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Comment le microbiote stimule la croissance

Visualisation du microbiote intestinal humain (rouge) au sein de la couche de mucus (verte) située à la surface de l’intestin. © Benoit Chassaing/Institut Cochin

Le microbiote intestinal est aujourd’hui considéré comme un organe à part entière. Une équipe pilotée par des scientifiques du CNRS et de l’ENS de Lyon, en collaboration avec l’Université Claude Bernard Lyon 1, l’Inserm, et l’Inrae ont travaillés sur ce sujet dans une publication à paraître dans la revue Science. Les scientifiques ont découvert, chez l’animal, comment une bactérie du microbiote pouvait stimuler la croissance juvénile dans des conditions nutritionnelles appauvries.

L’activité du microbiote est essentielle à une vie en bonne santé mais elle reste encore mal comprise. Dans de précédentes études, l’équipe de recherche avait révélé que le microbiote intestinal joue un rôle important dans la croissance des jeunes individus chez des espèces aussi distantes que l’insecte drosophile ou la souris domestique.

En particulier, une souche de la bactérie Lactiplantibacillus plantarum (LpWJL) est particulièrement efficace pour stimuler la croissance juvénile de ces animaux dans des conditions nutritionnelles appauvries. Dans cette nouvelle étude, l’équipe de recherche internationale1 dirigée par des scientifiques de l’Institut de génomique fonctionnelle de Lyon (CNRS/ENS de Lyon) a identifié l’un des mécanismes par lequel cette bactérie agit sur la croissance de souriceaux en sous-nutrition après le sevrage2.

L’administration quotidienne par voie orale de la bactérie LpWJL à ces souriceaux stimule localement la maturation de l’épithélium intestinal ce qui soutient la production d’hormones (insuline et IGF-13) essentielles à une croissance saine.

Les scientifiques ont identifié une molécule produite par la bactérie et un composant majeur des parois cellulaires bactériennes : le muramyldipeptide. Cette molécule est suffisante pour stimuler la production d’insuline et d’IGF-1 en se fixant à NOD2, un récepteur présent sur les cellules de l’épithélium intestinal chez la souris.

microbiote

La bactérie LpWJL améliore la croissance de souris sous-alimentées via la reconnaissance du muramyldipeptide de sa paroi et la signalisation intestinale NOD2. © Amélie Joly

 

Ces résultats établissent que le muramyldipeptide et son récepteur NOD2 contribuent à atténuer des retards de croissance liés à une sous-nutrition chronique.

Ces travaux permettent d’envisager chez les enfants en sous-nutrition chronique des interventions bactériennes couplées à des interventions nutritionnelles afin d’améliorer leur dynamique de reprise de croissance. Enfin, ils offrent aussi des perspectives d’études sur d’autres populations nécessitant une nutrition optimisée telle que les personnes âgées ou les sportifs de haut-niveau.

 

1 En France, ont également participé des scientifiques du laboratoire Microbiologie intégrative et moléculaire (CNRS/Institut Pasteur), de l’Institut Micalis (Inrae/Agroparistech/Université Paris-Saclay), du laboratoire Physiologie cellulaire (Inserm/Université de Lille), du laboratoire Carmen (Inserm/Inrae/ Université Lyon Claude Bernard Lyon 1), du Service de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatriques des Hospices civils de Lyon. A l’étranger, ces recherches ont impliqué des scientifiques de l’Académie des sciences de République tchèque et de l’European Molecular Biology Laboratory (Allemagne).

2 Phase de développement post-natal correspondant à la fin de l’alimentation par le lait maternel et au début de l’alimentation autonome.

3 Le facteur de croissance IGF-1 (Insulin-like Growth Factor 1), produit principalement par le foie, présente une structure chimique proche de celle de l’insuline mais des fonctions distinctes. L’IGF-1 stimule la croissance tissulaire et squelettique et l’insuline régule le métabolisme énergétique nécessaire à la croissance.

Quels sont les premiers ancêtres de nos poissons modernes ?

poisson arowana

Poisson arowana © Pixabay

Quelle est l’origine des ancêtres de nos poissons modernes ? Quelles espèces en découlent ? Une controverse scientifique vieille de 50 ans portait sur la question de savoir quel groupe, entre celui des poissons « arowanas » ou des « anguilles », était le plus ancien. Une étude d’INRAE, du CNRS, de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et du Muséum national d’histoire naturelle, vient de mettre fin au débat en montrant par analyse génomique que ces poissons forment en réalité un seul et même groupe, baptisé du nom étrange de « eloposteoglossocephales ». Ces résultats, publiés dans Science, éclairent de façon nouvelle l’histoire évolutive des poissons.

Comprendre l’histoire évolutive des espèces grâce à leurs relations de parenté est une question essentielle et fait régulièrement l’objet de controverses scientifiques. L’une d’elle concerne la position, dans l’arbre de la vie, des 3 plus anciens groupes de poissons téléostéens, apparus vers la fin du Jurassique (période qui s’étend de –201,3 à –145 millions d’années) et qui comprennent la plupart de nos poissons modernes. Ces 3 groupes se composent des « arowanas », des « anguilles » et d’un groupe qui réunit toutes les autres espèces de poissons téléostéens. Dans les années 1970, les premières classifications, qui se basaient uniquement sur des critères anatomiques, avaient classifié les « arowanas » comme le groupe le plus ancien. Les approches modernes de classification, fondées sur l’utilisation de séquences ADN pour reconstruire l’histoire évolutive du vivant, plaçaient, elles, les « anguilles » comme le groupe le plus ancien. Depuis, la controverse s’est installée.

Et si les deux hypothèses étaient fausses ?

Pour étudier cette question, les scientifiques ont séquencé les génomes de plusieurs espèces du groupe « anguilles », parmi lesquelles l’anguille européenne et la murène géante. Ils ont analysé les séquences d’ADN pour mieux connaître la structure et l’organisation des gènes au sein du génome. Ils ont ainsi pu reconstruire, de façon très fiable, les relations de parenté entre les différents poissons téléostéens, ce qui a conduit à mettre fin à la controverse sans gagnants, ni perdants : aucune des deux 2 hypothèses n’était valide !

En effet, et de façon surprenante, les scientifiques ont découvert que les 2 groupes des « anguilles » et des « arowanas »   ne font en fait qu’un seul et même groupe dans l’histoire évolutive. Les chercheurs ont baptisé ce groupe « eloposteoglossocephales ». Ces résultats permettent de mettre fin à plus de cinquante 50 ans de controverses sur l’histoire évolutive des branches maîtresses de l’arbre de la vie des poissons téléostéens.

Ils éclairent de façon nouvelle l’histoire évolutive des poissons et la compréhension des processus d’évolution.

poisson

Arbres de vie des poissons téléostéens représentant les 2 hypothèses de la controverse et sa résolution dans la présente étude.

 

Granulomatose septique chronique : des bio-marqueurs pour prédire l’efficacité de la thérapie génique

ADN

©Unsplash

Les services cliniques de l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP en collaboration étroite avec des équipes de l’AP-HP,  de l’Inserm et d’Université Paris Cité, au sein de l’Institut Imagine ont mis en évidence 51 biomarqueurs qui permettraient de prédire le succès d’une thérapie génique chez des patients atteints de granulomatose septique chronique, une maladie rare et grave du système immunitaire. Les résultats de cette étude, menée dans le cadre d’un essai clinique promu par Généthon, ont été publiés le 26 janvier 2023 dans Cell Report Medicine

La granulomatose septique chronique est une maladie génétique causée par une mutation du gène CYBB localisé sur le chromosome X, et touchant principalement les garçons. Celle-ci engendre un dysfonctionnement d’une sous unité protéique qui empêche les « neutrophiles » – une classe de globules blancs constituant la première ligne de défense contre les infections bactériennes – de produire les molécules nécessaires à la destruction des agents infectieux.

Par conséquence les patients atteints de cette maladie souffrent d’infections bactériennes et fongiques récurrentes qui peuvent compromettre leur pronostic vital à court terme.

Quatre garçons atteints de granulomatose septique chronique ont été inclus dans cette étude.

L’essai clinique de thérapie génique consistait à prélever aux patients des cellules souches sanguines, les corriger génétiquement par l’intermédiaire de vecteurs lentiviraux, puis les réinjecter.

Deux des quatre enfants ont montré une réponse efficace à ce traitement.

Pour expliquer les résultats mitigés de cet essai clinique, les chercheurs ont mené des études très poussées et en temps réel sur les cellules génétiquement corrigées des patients traités.

Ils ont d’abord remarqué une inflammation chronique plus importante chez les deux patients qui n’avaient pas répondu au traitement.

« L’inflammation chronique a des conséquences drastiques sur les cellules souches de ces patients. Elle change les caractéristiques biologiques de ces cellules, qui ne sont plus capables d’assurer leur fonctionnement normal une fois réinjectées chez les patients », explique Steicy Sobrino, co-première autrice de la publication avec Alessandra Magnani.

Ils ont ensuite utilisé la technologie dite « Single Cell » pour réaliser une analyse transcriptomique (analyse des ARNs) cellule par cellule, et une annotation automatique des cellules grâce à la méthode Cell-ID développée par le laboratoire de bio-informatique clinique, dirigé par Antonio Rausell.

Au total, 400 cellules souches ont été analysées (100 par patient).

« Grâce à des techniques d’apprentissage statistique, nous avons pu mettre en évidence 51 biomarqueurs spécifiques de l’inflammation chez les 2 patients pour qui la greffe n’a pas été efficace », précise Emmanuelle Six, chargée de recherche Inserm au sein du laboratoire de  lymphohématopoïèse humaine, à l’Institut Imagine, et co-dernière autrice de l’article, aux côtés d’Antonio Rausell, du Pr Marina Cavazzana, pédiatre, directrice du département de biothérapie de l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, du Pr Stéphane Blanche, chef du service d’Immuno-hématologie et rhumatologie pédiatrique de l’Hôpital Necker-Enfants malades  AP-HP jusqu’en 2021 et investigateur principal de l’étude, et d’Anne Galy, directrice de recherche Inserm au Généthon.

Ainsi, c’est en agrégeant les compétences de plusieurs équipes de recherche fondamentale et clinique, du campus Necker-Enfants malades/Institut Imagine, que le Pr Marina Cavazzana, coordinatrice du projet, espère avoir trouvé une méthode permettant de prédire quels  patients seront « résistants » à la thérapie génique à tel ou tel moment de leur histoire clinique, et prévenir ainsi les échecs. Son objectif est de proposer des traitements anti-inflammatoires, en amont de la thérapie génique, afin d’augmenter le taux de succès. Cette découverte a donc des retombées importantes pour bien d’autres maladies génétiques en cours d’investigation.

Cette étude clinique a été sponsorisée par Généthon, et est le résultat de plus de dix années de recherche des équipes du Généthon, dirigées par le Dr Anne Galy dans le cadre du projet européen Net4CGD en lien avec des équipes du GOSH dirigés par le Pr Adrian J. Thrasher à Londres, d’une part, et le Centre d’Investigation Clinique de Biothérapie (CIC-BT) à l’Institut Imagine dirigé par le Pr Marina Cavazzana, d’autre part. Elle est le fruit d’efforts conjoints et multidisciplinaires de plusieurs équipes du campus Necker-Enfants malades/Institut Imagine incluant les services d’Immuno-hématologie et rhumatologie pédiatrique, d’Infectiologie, le Centre d’Investigation Clinique Mère-Enfant et plusieurs laboratoires de recherche.

Protéger le microbiote de l’effet néfaste des additifs alimentaires grâce à une bactérie

microbiote colon

Section montrant l’interaction du microbiote et de l’épithélium intestinal au niveau du colon. En bleu, le mucus sécrété par l’épithélium intestinal pour se protéger contre le microbiote. En rose, les noyaux des cellules de l’épithélium. © Noëmie Daniel/Inserm

Les émulsifiants sont des additifs alimentaires utilisés pour améliorer la texture et prolonger la durée de conservation des aliments. On les retrouve dans de nombreux plats transformés (crèmes glacées, gâteaux emballés, sauces…), bien que leurs effets néfastes sur l’équilibre intestinal aient été démontrés. Dans une nouvelle étude, des scientifiques de l’Inserm, du CNRS et d’Université Paris Cité à l’Institut Cochin à Paris ont aspiré à contrecarrer les effets délétères induits par la consommation d’émulsifiants en fortifiant l’épithélium intestinal via son repeuplement par une bactérie naturellement présente dans l’intestin : Akkermansia muciniphila. Ajouter cette bactérie au microbiote intestinal permettrait d’empêcher les dommages causés par la consommation d’agents émulsifiants. Ces données, publiées dans le journal Gut, confirment le potentiel grandissant d’Akkermansia muciniphila en tant que probiotique.

Des millions de personnes consomment des agents émulsifiants quotidiennement. Ces produits figurent parmi la liste des additifs alimentaires les plus largement utilisés par l’industrie agroalimentaire. Et pour cause, ils permettent d’améliorer la texture des aliments et de prolonger leur durée de conservation. Par exemple, des émulsifiants comme la lécithine et les polysorbates garantissent la texture onctueuse des crèmes glacées industrielles et évitent qu’elles ne fondent trop rapidement une fois servies.

De précédents travaux menés par l’équipe de Benoît Chassaing, chercheur Inserm à l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université Paris Cité), ont montré que la consommation de certains agents émulsifiants entraînait l’altération du microbiote intestinal[1] et son interaction avec l’appareil digestif. Ces altérations du microbiote conduisent à une inflammation intestinale chronique et à des dérégulations métaboliques. Plus précisément, ces recherches ont montré que la consommation d’émulsifiants alimentaires induisait la capacité de certains éléments du microbiote à rentrer en contact étroit avec l’épithélium – la première ligne de défense de l’appareil digestif qui normalement est stérile.

 Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont voulu contrecarrer les effets délétères induits par la consommation d’émulsifiants en fortifiant l’épithélium intestinal. Pour cela, ils se sont intéressés plus spécifiquement à la bactérie Akkermansia muciniphila, qui, naturellement présente dans l’intestin, a déjà révélé avoir un impact sur les interactions du microbiote avec le reste de l’organisme.

Par ailleurs, on sait que la quantité de cette bactérie se retrouve diminuée suite à la consommation d’agents émulsifiants.

Des groupes de souris ont ainsi reçu des agents émulsifiants par le biais de leur alimentation, supplémentée ou non avec une dose quotidienne d’Akkermansia muciniphila. Les scientifiques ont observé que, tandis que la consommation d’agents émulsifiants alimentaires était suffisante pour induire une inflammation chronique associée à des altérations du métabolisme et à une hyperglycémie, les souris recevant Akkermansia muciniphila étaient totalement protégées contre de tels effets. L’administration d’Akkermansia muciniphila a aussi été suffisante pour prévenir l’ensemble des altérations moléculaires normalement induites par la consommation d’agents émulsifiants, et notamment le rapprochement des bactéries de la paroi de l’épithélium.

« Ce travail conforte la notion que l’utilisation d’Akkermansia muciniphila en tant que probiotique pourrait être une approche pour maintenir la santé métabolique et intestinale contre les stress modernes tels que les agents émulsifiants qui promeuvent l’inflammation intestinale chronique, et les conséquences néfastes qui en résultent. De plus, cela suggère que la colonisation intestinale par Akkermansia muciniphila pourrait prédire la propension individuelle à développer des désordres intestinaux et métaboliques suivant la consommation d’émulsifiants : plus la présence de la bactérie est importante, plus l’individu serait protégé des effets néfastes des additifs alimentaires sur le microbiote », explique Benoît Chassaing, dernier auteur de l’étude.

[1] Ensemble des micro-organismes – bactéries, virus, parasites et champignons non pathogènes, dits commensaux – qui vivent dans l’intestin.

Une nouvelle stratégie de thérapie génique contre la drépanocytose et la bêta-thalassémie

Globules rouges en forme de faucille (drépanocytose) ©Inserm/Chevance de Boisfleury, Anne-Marie

La drépanocytose et la bêta-thalassémie sont deux maladies génétiques affectant l’hémoglobine et regroupées, par conséquent, dans la catégorie des bêta-hémoglobinopathies. Une équipe de scientifiques de l’Inserm, d’Université Paris Cité et de l’AP-HP au sein de l’Institut Imagine, a montré l’efficacité d’une approche de thérapie génique contre ces deux maladies. Le principe est de réactiver chez les patients la production d’une protéine – la globine fœtale – qui cesse normalement d’être exprimée après la naissance. Dans une étude publiée dans la revue Nature Communications, l’équipe de recherche décrit ainsi une approche prometteuse pour de futures applications thérapeutiques.

La drépanocytose et la bêta-thalassémie sont des maladies génétiques appelées bêta-hémoglobinopathies. Elles sont en effet causées par des mutations sur le chromosome 11 du gène à l’origine de la production de la globine bêta, une protéine constitutive de l’hémoglobine, le principal composant des globules rouges.

Dans la drépanocytose, la structure de la globine bêta est altérée, ce qui affecte l’intégrité des globules rouges et entraîne des anémies, des obstructions locales très douloureuses de la circulation sanguine (ou crises vaso-occlusives) et une altération progressive des organes. Dans la bêta-thalassémie, la production de globine bêta est drastiquement réduite, causant un déficit en hémoglobine et entraînant des anémies sévères.

Dans les années 1970, des chercheurs ont observé que de rares individus porteurs des mutations spécifiques à chacune de ces pathologies ne développaient pas la maladie. Leur point commun ? Tous étaient porteurs de mutations compensatrices sur un autre gène du chromosome 11, ayant pour effet de stimuler la production de globine fœtale (ou globine gamma). Cette protéine qui cesse normalement d’être produite à la fin de la vie fœtale est capable de se substituer avantageusement à la globine bêta adulte défectueuse pour former une hémoglobine saine, assurant ainsi la production de globules rouges parfaitement fonctionnels en quantité suffisante.

Une équipe de recherche dirigée par Annarita Miccio, chercheuse Inserm au sein de l’Institut Imagine (Inserm/Université Paris Cité/AP-HP) a réalisé une série d’expérimentations in vitro pour déterminer la stratégie la plus efficace pour stimuler la production de globine fœtale, en reproduisant ces mutations bénéfiques par thérapie génique à des fins thérapeutiques. L’approche la plus efficace consistait à insérer une mutation génétique générant, dans les globules rouges, un mécanisme moléculaire ayant le double avantage de stimuler la production de globine fœtale et de bloquer le mécanisme inhibant naturellement la production de cette dernière.

Par ailleurs, les chercheurs ont montré chez l’animal que cette stratégie est efficace sur le long terme, ce qui constitue un résultat très important dans le cadre d’une application thérapeutique.

« De nombreuses étapes sont encore nécessaires avant que cette nouvelle approche de thérapie génique soit applicable en clinique, précise Panagiotis Antoniou, premier auteur de l’étude, nous devons par exemple optimiser le protocole pour modifier génétiquement davantage de globules rouges, car seuls 60 % le sont avec le protocole actuel. Pour autant, nos travaux ouvrent la voie au développement clinique d’un traitement innovant et sûr pour les patients atteints de bêta-hémoglobinopathies, dans l’objectif d’améliorer leur qualité de vie », conclut le chercheur.

 

La drépanocytose, qui touche 5 millions de personnes dans le monde, est la première maladie génétique au monde et la plus fréquente en France. Chaque année, ce sont environ 100 000 enfants dans le monde qui naissent avec une forme grave de bêta-thalassémie. Pour continuer à soutenir les avancées de la recherche dans la lutte contre les maladies rares, l’édition 2022 du Téléthon se tiendra les vendredi 2 et samedi 3 décembre prochains, durant 30 heures d’antenne sur France Télévisions.

AVC : nouvelles perspectives d’innovation thérapeutique et de prédiction de risques

L’AVC est la deuxième cause de décès dans le monde. © Adobe Stock

Une grande étude génomique internationale sur les accidents vasculaires cérébraux (AVC) a permis de révéler de nouveaux gènes impliqués dans la genèse de cette maladie. Cette étude fournit des informations importantes pour prédire le risque génétique d’AVC, notamment pour la première fois dans des populations d’ascendance non européenne. Elle permettra, à terme, de développer des approches personnalisées pour la prévention et le développement thérapeutique. Les résultats de cette étude génomique sur les AVC, la plus grande réalisée à ce jour et portée par des chercheurs de l’université de Bordeaux, de l’Inserm et du CHU de Bordeaux, ont été publiés en ligne dans la revue Nature.

L’AVC est la deuxième cause de décès dans le monde, responsable d’environ 12 % du nombre total de décès et un contributeur majeur aux années de vie perdues ou vécues avec une incapacité. L’incidence et la gravité des AVC sont particulièrement élevées dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où surviennent 70 % de l’ensemble des décès par AVC. Il est donc extrêmement important d’adopter une perspective globale dans la recherche visant à améliorer la prévention et le traitement de cette maladie.

L’étude, publiée aujourd’hui dans Nature, a été réalisée sur des échantillons d’ADN de près de 200 000 patients victimes d’AVC et environ 2 millions d’individus témoins d’origines géographiques très diverses. Les participants étaient d’ascendance européenne, asiatique de l’Est et du Sud, africaine et latino-américaine (un tiers des patients victimes d’AVC n’étaient pas européens). Ils sont issus de nombreuses cohortes et biobanques hospitalières et populationnelles, ainsi que de cinq essais cliniques.

Des cibles médicamenteuses prometteuses

Cette recherche révèle de nouveaux gènes impliqués dans la genèse des AVC de façon causale les mettant en évidence comme des cibles médicamenteuses potentielles en vue de prévenir ou traiter les AVC. Elle a été menée par des membres du consortium GIGASTROKE, impliquant des réseaux internationaux et des chercheurs de plus de 20 pays, et a été co-dirigée par deux centres de recherche de l’université de Bordeaux et de l’Université LMU de Munich (Allemagne).

« La contribution de participants d’ascendances ethniques diverses a été d’une importance primordiale, améliorant notre capacité à détecter de nouvelles associations génétiques, affinant notre compréhension de leur signification biologique, et améliorant la transférabilité des outils génétiques de prédiction de risque d’une ascendance ethnique à l’autre », explique Stéphanie Debette, professeur d’épidémiologie et neurologue à l’université de Bordeaux, à l’Inserm et au CHU de Bordeaux, directrice du centre de recherche Bordeaux Population Health et principale autrice de cette étude.

Vers une nouvelle classe de médicament pour traiter le diabète de type 2

Tissu adipeux viscéral de souris marqué en fluorescence avec de l’AdipoRed. Les noyaux sont colorés en bleu. © Vincent Marion.

Véritable problème de santé publique, le diabète de type 2 touche des millions de personnes dans le monde. Développer de nouveaux médicaments, qui permettent de mieux traiter les causes sous-jacentes de la maladie, est donc une priorité de recherche. Dans une nouvelle étude coordonnée par le chercheur Inserm Vincent Marion au laboratoire de génétique médicale (Inserm/Université de Strasbourg), en collaboration avec l’Université de Birmingham (Royaume-Uni), l’Université de Monash (Australie) et avec Alexander Fleming, ancien directeur de la division Diabètes de l’agence américaine du médicament (FDA), les scientifiques ont conçu un nouveau produit appelé PATAS, dans une nouvelle classe thérapeutique d’antidiabétiques. Ce médicament possède la particularité de traiter l’origine même du diabète de type 2 et des comorbidités associées, notamment la résistance à l’insuline[1]. PATAS cible en effet de manière spécifique les adipocytes en y restaurant l’absorption du glucose et en rétablissant ainsi la physiologie métabolique du tissu adipeux[2]. Les équipes souhaitent mettre en place un essai clinique pour tester cette nouvelle piste thérapeutique. L’étude est publiée dans le journal Diabetes.

Le diabète est une maladie chronique qui touche 537 millions de personnes à travers le monde, la majorité d’entre elles étant concernée par un diabète de type 2. La prévalence de cette pathologie, caractérisée par des taux élevés de glucose dans le sang (voir encadré), est en augmentation ces dernières années du fait du vieillissement de la population mais également de la sédentarité et de mauvaises habitudes alimentaires. Le diabète de type 2 survient par ailleurs de plus en plus tôt.

A l’heure actuelle, tous les médicaments disponibles traitent les conséquences du diabète de type 2 en se focalisant principalement sur la régulation glycémique, mais ne ciblent pas le mécanisme biologique sous-jacent qui cause la maladie.

S’il serait donc nécessaire de développer de nouveaux de traitements plus efficaces, aucune innovation thérapeutique de rupture n’est arrivée sur le marché pendant plus d’une décennie.

C’est justement l’objet des travaux dirigés par le chercheur Inserm Vincent Marion et son équipe au laboratoire de génétique médicale (Inserm/Université de Strasbourg). Dans une récente étude réalisée en collaboration avec l’Université de Birmingham et l’Université de Monash, les scientifiques ont développé un produit appelé PATAS dans une nouvelle classe de médicaments antidiabétiques baptisée « Adipeutics » (pour ‘thérapeutiques ciblant spécifiquement l’adipocyte’).

Leur étude, menée à partir de modèles animaux, indique que cette nouvelle thérapie permet de restaurer spécifiquement l’absorption du glucose dans l’adipocyte malade ce qui a comme conséquence de traiter la résistance à l’insuline, avec des effets bénéfiques sur tout l’organisme.

Petit zoom sur le diabète de type 2

Le diabète correspond à un excès durable de la concentration de glucose dans le sang : on parle d’hyperglycémie.

Cette hyperglycémie provient d’une baisse de sensibilité des cellules – en particulier celles du foie, du muscle et du tissu adipeux – à l’insuline. On parle de « résistance à l’insuline ».

L’insuline est une hormone produite par le pancréas qui a pour rôle de faciliter la pénétration dans les cellules du glucose, leur principale source d’énergie. Pour répondre à la demande accrue en insuline qui découle de la résistance à cette hormone par les cellulesle pancréas en produit encore davantage… jusqu’à s’épuiser. La production d’insuline devient alors insuffisante et le glucose s’accumule irrémédiablement dans le sang.

Le rôle des adipocytes

Cette étude fait suite à de précédents travaux menés par l’équipe qui avaient identifié une nouvelle cible thérapeutique contre le diabète du type 2, en s’intéressant à une maladie monogénique ultra-rare, le syndrome d’Alström.

Les scientifiques avaient en effet mis en évidence que des anomalies du tissu adipeux[1] causées par la perte de fonction d’une protéine appelée ALMS1 entrainaient une résistance à l’insuline extrêmement sévère associée à un diabète de type 2 précoce chez les personnes atteintes du syndrome d’Alström. Par ailleurs, chez l’animal, restaurer la fonction de cette protéine uniquement dans les adipocytes rétablissait l’équilibre glycémique.

Pour aller plus loin, les équipes se sont intéressées de plus près à cette protéine ALMS1 et à la manière dont elle interagit avec d’autres protéines dans les adipocytes. Ils ont notamment montré qu’en absence d’insuline, la protéine ALMS1 se lie à une autre protéine appelée PKC alpha. A l’inverse, l’activation de l’insuline dans l’adipocyte induit une séparation de ces deux protéines, résultant dans l’absorption du glucose. Chez les personnes diabétiques, qui sont résistantes à l’insuline, ce lien entre les deux protéines est maintenu.

Fort de ces connaissances, les scientifiques ont développé le peptide PATAS qui permet de casser l’interaction entre ALMS1 et PKC alpha et ainsi de rétablir la signalisation de l’insuline dans l’adipocyte malade.

Dans des modèles de souris diabétiques, PATAS a été capable de rétablir la physiologie normale des adipocytes en restaurant l’absorption du glucose. « Grâce à PATAS, les adipocytes qui n’avaient plus accès au glucose sont à nouveau capables d’absorber le glucose pour ensuite le métaboliser afin de synthétiser et sécréter des lipides bénéfiques pour tout l’organisme tout en absorbant des lipides extrêmement toxiques, les acides gras non-estérifiés. Les effets sont visibles chez l’animal, avec une amélioration nette de la résistance à l’insuline, et de tout un tas d’autres paramètres et comorbidités, notamment une meilleure régulation glycémique, une diminution de la stéatose et de la fibrose du foie », explique Vincent Marion.

Ces résultats prometteurs chez l’animal permettent aux chercheurs et chercheuses d’envisager l’organisation prochaine d’un essai clinique afin de tester PATAS chez l’humain.

Afin de valoriser ces résultats et faciliter l’organisation d’un tel essai, Vincent Marion a par ailleurs fondé la startup AdipoPharma SAS.

 

[1] L’insuline est une hormone sécrétée par le pancréas. Elle favorise le stockage du glucose circulant dans les cellules musculaires, adipeuses et hépatiques et, d’autre part, inhibe la synthèse et le relargage de ce sucre à partir des réserves stockées. Chez les diabétiques, ces cellules répondent moins bien à l’insuline. On parle de résistance à l’insuline.

[2] Le tissu adipeux est un ensemble de cellules appelées adipocytes qui stockent des graisses.

Identification d’un nouveau gène responsable d’une forme rare d’hémiplégie pédiatrique

effet de la mutation G60R sur l'expression et la localisation de CLDN-5 dans les cellules CLDN-null

L’effet de la mutation G60R sur l’expression et la localisation de CLDN-5 dans les cellules CLDN-null. © Matthew Campbell, Smurfit Institute of Genetics, Trinity College Dublin

Des scientifiques du Trinity College de Dublin, de l’Inserm, d’Université Paris Cité et de l’AP-HP au sein de l’Institut Imagine à l’hôpital Necker, à Paris, viennent de découvrir un second gène responsable d’une maladie très rare appelée hémiplégie alternante de l’enfant (HAE). Il s’agit d’une maladie sévère qui peut entraîner une paralysie répétée affectant un côté du corps, ou l’autre, ou parfois les deux à la fois. Elle atteint généralement les enfants avant l’âge de 18 mois et, à ce jour, un seul gène responsable avait été identifié. Les résultats de ces travaux sont publiés dans la revue internationale Brain.

L’hémiplégie alternante de l’enfance (HAE) est une maladie neuro-développementale très rare qui se caractérise par une hémiplégie périodique, un retard persistant du développement et un déficit cognitif. Le signe précoce majeur est la survenue d’épisodes répétés d’hémiplégie de quelques minutes à plusieurs jours, touchant tantôt un côté du corps tantôt l’autre. Plusieurs facteurs peuvent déclencher les épisodes aigus : stress, exposition à l’eau, activités physiques, variations lumineuses et certains aliments. Il n’existe à ce jour, aucun traitement spécifique de l’HAE, qui touche moins d’un enfant sur 100 000 chaque année. La prise en charge des patients est symptomatique et pluridisciplinaire et associe des mesures prophylactiques (éviter l’exposition aux éléments déclenchants), le traitement aigu des crises le traitement de l’épilepsie et la prise en charge éducative.[1].

Des scientifiques de Dublin et de Paris ont identifié le gène CLDN5, comme étant responsable d’hémiplégie alternante de l’enfant dans deux cas non apparentés de HAE en France. La protéine produite par ce gène, la claudine-5, est essentielle au maintien de l’intégrité de la barrière hémato-encéphalique qui isole et protège le cerveau du reste du fonctionnement de l’organisme.

De manière inexpliquée, la forme mutée de la protéine transforme la barrière en un canal sélectif pour les ions chargés négativement. À cet égard, les compositions ioniques du cerveau sont probablement modifiées chez ces enfants, ce qui constitue un facteur clé de la maladie.

En plus d’apporter de nouvelles connaissances à cette maladie, ces travaux pourront avoir des répercussions sur la compréhension fondamentale de la protéine de jonction qui forme la barrière hémato-encéphalique.

Comme c’est la première fois que la transformation de cette barrière humaine en un canal est mise en évidence, il pourrait y avoir des voies d’administration de médicaments qui n’ont jamais été explorées. Ces résultats serviront de base aux prochaines étapes du projet.

« Cette découverte est le fruit d’une formidable collaboration entre nos équipes françaises et irlandaises. L’identification de ces mutations de novo chez des enfants non apparentés suggérant que la barrière se transforme en canal est passionnante à plusieurs niveaux. Il s’agit de la première découverte de la transformation de la BHE en canal, mais cela éclaire également la pathologie dévastatrice de la HAE, ce qui peut aider à une meilleure la gestion clinique des patients présentant cette mutation » déclarent conjointement le Dr Matthew Campbell, professeur associé au Trinity College de Dublin et Arnold Munnich, médecin à l’AP– HP et professeur à Université Paris Cité.

Cette étude a été financée par la Science Foundation Ireland (SFI), FutureNeuro, la Société japonaise pour la promotion de la science (JSPS) et le Conseil européen de la recherche (CER).

 

[1] Source orphanet : https://www.orpha.net/consor/cgi-bin/OC_Exp.php?Lng=FR&Expert=2131#:~:text=L’h%C3%A9mipl%C3%A9gie%20alternante%20de%20l,d%C3%A9veloppement%20et%20un%20d%C3%A9ficit%20cognitif.

Nouvelle étape pour comprendre l’impact de l’acide valproïque sur le développement du système nerveux

Organoïdes cérébraux humains en culture. L’organoïde de droite a été exposé à l’acide valproïque en culture, tandis que l’organoïde de gauche ne l’a pas été. La coloration pour le marqueur de sénescence (couleur bleue) montre que l’acide valproïque induit la sénescence cellulaire dans l’organoïde traité. © Muriel RHINN

 

L’acide valproïque est un médicament utilisé pour traiter l’épilepsie, les troubles bipolaires et d’autres maladies psychiatriques. Si la prise de ce traitement par les femmes enceintes a été associée à des troubles du développement et de la cognition chez les enfants exposés au cours de la grossesse, les mécanismes par lesquels il provoque ces problèmes demeurent mal compris. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS et de l’Université de Strasbourg à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC) ont mené des expériences sur des organoïdes cérébraux humains et dans des modèles animaux, pour y voir plus clair. Leurs résultats suggèrent que l’acide valproïque induit une sénescence cellulaire[1] excessive dans les cellules souches du cerveau embryonnaire, et que cela explique en partie certains défauts du développement neural ainsi que certaines caractéristiques physiologiques de l’exposition au médicament, comme la microcéphalie. Ces travaux de recherche sont publiés dans le journal Plos Biology.

L’acide valproïque (VPA) est un médicament largement prescrit pour traiter l’épilepsie, les troubles bipolaires, la migraine ainsi que d’autres maladies. Cependant, ce traitement est tératogène s’il est pris pendant la grossesse : les futures mères courent un risque considérablement accru de donner naissance à des enfants présentant certains défauts de développement (troubles neurodéveloppementaux, déficiences cognitives ou encore malformations congénitales). En 2018, l’Agence européenne de médecine a recommandé que l’acide valproïque ne soit plus prescrit aux femmes enceintes. 

On estime toutefois qu’actuellement, en France, entre 17 000 et 30 000 enfants souffrent d’un certain niveau de déficience cognitive ou de troubles du spectre autistique (TSA) suite à l’exposition in utero à ce médicament. Indépendamment de ces troubles, certains bébés exposés développent aussi des malformations congénitales, comme par exemple la microcéphalie[2] ou encore le spina bifida[3]. Entre 2000 et 4000 enfants seraient concernés par ce type de problèmes.

Alors que ces données sont bien connues et confirmées par de nombreuses études, les mécanismes sous-jacents qui expliquent l’impact de l’acide valproïque sur le développement sont encore mal documentés. Il apparaît nécessaire d’étudier comment le VPA provoque ces anomalies au niveau cellulaire et moléculaire.

 

Sénescence dans le cerveau

Le chercheur Inserm Bill Keyes et son équipe à l’IGBMC (Inserm/CNRS/Université de Strasbourg) ont découvert que l’acide valproïque active un processus de sénescence cellulaire qui entraîne un arrêt du développement des cellules du cerveau au stade embryonnaire. Souvent une réponse au vieillissement, ou aux maladies liées à l’âge, la sénescence est l’arrêt irréversible du cycle cellulaire, qui aboutit à la mort des cellules.

Pour parvenir à ces résultats, les scientifiques ont d’abord étudié des embryons de souris exposés à l’acide valproïque. Ils ont identifié une forte sénescence dans les cellules neuroépithéliales, les précurseurs embryonnaires du cerveau, qui a pour conséquence une diminution du nombre de neurones à l’origine d’une altération du développement cérébral.

Ensuite, ils ont observé des résultats similaires dans des cellules neuroépithéliales humaines grâce à l’utilisation d’organoïdes, des structures utilisées pour simuler le développement du cerveau humain.

La sénescence pendant le développement

Bill Keyes et son équipe étudient depuis plusieurs années la sénescence. Ce processus biologique est habituellement plutôt associé au vieillissement et aux maladies liées à l’âge. Cependant, les recherches de l’équipe ont montré il y a 10 ans que la sénescence pouvait dans certains cas toucher certaines cellules au moment du développement embryonnaire, avec des effets bénéfiques.

L’hypothèse des scientifiques est la suivante : initiée au mauvais moment du développement, la sénescence peut en revanche être associée à des troubles cognitifs ou du développement neural. Leur étude sur l’acide valproïque a été menée dans ce contexte, alors que leurs travaux du laboratoire visent à mieux comprendre les liens entre le développement et la sénescence.

 

Identifier une protéine clé

Pour aller plus loin et mieux comprendre comment ce processus de sénescence délétère se met en place, les scientifiques ont mené des études génétiques sur les souris et ont ainsi montré l’implication d’une protéine appelée p19Arf.

Ils ont aussi mis en évidence que le déclenchement de cette sénescence dans les cellules neuroépithéliales, sous le contrôle de p19Arf, est associé à des défauts de développement du système nerveux et à la microcéphalie mais pas à d’autres anomalies qui sont parfois causées par le médicament, comme le spina bifida.

« Nous montrons que l’acide valproïque provoque une sénescence abusive dans le cerveau. Ces résultats permettent de mieux comprendre une des manières dont l’acide valproïque agit sur le système nerveux au moment du développement embryonnaire et cause certains des défauts qui peuvent être observés chez les bébés exposés. Cependant d’autres études permettront d’approfondir ce travail pour identifier d’autres mécanismes impliqués », souligne Bill Keyes, chercheur Inserm, dernier auteur de l’étude.

L’équipe souhaite à présent continuer à étudier la sénescence dans d’autres modèles pour comprendre le rôle de ce processus dans d’autres troubles du développement. « La découverte que l’activation atypique de la sénescence dans l’embryon peut perturber le développement soulève la possibilité qu’elle puisse également contribuer à des défauts dans des contextes de développement au-delà de ceux que nous avons étudiés ici », conclut Muriel Rhinn, première auteure de l’étude et chercheuse CNRS.

[1] La sénescence est l’arrêt irréversible du cycle cellulaire, qui aboutit à la mort des cellules.

[2] Malformation congénitale où la tête du bébé est plus petite en comparaison avec celles des bébés du même sexe et du même âge.

[3] Anomalie de la fermeture du tube neural qui aurait dû avoir lieu normalement entre le 21ème et le 28ème jour de grossesse.

Covid-19 : Un déficit immunologique expliquerait près d’un quart des très rares formes sévères observées chez les vaccinés

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 © Philippe Roingeard, Anne Bull-Maurer, Sonia Georgeault, unité Inserm U1259 MAVIVH & Université de Tours, France.

Toutes les études scientifiques ont montré que la vaccination contre la Covid-19 était efficace pour prévenir les formes graves de la maladie. Cependant, dans de très rares cas, des patients vaccinés avec deux doses ont été hospitalisés suite à une infection par le SARS CoV-2. Pour mieux comprendre pourquoi, des chercheurs de l’Inserm, de l’AP-HP et enseignants-chercheurs d’Université Paris Cité au sein de l’Institut Imagine ont mené des travaux qui mettent en évidence un déficit immunologique chez une partie de ces patients. Les scientifiques montrent en effet que 24 % de ces individus présentent des auto-anticorps qui neutralisent l’action des interférons de type 1, des protéines qui constituent la première barrière immunologique contre les virus. Ces résultats sont publiés dans le journal Science Immunology.

Depuis les débuts de la pandémie de Covid-19, de nombreux chercheurs se sont intéressés à une question cruciale : comment expliquer que certains patients infectés par le SARS-CoV-2 ne présentent aucun symptôme alors que d’autres développent une pneumopathie pouvant aller jusqu’au décès ?

Cette interrogation a fait l’objet de recherches rigoureuses dans le cadre d’une collaboration internationale pilotée par des équipes de l’Inserm, d’Université Paris Cité et de l’AP-HP au laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, dans ses deux branches : à l’Institut Imagine, situé à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP et à l’Université Rockefeller de New-York.

Des travaux qui ont débouché sur des publications montrant notamment qu’environ 20 % des cas de pneumopathies graves suite à une infection par le SARS-CoV-2 s’expliquent par des anomalies génétiques (5 % des cas) et immunologiques (14 % des cas) qui fragilisent la réponse immunitaire portée par les interférons de type I.

Interférons de type 1

Les interférons de type 1 (IFN 1) sont un groupe de 17 protéines habituellement produites de manière rapide par les cellules de l’organisme en réponse à une infection virale et ayant pour principal effet d’inhiber la réplication du virus dans les cellules infectées. Il en existe plusieurs types, répartis en plusieurs familles : alphas, bêta, oméga, kappa et epsilon.

Par ailleurs, on parle d’auto-anticorps quand des anticorps s’attaquent aux propres cellules de l’organisme d’un individu.

Chez certains patients atteints de formes sévères de Covid-19, des auto-anticorps dirigés contre les interférons de type 1 ont été retrouvés. Neutralisant l’action des IFN 1, ces auto-anticorps empêchent donc l’organisme de bien se défendre contre le virus.

Les vaccins ARNm contre la Covid-19 sont très efficaces pour prévenir les formes graves de la maladie, et notamment pour réduire le risque de pneumopathie, comme l’attestent de nombreuses études. Cependant, il peut arriver que dans de très rares cas, certaines personnes vaccinées soient infectées par le SARS-CoV-2 et développent des formes sévères de la maladie, nécessitant une hospitalisation.

Forts des connaissances acquises sur les déficits immunologiques associés à un risque accru de Covid-19 grave, les équipes de recherche menées par le Pr Jean-Laurent Casanova et le Dr Laurent Abel, co-directeurs du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, ont tenté de mieux comprendre ce phénomène.

 

Auto-anticorps anti-IFN-1

Les chercheurs ont recruté dans leur étude 48 patients âgés de 20 à 80 ans ayant fait une forme sévère à critique suite à une infection par le variant delta, malgré un schéma vaccinal complet par vaccin à ARNm.

La première étape a consisté à vérifier que le vaccin avait bien été efficace chez ces participants, c’est-à-dire que l’organisme y avait répondu en produisant un bon taux d’anticorps anti SARS-CoV-2. L’idée était ainsi d’écarter les formes sévères ayant pu se développer suite à un échec de la vaccination, afin d’isoler et identifier d’autres facteurs. Pour différentes raisons (infection par le VIH, présence de lymphome, prise de traitements immunosuppresseurs…), six patients avaient une réponse vaccinale défectueuse et ont donc été exclus de l’étude.

Ensuite, les scientifiques se sont appuyés sur leurs précédents travaux et ont recherché la présence d’auto-anticorps anti-interférons de type 1 (IFN-1) chez les 42 patients restants. Différents tests ont été réalisés pour mesurer le taux d’auto-anticorps anti IFN-1 et ainsi que leur caractère neutralisant.

L’analyse des données collectées indiquent que 24 % des 42 patients considérés présentaient des anticorps qui étaient en mesure de neutraliser les interférons de type 1. Hormis cette particularité, ces patients ne présentaient pas d’autres déficits immunologiques et n’avaient aucun historique d’infection virale sévère.

Il est intéressant de noter que même si ces patients ont développé une forme sévère de Covid-19, aucune n’a abouti au décès. Or dans la population non vaccinée, 20 % des personnes qui décèdent présentent des auto-anticorps anti-interférons de type 1. On peut donc supposer que la vaccination a eu un effet même si elle n’est pas parvenue à empêcher le développement de la maladie.

 

Tester les patients pour identifier les risques

Pour aller plus loin dans la compréhension des mécanismes biologiques sous-jacents, des études moléculaires approfondies ont enfin permis aux chercheurs d’identifier les sous-types d’auto-anticorps concernés, montrant qu’il s’agissait principalement d’auto-anticorps anti-alpha2 et/ou anti-oméga.

Ces résultats permettent donc d’expliquer pourquoi certaines personnes vaccinées, présentant des taux d’anticorps élevés contre le SARS-CoV-2, peuvent néanmoins développer des formes graves. Si le phénomène demeure très rare, il n’en reste pas moins important d’acquérir des connaissances solides sur le sujet afin d’adapter les stratégies de prévention et de prise en charge des patients.

Les auteurs de l’étude préconisent d’ailleurs de tester la présence des auto-anticorps anti-IFN-1 chez des patients vaccinés qui seraient hospitalisés suite à une infection par le SARS-CoV-2. Eux-mêmes vont poursuivre leurs travaux afin de mieux comprendre pourquoi ces auto-anticorps anti-IFN-1 se développent chez certains patients, en s’intéressant notamment à des facteurs génétiques.

 

Une communication rigoureuse au service de la science

Si cette étude porte sur des formes très rares de Covid-19 sévère survenant chez des personnes vaccinées, et ne concerne donc qu’un petit nombre de patients, il semblait important de relayer ces résultats de manière rigoureuse et transparente, fidèle à la démarche de l’Inserm en faveur d’une information scientifique fiable et ce, afin que ces résultats ne puissent pas faire l’objet de mauvaises interprétations ou de manipulations.

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