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Une thérapie génique prometteuse dans le traitement d’une maladie musculaire génétique rare

Coupe transversale du muscle tibial antérieur d’une souris porteuse de mutations dans le gène BIN1 ayant reçu le traitement de thérapie génétique © IGBMC, Jacqueline JiCoupe transversale du muscle tibial antérieur d’une souris porteuse de mutations dans le gène BIN1 ayant reçu le traitement de thérapie génétique. © IGBMC, Jacqueline Ji

Des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS et de l’Université de Strasbourg, au sein de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC), ont réalisé une avancée majeure dans le traitement d’une maladie musculaire génétique grave pour laquelle il n’existe actuellement aucune thérapie, la myopathie centronucléaire liée à la mutation du gène BIN1. Leur étude, publiée dans Molecular Therapy, identifie pour la première fois une thérapie génique capable non seulement de prévenir totalement, mais aussi d’inverser la progression de cette maladie rare dans un modèle murin. Des résultats prometteurs qui sont un pas de plus dans l’identification d’un potentiel traitement chez l’humain.

Les myopathies congénitales sont des maladies musculaires génétiques rares dont les symptômes et la sévérité varient selon la nature du gène impliqué. Parmi elles, les myopathies centronucléaires sont caractérisées par une atteinte musculaire qui progresse avec le temps, causée par des anomalies de la structure interne des cellules des muscles squelettiques. Des mutations du gène BIN1, essentiel à l’adaptation des cellules à leur environnement et à l’organisation des fibres musculaires, sont responsables d’une part importante des cas de cette maladie.

À Strasbourg, une équipe de recherche menée par Jocelyn Laporte, directeur de recherche Inserm, s’intéresse tout particulièrement à l’étude des mutations du gène BIN1 dans la maladie avec l’objectif d’en comprendre les mécanismes et d’identifier de nouvelles pistes thérapeutiques.

Dans une nouvelle étude, l’équipe décrit, pour la première fois, les résultats encourageants d’une thérapie génique (cf. encadré ci-dessous) qu’ils ont développée et testée sur un modèle de souris atteintes par la maladie. Cette approche repose sur l’utilisation de vecteurs viraux spécifiques, ayant permis aux chercheurs d’agir de façon ciblée sur les gènes mutés dans les muscles atteints.

C’est quoi la thérapie génique ?

La thérapie génique consiste à introduire du matériel génétique dans des cellules pour soigner une maladie.

Une des difficultés associées au développement de la thérapie génique est qu’il faut trouver un moyen de faire pénétrer les gènes thérapeutiques dans les cellules du patient malade afin d’agir directement sur les gènes mutés, c’est-à-dire ceux présentant une anomalie. La thérapie génique utilise donc des outils appelés « vecteurs », en général des virus inactivés, pour assurer le transport et la livraison des gènes thérapeutiques au sein de la cellule. Les vecteurs viraux adéno-associés (AAV) sont actuellement considérés comme les plus performants.

Une autre difficulté repose dans l’identification d’un vecteur spécifique de la structure biologique que l’on souhaite cibler, afin d’éviter qu’il ne délivre le gène au sein de cellules saines d’autres organes non touchés par la maladie, ce qui pourrait avoir des effets graves sur leur fonctionnement. Ainsi, dans le cadre des myopathies, l’enjeu est d’identifier un vecteur qui ne ciblera que les cellules des muscles squelettiques et n’ira pas délivrer une copie du gène sain dans, par exemple, le foie, les poumons ou le cerveau.

Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé des vecteurs AAV pour délivrer une version non mutée et fonctionnelle du gène BIN1 dans sa forme spécifique au muscle squelettique (celle habituellement exprimée dans un muscle sain et nulle part ailleurs dans le corps) dans les muscles atteints. L’objectif : restaurer une fonction musculaire normale en compensant le gène muté responsable de la maladie.

L’équipe a identifié MyoAAV4A, un nouveau type d’AAV ciblant spécifiquement le muscle squelettique, comme particulièrement efficace pour la délivrance de BIN1, surpassant ainsi le vecteur AAV9 habituellement utilisé.

Un traitement précoce chez des souris nouveau-nées a ainsi permis de prévenir totalement l’apparition des symptômes de la maladie. De plus, une administration après le début de la maladie a permis d’inverser complètement les principales manifestations cliniques, notamment les troubles moteurs ainsi que l’atrophie et les anomalies de contraction musculaire.

Quatre semaines après traitement, les souris présentaient une normalisation de la structure et de leur fonction musculaire, ainsi qu’une restauration des principaux indicateurs biologiques témoignant du bon fonctionnement de la cellule musculaire.

« Cette recherche pionnière représente une avancée majeure dans la quête de traitements curatifs pour les myopathies centronucléaires en établissant le remplacement du gène BIN1 comme une stratégie thérapeutique prometteuse. Elle ouvre la voie à de nouvelles étapes de recherche vers le développement d’un essai clinique chez l’humain », explique Jacqueline JI, première autrice de l’étude.

« Nos résultats soulignent l’importance de cibler la forme de BIN1 spécifique au muscle squelettique et d’utiliser des vecteurs de nouvelle génération pour une thérapie génique musculaire sûre et efficace », conclut Jocelyn Laporte.

Ces résultats ont des implications plus larges. En effet, des anomalies de BIN1 sont également impliquées dans des pathologies cardiaques, certains cancers, ainsi que dans des maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer. Ainsi, la restauration de la fonctionnalité de BIN1 pourrait ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques dans plusieurs domaines.

Troubles du développement intellectuel : deux nouveaux gènes mis en cause

© Pexels

Une équipe de recherche internationale pilotée en France par l’Inserm, le CNRS, le CHU Grenoble-Alpes, l’université Grenoble-Alpes, l’Assistance publique des hôpitaux de Paris – APHP et par l’université d’Essen en Allemagne, a réussi à identifier deux nouveaux gènes qui jouent un rôle dans l’apparition de troubles du développement intellectuel (TDI), en collaboration avec Sorbonne Université, le CHU de Nantes, l’université de Nantes et celle de Rouen-Normandie. Les scientifiques ont aussi réussi à développer deux nouveaux types de tests pour diagnostiquer le syndrome de Renu, une maladie rare associée aux mutations du gène RNU4-2 qui se manifeste, entre autres, par des retards de développement intellectuel. Ces résultats, publiés dans la revue Nature Genetics, reposent sur l’analyse de près de 24 000 génomes de patients français atteints de maladies rares. Ils permettent d’apporter un diagnostic à de nombreux patients qui étaient jusqu’alors dans l’errance diagnostique, en plus d’améliorer les connaissances sur les causes de ces maladies. Cette étude s’inscrit dans le cadre du plan France Médecine génomique piloté par l’Inserm.

Les troubles du développement intellectuel (TDI) correspondent à la « capacité sensiblement réduite de comprendre une information nouvelle ou complexe et d’apprendre et d’appliquer de nouvelles compétences (trouble de l’intelligence) », selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS)[1]. Cette limitation du fonctionnement adaptatif est visible dans divers secteurs d’aptitudes tels que la communication, les apprentissages scolaires, l’autonomie, la responsabilité individuelle, la vie sociale, le travail, les loisirs, la santé, ou encore la sécurité.

Ces troubles concernent environ 1 % de la population générale, d’après le ministère de la Santé[2]. Ils peuvent être liés à l’environnement ou à la génétique (plus de 1 680 gènes impliqués ont déjà été identifiés)[3], mais dans de nombreux cas, leur cause reste encore inconnue. Pour progresser dans la compréhension de ces maladies complexes, et identifier de nouveaux gènes associés à ces troubles, il était nécessaire de disposer de génomes entiers à étudier.

Grâce au déploiement du Plan France Médecine génomique 2025 piloté par l’Inserm, le séquençage de génomes entiers est maintenant proposé aux patients atteints de maladies rares ou de cancers pour orienter le diagnostic, le conseil génétique ou encore la prise en charge. Depuis son lancement en 2016, près de 100 000 séquençages ont déjà été effectués chez plus de 40 000 patients et leurs proches, fournissant aux scientifiques un vivier de données génétiques.

« Cette pratique a permis de poser un diagnostic pour environ 30 % des personnes concernées, parfois après des années d’impasse diagnostique, explique Frédérique Nowak, coordinatrice du plan France Médecine génomique 2025 à l’Inserm. Mais un autre objectif de ce plan était d’adosser la recherche aux données résultant de ces séquençages. »

Près de 24 000 génomes français

Ce second objectif est déjà atteint, à en croire les résultats d’une nouvelle étude supervisée par une équipe de recherche internationale franco-allemande[4]. À partir des analyses de 23 649 génomes de patients français atteints de maladies rares, auxquels en ont été ajoutés d’autres issus de collaborations internationales, le groupement de scientifiques a pu collecter une très large série de cas, confirmant l’implication majeure de deux gènes dans des troubles sévères du neurodéveloppement. Ces gènes codent pour des petits ARN, des molécules à la structure proche de l’ADN, qui appartiennent au « complexe majeur d’épissage ». Cette machinerie permet de « préparer » les ARN dits messagers, sortes de copies des gènes, avant qu’ils ne soient traduits en protéines.

« Ce travail a permis d’identifier 145 patients porteurs de mutations de novo, c’est-à-dire non transmises par les parents, dans le gène RNU4-2 et dix-huit patients en ce qui concerne le gène RNU5B-1, soit un nombre sans précédent de patients qui présentent une symptomatologie proche, notamment des retards de développement, des troubles du développement intellectuel, des microcéphalies ou encore des épilepsies résistantes aux traitements, indique Julien Thevenon, chercheur Inserm au sein de l’Unité 1029 , l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/CNRS/UGA), au CHU de Grenoble et co-dernier auteur de l’étude.

En procédant à des analyses sanguines, les équipes de recherche ont aussi réussi à développer deux nouveaux types de tests pour diagnostiquer le syndrome de Renu, la maladie rare associée aux mutations du gène RNU4-2 qui se manifeste, entre autres, par des retards de développement intellectuel et moteur, ou des troubles du langage.

Ces tests seront utiles en cas de difficulté à poser un diagnostic avec une analyse de l’ADN classique. Le premier, dit « transcriptomique », identifie la quantité et les caractéristiques des acides ribonucléiques (ou ARN) messagers produits lors de copie -ou transcription- d’une séquence génétique. Le second, dit épigénétique, étudie les modifications moléculaires qui surviennent sur l’ADN sans en modifier la séquence. Dans les deux cas, l’objectif est d’observer si ces caractéristiques se rapprochent de celles considérées comme la signature du syndrome de Renu.

La recherche a impliqué un grand nombre de chercheurs français affiliés aux deux laboratoires SeqOIA et AURAGEN, les deux seuls en France autorisés à effectuer les séquençages de génome entier (l’ensemble des chromosomes et des gènes de chaque patient) dans un cadre diagnostique.

« C’est un travail collectif et une bonne organisation de recherche qui doit encourager à renforcer la dynamique du plan France Médecine génomique », estime Caroline Nava, chercheuse au sein de l’Unité 1127, Institut du cerveau « Inserm/Sorbonne Université /CNRS) première autrice de l’étude. « C’est grâce à la puissance du nombre de données ainsi qu’aux collaborations avec des chercheurs du monde entier que nous pouvons effectuer de telles découvertes », abonde Christel Depienne, chercheuse à l’université d’Essen et co-dernière autrice de l’étude.

À la clé : apporter un diagnostic au plus grand nombre et sortir de l’errance diagnostique qui est une véritable épreuve pour les familles ; améliorer le conseil génétique en informant les parents sur le risque d’avoir d’autres enfants avec la même maladie, et enfin promouvoir le développement de thérapeutiques ciblant les mécanismes dysfonctionnels.

[1] https://www.who.int/southeastasia/health-topics/mental-health/key-terms-and-definitions-in-mental-health#intellectual

[2] handicap.gouv.fr/la-strategie-nationale-autisme-et-troubles-du-neurodeveloppement-2018-2022

[3] https://panelapp-aus.org/panels/250/

[4] Cette étude a été supervisée par Christel Depienne, chercheuse au CHU d’Essen en Allemagne, Julien Thevenon, chercheur Inserm à l’Institut pour l’avancée des biosciences et au CHU Grenoble-Alpes et Caroline Nava, chercheuse au sein de l’APHP et de l’Unité 1127, Institut du cerveau « Inserm/Sorbonne Université /CNRS)

Hyperglycémie : vers une meilleure compréhension de son impact délétère sur la peau

Fibroblastes humains observés en microscopie de fluorescence. Les mitochondries sont marquées en rouge, l’ADN du noyau des fibroblastes est marqué en bleu. © Nivea Dias Amoedo/Inserm

Une dégradation de la qualité de la peau, de sa capacité à cicatriser, et de son vieillissement normal, est souvent observée chez les personnes présentant une hyperglycémie chronique. Une équipe de chercheuses et chercheurs de l’Inserm, de l’université de Bordeaux et de LVMH Recherche, s’est intéressée à la façon dont l’hyperglycémie altère le derme humain et en particulier les cellules impliquées dans sa cicatrisation, les fibroblastes. Ses travaux, parus dans Redox Biology, montrent qu’une trop forte concentration en glucose dans le derme vient perturber une mécanique complexe et finement régulée de production de l’énergie par les fibroblastes, avec des impacts sur leur capacité à maintenir l’intégrité de la peau.

Le glucose est un sucre vital pour les cellules des mammifères : il permet notamment la synthèse de nombreuses molécules essentielles à l’organisme, comme l’ADN, ainsi que la transformation d’énergie par les mitochondries, les « centrales énergétiques » du corps humain, via le mécanisme dit de « respiration mitochondriale ». Bien que les concentrations en glucose dans le derme (l’une des trois couches constituant la peau, située entre l’épiderme – la couche externe – et l’hypoderme) reflètent celles retrouvées dans le sang, le métabolisme du glucose dans la peau reste peu étudié et mal connu.

Au sein du derme, on retrouve les fibroblastes, des cellules, impliquées notamment dans la régénération de l’épiderme et dans la cicatrisation de la peau, grâce à leur capacité à produire du collagène et à se déplacer sur le site d’une blessure. Ces fibroblastes cutanés subissent directement le stress métabolique causé par l’hyperglycémie[1], une conséquence des régimes alimentaires riches en sucres.

Or, l’hyperglycémie et les maladies métaboliques qui lui sont liées (comme le diabète par exemple) sont fréquemment associées à une dégradation de la qualité et de l’intégrité de la peau, avec en particulier une moins bonne cicatrisation et un vieillissement cutané prématuré. Une des clés pour limiter ces altérations pourrait ainsi être de mieux comprendre comment l’hyperglycémie impacte le métabolisme et la structure de la peau.

Une équipe projet co-dirigée par Rodrigue Rossignol, directeur de recherche Inserm et co-directeur du laboratoire Maladies rares : génétique et métabolisme (Inserm/université  de Bordeaux) et Anne-Laure Bulteau à LVMH Recherche, s’est intéressée à la façon dont les fibroblastes du derme humain et les mitochondries qu’ils contiennent se comportent lorsqu’ils sont exposés à plusieurs degrés d’hyperglycémie : normale, modérée, élevée et extrême[2].

Ces études ont été menées dans 4 modèles complémentaires : sur des fibroblastes cultivés in vitro, dans un derme reconstitué (un modèle in vitro reproduisant la structure en trois dimensions du derme), dans une peau humaine reconstituée (similaire au derme reconstitué mais combinant derme et épiderme) et enfin dans une biopsie cutanée prélevée sur un patient diabétique.

Les résultats mettent en évidence un système très sensible et complexe de régulation du métabolisme énergétique et de l’activité des mitochondries au sein des fibroblastes humains, en réponse à la variation du taux de glucose dans le derme.

Les scientifiques ont notamment constaté qu’une hyperglycémie croissante inhibe la respiration cutanée réalisée par les mitochondries. Ils ont identifié des mécanismes moléculaires inédits débutant par la répression de l’activité des mitochondries, puis menant à leur fragmentation, jusqu’à l’activation de leur dégradation.

« Le blocage de la chaîne respiratoire des mitochondries produit des molécules toxiques pour la peau, impliquées dans son vieillissement, explique Rodrigue Rossignol, on parle alors de stress oxydatif. » 

Parmi les acteurs de la régulation de l’activité mitochondriale, les scientifiques ont identifié un facteur de croissance, appelé GDF15, dont l’activité était fortement inhibée dès l’apparition de l’hyperglycémie modérée et qui tendait à continuer de diminuer avec l’augmentation du taux de glucose environnant. Cette inhibition entraînait alors la diminution de la production de nouvelles mitochondries dans les fibroblastes. En revanche, une supplémentation des modèles de peau en GDF15 permettait d’inverser les altérations observées du métabolisme énergétique, même si l’hyperglycémie persistait.

« Nos résultats suggèrent que GDF15 pourrait être au cœur d’une potentielle stratégie pharmacologique ou dermatologique visant à limiter les dommages cutanés causés par le stress métabolique chez les personnes hyperglycémiques, indique Rodrigue Rossignol. Le chercheur tempère cependant : en conditions réelles, l’hyperglycémie chronique implique des phénomènes inflammatoires. Ceux-ci, non reproduits dans nos modèles, pourraient être susceptibles d’entraver l’action protectrice d’une supplémentation en GDF15. »

Enfin, l’équipe a pu observer que l’altération de l’activité mitochondriale des fibroblastes dégradaient leur capacité à produire un réseau de collagène cutané qualitatif.

« En cas de lésion cutanée, le réseau de collagène sert notamment aux fibroblastes à se déplacer dans le derme pour aller réparer les zones abîmées, détaille Rodrigue Rossignol, nos résultats montrent que, sous l’effet de l’hyperglycémie, le réseau étant défaillant, les fibroblastes s’y déplaçaient plus difficilement et la reconstruction cutanée était donc moins efficace. »

Ces données apportent de nouvelles connaissances fondamentales sur la façon dont l’hyperglycémie altère la physiologie de la peau et des mitochondries. Elles offrent de nouvelles perspectives concernant les causes de la dégradation de la qualité de la peau chez les personnes présentant une hyperglycémie et ouvrent la voie à de potentielles stratégies innovantes ciblant spécifiquement les mitochondries

Ces travaux sont co-financés par l’Inserm, l’université de Bordeaux, LVMH Recherche, la Fondation pour la recherche médicale (FRM) et la région Nouvelle-Aquitaine.

Seyta Ley Ngardigal, première autrice de cette étude et docteure de l’université de Bordeaux, a bénéficié d’une bourse doctorale financée par LVMH Recherche. Ces travaux s’inscrivent ainsi dans le cadre d’une thèse CIFRE dirigée par Rodrigue Rossignol et Anne-Laure Bulteau, au sein de l’unité Maladies Rares : génétique et métabolisme (Inserm/université de Bordeaux) et de LVMH Recherche (Orléans).

Les CIFRE, ou Conventions industrielles de formation par la recherche, sont des dispositifs financés par le ministère chargé de l’Enseignement supérieur de la Recherche ayant pour vocation à renforcer les échanges entre les laboratoires de recherche publique et les milieux socio-économiques, favoriser l’emploi des docteurs dans les entreprises et contribuer au processus d’innovation des entreprises établies en France.

[1]Selon l’OMS, un niveau de concentration sanguine en glucose normal est de 700 à 1000 mg de glucose par litre de sang (3,9 à 5,6 mmol/L). Entre 1200 et 2162mg/L (6,9 à 12 mmol/L), la personne est considérée en hyperglycémie ; 1200mg/L est considérée comme une hyperglycémie modérée et 2162 mg/L comme une hyperglycémie élevée.

[2]25mmol/L, soit environ deux fois la valeur d’une hyperglycémie élevée.

Immunothérapie : combiner les données pour mieux prédire l’efficacité

Cancer du poumon, modélisation en 3D crédits Fotalia© Fotolia

Comment améliorer la prédiction de la réponse à l’immunothérapie dans le cancer du poumon non à petites cellules ? Des chercheurs de l’Institut Curie, de l’Inserm et de Mines Paris-PSL ont relevé ce défi en combinant différents types de données d’examens (génomiques, radiomiques, anatomopathologiques, cliniques) au sein d’algorithmes d’intelligence artificielle inédits. Une première, qui vient d’être publiée dans la revue Nature Communications.

Dans la grande majorité des cancers du poumon (plus précisément dans les cancers du poumon non à petites cellules[1]), l’immunothérapie est prescrite en première ligne pour 85 % des patients. Or, certains y répondent et d’autres non. Réussir à prédire l’efficacité de ce traitement représente donc un enjeu crucial afin de gagner du temps sur l’évolution de la maladie, éviter des effets secondaires inutiles et réduire les coûts. Des scientifiques de l’Institut Curie, de l’Inserm et de Mines Paris-PSL, se sont lancés dans un projet pionnier, financé par la Fondation Arc[2] et PR[AI]RIE[3], à la recherche de nouveaux biomarqueurs prédictifs.

Pionnier d’abord en termes d’organisation : 16 chercheurs de l’Institut Curie, de l’Inserm et de Mines Paris-PSL, aidés de nombreux collègues et issus de divers domaines (imagerie, intelligence artificielle, pathologie, radiomique, biologie de la tumeur…) ont collaboré de manière transdisciplinaire autour de mêmes jeux de données.

Pionnier ensuite en termes de résultats : cette équipe est parvenue à identifier la meilleure combinaison de données pour prédire la réponse à l’immunothérapie dans le cancer du poumon non à petites cellules.

La preuve de l’intérêt de la multimodalité

« En collaboration avec l’équipe du Pr Nicolas Girard, chef du département d’oncologie médicale de l’Institut Curie, nous avons recueilli, pour 317 patients, des données transcriptomiques, c’est-à-dire d’expression du génome ; des données de radiomique, donc d’imagerie ; des données d’anatomopathologie de la tumeur ; et enfin des données cliniques », détaille le Dr Emmanuel Barillot, directeur de l’unité Oncologie computationnelle (U1331, Institut Curie, Inserm). « Nous avons ainsi découvert que les algorithmes qui combinent les données de trois ou quatre de ces modalités prédisent toujours mieux la réponse au traitement que ceux n’en utilisant qu’une ou deux. Cette preuve de l’intérêt de la multimodalité n’avait pas encore été rapportées pour le cancer du poumon non à petites cellules ».

Mieux encore, les scientifiques ont repéré les modalités les plus prédictives et les ont reliées à des mécanismes biologiques.

« Nous avons par exemple observé que le transcriptome fournit des informations de bonne qualité, notamment parce qu’il permet de quantifier les cellules dendritiques – dont l’action dans la réponse à l’immunothérapie est déjà connue », poursuit le chercheur.

 

L’espoir d’une application prochaine en clinique

Des découvertes qui auront un impact à court mais aussi à long terme.

« Nos prochaines recherches vont s’attacher à intégrer encore plus de données dans nos algorithmes pour vérifier la fiabilité des prédictions et l’améliorer encore », annonce Nicolas Captier, premier auteur de l’étude et doctorant dans l’équipe Biologie des systèmes du cancer de l’Institut Curie. « Et à terme, l’espoir est de pouvoir utiliser de tels algorithmes pour l’élaboration de la stratégie thérapeutique. »

La pratique exigera pour sa mise en place une étroite collaboration avec les médecins : un processus qui devrait être facilité par la capacité des chercheurs de l’Institut Curie à travailler de manière translationnelle avec les équipes de l’Ensemble hospitalier.

[1] Ces cancers représentent plus de 80 % des cancers du poumon et regroupent les adénocarcinomes (60 % des cas), les carcinomes épidermoïdes (30 % des cas) et les carcinomes à grandes cellules (plus rares).

[2] Fondation pour la recherche sur le cancer

[3] L’un des quatre instituts français d’intelligence artificielle qui rassemble l’Université PSL, comprenant l’Institut Curie, ainsi que l’Université Paris Cité, le CNRS, l’Inria, l’Institut Pasteur, et des acteurs industriels majeurs comme Google et Meta.

Vers une meilleure compréhension des cancers hématologiques associés à la grossesse

femme enceinte© Photo de freestocks sur Unsplash

Les équipes des départements d’hématologie clinique et biologique, de gynécologie obstétrique, de pharmacovigilance, de réanimation médicale, d’infectiologie, ainsi que de l’unité de recherche clinique de l’hôpital Cochin-Port Royal AP-HP, de l’université Paris Cité, de l’Inserm, et du réseau HEMAPREG, coordonnées par Monsieur Pierre Pinson et les Docteurs Ismael Boussaid et Rudy Birsen, ont mené une étude sur les cancers hématologiques associés à la grossesse. Les résultats de cette étude d’HEMAPREG ont fait l’objet d’une publication parue le 7 octobre 2024 dans la revue The Lancet Haematology

La survenue d’un cancer hématologique (hémopathie maligne) en cours de grossesse représente une situation qui pose des défis diagnostiques et thérapeutiques. Il s’agit en effet de concilier deux impératifs : le traitement optimal de la maladie maternelle et considérer les risques auxquels peut être exposé le fœtus. Etant donné la rareté de ces évènements, les données disponibles qui permettent de prendre les décisions médicales et d’informer les femmes et leurs familles sont actuellement limitées.

L’étude d’HEMAPREG est fondée sur une cohorte nationale issue du Système National des Données de Santé (SNDS). Elle a plusieurs objectifs clés, dont l’évaluation de l’incidence des hémopathies malignes survenant pendant la grossesse en France, l’analyse des complications maternelles et obstétricales mais aussi l’obtention des données épidémiologiques robustes qui pourraient orienter les pratiques médicales et guider la prise en charge et l’information de ces femmes dans ce contexte clinique complexe.

L’étude a inclus toutes les femmes en France dont les grossesses ont pris fin entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2022. Ont été exclues les grossesses se terminant par une fausse couche ou une interruption volontaire de grossesse dont la prise en charge n’était pas hospitalière, ainsi que les femmes ayant des antécédents d’hémopathies malignes avant la grossesse.

Entre 2012 et 2022, en France, sur un total de 9 996 523 grossesses, 1 366 cas de cancers hématologiques associés à la grossesse ont été identifiés, ce qui représente une fréquence de 13,66 pour 100 000 grossesses. Parmi ceux-ci, 413 cas ont été diagnostiqués pendant la grossesse, avec une fréquence de 4,13 pour 100 000 grossesses, et 953 cas dans l’année suivant la grossesse, soit 9,53 pour 100 000 grossesses​. L’étude montre également un taux plus élevé de naissances prématurées pour ces femmes (45,2 %) par rapport aux femmes sans hémopathie (6,6 %).

Cette étude montre par ailleurs que les femmes atteintes d’hémopathies malignes pendant la grossesse avaient la même probabilité de survie à long terme que les femmes atteintes d’hémopathies malignes et non enceintes. Ainsi, le fait d’être enceinte au moment du diagnostic n’impacte pas négativement la survie à long terme de ces patientes.

Ces résultats mettent en évidence l’importance d’une prise en charge multidisciplinaire dans des centres spécialisés, afin de garantir une gestion optimale de ces situations à haut risque. Cette étude constitue également une ressource pour les professionnels de santé confrontés à ces cas, en fournissant des informations essentielles pour mieux informer les femmes et les impliquer dans les décisions thérapeutiques et la planification des soins, favorisant ainsi une prise en charge éclairée et partagée.

Le réseau HEMAPREG est composé de chercheurs et de soignants impliqués dans la prise en charge des femmes atteintes d’hémopathies malignes survenant pendant la grossesse ou dans l’année qui suit. Il a pour objectif de réaliser et de promouvoir la recherche fondamentale, translationnelle et clinique sur ces maladies, d’améliorer la prise en charge et le traitement de ces patientes.

Syndrome de Cloves : Quand l’étude d’une maladie rare permet d’avancer sur des maladies plus répandues

Glomérulonéphrite proliférativeBiopsie rénale montrant une glomérulonéphrite proliférative chez un patient ayant un lupus. Immunofluorescence: Phospho-AKT (vert), Néphrine (rouge) et DAPI (bleu) © Guillaume Canaud

L’équipe de recherche Médecine Translationnelle et Thérapies Ciblées, dirigée par le professeur Guillaume Canaud à l’Institut Necker-Enfants Malades (Université Paris Cité, AP-HP, Inserm), internationalement reconnue pour avoir identifié l’alpelisib comme traitement potentiel du syndrome de Cloves et des syndromes apparentés, vient de mettre au jour une nouvelle application pour ce médicament sur une pathologie plus fréquemment répandue : la glomérulonéphrite proliférative. Cette maladie rénale, pouvant conduire à une insuffisance rénale terminale, touche notamment certains patients atteints de lupus, une maladie auto-immune. Ce travail vient d’être publié dans la revue Journal of Clinical Investigation.

Le syndrome de Cloves, ou syndrome de surcroissance dysharmonieuse, est dû à une mutation du gène PIK3CA. Ce gène, présent dans toutes les cellules, régule la croissance et la multiplication des cellules normales. Une mutation sur ce gène entraîne un excès de prolifération de cellules et de tissus dans l’organisme. Bien identifiée dans le syndrome de Cloves, la mutation du gène PIK3CA se retrouve aussi dans d’autres pathologies.

L’histoire de cette découverte débute lorsqu’un patient atteint du syndrome de Cloves, et suivi par le Pr G. Canaud, également néphrologue, développe une insuffisance rénale sévère secondairement à une glomérulonéphrite proliférative. En cherchant la cause de cette glomérulonéphrite, le Pr G. Canaud et son équipe mettent en évidence dans certaines cellules rénales du patient, la présence de la même mutation du gène PIK3CA que dans le syndrome de Cloves.

Partant de cette identification, l’équipe de recherche crée un modèle pré-clinique de souris porteuses de cette mutation PIK3CA dans certaines cellules du rein. Les chercheurs observent alors que les souris développent une glomérulonéphrite proliférative semblable à celle du patient et que celle-ci est améliorée par un traitement par alpelisib.

Cette découverte des mécanismes en jeu dans différentes formes d’une maladie rénale assez répandue, et l’utilisation potentielle d’inhibiteurs pharmacologiques de PIK3CA ouvrent la voie à de nouvelles perspectives thérapeutiques.

Une nouvelle maladie génétique liée au chromosome X explique les troubles de l’immunité face aux mycobactéries

Macrophages colonisés par Mycobacterium tuberculosisMacrophages colonisés par Mycobacterium tuberculosis © Denis Fenistein-Priscille Brodin (Inserm)

L’équipe de recherche « Génétique Humaine des Maladies Infectieuses » de l’Université Paris Cité, de l’Inserm et de l’AP-HP, dirigée par le Pr Jean-Laurent Casanova et le Dr Laurent Abel, au sein de l’Institut Imagine, a identifié des variants rares du gène MCTS1 responsable d’une susceptibilité aux maladies mycobactériennes, comme la tuberculose. Ces travaux, publiés le 23 octobre dans la revue Cell, qui décrivent une nouvelle maladie génétique, confirment que l’interféron-gamma (IFN-g) – une protéine activant la réponse immunitaire – est le principal acteur de la réaction immunitaire dans ce type d’infection et que la protéine JAK2 est également nécessaire pour déclencher la réponse immunitaire en cas d’infection par une mycobactérie.

La tuberculose, causée par la bactérie Mycobacterium tuberculosis, est une maladie infectieuse mortelle qui a fait au moins un milliard de morts au cours des 2,000 dernières années et fait encore 1,5 millions de morts chaque année dans le monde. Pour 90% des personnes infectées, l’infection par M. tuberculosis est silencieuse ou bénigne. Dans de très rares cas (1 personne sur 50,000 environ), une défaillance de la réponse immunitaire peut être révélée par une infection sévère voire fatale, suite à l’injection du vaccin contre la tuberculose (dit vaccin BCG ou Bacille de Calmette et Guérin), qui contient pourtant une forme atténuée de la bactérie.

Jonathan Bohlen, post-doctorant, sous la direction du Pr Jean-Laurent Casanova, du Dr Qian Zhang et du Dr Jacinta Bustamante, a travaillé à l’identification des facteurs génétiques d’un groupe de maladies génétiques rares, prédisposant aux infections à des mycobactéries (comme celle de la tuberculose), et au bacille vaccinal de Calmette et Guérin (BCG). Ce groupe de maladies, dit MSMD (pour « Mendelian Susceptibility to mycobacterial diseases » en anglais) est présent à une fréquence plus élevée chez les hommes que chez les femmes.

Lors de ses travaux, J. Bohlen a mis en évidence des variants rares du gène MCTS1, situé sur le chromosome X, chez plusieurs garçons atteints de MSMD (notamment avec une atteinte osseuse) et provenant de plusieurs continents. Ces mutations du gène MCTS1 empêchent la production de la protéine du même nom, ce qui va altérer le fonctionnement des ribosomes, structures intracellulaires responsables de la production des protéines. En cas de mutation de MCTS1, comme observé chez les patients MSMD, le dysfonctionnement des ribosomes impacte la fabrication de certaines protéines spécifiques, comme la protéine JAK2 que l’équipe a identifiée et détectée en quantité plus faible chez ces mêmes patients. Le rôle de JAK2 étant d’activer la synthèse de l’interferon-g (IFN-g), une autre protéine impliquée dans l’activation de la réaction immunitaire face aux infections mycobactériennes, les patients présentant une mutation du gène MCTS1 sont donc plus susceptibles aux infections de ce type.

Ainsi, le déficit de MCST1 impacte négativement la production d’IFN-γ, ce qui entraîne une diminution de la réponse immunitaire face à une infection mycobactérienne, comme la tuberculose, chez ces patients. Ces travaux établissent donc une meilleure compréhension des mécanismes entre les mutations du gène MCTS1 et la réaction immunitaire anti-mycobactérienne.

De manière remarquable, une approche génétique à l’échelle du génome a permis d’éclaircir les mécanismes de réaction immunitaire face à une infection par des mycobactéries, dont le rôle de IFN-γ comme facteur immunitaire anti-mycobactérien. Dans l’ensemble, cette étude révèle un lien mécanistique surprenant entre la déficience d’un mécanisme biochimique général, et une prédisposition sélective aux infections à mycobactéries.

Ce travail marque une nouvelle avancée diagnostique et thérapeutique pour ce groupe de maladies infectieuses, avec l’identification d’un nouveau facteur génétique de prédisposition aux infections mycobactériennes.

Des scientifiques français identifient pour la première fois les causes d’une malformation faciale rare et une piste de traitement

Co-marquages de peau de souris exprimant une mutation du gène PIK3CA. © Marina Firpion/Guillaume Canaud – unité 1151 Inserm

L’équipe de recherche Médecine Translationnelle et Thérapies Ciblées, dirigée par le Pr Guillaume Canaud à l’Institut Necker-Enfants Malades (Université Paris Cité, AP-HP, Inserm), en collaboration avec l’équipe du service de chirurgie maxillo-faciale de l’hôpital Necker-Enfants Malades AP-HP (Pr Roman Khonsari et Pr Arnaud Picard) et le laboratoire « Forme et Croissance du Crâne » (Pr Roman Khonsari) a étudié l’affection de la voie PIK3CA chez les patients atteints d’une maladie rare touchant les muscles du visage, la myohyperplasie hémifaciale. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication le 15 septembre 2023 dans la revue Journal of Experimental Medicine.

La myohyperplasie hémifaciale (HFMH) est une cause rare d’asymétrie impliquant exclusivement les muscles du visage1. Ce trouble est rapporté chez très peu de patients dans la littérature2. Les causes génétiques et les mécanismes de progression de l’HFMH étaient jusqu’ici inconnus.

Sa prise en charge est jusqu’ici ponctuée d’erreurs de diagnostic et de stratégies inadéquates, y compris des tentatives agressives de correction chirurgicale3 (chirurgies musculaires de remodelage). Les résultats étaient toujours décevants avec des séquelles importantes.

La découverte récente du rôle joué par la mutation somatique des gènes activant la voie PIK3CA/AKT/mTOR a ouvert de nouvelles perspectives thérapeutiques pour les patients.

En particulier, les mutations de gain de fonction4 PIK3CA expliquent la grande majorité des syndromes de prolifération.

Les deux équipes de recherche des Prs Canaud et Khonsari et les cliniciens ont émis l’hypothèse que la voie PIK3CA/AKT/mTOR était anormalement affectée chez les patients atteints d’HFMH.

Cinq patients atteints d’HFMH ont été inclus dans cette étude.

Une mutation gain-de-fonction du gène PIK3CA a été retrouvée dans les muscles de la face chez ces cinq patients. Elle a entraîné une hypertrophie des cellules musculaires striées, un dysfonctionnement des mitochondries et une hypoglycémie avec de faibles taux d’insuline circulante.

Pour comprendre la physiopathologie de l’hypertrophie musculaire, l’équipe de recherche du Pr Canaud a créé un modèle murin5 porteur spécifiquement d’une mutation PIK3CA dans les muscles squelettiques.

Le traitement par l’alpelisib, un inhibiteur approuvé de PIK3CA, a pu prévenir et réduire l’hypertrophie musculaire chez le modèle murin avec correction des anomalies endocriniennes.

L’équipe du Pr Canaud a obtenu l’autorisation de traiter les cinq patients avec de l’alpelisib et observé une amélioration nette de l’hypertrophie musculaire chez tous les patients, associée à une symétrisation progressive du visage. La réponse au traitement a été évaluée et confirmée à l’aide de méthode d’imagerie innovantes, notamment par photographie 3D et analyse des photographies 2D par intelligence artificielle. Ces approches morphologiques ont été confirmées par des méthodes cellulaires et moléculaires qui ont démontré que l’alpelisib avait une action positive et prolongée sur les effets de la mutation du gène PIK3CA.

Ces résultats permettent d’avoir enfin une explication génétique pour les patients présentant une myohyperplasie hémifaciale, de comprendre les mécanismes de la maladie et d’entrevoir une perspective thérapeutique enfin efficace.

 

[1] Lee et al., 2001

[2] Castillo Taucher et al., 2003 ; Pereira-Perdomo et al., 2010 ; Miranda et al., 2010 ; Siponen et al., 2007 ; Zissman et al., 2020

[3] Zissman et al., 2020

[4] mutation activatrice

[5] modèle d’expérimentation animale sur des rats ou des souris

Troubles du neurodéveloppement chez l’enfant : un nouveau gène mis en cause

ADN© ADN double hélice – National Human Genome Research Institute, National Institutes of Health.

Face aux troubles neurodéveloppementaux infantiles, comment sortir de l’impasse thérapeutique ? La réponse pourrait bien se trouver dans les gènes du protéasome, une machinerie intracellulaire responsable de l’élimination des protéines défectueuses de la cellule. Une équipe de recherche de l’Inserm, du CNRS, de Nantes Université et du CHU de Nantes, au sein de l’Institut du thorax et en collaboration avec des équipes internationales, a étudié le génome de 23 enfants atteints de troubles du neurodéveloppement. Elle a ainsi mis en évidence quinze mutations du gène PSMC3 du protéasome susceptibles d’être impliquées dans leur maladie. Ces travaux, parus dans Science Translational Medicine, ouvrent de nouvelles perspectives de recherche pour mieux comprendre ces maladies et identifier des traitements.

L’origine d’un trouble du neurodéveloppement chez l’enfant demeure encore aujourd’hui difficile à identifier et les patients et leur famille sont souvent confrontés à plusieurs années d’errance diagnostique.

Une équipe de recherche de l’Institut du thorax (Inserm/CNRS/Nantes Université/CHU de Nantes), menée par Stéphane Bézieau, chef du service de génétique médicale du CHU de Nantes, travaille depuis plusieurs années sur la génétique des troubles du neurodéveloppement chez l’enfant. Ses travaux ont notamment mené à identifier le rôle d’un gène appelé PSMD12 dans une maladie neurodéveloppementale infantile. Ce gène s’exprime dans un grand complexe de protéines situé dans les cellules et baptisé protéasome.

Le protéasome fonctionne comme une sorte d’« éboueur » au sein de la cellule. En permettant l’élimination des protéines défectueuses qu’elle contient, il joue un rôle déterminant dans un grand nombre de processus cellulaires. Les altérations qui peuvent apparaître sur certains des gènes le constituant sont susceptibles d’impacter sa capacité à dégrader les protéines défectueuses. Leur accumulation a pour conséquence l’apparition de pathologies très variées.

Dans de nouveaux travaux[1], en collaboration avec des équipes internationales, l’équipe de recherche a continué à explorer les liens entre mutations des gènes du protéasome et maladies du neurodéveloppement. Elle s’est cette fois plus spécifiquement intéressée au gène PSMC3 du protéasome et à son implication dans les troubles neurodéveloppementaux de 23 jeunes patients européens, américains et australiens, atteints de symptômes neurologiques (retard de langage, déficience intellectuelle ou problèmes comportementaux) fréquemment associés à des anomalies du visage et à des malformations du squelette, du cœur et d’autres organes.

Grâce au séquençage complet du génome de ces patients, les chercheuses et chercheurs ont ainsi mis en évidence quinze mutations du gène PSMC3 susceptibles d’expliquer l’origine des symptômes.

« Il est rapidement apparu que les cellules de patients porteuses d’un gène PSMC3 défaillant se retrouvaient littéralement surchargées de protéines inutiles et toxiques pour elles », explique Frédéric Ebstein, chercheur Inserm et premier auteur de l’étude. Il compare ce phénomène à celui observé dans certaines maladies neurodégénératives liées à l’âge, telles que les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson.

« La découverte de l’implication d’un second gène dans les troubles du neurodéveloppement infantile apporte un éclairage inédit sur ce groupe de maladies rares encore inconnu il y a peu, précise le chercheur Sébastien Küry, ingénieur au CHU de Nantes, qui a co-signé ces travaux. Ce travail, associé à la découverte récente par l’équipe d’autres gènes impliqués [mais encore non publiés à ce jour, ndlr.], ouvre des perspectives majeures dans la compréhension de ce groupe de maladies neurodéveloppementales ainsi que des perspectives de traitement », conclut-il.

 

[1]Ces travaux sont soutenus financièrement par l’Agence nationale de la recherche (ANR), l’Union européenne (European Joint Programme on Rare Diseases) et la compagnie d’assurance AXA.

Comment le microbiote stimule la croissance

Visualisation du microbiote intestinal humain (rouge) au sein de la couche de mucus (verte) située à la surface de l’intestin. © Benoit Chassaing/Institut Cochin

Le microbiote intestinal est aujourd’hui considéré comme un organe à part entière. Une équipe pilotée par des scientifiques du CNRS et de l’ENS de Lyon, en collaboration avec l’Université Claude Bernard Lyon 1, l’Inserm, et l’Inrae ont travaillés sur ce sujet dans une publication à paraître dans la revue Science. Les scientifiques ont découvert, chez l’animal, comment une bactérie du microbiote pouvait stimuler la croissance juvénile dans des conditions nutritionnelles appauvries.

L’activité du microbiote est essentielle à une vie en bonne santé mais elle reste encore mal comprise. Dans de précédentes études, l’équipe de recherche avait révélé que le microbiote intestinal joue un rôle important dans la croissance des jeunes individus chez des espèces aussi distantes que l’insecte drosophile ou la souris domestique.

En particulier, une souche de la bactérie Lactiplantibacillus plantarum (LpWJL) est particulièrement efficace pour stimuler la croissance juvénile de ces animaux dans des conditions nutritionnelles appauvries. Dans cette nouvelle étude, l’équipe de recherche internationale1 dirigée par des scientifiques de l’Institut de génomique fonctionnelle de Lyon (CNRS/ENS de Lyon) a identifié l’un des mécanismes par lequel cette bactérie agit sur la croissance de souriceaux en sous-nutrition après le sevrage2.

L’administration quotidienne par voie orale de la bactérie LpWJL à ces souriceaux stimule localement la maturation de l’épithélium intestinal ce qui soutient la production d’hormones (insuline et IGF-13) essentielles à une croissance saine.

Les scientifiques ont identifié une molécule produite par la bactérie et un composant majeur des parois cellulaires bactériennes : le muramyldipeptide. Cette molécule est suffisante pour stimuler la production d’insuline et d’IGF-1 en se fixant à NOD2, un récepteur présent sur les cellules de l’épithélium intestinal chez la souris.

microbiote

La bactérie LpWJL améliore la croissance de souris sous-alimentées via la reconnaissance du muramyldipeptide de sa paroi et la signalisation intestinale NOD2. © Amélie Joly

 

Ces résultats établissent que le muramyldipeptide et son récepteur NOD2 contribuent à atténuer des retards de croissance liés à une sous-nutrition chronique.

Ces travaux permettent d’envisager chez les enfants en sous-nutrition chronique des interventions bactériennes couplées à des interventions nutritionnelles afin d’améliorer leur dynamique de reprise de croissance. Enfin, ils offrent aussi des perspectives d’études sur d’autres populations nécessitant une nutrition optimisée telle que les personnes âgées ou les sportifs de haut-niveau.

 

1 En France, ont également participé des scientifiques du laboratoire Microbiologie intégrative et moléculaire (CNRS/Institut Pasteur), de l’Institut Micalis (Inrae/Agroparistech/Université Paris-Saclay), du laboratoire Physiologie cellulaire (Inserm/Université de Lille), du laboratoire Carmen (Inserm/Inrae/ Université Lyon Claude Bernard Lyon 1), du Service de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatriques des Hospices civils de Lyon. A l’étranger, ces recherches ont impliqué des scientifiques de l’Académie des sciences de République tchèque et de l’European Molecular Biology Laboratory (Allemagne).

2 Phase de développement post-natal correspondant à la fin de l’alimentation par le lait maternel et au début de l’alimentation autonome.

3 Le facteur de croissance IGF-1 (Insulin-like Growth Factor 1), produit principalement par le foie, présente une structure chimique proche de celle de l’insuline mais des fonctions distinctes. L’IGF-1 stimule la croissance tissulaire et squelettique et l’insuline régule le métabolisme énergétique nécessaire à la croissance.

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