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Fort excès de mortalité pour les populations immigrées pendant la première vague de la pandémie de COVID-19 en France

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 © Philippe Roingeard, Anne Bull-Maurer, Sonia Georgeault, unité Inserm U1259 MAVIVH & Université de Tours, France

 

Dans une étude réalisée par l’Ined et l’Inserm en partenariat avec Santé publique France et l’Institut Convergences Migrations, des chercheurs[1] ont montré que l’excès de mortalité observé au début de la pandémie de COVID-19, entre le 18 mars et le 19 mai 2020, était bien plus grand pour différentes populations nées à l’étranger que pour la population née en France. Les résultats sont publiés dans la revue Social Science and Medicine.

 

Une mortalité en excès jusqu’à 9 fois plus élevée parmi les immigrés

Avant la pandémie de COVID-19, au cours des années 2016 à 2019, les taux de mortalité des populations immigrées (mis à part celles originaires d’Europe de l’Est) étaient inférieurs à ceux de la population née en France (voir figure 1). Ce phénomène est observé en temps normal dans les grands pays d’immigration à travers le monde[2]. Lors de la première vague épidémique du printemps 2020, la mortalité en excès des populations immigrées a été beaucoup plus importante que celle des personnes nées en France. L’écart est visible à 70 ans et plus, et il est encore plus prononcé entre 40 et 69 ans. À titre d’exemple, au sein de la tranche d’âge 40-69 ans, les taux de mortalité en excès étaient, dans les régions les plus touchées par la pandémie (Grand‑Est et Ile‑de‑France), 8 à 9 fois plus élevés pour les immigrés d’Afrique sub‑Saharienne et 3 à 4 fois pour ceux originaires d’Afrique du nord, d’Amérique et d’Asie ou d’Océanie que pour les populations nées en France. Du fait de cette inégalité dans la hausse des décès en ce début de pandémie, les niveaux de mortalité globale des immigrés nés en dehors d’Europe, habituellement inférieurs à ceux des personnes nées en France, se sont situés bien au-dessus pendant la première vague. L’impact de cette première vague épidémique de COVID-19 a donc entraîné pour ces groupes de populations un bouleversement inédit de leur profil de mortalité habituel.

 

Des facteurs explicatifs multiples

Au cours de la première vague de COVID-19, le confinement strict mis en place par les autorités a permis de contenir l’impact de la pandémie sur le système de soins, en termes d’hospitalisations et de mortalité. Cependant, cette période s’est aussi accompagnée d’écarts importants d’exposition au virus entre populations. Dans ce contexte, les facteurs explicatifs de la vulnérabilité spécifique des populations immigrées, et de l’ampleur des écarts de mortalité en excès avant 70 ans, pourraient être multiples et cumulatifs, renvoyant aux inégalités sociales de santé dues :

(1) à l’environnement et aux conditions de vie (densité des communes de résidence, densité au sein du foyer) et de travail (emplois « essentiels », non-télétravaillables, déplacements en transports collectifs), à l’origine d’un surcroît de risque de contamination, et ;

(2) à des difficultés de recours aux soins et de prise en charge dans un contexte de saturation des hôpitaux.

En cas de nouvelle pandémie, les résultats de cette étude appellent à porter une attention particulière aux conditions de vie des populations, et à la prévention, l’accès au système de soins et la prise en charge des plus vulnérables.

 

Figure 1 – Taux standardisés de mortalité générale à 40 ans et plus. Années 2016-2019 (partie gauche) et semaines 12 à 20 des années 2016-2020 (partie droite), par groupe de pays de naissance. France métropolitaine

Lecture :Pour la France métropolitaine, le taux standardisé de mortalité générale à 40 ans et plus des personnes nées en France était en 2019 de 1 440 décès pour 100 000 et pendant les semaines 12 à 20 de 2020 de 1696 pour 100 000.

Source : article référencé ci-dessous

Données : Décès : données provisoires issues des avis de décès (Bulletin B7 bis) diffusées par l’INSEE

 

[1] Myriam KHLAT (Ined), Walid GHOSN (Inserm), Michel GUILLOT (Ined | University of Pennsylvania), Stéphanie VANDENTORREN (Santé publique France), DcCOVMIG Research Team

[2] La plus faible mortalité de nombreuses populations immigrées est inattendue compte tenu de leur situation économique défavorisée. L’explication majeure avancée dans la littérature scientifique est que les personnes qui migrent sont globalement en meilleure santé que l’ensemble de leur population d’origine, et même souvent en meilleure santé que la population de leur pays d’accueil, du moins au moment de leur arrivée. Ce processus de sélection est dénommé “effet migrant en bonne santé”.

Une étude préclinique montre l’absence d‘efficacité antivirale du favipiravir contre le SARS-CoV-2 et son intérêt potentiel contre le virus Zika

Les chercheurs ont montré que le favipiravir a une activité antivirale contre le virus Zika mais ne présente aucun effet sur le virus du SARS-CoV-2 et pourrait même être à l’origine d’une aggravation de la maladie. © Photo Hal Gatewood/Unsplash


Une étude, menée par des chercheurs du CEA, de l’Inserm et d’Université Paris Cité faisant partie  du  groupe d’études précliniques (GEPC)* mis en place par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, a évalué les effets du médicament favipiravir sur les virus Zika et SARS-CoV-2 chez le macaque crabier, qui constitue le modèle animal de référence. Les chercheurs ont montré que la molécule a une activité antivirale contre le virus Zika. En revanche, elle ne présente aucun effet sur le virus du SARS-CoV-2 dans ce modèle et pourrait même être à l’origine d’une aggravation de la maladie. Cette étude a été publiée le 30 août 2022 dans la revue Nature Communications.

Pendant la pandémie de Covid-19, nombre de médicaments ont fait l’objet d’essais cliniques sans pour autant apporter de preuve d’efficacité convaincante contre le SARS-CoV-2. Si l’épisode de l’hydroxychloroquine a marqué le grand public, il ne s’agit pas de la seule molécule a avoir fait l’objet d’une étude de la part de la communauté scientifique quant à sa potentielle efficacité. Le favipiravir, qui a été à l’origine développé pour le traitement des grippes sévères, est aujourd’hui utilisé, notamment en Asie, dans la lutte contre la Covid-19. Pourtant les preuves de son efficacité se sont jusqu’à aujourd’hui limitées à des tests in vitro et des études cliniques difficilement interprétables en raison de leur taille ou des risques de biais.

Les scientifiques français du GEPC s’intéressent depuis plusieurs années au favipiravir comme une potentielle arme de première ligne contre les virus émergents, en particulier contre les fièvres hémorragiques virales comme Ebola ou Lassa.

Forts de cette expérience, les chercheurs ont étudié l’activité antivirale du favipiravir contre le SARS-CoV-2 chez l’animal, en administrant différentes doses de favipiravir ou de placebo à des macaques crabiers. Ce modèle expérimental d’infection est très utile car il permet de reproduire une maladie très similaire à celle observée chez l’homme, et avait déjà permis de démontrer l’absence d’efficacité de l’hydroxychloroquine dans une publication parue dans la revue Nature en 2020.

Dans ces nouvelles expérimentations, aucun effet sur la charge virale n’a été observé chez les animaux infectés par le SARS-CoV-2 et traités par favipiravir, y compris à des doses élevées. Par ailleurs, une évolution péjorative a même été observée chez quatre animaux suite à la prise de la molécule dont l’état s’est rapidement détérioré. 

En suivant le même protocole, les scientifiques ont par ailleurs testé l’efficacité du médicament contre le virus Zika. Leurs résultats montrent que le favipiravir entraîne cette fois une réduction importante de la charge virale chez le primate et soulignent ainsi l’intérêt potentiel de cette molécule dans cette indication.

« Cette étude montre à nouveau l’importance d’une évaluation rigoureuse des médicaments dans des modèles expérimentaux avant leur administration chez l’humain. Alors que la molécule a été testée dans de nombreux essais cliniques, avec des résultats souvent difficilement interprétables, notre étude établit sans ambiguïté l’absence d’efficacité antivirale du favipiravir contre le SARS-CoV-2 », précise Romain Marlin, co-premier auteur de cette étude et chef de projet au CEA, en charge de programmes précliniques en immunothérapie et vaccinologie (IDMIT, Institut de Biologie François Jacob du CEA).

« Ces résultats ne préjugent cependant pas d’une activité du favipiravir contre d’autres virus, comme le montrent nos résultats sur le virus Zika. Des études chez l’humain sont en cours avec le soutien de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, afin d’évaluer le potentiel du favipiravir dans d’autres indications, en particulier le virus de la fièvre de Lassa, pour lequel nous ne disposons pas de traitement antiviral », explique Jérémie Guedj, directeur de recherche à l’Inserm (laboratoire IAME, Inserm / Université Paris Cité / Université Sorbonne Paris Nord), co-investigateur principal de l’étude avec Roger Le Grand, directeur de recherche au CEA (IDMIT, Institut de Biologie François Jacob).

 

*Le groupe d’études précliniques (GEPC) qui réunit entre autres des spécialistes des modèles animaux, virologues, cliniciens, pharmacologues, biostatisticiens, vétérinaires, biochimistes et des modélisateurs a été mis en place par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes afin d’évaluer (dans des modèles non humains, in vitro ou in vivo) le plus rigoureusement possible des candidats thérapeutiques avant les essais chez l’humain, et prioriser les molécules les plus prometteuses.

Cette étude a été financée par la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM), l’infrastructure européenne TRANSVAC2, la région Auvergne-Rhône-Alpes, l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes (via l’ancien consortium REACTing), le projet ZIKAlliance, qui a reçu un financement du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne.

Deux formes distinctes de myocardites fulminantes associées à l’infection par le SARS-CoV-2

Cellules infectées par le SARS-CoV-2. © Sébastien Eymieux et Philippe Roingeard, Inserm – Université de Tours

Des équipes du service de médecine intensive-réanimation de l’hôpital Pitié-Salpêtrière, en collaboration avec des chercheurs de l’Inserm et de Sorbonne Université, au Centre d’Immunologie et des Maladies Infectieuses (CIMI-Paris) ont étudié la survenue d’atteintes cardiaques (myocardites fulminantes) associées à l’infection par le SARS-CoV-2. Cette étude montre que l’utilisation des critères de syndrome inflammatoire multisystémique (MIS) permet d’identifier deux phénotypes ayant des présentations bio-cliniques et des pronostics différents. Elle identifie des biomarqueurs diagnostiques et de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles. Les résultats de cette étude, coordonnée par le Dr Marc Pineton de Chambrun, le Dr Guillaume Hékimian et le Pr Guy Gorochov, feront l’objet d’une publication le 26 juillet 2022 au sein de la revue The Journal of the American College of Cardiology (JACC).

La myocardite fulminante est une maladie rare et grave touchant principalement des individus jeunes. Elle est responsable d’une inflammation et d’une dysfonction myocardique associées à une mortalité importante.

L’infection par le virus SARS-Cov-2 peut entraîner des myocardites fulminantes, s’intégrant le plus souvent dans un syndrome inflammatoire multisystémique, initialement décrit chez l’enfant (MIS-C, [1]) puis chez l’adulte (MIS-A, [2]). Les traitements recommandés sont les corticostéroïdes et les immunoglobulines intraveineuses.

Cependant, certains adultes atteints de myocardites fulminantes ne présentent pas les critères diagnostiques de MIS-A établis par le Center for Disease Control and Prevention (fièvre prolongée, rash, conjonctivite, atteinte neurologique, digestive, thrombopénie et syndrome inflammatoire marqué) [3], suggérant qu’il existerait plusieurs phénotypes de myocardites fulminantes liées à la Covid-19.

Afin de mieux caractériser les myocardites fulminantes associées à l’infection par le virus SARS-CoV-2 chez l’adulte, l’équipe de recherche a mené une étude rétrospective sur 38 patients répondant ou non aux critères du MIS-A admis en soins critiques à l’Institut de Cardiologie de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière pour une myocardite fulminante secondaire à une infection par le virus SARS-CoV-2 entre mai 2020 et juin 2021.

Le groupe de patients qui ne présentaient pas les critères du MIS-A (groupe MIS-A-) avait une infection SARS-CoV-2 plus récente (délai médian de survenue après le début des symptômes Covid-19 : 3 jours), une PCR SARS-CoV-2 plus fréquemment positive, une myocardite plus grave nécessitant plus fréquemment le recours à l’assistance circulatoire extracorporelle par ECMO veinoartérielle4, et une mortalité hospitalière plus importante. Chez l’autre groupe de patients présentant ces critères (MIS-A-+), la défaillance cardiaque survenait de manière retardée (délai médian de survenue après la Covid-19 prouvée : 32 jours) et était moins sévère, le virus était typiquement indétectable à ce stade et le pronostic meilleur.

Ces deux phénotypes étaient par ailleurs associés à des profils immunologiques différents. Les réponses innées interféron alpha (précocement impliqué dans la réponse antivirale) et interleukine(IL)-8 (chimiokine qui permet le recrutement des polynucléaires neutrophiles) étaient fortement augmentées chez patients MIS-A-, en comparaison aux MIS-A+.

Les patients MIS-A+ présentaient des taux sanguins particulièrement élevés d’IL-22 et d’IL-17. Ces cytokines jouent un rôle physiologique important au niveau des barrières muqueuses et cutanées et sont produites par les lymphocytes Th17. L’IL-17 est une cytokine pro-inflammatoire impliquée dans plusieurs maladies inflammatoires chroniques.

En résumé, la myocardite MIS-A- survient au même moment que la réponse immunitaire précoce contre la réplication virale. Un point intéressant : 54% de patients MIS-A- exprimaient des anticorps particuliers (les anticorps anti-ARN polymérase III), qui ont déjà été associés à des myocardites fulminantes virales récidivantes [5]. En comparaison, les formes MIS-A+ sont associées à une réponse lymphocytaire spécifique de type Th17, retardée et exacerbée. Les cibles de cette réponse Th17, et la possibilité de réactions croisées entre virus et antigènes myocardiques restent à déterminer.

Cette étude montre donc que les myocardites fulminantes associées à la COVID-19 représentent une entité hétérogène recouvrant 2 phénotypes de patients qui diffèrent par des critères cliniques, immunobiologiques et pronostiques.

Elle suggère que l’IL-17, IL-22, l’interféron et les anticorps anti ARN polymérase III pourraient être utilisés comme biomarqueurs pour distinguer ces deux phénotypes.

Les vaccins contre la Covid-19 seraient également associés à un risque de myocardite et de péricardite [6]. Même si ces effets secondaires cardiologiques sont très rares [5], il serait important de déterminer si ces biomarqueurs pourraient aussi aider à les diagnostiquer précocement. Enfin, les inhibiteurs de l’IL-17, qui sont actuellement disponibles sur le marché, semblent une piste thérapeutique intéressante chez les patients MIS-A+.

 

  1. Dufort EM, Koumans EH, Chow EJ, Rosenthal EM, Muse A, Rowlands J, et al. Multisystem Inflammatory Syndrome in Children in New York State. N Engl J Med. 23 juill 2020;383(4):347‑58.
  2. Hékimian G, Kerneis M, Zeitouni M, Cohen-Aubart F, Chommeloux J, Bréchot N, et al. Coronavirus Disease 2019 Acute Myocarditis and Multisystem Inflammatory Syndrome in Adult Intensive and Cardiac Care Units. Chest. 8 sept 2020;
  3. CDC. Multisystem Inflammatory Syndrome (MIS) [Internet]. Centers for Disease Control and Prevention. 2020 [cité 19 déc 2021]. Disponible sur: https://www.cdc.gov/mis/mis-a/hcp.html
  4. L’ECMO (ExtraCorporelle Membrane Oxygénation) est une des techniques d’assistance circulatoire utilisée en urgence pour sauver les malades en grand choc cardiogénique. En cas de dysfonction sévère du cœur, on relie le cœur à cette machine qui assure tout ou partie de la circulation sanguine.
  1. Pineton de Chambrun M, Charuel JL, Hékimian G, Lifermann F, Mathian A, Cohen-Aubart F, et al. Severe Viral Myopericarditis With Autoantibodies Directed Against RNA Polymerase III. Ann Intern Med. 7 avr 2020;172(7):502‑4.
  2. Anders H, Køber L. Lancet 11 june 2022 COVID-19 mRNA vaccination and myocarditis or pericarditis. Disponible sur  https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(22)00842-X/fulltext

Mieux comprendre les différences d’immunité entre les femmes et les hommes face à la Covid-19

Image de microscopie du Coronavirus SARS-CoV-2 responsables de la maladie COVID-19 accrochés aux cellules épithéliales respiratoires humaines

Coronavirus SARS-CoV-2 responsables de la maladie COVID-19 accrochés aux cellules épithéliales respiratoires humaines
©M.Rosa-Calatraval/O.Terrier/A.Pizzorno/E.Errazuriz-cerda

 

Comment expliquer la réponse immunitaire plus performante des femmes face à certaines infections virales, et notamment face aux virus à ARN comme le SARS-CoV-2 responsable de la Covid-19 ? Les mécanismes de production par les cellules immunitaires d’une molécule inflammatoire, l’interféron de type α (IFN-α), pourraient répondre en partie à cette question. Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, de l’université Toulouse III – Paul Sabatier et du CHU de Toulouse se sont penchés sur l’origine cellulaire de la production de l’IFN-α et sur les raisons de sa production plus importante chez les femmes que chez les hommes. Leurs résultats publiés dans eBioMedicine montrent un maintien de cet avantage immunitaire avec l’avancée en âge et définissent deux types précis de cellules immunitaires impliquées : les cellules dendritiques plasmacytoïdes et les monocytes.

La performance de la réponse immunitaire face à une infection virale diffère selon le sexe biologique : face à des virus comme la grippe, le VIH ou encore le SARS-CoV-2 responsable de la Covid-19, les femmes développent souvent une immunité plus performante que celle des hommes. De récentes recherches suggèrent une implication des hormones (œstrogènes) et chromosomes sexuels dans ces différences. 

En effet, une grande partie des gènes de l’immunité se situe sur le chromosome sexuel X, présent en deux exemplaires chez les femmes, contre un seul chez les hommes.

L’expression des gènes présents sur le second chromosome X est majoritairement réprimée, mais entre 15 et 23 % de ces gènes restent actifs.

C’est notamment le cas du gène codant pour le récepteur cellulaire dit « de type Toll-7 » qui est par conséquent plus fortement exprimé chez les femmes que chez les hommes. Présent dans les cellules immunitaires appelées « cellules dendritiques plasmacytoïdes[1] », ce récepteur leur permet de reconnaître l’ARN des virus et d’enclencher une réaction immunitaire via la sécrétion de molécules anti-virales et immunorégulatrices : les interférons de type I. La réponse immunitaire liée au récepteur Toll-7 est une ligne de défense primordiale contre les virus à ARN, comme le SARS-CoV-2 ; la production rapide d’interféron de type I dans les voies respiratoires lors de l’infection protège contre les formes sévères de Covid-19.

La capacité des cellules dendritiques plasmacytoïdes des femmes à produire de plus grandes quantités d’interférons de type I est considérée comme une des raisons pour lesquelles elles présentent une meilleure résistance à la Covid-19 que les hommes.

Cependant, jusqu’à présent, les chercheurs ne savaient pas si cet « avantage immunitaire » persistait chez les femmes très âgées.

Une équipe de recherche de l’Institut toulousain des maladies infectieuses (Inserm/CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier) menée par Jean-Charles Guéry, directeur de recherche Inserm, en collaboration avec l’équipe du professeur Antoine Blancher du CHU de Toulouse, a étudié l’effet du sexe et de l’âge sur la production de l’interféron alpha (IFN-α), une sous-catégorie d’interférons de type I, et a cherché à identifier les cellules responsables de cette production.

Dans une cohorte de 310 femmes et hommes de 19 à 97 ans en bonne santé apparente, les chercheurs ont mesuré la production d’IFN-α après stimulation par des substances capables d’activer divers récepteurs de l’immunité innée, comme les récepteurs Toll-7 et STING, exprimés par différentes cellules immunitaires dans le sang.  

Ils ont observé que seules les cellules dendritiques plasmacytoïdes produisaient de l’IFN-α après stimulation spécifique du récepteur Toll-7. Sur 7 types de molécules inflammatoires étudiées, l’IFN-α était la seule à montrer une différence de production liée au sexe : lors de la stimulation du récepteur Toll-7, sa production demeurait significativement plus importante chez les femmes. Alors même que le nombre de cellules dendritiques plasmacytoïdes diminue avec l’âge et de façon beaucoup plus marquée chez les femmes, la sécrétion d’IFN-α demeurait très largement supérieure chez les participantes et ce, même chez les plus âgées d’entre elles (plus de 80 ans).

A contrario, la production d’IFN-α liée à la stimulation du récepteur STING n’apparaissait corrélée ni au sexe, ni à l’âge, ni au nombre de cellules dendritiques plasmacytoïdes. L’étude révèle que cette production est corrélée à l’abondance d’autres cellules immunitaires : les monocytes, dont le nombre dans le sang augmente passé 60 ans, en particulier chez les hommes.

Selon Jean-Charles Guéry, « ces résultats montrent pour la première fois que les monocytes sont la source prééminente de production d’IFN-α dans le sang, via l’activation du récepteur STING, suspecté d’être à l’origine de la production délétère car tardive d’interférons de type I dans l’infection Covid-19 ». Or, les interférons de type I sont en revanche clairement bénéfiques lorsqu’ils interviennent durant la phase précoce de l’infection, « comme ceux produits par les cellules dendritiques plasmacytoïdes via l’activation de Toll-7 », précise le chercheur.

Ces observations suggèrent que la production d’IFN-α, via la stimulation du récepteur Toll-7, contribuerait y compris chez les femmes âgées à renforcer la résistance contre le SARS-Cov-2 et d’autres infections virales.

« Cependant, le fait que la différence de production d’IFN-α entre les sexes persiste avec l’âge et demeure plus importante chez les femmes bien au-delà de la ménopause, ne peut pas être expliqué par un effet des hormones sexuelles, et suggère un rôle clé des facteurs génétiques liés au chromosome X », ajoute Jean-Charles Guéry.

Ces travaux ouvrent ainsi la voie à de nouvelles pistes dans la recherche des gènes de l’immunité présents sur le chromosome X et susceptibles d’être surexprimés chez les femmes.

 

[1] Les cellules dendritiques plasmacytoïdes sont des cellules du système immunitaire inné circulant dans le sang, et présentes au niveau des tissus barrières comme les poumons. Elles assurent les premières lignes de défense contre les infections virales en produisant des interférons de type I.

Des cellules B mémoires très efficaces localisées dans les poumons

poumons

Les chercheurs ont montré que les cellules B mémoires pouvaient être localisées dans les poumons. © Adobe Stock

 

Comment augmenter l’efficacité des vaccins destinés à protéger contre les maladies virales respiratoires comme la grippe et la covid-19 ? Des scientifiques de l’Inserm, du CNRS et d’Aix-Marseille Université au Centre d’immunologie de Marseille-Luminy ouvrent de nouvelles perspectives sur le sujet, en montrant que déclencher l’apparition de cellules B mémoires directement dans les poumons constituerait une piste prometteuse. A l’heure actuelle, les vaccins sont administrés par voie intramusculaire et ne déclenchent pas l’apparition de ces populations cellulaires. Ces travaux, qui améliorent les connaissances fondamentales dans le domaine de l’immunologie, sont publiés dans le journal Immunity.

Les cellules B mémoires sont des cellules immunitaires produites essentiellement au niveau des ganglions lymphatiques et de la rate à la suite d’une infection. Elles persistent durablement dans ces régions et conservent le souvenir de l’agent infectieux. Si l’organisme y est à nouveau confronté, ces cellules sont immédiatement mobilisées et réactivent rapidement le système immunitaire pour une protection efficace de l’individu.

Suite à des travaux poussés sur ces cellules B mémoires, des chercheurs ont découvert il y a trois ans que ces cellules pouvaient également être localisées dans les poumons. L’équipe dirigée par le chercheur Inserm Mauro Gaya et ses collaborateurs du Centre d’immunologie de Marseille-Luminy (AMU/CNRS/Inserm) et du Centre d’immunophénomique (AMU/CNRS/Inserm) sont allés plus loin afin de décrire la nature et le fonctionnement de cette population de cellules immunitaires particulières.

L’objectif était de mieux connaitre ces cellules et leur implication dans la réponse immunitaire à long terme contre les infections respiratoires. Les scientifiques ont travaillé pour cela avec deux modèles d’infection chez des souris : le virus de la grippe ou le virus Sars-CoV2.

« Authentiques » et « spectateurs »

Ils ont utilisé des marqueurs fluorescents pour suivre l’apparition des cellules B mémoires après l’infection puis ont effectué une analyse transcriptomique sur cellule unique[1]. « Ces techniques nous ont permis de localiser précisément ces cellules dans les poumons de nos modèles animaux et de décrire leur profil d’expression génique cellule par cellule pour étudier leur fonction », explique Mauro Gaya.

Environ dix semaines après l’inoculation du virus et après son élimination de l’organisme, l’équipe a observé la formation des groupes de cellules B mémoires au niveau de la muqueuse respiratoire bronchique à une position stratégique, qui leur permet d’être directement en contact avec tout nouveau virus parvenant dans les poumons.

Par ailleurs, ces travaux suggèrent qu’il existe deux sous-populations de cellules B mémoires exprimant des gènes différents, baptisées « bona fide » et « bystanders » que l’on pourrait traduire par « authentiques » et « spectateurs ». Les cellules « bona fide » présentent une affinité particulière pour le virus qui a déclenché leur apparition. En cas de nouvelle rencontre avec ce pathogène, elles se différencient immédiatement en plasmocytes[2] et secrètent des anticorps hautement spécifiques contre le virus.

A l’inverse, les « bystanders » ne reconnaissent pas directement le virus mais se lient grâce à un récepteur particulier aux complexes immuns formés par les anticorps qui sont produits par les « bona fide ».

« Les bystanders » peuvent ainsi permettre des réactions croisées en augmentant la réponse de différentes populations de « bona fide » contre plusieurs types de virus. « Nous avons là un système à deux vitesses qui permet un effet synergique et décuple l’efficacité de la réponse anti-virale mémoire au niveau des poumons », explique Mauro Gaya.

Outre une avancée des connaissances fondamentales en immunologie, l’équipe de recherche voit dans ces résultats un moyen à plus long terme d’améliorer l’efficacité des vaccins contre la grippe ou la covid-19.

Ces résultats pourraient en effet être à la base de nouvelles recherches sur le mode d’administration des vaccins. « L’hypothèse est qu’en vaccinant par voie intranasale, on pourrait mimer la voie d’entrée naturelle du virus, mobiliser ces cellules B mémoires pulmonaires pour bloquer le virus dès son arrivée dans les voies respiratoires en cas d’infection. De cette façon, on pourrait combattre les formes sévères mais aussi mieux protéger contre l’infection », conclut Mauro Gaya.

 

[1] Analyse transcriptomique sur cellule unique : technique consistant à étudier les gènes exprimés dans chaque cellule de l’échantillon

[2] Plasmocytes: lymphocytes B arrivés à un stade de différenciation terminale au cours duquel ils produisent des anticorps

Covid-19 : Identification d’anticorps monoclonaux neutralisants à large spectre

SARS-CoV-2

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2. Philippe Roingeard, Anne Bull-Maurer, Sonia Georgeault, unité Inserm U1259 MAVIVH & Université de Tours, France)

Les différents variants du SARS-CoV-2 circulant actuellement sont certes responsables de moins de formes sévères dans la population générale vaccinée, mais les personnes immunodéprimées présentent un risque accru de développer des formes graves de la Covid-19. Les anticorps monoclonaux représentent actuellement la meilleure option thérapeutique pour traiter ces patients de manière préventive et curative. Des chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm ont identifié chez des convalescents deux anticorps neutralisants puissants, actifs sur l’ensemble des variants préoccupants du SARS-CoV-2. Ces anticorps humains sont considérés comme des candidats prometteurs pour le développement d’immunothérapies pour la prévention des formes graves et/ou le traitement de la Covid-19. Ces résultats sont publiés dans The Journal of Experimental Medicine, le 15 juin 2022.

Les anticorps et les lymphocytes B mémoires dirigés contre la protéine de spicule[1] du SARS-CoV-2, ou protéine S, contribuent à la protection et l’immunité à long terme contre les formes sévères de la COVID-19. Celles-ci peuvent également être prévenues par des immunothérapies à base d’anticorps neutralisants chez les sujets ne répondant pas à la vaccination, comme par exemple les immunodéprimés qui représentent environ 230 000 personnes en France. Les avantages thérapeutiques des anticorps dits « monoclonaux[2] » anti-SARS-CoV-2 ont déjà étés démontrés dans des essais cliniques pour traiter les malades atteints de Covid-19 et prévenir l’évolution vers des formes graves.

Dans cette étude réalisée par les scientifiques du laboratoire d’Immunologie humorale à l’Institut Pasteur (unité mixte Inserm) dirigé par le Dr Hugo Mouquet et en collaboration avec de nombreuses équipes de l’Institut Pasteur et de l’Inserm, l’immunité contre le SARS-CoV-2 chez des convalescents Covid-19 a été explorée par des analyses exhaustives des anticorps ciblant la protéine S du SARS-CoV-2 et ceci, au niveau sérologique (anticorps circulants dans le sang), cellulaire (les lymphocytes B qui produisent les anticorps), et moléculaire (étude d’anticorps monoclonaux). En particulier, la caractérisation détaillée d’une centaine d’anticorps monoclonaux humains spécifiques de la protéine S du SARS-CoV-2, clonés à partir des cellules B mémoires isolées de sujets convalescents, a permis de révéler la diversité notamment de leurs fonctions antivirales, telles que la neutralisation ou l’élimination des cellules infectées.

« Parmi les anticorps neutralisants puissants identifiés, deux anticorps Cv2.1169 et Cv2.3194, sont à large spectre, c’est-à-dire actifs sur l’ensemble des variants préoccupants du SARS-CoV-2 : Alpha, Beta, Gamma, Delta, Omicron BA.1 et BA.2. L’anticorps monoclonal Cv2.1169, testé dans des modèles animaux de l’infection SARS-CoV-2, s’est révélé posséder une activité prophylactique (prévention) et thérapeutique in vivo », commente Hugo Mouquet, responsable du laboratoire d’Immunologie humorale à l’Institut Pasteur (unité mixte Inserm).

L’anticorps Cv2.1169 ayant été isolé à partir d’un lymphocyte B issu de tissus muqueux, la présence de ce type d’anticorps dans les muqueuses d’individus convalescents pourrait donc participer à la protection contre l’infection par des variants du SARS-CoV-2.

« Ces anticorps monoclonaux humains neutralisants puissants et à large spectre représentent des candidats prometteurs pour le développement d’immunothérapies chez l’homme ayant pour but la prévention et/ou le traitement du Covid-19 », ajoute Hugo Mouquet.

Structure des domaines variables de l’anticorps Cv2.1169 (Violet) en complexe avec le domaine de la protéine S impliqué dans la fixation au récepteur du SARS-CoV-2 (RBD, receptor binding domain; jaune), obtenu par cristallographie des rayons X dans le laboratoire de Virologie Structurale (Institut Pasteur). © Hugo Mouquet, Institut Pasteur

Dans ce contexte, une demande internationale de brevet a été déposée par l’Institut Pasteur pour protéger les anticorps neutralisants identifiés dans cette étude [“Human neutralizing monoclonal antibodies against SARS-CoV-2 and their use thereof” (PCT/EP2022/058777)]. Cette demande de brevet fait l’objet d’une licence exclusive et mondiale avec SpikImm, une société de biotechnologies créée par Truffle Capital et l’Institut Pasteur, qui développe ces anticorps, comme des anticorps faciles à administrer (voie intramusculaire) et à action prolongée pour la prévention de la Covid-19 (prophylaxie pré-exposition) chez les patients immunodéprimés souvent faiblement ou non répondeurs après un schéma vaccinal complet. SpikImm prévoit d’initier des essais cliniques dès juillet 2022. Le Comité ad-hoc de pilotage national des essais thérapeutiques et autres recherches (CAPNET) a récemment attribué le label de « Priorité nationale de recherche » pour cette étude de phase 1.

[1] Ou protéine Spike

[2] Les anticorps monoclonaux sont des anticorps fabriqués par des cellules en culture pour traiter des maladies spécifiques.

Covid-19 : Un déficit immunologique expliquerait près d’un quart des très rares formes sévères observées chez les vaccinés

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 © Philippe Roingeard, Anne Bull-Maurer, Sonia Georgeault, unité Inserm U1259 MAVIVH & Université de Tours, France.

Toutes les études scientifiques ont montré que la vaccination contre la Covid-19 était efficace pour prévenir les formes graves de la maladie. Cependant, dans de très rares cas, des patients vaccinés avec deux doses ont été hospitalisés suite à une infection par le SARS CoV-2. Pour mieux comprendre pourquoi, des chercheurs de l’Inserm, de l’AP-HP et enseignants-chercheurs d’Université Paris Cité au sein de l’Institut Imagine ont mené des travaux qui mettent en évidence un déficit immunologique chez une partie de ces patients. Les scientifiques montrent en effet que 24 % de ces individus présentent des auto-anticorps qui neutralisent l’action des interférons de type 1, des protéines qui constituent la première barrière immunologique contre les virus. Ces résultats sont publiés dans le journal Science Immunology.

Depuis les débuts de la pandémie de Covid-19, de nombreux chercheurs se sont intéressés à une question cruciale : comment expliquer que certains patients infectés par le SARS-CoV-2 ne présentent aucun symptôme alors que d’autres développent une pneumopathie pouvant aller jusqu’au décès ?

Cette interrogation a fait l’objet de recherches rigoureuses dans le cadre d’une collaboration internationale pilotée par des équipes de l’Inserm, d’Université Paris Cité et de l’AP-HP au laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, dans ses deux branches : à l’Institut Imagine, situé à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP et à l’Université Rockefeller de New-York.

Des travaux qui ont débouché sur des publications montrant notamment qu’environ 20 % des cas de pneumopathies graves suite à une infection par le SARS-CoV-2 s’expliquent par des anomalies génétiques (5 % des cas) et immunologiques (14 % des cas) qui fragilisent la réponse immunitaire portée par les interférons de type I.

Interférons de type 1

Les interférons de type 1 (IFN 1) sont un groupe de 17 protéines habituellement produites de manière rapide par les cellules de l’organisme en réponse à une infection virale et ayant pour principal effet d’inhiber la réplication du virus dans les cellules infectées. Il en existe plusieurs types, répartis en plusieurs familles : alphas, bêta, oméga, kappa et epsilon.

Par ailleurs, on parle d’auto-anticorps quand des anticorps s’attaquent aux propres cellules de l’organisme d’un individu.

Chez certains patients atteints de formes sévères de Covid-19, des auto-anticorps dirigés contre les interférons de type 1 ont été retrouvés. Neutralisant l’action des IFN 1, ces auto-anticorps empêchent donc l’organisme de bien se défendre contre le virus.

Les vaccins ARNm contre la Covid-19 sont très efficaces pour prévenir les formes graves de la maladie, et notamment pour réduire le risque de pneumopathie, comme l’attestent de nombreuses études. Cependant, il peut arriver que dans de très rares cas, certaines personnes vaccinées soient infectées par le SARS-CoV-2 et développent des formes sévères de la maladie, nécessitant une hospitalisation.

Forts des connaissances acquises sur les déficits immunologiques associés à un risque accru de Covid-19 grave, les équipes de recherche menées par le Pr Jean-Laurent Casanova et le Dr Laurent Abel, co-directeurs du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, ont tenté de mieux comprendre ce phénomène.

 

Auto-anticorps anti-IFN-1

Les chercheurs ont recruté dans leur étude 48 patients âgés de 20 à 80 ans ayant fait une forme sévère à critique suite à une infection par le variant delta, malgré un schéma vaccinal complet par vaccin à ARNm.

La première étape a consisté à vérifier que le vaccin avait bien été efficace chez ces participants, c’est-à-dire que l’organisme y avait répondu en produisant un bon taux d’anticorps anti SARS-CoV-2. L’idée était ainsi d’écarter les formes sévères ayant pu se développer suite à un échec de la vaccination, afin d’isoler et identifier d’autres facteurs. Pour différentes raisons (infection par le VIH, présence de lymphome, prise de traitements immunosuppresseurs…), six patients avaient une réponse vaccinale défectueuse et ont donc été exclus de l’étude.

Ensuite, les scientifiques se sont appuyés sur leurs précédents travaux et ont recherché la présence d’auto-anticorps anti-interférons de type 1 (IFN-1) chez les 42 patients restants. Différents tests ont été réalisés pour mesurer le taux d’auto-anticorps anti IFN-1 et ainsi que leur caractère neutralisant.

L’analyse des données collectées indiquent que 24 % des 42 patients considérés présentaient des anticorps qui étaient en mesure de neutraliser les interférons de type 1. Hormis cette particularité, ces patients ne présentaient pas d’autres déficits immunologiques et n’avaient aucun historique d’infection virale sévère.

Il est intéressant de noter que même si ces patients ont développé une forme sévère de Covid-19, aucune n’a abouti au décès. Or dans la population non vaccinée, 20 % des personnes qui décèdent présentent des auto-anticorps anti-interférons de type 1. On peut donc supposer que la vaccination a eu un effet même si elle n’est pas parvenue à empêcher le développement de la maladie.

 

Tester les patients pour identifier les risques

Pour aller plus loin dans la compréhension des mécanismes biologiques sous-jacents, des études moléculaires approfondies ont enfin permis aux chercheurs d’identifier les sous-types d’auto-anticorps concernés, montrant qu’il s’agissait principalement d’auto-anticorps anti-alpha2 et/ou anti-oméga.

Ces résultats permettent donc d’expliquer pourquoi certaines personnes vaccinées, présentant des taux d’anticorps élevés contre le SARS-CoV-2, peuvent néanmoins développer des formes graves. Si le phénomène demeure très rare, il n’en reste pas moins important d’acquérir des connaissances solides sur le sujet afin d’adapter les stratégies de prévention et de prise en charge des patients.

Les auteurs de l’étude préconisent d’ailleurs de tester la présence des auto-anticorps anti-IFN-1 chez des patients vaccinés qui seraient hospitalisés suite à une infection par le SARS-CoV-2. Eux-mêmes vont poursuivre leurs travaux afin de mieux comprendre pourquoi ces auto-anticorps anti-IFN-1 se développent chez certains patients, en s’intéressant notamment à des facteurs génétiques.

 

Une communication rigoureuse au service de la science

Si cette étude porte sur des formes très rares de Covid-19 sévère survenant chez des personnes vaccinées, et ne concerne donc qu’un petit nombre de patients, il semblait important de relayer ces résultats de manière rigoureuse et transparente, fidèle à la démarche de l’Inserm en faveur d’une information scientifique fiable et ce, afin que ces résultats ne puissent pas faire l’objet de mauvaises interprétations ou de manipulations.

Covid-19 : Surrisque d’infection parmi les personnels de santé des hôpitaux lors de la première vague

© Adobe Stock

Des équipes du service des urgences de l’hôpital Pitié Salpêtrière AP-HP, de l’Inserm et de Sorbonne Université, coordonnées par le Pr Pierre Hausfater ont étudié le sur risque d’infection à Sars-CoV2 parmi les personnels de santé des hôpitaux en première ligne lors de la première vague de l’épidémie. Les résultats de cette étude à promotion AP-HP ont fait l’objet d’une publication dans la revue Scientific Reports le 4 mai 2022.

Lors de la première vague de l’épidémie de COVID-19, la question du risque de contamination des personnels de santé des hôpitaux a été un élément de préoccupation majeur.

L’étude de cohorte prospective SEROCOV est financée par le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) National 2020 de la DGOS et coordonnée par le Pr Pierre Hausfater et le Pr Florence Tubach de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP et de Sorbonne Université.

Elle vise à documenter les infections au Sars-CoV2 parmi le personnel médical et paramédical des services d’urgence, de réanimation, de maladies infectieuses et de virologie pendant l’épidémie de 2020 dans les hôpitaux AP-HP Pitié-Salpêtrière, Tenon, Saint-Antoine, Trousseau et Bichat – Claude-Bernard, et d’en identifier les facteurs de risque.

1062 personnels de santé répartis sur les cinq hôpitaux participants ont été inclus et suivis entre mars 2020 et septembre 2020.

Une sérologie Sars-CoV-2 était réalisée à l’inclusion, au bout d’un mois et au bout de trois mois, éventuellement complétée par une RT-PCR en cas de symptômes évocateurs. Un auto-questionnaire hebdomadaire devait être rempli par chaque agent.

L’incidence de l’infection à Sars-CoV-2 était de 5,9% à l’inclusion et de 13,7% au bout d’un mois, ce qui témoigne de la précocité de la contamination. Elle était de 14,6% au bout de trois mois.

Comparé à la population générale de 20 à 59 ans, la séroprévalence à un mois était plus élevée chez les personnels de santé : 13,3 % versus 6,4% dans l’étude SAPRIS.

Par ailleurs, le fait d’exercer dans un service de soins critiques, un service d’urgence ou de maladies infectieuses était associé à un risque significativement plus élevé d’infection (documentée par une sérologie positive et/ou une PCR positive) par rapport au laboratoire de virologie (odds ratio respectivement de 1,80, 95%CI [0,38; 8,58], 3,91 [0,83; 18,43] et 4,22 [0,92; 18,28]) .

L’âge, le sexe, la catégorie professionnelle, le nombre d’année d’expérience dans le métier ou le service n’apparaissaient pas comme des facteurs de risque, de même que le niveau d’application des mesures de protection individuelles.

Les personnels ayant déclaré un tabagisme actif avaient un risque significativement moindre d’infection. Néanmoins, ce résultat ne doit pas inciter à fumer pour limiter le risque de Covid-19, le tabagisme restant la première cause de mort évitable en France et rien ne permettant d’espérer un rapport risque/bénéfice positif du tabagisme dans la lutte contre le Covid-19.

Les résultats de cette étude confirment le sur risque d’infection à Sars-CoV2 parmi les personnels de santé des hôpitaux lors de la première vague de l’épidémie, notamment dans les services en première ligne, justifiant en cas de nouvelle pandémie une priorisation des mesures de protection dont la vaccination de ces personnels si elle existe.

Covid long : des symptômes persistants des mois après la première vague

Les participants ont rempli plusieurs questionnaires portant sur leurs symptômes © Adobe Stock

Plusieurs mois après avoir été infectés par le SARS-CoV-2, des symptômes persistent chez une partie des patients. On parle de Covid long ou d’état « post-Covid ». Encore mal compris, ce phénomène est désormais étudié avec attention par les scientifiques afin d’enrichir les connaissances sur le sujet et de proposer la meilleure prise en charge possible.

Des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, de l’Université Paris-Saclay et de Sorbonne Université à l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de Santé Publique, en collaboration avec l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, ont identifié, à partir des données de près de 26 000 volontaires de la cohorte Constances, quels symptômes persistants sont le plus fréquemment rapportés par les personnes ayant été infectées par le SARS-CoV-2 comparé au reste de la population. Il s’agit principalement de la perte de goût ou d’odorat, de gêne respiratoire ou de fatigue. Ces symptômes sont particulièrement observés chez les patients qui ont eu des symptômes typiques de Covid au moment de l’infection. Les résultats sont publiés dans le journal The Lancet Regional Health – Europe.

De nombreuses personnes rapportent des symptômes persistants plusieurs mois après avoir été infectées par le SARS-CoV-2. Cet état « post-Covid » est encore mal compris mais fait actuellement l’objet de travaux de recherche rigoureux afin de mieux définir sa prévalence dans la population générale et de décrypter les mécanismes physiopathologiques sous-jacents.

Parmi les symptômes persistants qui ont été le plus souvent décrits dans la littérature scientifique figurent la dyspnée (gêne respiratoire), l’asthénie (fatigue), des douleurs articulaires et musculaires, des problèmes cognitifs, des troubles digestifs, ou encore l’anosmie/dysgueusie (perte d’odorat et de goût).

Hormis ce dernier symptôme, il s’agit de manifestations cliniques qui ne sont pas spécifiques de la Covid-19 et qui pourraient par exemple être liées à d’autres infections contractées sur la même période ou à un accès plus restreint au système de santé pendant la pandémie.

Afin de mieux comprendre et mieux prendre en charge l’état « post-Covid », il est donc essentiel pour les scientifiques de déterminer quels symptômes persistants sont plus étroitement associés à une infection par le SARS-CoV-2.

Une étude en population générale

La nouvelle étude publiée dans The Lancet Regional Health se penche sur cette question. Cette étude puise d’abord son originalité dans le fait qu’elle a été réalisée dans une cohorte en population générale.

Les cohortes en population générale se distinguent des cohortes construites à partir d’échantillons de malades Covid (par définition tous « symptomatiques » et souvent avec des formes cliniques sévères ou hospitalisés), qui ne sont pas représentatives de l’ensemble des personnes infectées.

Ce type de cohorte permet donc d’appréhender des problématiques de santé publique en élaborant des groupes comparatifs, par exemple selon la sévérité des symptômes présentés au moment de l’infection.

L’autre originalité du travail est que l’ensemble des participants a bénéficié d’un test sérologique a posteriori pour rechercher un historique d’infection par le SARS-CoV-2. Cela différencie ce travail de la plupart des travaux qui ont été réalisés sur le sujet, qui s’intéressent aux personnes ayant réalisé un test PCR et qui ont présenté des symptômes.

Ainsi, ce travail permet de comparer la persistance de symptômes sept à huit mois après la première vague de la pandémie dans quatre groupes de participants[1] répartis en fonction des symptômes qu’ils avaient eus pendant cette première vague et de leur statut sérologique (témoignant ou non d’une infection par le SARS-CoV-2).

Des symptômes présents à long terme selon le statut sérologique

25 910 participants issus de la cohorte Constances (voir encadré) ont répondu à deux questionnaires lors de la première vague de la pandémie de Covid-19, afin de déterminer la présence de symptômes dans les quinze jours qui précédaient. Un test sérologique a ensuite été effectué pour chacun d’entre eux, entre mai et novembre 2020, afin d’identifier les personnes ayant été exposées au virus.

Enfin, entre décembre 2020 et février 2021, un troisième questionnaire portant sur les symptômes ayant persisté ou persistant depuis au moins deux mois a été proposé aux participants. Ce questionnaire comportait la liste de symptômes recherchés pendant les premières vagues de questionnaires, mais également de nouveaux symptômes dont se plaignent les personnes atteintes de « Covid long » (trouble de la concentration et de l’attention, douleurs thoraciques…).

 

Les chercheuses et les chercheurs ont comparé les individus ayant présenté des symptômes évoquant une infection respiratoire aiguë en fonction de leurs résultats sérologiques. Ils ont observé que les personnes symptomatiques et présentant une sérologie positive présentaient plus d’anosmie/dysgueusie, de dyspnée et de fatigue persistantes que les individus séronégatifs pour le SARS-CoV-2. Les autres symptômes avaient une fréquence équivalente.

Liens entre les symptômes présentés au moment de l’infection et les symptômes persistants

Les auteurs ont ensuite exploré le lien entre infection, symptômes aigus et symptômes persistants. Les résultats de leurs analyses statistiques montrent que l’infection par le SARS-CoV-2 a essentiellement un effet sur la persistance des symptômes si elle induit certains symptômes au moment de l’épisode aigu de l’infection.

« Nos résultats confirment l’importance de l’expression clinique de l’épisode infectieux initial dans le risque de développer des symptômes persistants. Ils peuvent aider à guider les politiques publiques en apportant des données plus précises sur le type de symptômes persistants de la Covid-19 et en incitant à développer des stratégies de prise en charge plus efficaces. Promouvoir des thérapies et des approches préventives, comme la vaccination, qui réduisent les symptômes lors la phase aiguë de la maladie pourrait aussi avoir un effet bénéfique sur les états post-Covid », soulignent les auteurs de l’étude.

Ces résultats témoignent de la complexité des mécanismes pouvant expliquer les symptômes persistants, en soulignant que ces symptômes peuvent être liés au virus, à la présentation clinique initiale de l’infection et à d’autres causes non spécifiques.

Ils suggèrent aussi l’importance de mener des études sur les états post-infectieux, quel que soit le micro-organisme incriminé.

D’autres travaux sont en cours pour comprendre les mécanismes à l’origine de ces états « post-Covid » et pour quantifier la part de ces symptômes persistants attribuable à l’infection par le SARS-CoV-2.

La cohorte Constances

Constances est une grande cohorte épidémiologique française, constituée d’un échantillon représentatif de 220 000 adultes âgés de 18 à 69 ans à l’inclusion. Les participants sont invités à passer un examen de santé tous les quatre ans et à remplir un questionnaire tous les ans. Les données de ces volontaires sont appariées chaque année aux bases de données de l’Assurance maladie. Cette grande cohorte est soutenue par la caisse Nationale d’assurance Maladie et financée par le Programme d’Investissements d’Avenir.

Les données recueillies concernent la santé, les caractéristiques socioprofessionnelles, le recours aux soins, des paramètres biologiques, physiologiques, physiques et cognitif et permettent d’en apprendre plus sur les déterminants de nombreuses maladies.

Constances est l’une des trois cohortes sur lesquelles s’appuie le projet SAPRIS-SERO porté par l’Inserm et l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, qui vise à quantifier l’incidence du SARS-CoV-2 dans la population française à partir de tests sérologiques.

Pour en savoir plus : constances.fr

 

[1] Le premier groupe de participants comprenait toutes les personnes ayant un test sérologique positif à la covid 19 et ayant rapporté des symptômes pendant la première vague. Dans le deuxième groupe, les individus avaient un test positif mais pas de symptômes. Le troisième groupe était celui des personnes ayant un test sérologique négatif et des symptômes tandis que le quatrième groupe était asymptomatique pendant la première vague, avec un test sérologique négatif.

La tenue d’un colloque à l’IHU intitulé « Premier bilan des connaissances et des controverses scientifiques… » interpelle, les membres fondateurs se mobilisent

 

 

L’ensemble des membres fondateurs[1] s’interroge sur la tenue d’un tel évènement au sein d’un Institut hospitalouniversitaire. L’intitulé et la nature des participants et des associations partenaires ne laissent aucun doute sur les objectifs. Par conséquent, les membres fondateurs demandent la délocalisation de cette conférence.

Les membres fondateurs sont attachés à la liberté d’expression et nul manquement à l’exigence de rigueur et d’excellence que nos institutions respectives poursuivent ne saurait être toléré.

Les membres fondateurs ne permettront pas non plus que la réputation de leurs établissements et équipes respectives soit mise en cause.

Les membres fondateurs n’ont pas été concertés et ne sont en rien associés à cette réunion. Ils demandent donc à la direction de l’IHU qu’elle renonce à la tenue de cette rencontre au sein de son établissement.

[1] l’Inserm n’est pas membre fondateur mais s’associe pleinement compte-tenu du programme et des intervenants indiqués

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