces résultats soutiennent l’idée que le cortex dit visuel est en réalité spécialisé pour l’analyse des formes des objets, et qu’il peut exercer cette fonction sur une entrée visuelle (comme c’est en général le cas), mais aussi, en cas de besoin, sur une entrée auditive ou tactile.

« Ces résultats suggèrent qu’il pourrait être possible, moyennant une technologie et une réadaptation appropriées , de ‘réveiller’ certaines régions cérébrales et d’accéder à certains aspects du monde visuel, même après des années, voire une vie entière, de cécité », conclut Laurent Cohen (Centre de recherche de l’ICM).

Une piste pour calmer les spasmes dans la sclérose latérale amyotrophique

Une équipe de chercheurs strasbourgeois dirigée par Luc Dupuis (Unité Inserm 692 « Signalisation moléculaire et neurodégenérescence ») vient de découvrir l’origine des spasmes, un symptôme invalidant de la sclérose latérale amyotrophique. Une dégénérescence des neurones qui libèrent de la sérotonine serait responsable de ces sensations. A plus long terme, les chercheurs imaginent que des molécules agissant sur les récepteurs de la sérotonine présents dans le cerveau pourraient supprimer ces douleurs chez le patient.
Ces travaux sont publiés dans Brain.

La sclérose latérale amyotrophique est une maladie neurodégénérative dont l’incidence en France est similaire à la sclérose en plaques (2 à 3 nouveaux cas par an pour 100 000 habitants). Elle affecte de façon particulière les neurones qui contrôlent la motricité en particulier les motoneurones et les neurones moteurs centraux. Les premiers, situés dans la moelle épinière sont directement reliés aux muscles et permettent leur contraction et l’étirement. Les seconds, situés au niveau du cerveau, reçoivent l’ordre d’exécution du mouvement. Lorsque la maladie évolue, les neurones dégénèrent, les muscles ne sont plus stimulés et arrêtent de fonctionner. Les mouvements, la marche, le langage deviennent progressivement impossibles et les patients décèdent en moyenne 2 à 5 ans après le diagnostic, généralement par insuffisance respiratoire.

D’autres symptômes accompagnent la paralysie et peuvent être très invalidants au quotidien. La survenue de spasme (ou spasticité) est une réponse musculaire exagérée à un stimulus qui produit des contractions musculaires longues et involontaires, et des douleurs. Elle est fréquemment observée au cours de la SLA. Elle était attribuée jusqu’alors à la disparition des neurones moteurs centraux.

crédit fotolia

Dans cette étude, les chercheurs de l’Inserm montrent, au contraire, que ces spasmes sont liés à la dégénérescence d’un autre type de neurones, situés dans le tronc cérébral et produisant de la sérotonine.

Ils ont observé, chez des patients atteints de SLA, et dans un modèle de souris transgénique que les neurones sérotoninergiques s’atrophiaient au cours de la maladie et que les niveaux de sérotonine étaient fortement diminués dans la moelle épinière avant les symptômes moteurs.

Par ailleurs, certaines molécules actives contre les récepteurs de la sérotonine abolissent les spasmes des souris transgéniques atteintes de SLA. Ce travail montre que la dégénérescence neuronale au cours de la SLA n’est pas limitée au système moteur au sens strict.

Pour Luc Dupuis, « des molécules agissant sur les récepteurs de la sérotonine 5-HT2B et C pourraient, à terme, être anti-spastiques chez les patients SLA. »

Ces travaux ont fait l’objet d’un dépôt de demande de brevet par Inserm Transfert

Démence et consommation de benzodiazépines chez les plus de 65 ans

Les benzodiazépines sont prescrites dans le cadre de symptômes anxieux et de troubles du sommeil. Un travail collaboratif mené par des chercheurs de trois unités Inserm à Bordeaux rend compte aujourd’hui de l’association entre consommation de benzodiazépines et survenue d’une démence chez les plus de 65 ans. Les chercheurs ont analysé un échantillon de la cohorte PAQUID[1] regroupant des individus âgés de 78 ans en moyenne et suivis pendant 15 ans. Les résultats d’analyses croisées sur cette population montrent que les sujets consommant des benzodiazépines, pendant ce suivi, présentent environ 50% plus de risque de développer une démence comparés à ceux qui n’en ont jamais consommé. Bien que cette étude ne permette pas d’affirmer qu’il y ait un lien de cause à effet, comme c’est le cas pour toute étude épidémiologique, les chercheurs recommandent d’être plus vigilants sur l’utilisation de ces molécules, qui restent utiles pour traiter l’insomnie et l’anxiété, chez les personnes âgées.

Les résultats de cette étude sont disponibles en ligne sur le site de la revue British Medical Journal (BMJ) le 28 septembre 2012

En France, environ 30% des individus de plus de 65 ans consomment des benzodiazépines pour traiter les symptômes anxieux et les troubles du sommeil. La prescription de ces molécules est très étendue, surtout en France et dans de nombreux pays comme le Canada, l’Espagne ou l’Australie parmi cette population. On sait que la prescription de benzodiazépines est aussi souvent chronique, sur une période (souvent plusieurs années) dépassant largement la durée recommandée du traitement qui est de 2 à 4 semaines. Les effets des benzodiazépines sur la cognition ont fait l’objet de nombreux d’études aux résultats controversés.

Les chercheurs des unités Inserm 657 « Pharmaco-épidémiologie et évaluation de l’impact des produits de sante sur les populations », 897 « Centre de recherche Inserm épidémiologie et biostatistique » et 708 « Neuroépidémiologie », en collaboration avec l’Université de Bordeaux, viennent de publier, dans la revue British Medical Journal en ligne le 28 septembre 2012, les résultats d’analyses sophistiquées d’une cohorte de personnes âgées pour mieux connaitre la relation entre la consommation de benzodiazépines et le développement de démence.

Pour tenter de neutraliser les biais qui pouvaient limiter la portée des études antérieures, les chercheurs ont procédé à plusieurs analyses croisées à partir des données de la cohorte PAQUID incluant, entre 1987 et 1989, 3777 personnes.

Shéma benzo EN

 

Schéma : Design de l’étude pour les analyses de cohorte 

© Inserm / J.Hardy

L’étude principale a porté sur un échantillon de 1063 personnes issues de PAQUID, âgées de 78 ans en moyenne, sans symptômes de démence au début du suivi et qui n’avaient pas consommé de benzodiazépines avant la 5ème année du suivi (cf. Schéma ci-dessus). Sur les 1063 personnes, 95 ont consommé des benzodiazépines à partir de la 5ème année ce qui définit deux populations : les personnes « exposées aux benzodiazépines » et les « non exposées ». L’incidence de la démence observée chez les personnes exposées est de 4.8 personnes sur 100 par an, contre 3,2 personnes sur 100 par an pour les « non exposés ».

« L’analyse des cas de démence dans cette première population montre que les personnes ayant débuté un traitement lors du suivi après 5 ans, ont un risque accru de développer une démence, indique Tobias Kurth, directeur de recherche à l’Inserm. Nous avons souhaité vérifier la robustesse de ce résultat par deux analyses supplémentaires  » ajoute-t-il.

La 2ème analyse a consisté à créer 5 « petites » cohortes à partir de l’échantillon étudié précédemment. Les chercheurs ont montré que l’association benzodiazépine-démence est robuste même si la date du début du traitement varie (prise de benzodiazépines à partir de T5, T8, T10, T13, T15).

Pour compléter ces résultats, les chercheurs ont réalisé une étude cas-témoins sur 1633 individus présentant une démence (cas) et 1810 sans symptômes de démence (témoins), tous issus de l’effectif initial de PAQUID. Pour chaque temps T étudié, chaque cas a été comparé à un ou plusieurs témoin(s). Cette dernière analyse montre que la tendance observée dans l’étude principale est confirmée, quelle que soit la durée d’exposition antérieure (de 3 à 5 ans pour les utilisateurs récents à plus de 10 ans pour les utilisateurs ayant toujours pris des benzodiazépines pendant le suivi).

« D’après nos analyses, l’exposition aux benzodiazépines des personnes âgées de plus de 65 ans est associée à un risque accru de démence. Même si nous ne pouvons prouver qu’il existe un lien de cause à effet, nous constatons que les individus consommant des benzodiazépines présentent environ 50% plus de risque de développer une démence durant le suivi comparés à ceux qui n’en ont jamais consommé »

indique Bernard Bégaud, Directeur de l’unité Inserm 657 “Pharmaco épidémiologie et évaluation de l’impact des produits de sante sur les populations”.

Bien que ces molécules soient utiles pour traiter l’insomnie et l’anxiété, les auteurs de l’étude indiquent que leur prise peut entrainer des effets indésirables, tels que des chutes. Avec ces nouvelles données confortant celles de 4 études antérieures, les chercheurs recommandent de « limiter les prescriptions à quelques semaines et de contrôler la bonne utilisation de ces molécules. Nous doutons qu’une durée d’utilisation de l’ordre de quelques semaines puisse avoir un effet délétère sur le risque de démence« , conclut Bernard Bégaud. Par ailleurs, des études supplémentaires permettraient également de savoir si on retrouve cette association chez les personnes âgées de moins de 65 ans.


[1] PAQUID (Personnes Agées QUID), cohorte débutée en 1988, auprès d’une population de sujets vivant à domicile dans deux départements du Sud-Ouest de la France, la Gironde et la Dordogne.
3777 sujets âgés de 65 ans et plus ont participé à l’étude.

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