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Drépanocytose et beta thalassémie-transfusion dépendante : résultats prometteurs d’un traitement par thérapie génique

Globules rouges en forme de faucille (drépanocytose)

Globules rouges en forme de faucille (drépanocytose) ©Inserm/Chevance de Boisfleury, Anne-Marie

Des équipes de l’AP-HP, d’Université de Paris, de l’Inserm, au sein de l’Institut Imagine, de l’Université Paris-Est Créteil et du CEA ont mené une étude clinique de thérapie génique consistant à transplanter chez le patient ses propres cellules souches hématopoïétiques1 génétiquement modifiées. Cet essai clinique de phase I/II, promu par bluebird bio, a été réalisé chez des patients atteints de drépanocytose ou de beta thalassémie dépendante des transfusions, des maladies génétiques fréquentes qui touchent les globules rouges. Les résultats de ces travaux, coordonnés par le Pr Marina Cavazzana et le Pr Philippe Leboulch, ont fait l’objet d’une publication le 24 janvier 2022 dans Nature Medicine.

Dans le cadre de l’essai clinique HGB-205 de phase I/II, quatre patients b-thalassémiques et trois patients drépanocytaires âgés de 13 à 21 ans ont été traités par thérapie génique lentivirale. Ils ont été suivis pendant une durée médiane de 4,5 ans après inclusion dans les protocoles spécifiques dédiés LTF-303 (pour les patients b-thalassémiques) et LFT-307 (pour les patients drépanocytaires).

Selon les résultats, les patients atteints de b-thalassémie sont tous devenus « transfusion indépendants », dès le premier mois après le traitement, avec une nette amélioration de la surcharge en fer et une correction des paramètres biologiques liés à l’anémie chronique.

Une rémission de toute la symptomatologie clinique2 et une correction des paramètres biologiques soutenues dans le temps ont été obtenues chez deux des trois patients drépanocytaires traités. Une réduction du rythme transfusionnel a été obtenue pour le troisième patient drépanocytaire.

L’ensemble de ces résultats est maintenu dans le temps avec plus de 4 ans et demi de suivi pour trois patients. Aucun effet adverse lié à l’utilisation du vecteur lentiviral thérapeutique n’a été observé.

Pour les patients atteints de b-thalassémie, les résultats rapportés à long terme montrent que la thérapie génique par addition des gènes est devenue une option curative potentiellement utilisable chez l’ensemble des patients qui ne disposent pas d’un donneur de cellules souches hématopoïétiques compatible.

Dans le cas de la drépanocytose, la correction des paramètres biologiques liés à l’anémie chronique de deux patients sur trois apporte la preuve du principe de son efficacité et ouvre la voie à l’introduction d’améliorations ultérieures dans le but d’obtenir le même résultat chez l’ensemble des patients drépanocytaires traités.

 

Drépanocytose et beta thalassémie dépendante des transfusions

La drépanocytose et la b-thalassémie dépendante des transfusions sont des maladies génétiques fréquentes. Elles constituent donc un problème important de santé publique. Ces deux anémies chroniques sont dues à des mutations du gène codant la chaîne beta (b) de l’hémoglobine adulte (HbA).

La b-thalassémie dépendante des transfusions se caractérise par une absence (b0) ou une forte réduction (b+) de la synthèse de chaînes b-globine, responsable d’une fabrication inefficace des globules rouges et d’une anémie hémolytique chronique et sévère, requérant des transfusions de globules rouges tout au long de la vie. L’accumulation de fer qui s’en suit peut provoquer la survenue d’une insuffisance cardiaque, de cirrhose, d’un cancer du foie et de multiples anomalies endocriniennes.

La drépanocytose résulte de la mutation d’un acide aminé en position 6 de la chaîne b-globine (mutation E6V), avec comme conséquence la polymérisation de l’hémoglobine drépanocytaire HbS (hemoglobine « sickle » en anglais) une fois les molécules d’oxygène (O2) délivrées. La polymérisation de l’HbS est à l’origine de crises vaso-occlusives douloureuses caractérisées par une obstruction locale de la circulation sanguine qui peuvent toucher tous les organes et d’une anémie hémolytique chronique3. La répétition des crises vaso-occlusives et l’atteinte vasculaire portent atteinte à plusieurs organes vitaux comme les poumons, les reins, le système nerveux central et le cœur, avec une diminution importante de la durée de vie moyenne des sujets atteints.

Comme pour la quasi-totalité des maladies génétiques du système hématopoïétique, la seule option curative consiste à greffer des cellules souches hématopoïétiques. Cette approche donne de très bons résultats cliniques et une faible mortalité lorsqu’un donneur de la fratrie HLA-compatible est disponible. Malheureusement, un pourcentage limité des patients peut bénéficier de ce traitement (<20%). Le recours à des donneurs partiellement compatibles limite grandement les chances de succès et comporte une morbidité à long terme significative, en particulier chez les patients les plus âgés.

 

Thérapie génique

La thérapie génique, grâce à la transplantation des cellules souches provenant du patient même, génétiquement modifiées, est une alternative prometteuse. Elle comporte de faibles risques de toxicité immunologique étant donné qu’aucun traitement immunosuppresseur n’est requis. Elle peut être mise en place pour chaque patient qui en a besoin, le patient étant son propre donneur.

La thérapie génique par addition des gènes est la première stratégie à avoir vu le jour dans cette indication en exploitant la capacité des vecteurs lentiviraux4 à transférer une information génétique complexe dans le génome de cellules souches hématopoïétiques sans que les cellules n’aient besoin d’effectuer une division cellulaire.

Le vecteur lentiviral utilisé dans cet essai clinique de phase I/II a été mis au point par l’équipe dirigée par le Pr Philippe Leboulch. Ce vecteur permet la synthèse d’une forme modifiée de la chaîne b-globine (bT87Q), modification génétique qui a un double intérêt: elle lui confère une propriété anti-polymérisante comparable à celle de la chaîne gamma (g) de l’hémoglobine fœtale (HbF) chez les patients drépanocytaires et permet son dosage spécifique dans le sang des patients traités. En effet la chaîne bT87Q-globine peut être distinguée des autres chaînes de globines par chromatographie liquide sous haute pression, en particulier de la chaîne b-globine issue de l’hémoglobines adulte (HbA), produite de manière endogène chez les patients b-thalassémiques porteurs de mutations b+ et présente dans les globules rouges transfusés.

 

1Les cellules souches hématopoïétiques sont nichées dans la moelle osseuse et sont à l’origine des différentes cellules du sang : les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes.

2L’ensemble de signes cliniques pathologiques qui caractérisent une maladie.

3Il s’agit d’une pathologie souvent héréditaire qui atteint les globules rouges avec, in fine, une réduction pathologique de leur nombre incompatible avec la vie et nécessitant des transfusions sanguines régulières dont la fréquence est dictée par le niveau d’Hémoglobine et les symptômes cliniques.

4Il s’agit des navettes d’informations génétiques dans le noyau des cellules dérivées du virus HIV-1 auquel on a enlevé les éléments génétiques qui lui permettent de se répliquer et de donner la maladie infectieuse dont il est responsable. Les éléments qui leur permettent de franchir la membrane nucléaire et de s’intégrer d’une façon stable dans le génome des cellules cibles ont en revanche été conservés.

Étude du traitement par thérapie génique dans le syndrome de Wiskott-Aldrich

ADN

ADN © Fotolia

 

Des équipes de l’AP-HP, d’Université de Paris, de l’Inserm, au sein de l’Institut Imagine, de l’University College of London, et de Généthon, ont mené des travaux sur le traitement par thérapie génique consistant à transplanter chez le patient ses propres cellules souches hématopoïétiques génétiquement modifiées dans le cadre d’un essai clinique de phase I/II, promu par Genethon, chez 8 patients atteints du syndrome de Wiskott-Aldrich (WAS). Les résultats de ces travaux, menés en parallèle à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, au Great Ormond Street Hospital et au Royal Free Hospital à Londres et coordonnés par le Pr Marina Cavazzana, le Pr Adrian Thrasher et le Pr Emma Moris, ont fait l’objet d’une publication le 24 janvier 2022 dans Nature Medicine.

Le syndrome de Wiskott-Aldrich (WAS) est un déficit immunitaire complexe lié au chromosome –X et causé par des mutations du gène WAS qui code pour la protéine WAS (WASp). Cette protéine est clef dans la régulation de l’actine du cytosquelette1 dans les cellules hématopoïétiques.

Le défaut de cette protéine est responsable d’une thrombocytopénie à plaquettes de petite taille2 et d’une mauvaise fonction des globules blancs, spécialement des lymphocytes T, B, Natural killer et des cellules dendritiques.

Le phénotype clinique plus grave se caractérise par des infections sévères, saignements, eczéma et manifestations d’auto-immunité avec un risque important de développer des complications tumorales. La gravité de l’expression clinique est liée au niveau d’expression de la protéine WAS. Sans traitement curatif les patients ne survivent pas au-delà de la deuxième-troisième décade de vie.

Le traitement de choix est constitué par la greffe allogénique3 de cellules souches hématopoïétiques HLA-geno-identiques qui a de très bons résultats surtout si elle est réalisée précocement (<5 ans).

Le pronostic de la greffe allogénique dépend effectivement d’un certain nombre de paramètres en plus de l’âge du patient, dont le degré de compatibilité HLA entre donneur et receveur et le niveau de prise hématopoïétique.

En l’absence d’un donneur HLA–compatible, les équipes de recherche ont proposé un traitement par thérapie génique qui consiste à prélever chez les malades des cellules souches sanguines porteuses de l’anomalie génétique (cellules souches hématopoïétiques CD34+), puis à les corriger au laboratoire en introduisant le gène WAS sain grâce à un vecteur lentiviral développé par l’équipe d’Anne Galy, à Généthon où ont également été produits les lots cliniques de vecteurs. Les cellules corrigées sont ensuite injectées aux malades, au préalable traités par chimiothérapie afin d’éliminer les cellules malades et faire place aux cellules autologues corrigées in vitro qui vont alors donner naissance aux diverses cellules qui composent le sang (globules blancs et rouges, plaquettes).

Dans l’article qui vient d’être publié dans Nature Médicine, les résultats cliniques et biologiques à long terme (suivi médian de 7,6 ans) de l’essai de phase I/II chez 8 patients atteints de WAS sont décrits avec une attention particulière portée à deux complications graves de cette maladie : la thrombocytopénie et l’auto-immunité. Il est à souligner que tous les patients inclus dans cet essai présentaient la forme plus sévère de ce déficit immunitaire et n’étaient pas éligibles à une greffe de moelle osseuse allogénique.

Après , les cellules hématopoïétiques génétiquement corrigées ont montré une greffe stabilisée, confirmant ainsi les premiers résultats rapportés dans JAMA il y a quelques années pour 6 d’entre eux.

La stabilité des cellules souches génétiquement modifiées greffées a permis de corriger les principaux symptômes de la maladie comme les infections sévères récurrentes ou l’eczéma et a permis d’améliorer ou de résoudre les hémorragies et les signes d’auto-immunité. La fonction des lymphocytes T a été complètement restaurée comme cela est démontré par le nombre total de lymphocytes T naïfs, la restauration de la synapse immunologique ainsi que des fonctions de ces cellules indispensables pour combattre les infections.

Aucun effet adverse lié à l’utilisation d’un vecteur rétroviral n’a été rapporté ni une absence de stabilité de la greffe de cellules génétiquement modifiées.

L’analyse de sites d’intégration lentivirale révèle un profil polyclonal sans aucune expansion clonale ou intégration dangereuse du vecteur (risque de transformation néoplasique). En effet, grâce aux vecteurs lentiviraux, la nouvelle information génétique est introduite d’une façon stable et aléatoire dans le génome du patient. La capacité à séquencer le génome entier permet de suivre exactement les sites d’intégration du nouveau matériel génétique et de s’assurer de leur innocuité au regard des fonctions physiologiques de la cellule cible. Ce séquençage a permis de valider à long terme la sécurité de ces vecteurs rétroviraux car aucune perturbation génétique n’a été observée.

A noter : un patient âgé de 30 ans a été traité dans cet essai montrant ainsi l’efficacité de ce traitement chez des patients adultes avec un thymus qu’on pouvait penser peu ou pas fonctionnel après des longues années de maladie. De même une correction complète du compartiment lymphocytaire B a été obtenu, ce qui a permis d’arrêter la substitution d’immunoglobuline chez 5 patients traités et de voir une diminution significative voire une disparition des signes d’auto-immunité.

Tous les patients traités ont vu leurs épisodes de saignements spontanés diminuer d’une façon significative en fréquence et sévérité même si pour 5 patients, le nombre des plaquettes reste au-dessous des valeurs normales.

Au total, la thérapie génique par addition des gènes confirme son intérêt thérapeutique pour un déficit complexe de l’immunité cellulaire tel que le syndrome de Wiskott Aldrich. De nouvelles études sont en cours pour essayer de continuer à optimiser ces résultats cliniques à long terme. 

 

1Il s’agit d’une protéine de la membrane cellulaire dont l’activité de contraction et relâchement permet à chaque cellule sanguine de bien faire son travail comme les déplacements d’un endroit à l’autre ou d’éliminer une cellule « malade » dans le cas des cellules tueuses.

2Il s’agit de la diminution pathologique du nombre de plaquettes qui en plus ont une taille diminuée par rapport à la valeur physiologique.

3Le terme allogénique fait référence aux cellules, tissus ou organes prélevés chez un donneur sain pour être greffés à un receveur qui est fortement, mais non entièrement, compatible avec le donneur sur le plan génétique.

Une étude de cohorte permet d’identifier une cause génétique d’une forme rare du syndrome de Cushing induit par l’alimentation

Coupe de rein humain grossie 400 fois par un microscope à immunofluorescence polychromatique

Coupe de rein humain grossie 400 fois par un microscope à immunofluorescence polychromatique.© Inserm/Oriol, Rafael

 

L’équipe composée de chercheurs et chercheuses du service d’endocrinologie et des maladies de la reproduction de l’hôpital Bicêtre AP-HP, de l’Inserm et de l’Université Paris-Saclay, a mené des travaux, coordonnés par le Professeur Peter Kamenický, pour étudier la cause génétique de l’hyperplasie bilatérale macronodulaire des surrénales avec syndrome de Cushing induit par l’alimentation. Cette maladie rare touche les deux glandes surrénales situées au-dessus des reins et entraine une surproduction du cortisol, une hormone stéroïde dont l’excès a des conséquences néfastes pour l’organisme. Les chercheurs ont pu déterminer l’explication moléculaire de la survenue de cette maladie 30 ans après sa description initiale. Ces travaux ont fait l’objet d’une publication le 13 octobre 2021 dans la revue The Lancet Diabetes & Endocrinology.

Cette forme rare du syndrome de Cushing surrénalien, étudiée par ces chercheurs, est due à l’expression anormale du récepteur du GIP (Glucose-dependent insulinotropic peptide), dans les deux glandes surrénales des patients. Le GIP est une hormone produite par l’intestin grêle en réponse à l’ingestion d’aliments. Chez les patients atteints de cette forme particulière du syndrome de Cushing, les concentrations de cortisol augmentent anormalement après chaque prise alimentaire. Les patients atteints de cette maladie développent les signes cliniques typiques du syndrome de Cushing tels que la prise de poids associée à une atrophie musculaire, l’hypertension artérielle, le diabète sucrée, l’ostéoporose et la dépression. La pathologie est associée à une augmentation de la mortalité, surtout des causes cardiovasculaires.

Dans cette étude internationale impliquant les chercheurs de six pays, et reposant notamment sur une collaboration étroite franco-québécoise, l’équipe rapporte que l’hyperplasie macronodulaire des surrénales GIP-dépendante, dans ses formes familiales comme sporadiques, est une maladie génétique, causée par des mutations germinales de Lysine Déméthylase 1A (KDM1A) avec une perte secondaire du second locus de KDM1A, comportant la seconde copie du gène, dans le tissu surrénalien. KDM1A agit principalement comme un répresseur transcriptionnel (i.e. un régulateur qui empêche un gène d’être exprimé), la perte de sa fonction aboutit à une dérégulation d’expression de différents gènes dans le tissu surrénalien, incluant le récepteur du GIP mais également d’autres récepteurs couplés aux protéines G.

Cette découverte permettra de proposer un conseil génétique et une détection plus précoce de cette maladie rare aux patients et à leurs apparentés. Les maladies rares sont en général sous-diagnostiquées. Ceci est d’autant plus important que les variations pathogènes de KDM1A prédisposent également au myélome et à d’autres types de cancer.

De plus, ce nouveau rôle de KDM1A comme régulateur épigénétique de l’expression du récepteur du GIP et d’autres récepteurs couplés aux protéines G pourrait avoir des implications pharmacologiques.

Covid-19 : découverte d’une signature moléculaire des myocardites pédiatriques

enfant masqué

© Adobe Stock

 

Dans de très rares cas, des enfants ayant contracté la COVID-19 développent une inflammation sévère 4 à 6 semaines suivant leur infection par le virus SARS-CoV-2. Pour les deux tiers, ce syndrome inflammatoire atteint le cœur, entraînant des cas de myocardite. Dans une étude parue dans la revue MED, des chercheurs, médecins et enseignants chercheurs de l’Inserm, de l’AP-HP et d’Université de Paris à l’Institut Imagine, en collaboration avec l’Institut Pasteur, ont analysé le sang d’une cohorte de 56 patients jeunes ayant été hospitalisés à l’Hôpital Necker Enfants-Malades AP-HP. Ils ont ainsi pu identifier l’expression anormale de plusieurs gènes associés à la survenue de formes sévères de myocardite. Cette signature moléculaire pourrait, à terme, permettre d’identifier les enfants à risque de développer cette inflammation cardiaque rare.

Certains enfants infectés par le SARS-Cov-2 développent des inflammations sévères quatre à six semaines après leur infection, avec des symptômes variés : fièvre, douleurs gastriques, éruptions cutanées… Dans environ 70% des cas, ce syndrome inflammatoire dit « multisystémique » s’étend au myocarde, muscle assurant les contractions cardiaques. Ces cas sévères de myocardites ont été signalés pour la première fois en Angleterre, au mois de mars 2020, avant d’être observés en Italie, en France, puis partout dans le monde. Comment expliquer ces formes rares ?

 

Des analyses de pointe

Dans une étude parue dans MED, nouveau journal créé par la revue Cell, menée par les chercheurs Inserm Frédéric Rieux-Laucat et Mickaël Ménager (*) au sein de deux laboratoires de l’Institut Imagine (Inserm, Université de Paris, AP-HP), en collaboration avec des médecins de l’Hôpital Necker-Enfants Malades AP-HP et de l’Institut Pasteur, ont mené des investigations moléculaires de pointe pour répondre à cette question. Résultat : ils ont identifié plusieurs gènes associés à la survenue de formes sévères de myocardite chez ces enfants.

Pour y arriver, les auteurs ont analysé les prélèvements sanguins de 56 enfants hospitalisés entre le 6 avril et le 30 mai 2020. Au total, 30 avaient développé un syndrome inflammatoire multisystémique consécutif à une infection au SARS-CoV-2, dont 21 avec une forme sévère de myocardite, et 9 sans myocardite. « Pour comprendre la différence entre ces deux groupes de patients, nous avons mené plusieurs analyses utilisant des techniques de pointe : un dosage ultra-sensible des cytokines – les hormones du système immunitaire permettant une réponse adaptée en cas d’infection –, une caractérisation de la composition des cellules du sang, et une analyse de l’expression des gènes cellule par cellule », explique Mickaël Ménager.

 

Trois anomalies moléculaires

Résultat : dans les deux groupes, les chercheurs ont mis en évidence une diminution du nombre de monocytes et de cellules dendritiques (globules blancs), ainsi qu’une augmentation du taux de cytokines inflammatoires et une suractivation de ce qu’on appelle « la voie NF-kB » au sein de ces cellules.

« Il s’agit d’une voie moléculaire permettant d’activer un ensemble de gènes, aboutissant à la production de protéines chargées d’orchestrer la réponse immunitaire, résume Frédéric Rieux-Laucat. Or, c’est précisément la suractivation de ce système qui, chez ces patients, déclenche une hyperinflammation ».

En comparant plus finement les cellules dendritiques et les monocytes des deux groupes, les auteurs ont observé trois anomalies spécifiques des patients avec myocardite : un défaut d’inhibition dans la voie NF-kB, une surproduction de « TNF-α » (cytokine impliquée dans l’activation de la voie NF-kB), et enfin un défaut de réponse aux interférons de type I et II (cytokines impliquées dans la régulation de l’inflammation).

Toutes ces anomalies peuvent s’expliquer par une expression anormale de certains gènes. Afin d’identifier ces gènes, les auteurs ont procédé à une analyse génétique cellule par cellule. « Nous avons ainsi pu identifier et valider plus d’une centaine de gènes surexprimés spécifiquement dans les monocytes et les cellules dendritiques de patients avec formes sévères de myocardite », explique Mickaël Ménager. Cette signature moléculaire pourrait, à terme, permettre la mise au point de tests pour identifier les patients à risque de développer ces inflammations cardiaques sévères.

 

(*) Frédéric Rieux-Laucat est directeur du laboratoire d’Immunogénétique des maladies auto-immunes pédiatriques. Mickaël Ménager est directeur du laboratoire « réponses inflammatoires et réseaux transcriptomiques dans les maladies » et responsable du LabTech Single-Cell@Imagine, plateforme dédiée à l’étude de l’expression des gènes cellule par cellule.

Un manque d’hormones placentaires pourrait jouer un rôle dans l’apparition de déficits neurodéveloppementaux

Image de coupe sagittale de cervelet de souris acquise en microscopie électronique montrant la substance blanche avec ses axones myélinisés et la substance grise avec la couche des grains. Claire-Marie Vacher (Columbia University Medical Center)/Cheryl Clarkson-Paredes and Anastas Popratiloff (The George Washington Nanofabrication & Imaging Center).

Plusieurs études ont montré que la prématurité augmentait le risque d’apparition de désordres neurodéveloppementaux tels que les troubles du spectre autistique (TSA). Plus la naissance est prématurée, plus le risque d’apparition de déficits moteurs ou cognitifs est élevé. Comment expliquer cela ? Des chercheurs de l’Université de Columbia à New York et du Children’s National Hospital de Washington, D.C., en collaboration avec  l’Inserm et l’Université Paris-Saclay, se sont penchés sur cette question et ont fait l’hypothèse que la perte prématurée du placenta pourrait jouer un rôle dans les déficits observés. Grâce au développement d’un nouveau modèle préclinique chez la souris, ils ont montré que la diminution significative d’une hormone placentaire, dont le cerveau en développement devrait normalement bénéficier dans la seconde moitié de la gestation, pourrait favoriser le risque d’apparition de troubles comportementaux qui pourraient s’apparenter aux troubles du spectre de l’autisme. Ces effets sont principalement observés chez les mâles. L’étude fait l’objet d’une publication dans la revue Nature Neuroscience.

Le placenta est un organe qui permet l’alimentation du fœtus en oxygène et nutriments et élimine les déchets. Il produit également des hormones, notamment des taux élevés d’alloprégnanolone  ou ALLO (une hormone dérivée de la progestérone) à la fin de la grossesse. Environ un nouveau-né sur 10 naît prématurément et de fait est privé de taux normaux de cette hormone.

Des chercheurs américains à l’Université de Colombia, en collaboration avec les équipes françaises de l’Inserm au sein de l’unité Maladies et Hormones du Système Nerveux (U 1195 Inserm) se sont intéressés au rôle du placenta dans le développement cérébral  pour tenter notamment d’expliquer le lien entre prématurité et risque élevé d’apparition de déficits moteurs ou cognitifs. Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont créé un modèle de souris dans lequel ils ont été en mesure de réduire de manière sélective la production placentaire d’ALLO au cours de la gestation, afin que les souriceaux soient exposés à des taux placentaires d’ALLO insuffisants.

L’équipe de chercheurs a ainsi découvert que la diminution de la concentration de cette hormone dans le placenta altérait le développement du cerveau sur le long terme, entraînant l’apparition de comportements de type autistique chez les descendants mâles.

En effet, bien que les fœtus mâles et femelles aient été, les uns comme les autres, soumis à une insuffisance d’ALLO, seuls les souriceaux mâles ont présenté des comportements de type autistique après la naissance, notamment des difficultés d’interaction avec les autres animaux et des stéréotypes moteurs. Les chercheurs ont ensuite analysé leur développement cérébral et suivi les conséquences de cette insuffisance sur leur comportement jusqu’à l’âge adulte.

Les souris mâles ayant reçu des taux placentaires d’ALLO insuffisants présentaient des modifications structurelles du cervelet, une région du cerveau impliquée dans la coordination des mouvements et qui a également été liée à l’autisme.

« En particulier, nous avons observé un épaississement de la gaine de myéline, le revêtement qui protège les fibres nerveuses et accélère la propagation de l’influx nerveux », a indiqué Claire-Marie Vacher, PhD, professeure associée en néonatalogie dans le département de Pédiatrie du Vagelos College of Physicians and Surgeons de l’Université de Columbia et première auteure de l’article. « On sait que des changements comparables ont été observés de manière transitoire dans le cervelet de certains enfants de sexe masculin souffrant d’autisme. »

« Chez l’animal, l’établissement d’un lien entre une modification de la fonction placentaire au cours de la gestation et des effets persistants sur le développement ultérieur du cerveau est un résultat particulièrement frappant », indique Anna Penn, MD, PhD, cheffe du service de néonatologie à l’Université de Colombia et dernière auteure de l’étude. 

 

Des similarités avec les tissus humains

Afin de déterminer si des modifications similaires peuvent survenir chez les nourrissons, les chercheurs ont également procédé à des examens post-mortem de tissus cérébelleux de prématurés et de nourrissons arrivés à terme, décédés peu de temps après la naissance. Leur analyse a permis de mettre en évidence des modifications similaires au niveau de la gaine de myeline spécifiquement pour les nourrissons masculins lorsque le cervelet de prématurés était comparé au cervelet de nourrissons nés à terme. Cette étude est une première étape importante pour comprendre comment les hormones placentaires peuvent contribuer au développement cérébral et comportemental chez l’homme.

 

L’injection de l’ALLO réduit les symptômes autistiques

L’étude a également permis de mettre en évidence que les changements affectant la structure du cervelet et les comportements chez les souris pouvaient être évités par l’injection d’ALLO à la fin de la gestation.

Les chercheurs ont constaté qu’une injection d’ALLO chez la mère au cours de la gestation pouvait prevenir les comportements de type autistique dans leur modèle préclinique. Des résultats similaires ont été observés après une injection de muscimol, un composé qui active les récepteurs GABA-A — les mêmes récepteurs qui réagissent à l’ALLO. Avec ces traitements, les chercheurs ont également constaté une normalisation des niveaux de protéines de la myéline dans le cervelet.

« Notre étude offre de nouvelles perspectives intéressantes sur l’implication de la perte d’hormones placentaires—qui se produit en cas de naissance prématurée ou si le placenta ne fonctionne pas correctement au cours de la grossesse—sur le risque de désordres neurodéveloppementaux et comportementaux chez l’enfant», indique l’auteure principale, Claire-Marie Vacher.

« On pourrait désormais également envisager des études rétrospectives en réalisant un suivi longitudinal pour corréler des défauts endocriniens pendant la grossesse avec des troubles cognitifs et/ou comportementaux des enfants. Cela permettrait d’identifier le stade de la grossesse où l’insuffisance hormonale intervient afin d’envisager une éventuelle intervention thérapeutique », ajoute Philippe Liere, PhD, ingénieur de recherche et responsable du plateau technique analytique de spectrométrie de masse de l’U1195.

Découverte d’une première cause génétique pour le syndrome de l’homme-arbre (papillomavirus cutané)

 Papillomavirus

Papillomavirus. © Inserm/U190

Une grande partie de la population est porteuse de papillomavirus humains (HPVs), et notamment de papillomavirus cutanés, qui provoquent en général des verrues ou des lésions locales et bénignes. Pourtant, de très rares patients dans le monde développent des formes sévères de ces maladies virales, dont le syndrome de « l’homme-arbre ». Cette maladie très handicapante se manifeste par une poussée anarchique de cornes cutanées pour lesquelles une chirurgie n’est pas efficace. Dans le cadre d’une collaboration internationale, des chercheurs de l’Inserm et enseignants-chercheurs d’Université de Paris et médecins de l’AP-HP regroupés à l’Institut Imagine (Inserm/Université de Paris, AP-HP) situé au sein de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP ont mis en évidence pour la première fois une cause génétique de ce syndrome. Ce travail a été mené par Vivien Béziat, sous la supervision des Pr Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel qui dirigent un laboratoire associé entre Paris et l’Université Rockefeller de New York[1]. Il fait l’objet d’une publication le 1er juillet 2021 dans la revue Cell.

Il existe plus de 200 papillomavirus (HPVs). Certains sont à l’origine de lésions cutanées bénignes telles que les verrues vulgaires ou plantaires, d’autres peuvent entraîner des cancers du col de l’utérus. Le laboratoire de Génétique Humaine des Maladies Infectieuses s’est concentré sur les HPVs cutanés, et s’attache depuis plusieurs années à comprendre pourquoi quelques très rares cas développent une forme sévère de ces infections généralement sans gravité.

Une mutation génétique rend plus sensible aux papillomavirus cutanés

Dans une publication dans la revue Cell, l’équipe de Vivien Béziat, chercheur Inserm au sein du laboratoire de Génétique Humaine des Maladies Infectieuses a étudié les caractéristiques génétiques d’un patient iranien atteint du syndrome de l’homme-arbre, et deux membres de sa famille qui présentent une forme sévère d’infection par un HPV cutané avec un nombre important de verrues sur les mains et les pieds, mais sans avoir développé ce syndrome. Un point commun a été retrouvé chez ces trois patients : une mutation du gène CD28. Celui-ci joue en temps normal un rôle majeur dans l’activation des lymphocytes T, cellules de l’immunité qui détruisent les cellules infectées par un virus.

Chez ces patients, la mutation du gène CD28 empêche le système immunitaire de reconnaitre le virus et de déclencher une réponse appropriée. Le virus prolifère alors dans les kératinocytes, les cellules qui constituent l’épiderme de la peau, et provoque une multiplication anarchique de verrues et/ou de cornes cutanées. C’est la première fois qu’une cause génétique du syndrome de « l’homme arbre » est mise au jour.

Le gène CD28, central pour la résistance à certains papillomavirus cutanés, mais pas pour le système immunitaire

Mais en analysant la mutation CD28, c’est une autre découverte qui a été faite par ces chercheurs. Le gène CD28, jusqu’ici considéré comme un pilier dans le fonctionnement du système immunitaire et la réponse des lymphocytes T, ne semble pas avoir un rôle si majeur. En effet, les trois patients étudiés ont été exposés dans leur histoire médicale à plusieurs types de HPVs et à de très nombreux autres pathogènes. Or, ils n’ont développé de réactions sévères qu’au HPV2 pour le patient atteint du syndrome de l’homme-arbre, et au HPV4 pour les deux membres de la famille.

« Ces patients n’ont montré une sensibilité anormalement élevée qu’à certains papillomavirus du genre gamma-HPV et alpha-HPV. Sur la base des travaux menés au cours des trente dernières années, nous pensions au contraire qu’un dysfonctionnement du gène CD28 rendrait les patients sensibles à de nombreux agents infectieux. Or, même si leur réponse immunitaire est affaiblie, les patients se défendent bien contre les autres pathogènes », explique Vivien Béziat, chercheur à l’Inserm et premier auteur de l’étude.

Cette découverte apporte donc à la fois de nouvelles perspectives sur la compréhension de la susceptibilité génétique aux HPVs, et remet en cause les dogmes de réponse immunitaire par les lymphocytes T.

« Aujourd’hui, aucun traitement n’a montré d’efficacité contre le syndrome de « l’homme-arbre ». Une greffe de cellules souches hématopoïétiques afin de remplacer le système immunitaire du patient est envisagée. Ce traitement lourd et coûteux n’est cependant pas facilement accessible aux populations vivant dans des pays moins développés et qui vont évoluer vers des formes très sévères, notamment par manque d’accès aux soins. En faisant progresser la recherche, l’équipe espère pouvoir accélérer l’accès au traitement pour ces patients

 

[1] Le laboratoire de Génétique Humaine des Maladies Infectieuses est dirigé par Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel est situé au sein de l’Institut Imagine à Paris et à l’Université Rockefeller à New York. Jean-Laurent Casanova dirige la génétique et l’immunologie expérimentale dans les deux branches (Paris et New York), tandis que Laurent Abel dirige la génétique et l’épidémiologie mathématique dans les deux branches.

Un nouveau traitement en essai clinique chez un premier enfant achondroplase en France

Nanisme

Radiographie d’un squelette d’une souris atteinte de nanisme. © Inserm/Guénet, François

 

Le 30 mars 2021, un premier enfant français atteint d’achondroplasie a reçu un inhibiteur de tyrosine kinase, l’infigratinib, traitement expérimental en développement par QED Therapeutics, à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, dans le cadre d’un essai clinique international. L’identification du gène responsable de cette maladie, il y a 25 ans, à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, a permis à la directrice de recherche Inserm Laurence Legeai-Mallet et son équipe d’élaborer des modèles d’étude pertinents, de caractériser les voies physiopathologiques, et de breveter l’utilisation de l’Infigratinib pour l’achondroplasie, sur la base des effets prometteurs de la molécule dans les études précliniques. Intéressé par ces résultats, l’investisseur BridgeBio a alors acquis les droits sur le brevet et crée la société QED Therapeutics, dédiée à ce développement, qui, quatre ans plus tard, a débuté le premier essai clinique, en Australie et en France notamment. L’histoire de cette nouvelle indication thérapeutique, bel exemple de recherche translationnelle, démontre la force d’accélération de l’Institut Imagine (AP-HP/Inserm/Université de Paris) dans l’identification et le développement de nouvelles thérapies pour les personnes atteintes de maladies génétiques rares.

 

Étendre l’indication de l’Infigratinib pour traiter les patients atteints d’achondroplasie

L’achondroplasie, forme de nanisme la plus courante, concerne environ une naissance sur 20 000. L’histoire a démarré en 1994, avec la découverte du responsable de cette maladie à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP.

Lorsqu’il est muté, le gène FGFR3 provoque une production excessive de la protéine FGFR3 active, présente dans les chondrocytes (cellules du cartilage) et les ostéoblastes (cellules osseuses). Sa surexpression affecte la croissance osseuse et l’ossification, mécanisme qui transforme les tissus cartilagineux en os.

Depuis cette découverte, le laboratoire de bases moléculaires et physiopathologiques des ostéochondrodyslasies à l’Institut Imagine, labellisé Carnot, n’a cessé d’explorer les mécanismes dérégulés par l’altération de ce gène et de mettre au point des modèles cellulaires et animaux pour tester des molécules et développer de nouvelles options thérapeutiques.

La protéine FGFR3 est l’un des quatre récepteurs de tyrosine kinase de signalisation, qui interagissent avec les protéines qui contrôlent la signalisation des facteurs de croissance des fibroblastes (FGF). Des défauts de cette voie sont impliqués dans des troubles du développement comme le nanisme, les craniosténoses, et dans un large éventail de cancers. L’équipe a donc cherché des molécules inhibitrices de tyrosine kinase capables de contrecarrer l’hyperactivité de la protéine déjà utilisées en cancérologie.

Sur ces bases, en 2016, le Dr Laurence Legeai-Mallet, directrice de recherche à l’Inserm, a publié les résultats de travaux menés depuis 2014 et qui montrent l’action de la molécule NVP-BGJ398 (Infigratinib), alors en développement par Novartis et en essai clinique pour des patients souffrant de cancer de la vessie.

« Cette molécule réduit la phosphorylation de FGFR3, responsable de son hyperactivité, et corrige la croissance anormale dans nos modèles animaux. Nous avons montré qu’une faible dose, injectée par voie sous-cutanée, est capable de pénétrer dans la plaque de croissance de ces modèles et d’en modifier l’organisation », explique Laurence Legeai-Mallet.

La chercheuse brevette alors l’utilisation de cette molécule pour traiter l’achondroplasie.

 

De la recherche au lit du patient

En 2018, inspiré par les découvertes de l’équipe, et convaincu de pouvoir développer rapidement un médicament efficace, l’investisseur américain spécialisé dans les maladies rares BridgeBio achète le brevet de l’Infigratinib à Novartis et le brevet d’utilisation pour l’achondroplasie à Laurence Legeai-Mallet (INSERM). BridgeBio crée la start-up QED Therapeutics, dédiée aux maladies ciblant les récepteurs des facteurs de croissance des fibroblastes (FGFR) et au développement de ce médicament. Laurence Legeai-Mallet, membre de son conseil scientifique, a mené des travaux pour soutenir l’étude d’une faible dose de l’Infigratinib pour l’achondroplasie, et poursuit des travaux de recherche translationnelle sur d’autres modèles.

QED Therapeutics a lancé un essai clinique international en 2020. La première administration de l’Infigratinib à une enfant achondroplase a été effectuée en juillet 2020 à Melbourne en Australie.

Aujourd’hui, l’essai démarre en France avec un premier enfant qui reçoit le traitement expérimental à l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, essai coordonné par des équipes de l’Hôpital et de l’Institut Imagine, et notamment le Dr Kim-Hanh Le Quan Sang, le Dr Geneviève Baujat et le Pr Valérie Cormier-Daire.

« Le développement de ce médicament est un formidable exemple de recherche translationnelle telle que peut la conduire un Institut Hospitalo-Universitaire comme Imagine. Il illustre l’efficacité de notre modèle en boucle, partant du patient, passant par la recherche fondamentale et pré-clinique, l’élaboration de modèles de la maladie (lignées de cellules et modèles animaux), pour, enfin, revenir au patient. Le tout dans à un écosystème qui intègre les partenaires industriels, l’innovation et la valorisation, en vue d’une recherche appliquée, permettant l’accélération de la mise sur le marché d’une découverte scientifique, au bénéfice des enfants et des familles qui lui ont donné naissance », se réjouit le Pr Stanislas Lyonnet, directeur de l’Institut Imagine.

Journée Internationale des Maladies Rares 2021

L’achondroplasie, forme la plus fréquente de nanisme, touche actuellement environ 8 000 personnes en France.

Radiographie d’un squelette d’une souris atteinte de nanisme. © Inserm/Guénet, François

DU RARE AU FRÉQUENT : DE L’IMPORTANCE DE MENER DES RECHERCHES SUR LES MALADIES GÉNÉTIQUES

Comment l’étude des 7000 à 9000 maladies génétiques rares apporte-t-elle des connaissances essentielles au développement de pistes thérapeutiques pour des maladies bien plus fréquentes ? Trois millions de Français sont concernés par les maladies rares, soit une personne sur 20, certaines d’entre elles ne regroupant que quelques dizaines ou centaines de patients. Cependant, en étudiant les maladies génétiques rares et les gènes impliqués, ces connaissances bénéficient non seulement aux malades atteints, mais, la mise en évidence de la fonction de ces gènes peut permettre de décrypter des mécanismes généraux, souvent non encore décrits. Cela permet donc aussi parfois de porter un regard nouveau sur des maladies bien plus fréquentes. Si l’étude de toutes ces maladies rares reste un travail titanesque, il est essentiel de le conduire, non seulement pour ouvrir de nouvelles pistes thérapeutiques pour les patients concernés, mais également pour en imaginer d’autres, pour d’autres pathologies.

« Osciller entre le très courant et le très rare, voire le très exceptionnel, c’est le quotidien des travaux de recherche de l’Institut Imagine. Nos équipes s’investissent sur la drépanocytose, la maladie génétique la plus fréquente dans le monde, tout comme sur des pathologies qui ne concernent que quelques enfants, mais qui peuvent ouvrir des voies de compréhension dans  des maladies communes, lorsque les mécanismes sont liés. Ainsi, les découvertes réalisées sur des pathologies rares peuvent apporter des connaissances ou des pistes thérapeutiques sur des maladies communes. C’est tout l’agilité intellectuelle et opérationnelle d’un Institut hospitalo-universitaire (IHU) mêlant les expertises médicales, scientifiques, voire industrielles », souligne le Professeur Stanislas Lyonnet, directeur de l’Institut Imagine (Inserm/Université de Paris/AP-HP), situé au sein de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP.

Par exemple, très récemment, les travaux des équipes du chercheur Inserm Laurent Abel et de Jean-Laurent Casanova, co-directeurs du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses à Imagine, ont montré que la connaissance de déficits immunitaires exceptionnels, révélés par des infections bactériennes ou virales communes, pouvait permettre de comprendre les formes cliniques les plus sévères observées dans la Covid-19. Ils ont ainsi pu mettre en évidence les mécanismes génétiques ou immunologiques liés à des auto-anticorps responsables de 15 % des formes graves d’infection par le Sars-Cov-2.

La Journée internationale des maladies rares, le 28 février 2021, est l’occasion pour Imagine de revenir sur ces travaux et de mettre à l’honneur des recherches qui illustrent ces liens entre maladies génétiques rares et maladies fréquentes.

 

De l’achondroplasie à l’arthrose et l’ostéoporose

L’achondroplasie, forme la plus fréquente de nanisme, touche actuellement environ 8 000 personnes en France. Elle est due à des anomalies de cartilage de croissance et de la formation osseuse. En 1994, Laurence Legeai-Mallet co-découvre le gène responsable de l’achondroplasie, le gène FGFR3. La production excessive de la protéine FGFR3 altère l’ossification, mécanisme qui transforme les tissus cartilagineux en os. La découverte du gène muté et les travaux qui ont été développés ont permis de mieux comprendre les mécanismes régulant l’homéostasie du cartilage et de la formation osseuse. Ces recherches ont permis de mettre en place plusieurs options thérapeutiques, aujourd’hui cinq essais cliniques sont en cours de développement pour l’achondroplasie. Ces atteintes du cartilage et de l’os dans cette pathologie sont à rapprocher dans certains aspects de deux pathologies adultes fréquentes : l’arthrose, dégradation du cartilage articulaire parfois invalidante et très douloureuse, et l’ostéoporose, qui provoque une grande fragilité des os.

« Il n’existe pas de traitement direct pour ces deux pathologies fréquentes. Or, nos recherches visant à identifier des signatures de gènes et des mécanismes cellulaires et moléculaires, et nos développements de modèles cellulaires et animaux pour l’achondroplasie pourraient apporter des solutions thérapeutiques pour l’arthrose et l’ostéoporose », conclut le Dr Laurence Legeai-Mallet (laboratoire des bases moléculaires et physiopathologiques des ostéochondrodysplasies à l’Institut Imagine).

 

Des déficits immunitaires génétiques aux lymphomes ou maladies auto-immunes

L’équipe de Sylvain Latour étudie les mécanismes de la réponse immunitaire impliqués dans le contrôle de l’infection par le virus Epstein Barr (EBV) qui est le principal virus chez l’homme responsable de plusieurs cancers dont le plus fréquent est le lymphome.

« Grâce à l’étude de deux maladies très rares, nous avons pu proposer des pistes thérapeutiques pour des maladies plus fréquentes, tels des lymphomes ou des maladies auto-immunes », explique le Dr Sylvain Latour, Directeur du laboratoire d’activation lymphocytaire et susceptibilité au virus d’Epstein-Barr.

Dans le premier cas, son équipe a récemment montré que la déficience en enzyme CTPS1 chez l’homme entraîne une forte susceptibilité aux infections virales, en particulier à l’infection par le virus de l’EBV, ce qui met en évidence le rôle crucial de la prolifération et de l’expansion des lymphocytes T activés lors des réponses immunitaires. Sur la base de cette découverte, la société Step-Pharma, spin-off d’Imagine, a été créée pour développer des inhibiteurs de CTPS1 qui pourraient représenter un nouveau traitement des maladies causées par une prolifération excessive et inappropriée des lymphocytes T comme le lymphome T, le rejet de la greffe ou les maladies auto-immunes. Dans le second cas, le gène CD70 a été identifié par l’équipe comme responsable d’une susceptibilité à l’infection au virus d’Epstein-Barr et de l’apparition de lymphomes B lorsqu’il est défectueux chez les enfants. Ce défaut se retrouve aussi dans certains lymphomes B de l’adulte. Les travaux de l’équipe ont montré que l’absence d’expression de la protéine CD70 à la surface des cellules de lymphomes a pour résultat une réponse immunitaire inefficace contre ces cellules. Ces travaux ont permis de proposer une nouvelle thérapie génique visant à ré-initier une réponse immunitaire anti-tumorale pour le traitement de certains lymphomes.

 

De l’importance de mener des recherches sur les maladies génétiques même très rares

L’accent est souvent mis sur le faible nombre de patients concernés par les recherches sur les maladies génétiques mais les exemples ne manquent pas pour montrer que ces connaissances profitent à tous. Les recherches sur des familles touchées par des cancers rares ont ainsi permis d’identifier des gènes de susceptibilité de cancers impliqués dans la réparation de l’ADN ou la division des cellules.

La connaissance fine des éléments déclencheurs dans les cancers ont ouvert de nouvelles pistes thérapeutiques, comme les thérapies ciblées.

Autre exemple, une classe thérapeutique mise au point pour traiter la maladie rare de l’hypophosphatasie est utilisée pour lutter contre l’ostéoporose.

Ces exemples illustrent l’importance de mener des recherches sur les maladies génétiques, dans l’intérêt de tous. La journée internationale des maladies rares, le 28 février, est l’occasion de le rappeler.

 

Mieux connaître les maladies génétiques, deux jours de web-conférences à Imagine

A l’occasion de cette journée internationale, l’Institut Imagine organise, les 27 et 28 février 2021, des séries de web-conférences et invite le public à échanger sur différents thèmes tels que la drépanocytose, les épilepsies rares, les déficits immunitaires, les maladies intestinales inflammatoires, les maladies mitochondriales, les cardiopathies congénitales, les troubles du langage, les maladies génétiques de l’œil, la génétique expliquée aux enfants. Le programme détaillé est disponible à l’adresse suivante : https://www.institutimagine.org/fr/27-et-28-fevrier-2021-un-weekend-dedie-aux-maladies-rares-1017

 

L’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP comporte 31 centres de référence des maladies rares affiliés à l’Institut Imagine (hématologie, Immunologie-infectiologie, neurodéveloppement, néphrologie, développement et cardiologie) sur les 386 que compte l’AP-HP. Ils sont les interlocuteurs des associations de patients, et jouent un rôle capital pour le développement des essais cliniques et la constitution des cohortes, sans lesquelles la recherche ne pourrait se conduire. Ces centres sont intégrés dans des « filières nationales de santé maladies rares, il en existe 23 dont 12 coordonnées par l’AP-HP.

À propos des maladies génétiques

3 millions, c’est le nombre de personnes atteintes de maladies génétiques en France. Il s’agit le plus souvent de maladies rares, et presque systématiquement orphelines, car sans traitement.

On admet que 80% des maladies dites rares sont d’origine génétique. Les maladies rares touchent moins d’une personne sur 2 000. Une anomalie génétique ou une malformation congénitale est à déplorer dans près de 3% des naissances et peut entraîner de nombreux handicaps par la suite.

Une avancée majeure dans la compréhension de la prédisposition du nouveau-né aux méningites à streptocoque du groupe B

 

 

 

Chaque année à travers le monde, des milliers de nourrissons sont affectés par les méningites à streptocoques du groupe B. Souvent mortelle, la maladie peut aussi entraîner de lourdes séquelles chez les bébés qui survivent. Les adultes sont néanmoins épargnés par ce type de méningite. Des chercheurs de l’Inserm, du Collège de France, du CNRS, de l’Institut Pasteur, de l’Université de Paris et de l’AP-HP apportent désormais des éléments de réponse expliquant la prédisposition du nouveau-né à faire des méningites à Streptocoque du groupe B. Ils ont identifié et démontré que les récepteurs d’une protéine bactérienne permettant le franchissement de la barrière hémato-encéphalique[1] étaient surexprimés chez le nouveau-né et absents chez l’adulte. Les résultats de leurs travaux sont publiés dans la revue « Journal of Clinical Investigation ».

Les streptocoques du groupe B sont présents dans le microbiote vaginal de 20 à 30 % des femmes. Pour éviter l’infection du nouveau-né au moment de la naissance, qui pourrait entrainer une septicémie et dans les cas les plus graves, une méningite, de nombreux pays développés, dont la France, ont mis en place un dépistage vaginal quelques semaines avant l’accouchement. Les femmes porteuses de streptocoques du groupe B reçoivent dans ce cas des antibiotiques au moment de l’accouchement.

Cette stratégie a permis de réduire fortement l’incidence des infections à streptocoques du groupe B survenant durant la première semaine de vie mais n’a eu aucun effet sur celles survenant entre 1 semaine et 3 mois de vie.  

Par ailleurs, dans de nombreux pays du monde, aucun dépistage prénatal n’est proposé, et de nombreux bébés décèdent après la naissance d’une méningite à streptocoque du groupe B. Il s’agit donc d’un problème majeur de santé publique.

 

Prédisposition des nourrissons

Pour mieux comprendre la maladie et améliorer la prise en charge des mères et des enfants, la chercheuse Inserm Julie Guignot et son groupe de recherche à l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université de Paris)[2] ont cherché à comprendre ce qui prédispose les nourrissons à cette maladie, alors que les enfants et les adultes ne sont qu’exceptionnellement concernés par ce type de méningite.

Dans de précédents travaux, les scientifiques avaient montré qu’un variant de streptocoque du groupe B était responsable de plus de 80 % des cas de méningites chez le nouveau-né. Ce variant exprime à sa surface des protéines spécifiques qui jouent un rôle essentiel dans le franchissement de la barrière hémato-encéphalique qui sépare le sang du cerveau.

Par des approches complémentaires, les chercheurs ont démontré qu’une des protéines exclusivement exprimées par ce variant reconnaissait de manière spécifique deux récepteurs présents dans les vaisseaux sanguins cérébraux qui constituent l’élément principal de la barrière hémato-encéphalique. Grâce à des prélèvements humains, ils ont démontré que ces récepteurs sont surexprimés chez les nouveau-nés. Ces récepteurs cérébraux ne sont en revanche pas présents chez l’adulte, ce qui explique que le streptocoque du groupe B n’est que très rarement responsable de méningites au-delà de la première année de vie, les bactéries ne pouvant atteindre le cerveau.

Grâce à des modèles animaux de méningite, les chercheurs ont confirmé leurs résultats, montrant que l’expression de ces récepteurs durant la période post-natale contribuait à la susceptibilité du nouveau-né à la méningite due au variant de streptocoque du groupe B.

Pour les chercheurs, ces résultats ouvrent des pistes thérapeutiques intéressantes. « L’idée serait de développer des traitements qui ciblent ces récepteurs au niveau de la barrière hémato-encéphalique. A plus long terme, nous aimerions étudier les facteurs de susceptibilité individuels conduisant au développement de ces infections. Ceci permettrait de réaliser un suivi personnalisé des nourrissons à risque nés de mère colonisée par ce variant », explique Julie Guignot.

 

[1] Barrière physiologique entre le sang et le cerveau qui protège ce dernier des substances toxiques et des micro-organismes pathogènes

[2] Le laboratoire Biologie moléculaire structurale et processus infectieux (CNRS/Institut Pasteur), le Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (CNRS/Collège de France/INSERM), l’Institut pour l’avancée des biosciences (CNRS/INSERM/UGA), entre autres, ont également participé à ces travaux.

Les émulsifiants alimentaires augmentent le pouvoir pathogène de certaines bactéries et le risque d’inflammation intestinale

Certaines bactéries du microbiote intestinal, marquées en rouge, sont capables de pénétrer la couche de mucus normalement stérile et marquée en vert. © Benoit Chassaing

L’alimentation jouerait un rôle dans le déclenchement d’inflammations intestinales pouvant aboutir au développement de certaines pathologies, comme la maladie de Crohn. Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de Université de Paris ont montré que les émulsifiants alimentaires présents dans de nombreux plats transformés pouvaient avoir un impact délétère sur certaines bactéries spécifiques du microbiote intestinal, conduisant à une inflammation chronique. Leurs résultats sont publiés dans Cell Reports.

La prévalence des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ne cesse d’augmenter dans tous les pays du monde. Près de 20 millions de personnes seraient concernées. Caractérisées par l’inflammation de la paroi d’une partie du tube digestif, ces pathologies regroupent notamment la maladie de Crohn et les rectocolites hémorragiques.

Plusieurs facteurs, à la fois génétiques et environnementaux, ont été mis en cause pour expliquer l’inflammation de l’intestin associée à ces maladies. Depuis plusieurs années, le chercheur Inserm Benoît Chassaing et son équipe à l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université de Paris) s’intéressent au rôle de l’alimentation et notamment à l’impact de certains additifs alimentaires comme les émulsifiants.

Largement utilisés par l’industrie agroalimentaire dans de nombreux produits transformés, les émulsifiants[1] ont pour fonction d’en améliorer la texture et d’en prolonger la durée de conservation. Par exemple, des émulsifiants comme la lécithine et les polysorbates permettent de garantir la texture onctueuse des crèmes glacées industrielles et d’éviter qu’elles ne fondent trop rapidement une fois servies.

Dans différents travaux s’appuyant sur des modèles animaux, les scientifiques ont déjà montré que la consommation d’émulsifiants alimentaires altérait négativement le microbiote de manière à favoriser l’inflammation.

Par ailleurs, dans des modèles de souris dont le microbiote était composé d’une faible diversité de bactéries, les chercheurs ont observé que les animaux étaient protégés contre les effets négatifs de certains émulsifiants.

Ils ont donc émis l’hypothèse que les émulsifiants impacteraient seulement certaines bactéries spécifiques, inoffensives dans des conditions « normales », mais ayant un potentiel pathogène. C’est seulement en présence d’agents émulsifiants que ces dernières seraient capables de favoriser le développement d’une inflammation intestinale chronique et de maladies associées.

E. coli comme un modèle

Dans le cadre de leur étude publiée dans Cell Reports, les chercheurs ont cette fois ci travaillé à partir de deux modèles de souris : l’un sans microbiote et l’autre avec un microbiote simple comportant seulement 8 espèces de bactérie. Ils les ont colonisés avec une souche de la bactérie Escherichia coli (les « bactéries AIEC ») associée à la maladie de Crohn.

Les chercheurs se sont intéressés aux effets de deux émulsifiants administrés suite à la colonisation des souris par les bactéries AIEC. Alors que la seule consommation d’agents émulsifiants était inoffensive chez ces animaux en l’absence de ces bactéries, ils ont constaté le développement d’une inflammation intestinale chronique et de dérégulations métaboliques lorsque ces dernières étaient présentes. Ainsi, le « couple » bactéries AIEC / agent émulsifiant était nécessaire et suffisant pour induire une inflammation intestinale chronique.

Des analyses supplémentaires ont révélé que lorsque ces bactéries étaient en contact avec les émulsifiants, elles sur-exprimaient des groupes de gènes qui augmentaient leur virulence et leur propension à induire l’inflammation. « Nous avons ainsi pu identifier un mécanisme par lequel les émulsifiants alimentaires peuvent favoriser l’inflammation intestinale chronique chez les personnes abritant certaines bactéries, telles que les bactéries AIEC, dans leur tractus digestif », souligne Benoît Chassaing qui a coordonné l’étude.

La prochaine étape consiste à lister l’ensemble des bactéries ayant les mêmes effets au contact de ces additifs alimentaires.

A plus long terme, des études pour identifier et stratifier les patients en fonction de la composition de leur microbiote et de leur risque d’inflammation pourraient être mises en place dans le but de faire de la prévention et de mettre en place des recommandations nutritionnelles personnalisées. Les personnes porteuses de microbiotes spécifiques, sensibles aux émulsifiants, pourraient en effet bénéficier de recommandations alimentaires ciblées.

« Et s’il est illusoire de penser que l’on pourra bannir les émulsifiants de notre alimentation, les modèles et les méthodologies que nous avons développés ici vont aussi nous permettre de tester l’action de plusieurs types d’agents émulsifiants sur le microbiote afin identifier ceux qui n’auraient pas d’effets délétères, et ainsi encourager leur usage », conclut Benoît Chassaing.

 

[1] Un émulsifiant est un composé qui a une affinité à la fois avec l’eau et avec l’huile et qui permet aux différentes phases d’un composé de rester mélangées

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