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Ebola : une étude en Guinée révèle la persistance d’une immunité cinq ans après la vaccination

Dans ce travail, les scientifiques ont analysé l’immunité cellulaire chez 230 participants en Guinée. © Aurélie Wiedemann

Des épidémies de maladies à virus Ebola surviennent périodiquement dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. Deux vaccins ont déjà reçu une préqualification[1] de l’OMS contre l’espèce Ebolavirus Zaïre. Néanmoins, les informations concernant la réponse immunitaire à long terme à ces vaccins demeurent encore parcellaires. Il est nécessaire de consolider les connaissances sur le sujet pour continuer à développer les stratégies de vaccination les plus sûres et efficaces possible, chez les adultes comme chez les enfants. Dans une nouvelle étude menée en Guinée, des scientifiques du Vaccine Research Institute (VRI), de l’Inserm et de l’université Paris-Est Créteil (unité 955 Institut Mondor de recherche biomédicale)[2] ont franchi une étape supplémentaire dans cette direction. Ils ont en effet montré que la réponse immunitaire cellulaire induite par trois stratégies vaccinales différentes se maintient jusqu’à cinq ans après la vaccination. Ces résultats, qui viennent conforter les stratégies vaccinales actuelles contre Ebola, sont publiés dans Nature Communications.

Le virus Ebola est responsable de fortes fièvres et d’hémorragies souvent mortelles. De nombreux pays d’Afrique subsaharienne font régulièrement face à des flambées épidémiques. En Afrique de l’Ouest, en 2014, le virus Ebola a ainsi provoqué la plus grande épidémie connue jusqu’à présent. Il a depuis réémergé plusieurs fois en République démocratique du Congo (RDC), mais aussi en Guinée. La vaccination constitue aujourd’hui l’un des outils les plus efficaces pour lutter contre la maladie, et l’un des enjeux majeurs pour la recherche est de continuer à améliorer les connaissances sur la réponse immunitaire induite à long terme par les vaccins actuellement disponibles.

Depuis 2019, deux vaccins ont obtenu une préqualification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) contre la souche Ebolavirus Zaïre : le vaccin rVSVΔG-ZEBOV-GP (Ervebo®), développé par Merck, et la stratégie vaccinale comprenant les vaccins Ad26.ZEBOV (Zabdeno®) et MVA-BN-Filo (Mvabea®) de Janssen.

En 2022, le consortium international PREVAC (voir encadré final), comprenant des équipes de l’Inserm, du NIH (National Institute of Health) et de la London School of Hygiene and Tropical Medicine (LSHTM) a publié une étude dans le New England Journal of Medicine s’intéressant à la sûreté et l’efficacité de trois schémas vaccinaux :

  • le premier schéma vaccinal testé consistait à injecter une dose du vaccin Ad26.ZEBOV suivie 56 jours plus tard d’une dose de MVA-BN-Filo ;
  • le deuxième schéma consistait à injecter une dose de rVSVΔG-ZEBOV-GP ;
  • enfin, le troisième schéma commençait par une dose de rVSVΔG-ZEBOV-GP suivie, 56 jours après, d’un rappel avec ce même vaccin.

Les résultats publiés ont montré une forte réponse anticorps sérique suite à la vaccination 12 mois après l’entrée dans l’étude. Cependant, il était essentiel d’obtenir des informations sur le maintien de la réponse à long terme et notamment sur la réponse cellulaire (voir encadré ci-dessous).

Réponse humorale et réponse cellulaire

Les réponses immunitaires adaptatives se divisent en deux grandes catégories : la réponse humorale, fondée sur la production d’anticorps produits par les lymphocytes B qui reconnaissent et neutralisent le virus avant qu’il n’infecte les cellules, et la réponse cellulaire, où les lymphocytes T CD8+ identifient et détruisent les cellules déjà infectées pour limiter la propagation du virus et où   les lymphocytes T CD4+ jouent un rôle crucial en aidant les lymphocytes B à produire des anticorps, renforçant ainsi l’efficacité de la réponse immunitaire.

Dans cette étude, les scientifiques se sont intéressés spécifiquement à la réponse cellulaire, à court, moyen et long terme (5 ans) chez les participants suite à la vaccination, selon trois schémas vaccinaux différents.

En décembre 2023, le suivi à 5 ans des participants de l’essai clinique PREVAC s’est achevé, les résultats sont en cours d’analyse et permettront d’évaluer l’immunité à long terme induite par les vaccins. Les scientifiques ont analysé l’immunité cellulaire chez 230 participants en Guinée, juste après vaccination, à un an et cinq ans après vaccination.

« Il s’agit de la première étude issue du consortium PREVAC à s’intéresser spécifiquement à la réponse immunitaire cellulaire des participants. Elle vient compléter les connaissances déjà acquises sur la réponse humorale à un an et propose les premiers résultats de suivi à 5 ans », souligne Aurélie Wiedemann, immunologiste au VRI et à l’Institut Mondor de recherche biomédicale (Inserm/Université Paris-Est Créteil) et première autrice de l’étude.

À partir de prélèvements sanguins réalisés à Conakry, les scientifiques ont pu analyser la réponse des lymphocytes T CD4+ et CD8+ à la vaccination. Ils ont montré la présence de cellules T CD4+ anti-Ebola cinq ans après la vaccination, quel que soit le schéma vaccinal. La persistance de ces réponses est importante pour le maintien de la mémoire immunitaire humorale en cas d’exposition au virus Ebola. Les auteurs montrent d’ailleurs, chez un sous-groupe de volontaires, une corrélation entre la réponse cellulaire T CD4+ et la quantité d’anticorps spécifiques à long terme.

Si la réponse T CD4+ est importante pour le maintien d’une réponse anticorps, la présence de cellules T CD8+ cytotoxiques est également cruciale pour une protection antivirale efficace. Une réponse T CD8+ spécifique a été mise en évidence chez les individus vaccinés par deux des trois schémas vaccinaux.

« Ces résultats seront complétés prochainement par les données de la réponse humorale – sur la production d’anticorps – issues de l’ensemble des pays du consortium PREVAC, sur un plus grand nombre de participants. Toutefois, ces résultats sont prometteurs et suggèrent que la vaccination contre le virus Ebola peut induire une immunité durable. Ils ouvrent également la voie à un ajustement des stratégies de vaccination actuelles, en permettant d’évaluer, par exemple, la nécessité d’un rappel vaccinal à long terme », précise Yves Lévy, directeur du VRI et dernier auteur de l’étude.

En 2020, l’équipe avait également publié une étude dans Nature Communications sur l’immunité des personnes ayant survécu à une infection par le virus Ebola, deux ans après leur sortie de l’hôpital. Un des prochains axes de recherche pourrait consister à comparer la réponse immunitaire à long terme de ces survivants avec celle induite par la vaccination, afin d’identifier des corrélats de protection[3] possibles contre l’infection, ceux-ci étant pour l’instant indéterminés.

Ainsi, cette nouvelle étude pourrait contribuer à identifier les réponses vaccinales qui seraient efficaces contre l’infection, à améliorer les stratégies vaccinales actuelles, et à définir des stratégies vaccinales de rappel à long terme pour maintenir la protection des personnes particulièrement à risque comme les travailleurs de santé en Afrique.

À propos de PREVAC

PREVAC (Partnership for Research on Ebola Vaccinations ou Partenariat pour la recherche sur la vaccination contre Ebola ; NCT02876328) est un consortium international qui mène des recherches en Afrique de l’Ouest pour évaluer la sécurité et l’efficacité de la vaccination contre Ebola.

Le projet bénéficie d’un cofinancement de l’Inserm, du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID), de la London School of Hygiene & Tropical Medicine (LSHTM) et du College of Medicine and Allied Health Sciences (Comahs), ainsi que d’un soutien de la Guinée, du Liberia, du Mali et de la Sierra Leone. Le soutien sur le terrain de l’ONG Alima a également été crucial pour favoriser l’adhésion de la population à la recherche et le suivi des volontaires. Les industriels Merck et Janssen ont fourni les vaccins utilisés dans le cadre de l’essai.

Le projet a aussi bénéficié d’un financement supplémentaire pour continuer le suivi des volontaires sur le long terme (projet PREVAC-UP coordonné par l’Inserm) via le programme EDCTP2 (European and Developing Countries Clinical Trials Partnership) soutenu par l’Union européenne.

[1]La préqualification signifie qu’un vaccin satisfait aux normes de qualité, d’innocuité et d’efficacité de l’OMS. Sur la base de cette recommandation, les organismes du système des Nations unies et l’alliance Gavi peuvent acheter le vaccin pour les pays à risque.

[2]Cette analyse a été effectuée en collaboration avec l’équipe SISTM du Bordeaux Population Health Research Center (unité 1219 Inserm/Université de Bordeaux).

[3]Ce sont des marqueurs immunologiques qui sont associés à la protection contre une infection : par exemple le taux d’anticorps post-vaccination contre l’hépatite B est un bon corrélat de la protection. Autrement dit, dans le contexte de la vaccination, ils désignent les paramètres que les scientifiques surveillent pour savoir si le vaccin fonctionne et protège efficacement contre l’infection.

L’hepcidine, hormone du fer dans la peau : nouvelle cible dans le traitement du psoriasis ?

Présence d’hepcidine (visualisée en marron) dans l’épiderme d’un patient souffrant de psoriasis pustuleuxPrésence d’hepcidine (visualisée en marron) dans l’épiderme d’un patient souffrant de psoriasis pustuleux. © Élise Abboud

 Le psoriasis est une maladie inflammatoire chronique caractérisée par une multiplication rapide et excessive des cellules de la peau. Si la recherche progresse et que certains traitements peuvent déjà améliorer le quotidien des patients, cette pathologie demeure toujours incurable. L’équipe menée par Carole Peyssonnaux, directrice de recherche Inserm à l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université Paris Cité) a montré qu’une hormone qui régule le fer dans l’organisme, appelée hepcidine, est produite par la peau des patients et est essentielle pour déclencher le psoriasis. Cette découverte ouvre de nouvelles pistes de traitement. Des médicaments bloquant l’action de l’hepcidine pourraient en effet être une alternative thérapeutique dans le psoriasis. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Communications.

Le psoriasis est une maladie inflammatoire chronique qui s’exprime principalement au niveau de la peau. C’est une maladie fréquente touchant 2 à 3 % de la population mondiale. Malgré de nombreuses options de traitement disponibles pour améliorer la prise en charge des patients, le psoriasis demeure aujourd’hui une pathologie chronique, qui ne peut être définitivement guérie.

Caractérisée par des plaques rouges recouvertes de squames, la maladie se manifeste par une prolifération excessive des cellules de l’épiderme ainsi que par un excès de cellules immunitaires au niveau de la peau, qui s’accompagne d’une réaction inflammatoire locale.

Au cours des dernières décennies, de nombreux progrès ont été faits dans la compréhension de la maladie, comme l’identification de certains facteurs génétiques. Plusieurs études, dont les résultats sont encore peu connus de la communauté scientifique, ont aussi montré qu’il y avait une accumulation de fer dans la peau des patients souffrant de psoriasis. On sait qu’au niveau de l’organisme, la régulation des niveaux de fer est contrôlée par une hormone : l’hepcidine. Celle-ci est principalement synthétisée par le foie, mais peut être produite par d’autres organes ou tissus en conditions pathologiques.

Depuis des années, l’équipe Fer et Immunité de l’Institut Cochin, dirigée par Carole Peyssonnaux, directrice de recherche à l’Inserm, s’intéresse de près à l’hepcidine. Malgré la présence avérée de fer dans l’épiderme des patients atteints de psoriasis, la production par la peau et le rôle potentiel de cette « hormone du fer » dans le psoriasis n’avaient jamais été investigués. Les chercheurs ont donc décidé d’aller étudier cette piste de plus près.

L’équipe[1] a d’abord montré que l’hepcidine était exprimée dans la peau des patients atteints de psoriasis, particulièrement dans les formes sévères comme le psoriasis pustuleux, qui se caractérise par une accumulation d’un type de globules blancs – les neutrophiles – au sein de l’épiderme.

Afin d’étudier plus précisément le rôle de l’hepcidine dans le psoriasis, l’équipe a ensuite développé de nouveaux modèles murins dans lesquels le gène de l’hepcidine était spécifiquement inactivé ou surexprimé dans l’épiderme. Les scientifiques ont alors montré que lorsque le gène de l’hepcidine était activé, certaines caractéristiques du psoriasis étaient induites, notamment les lésions de la peau et le recrutement des neutrophiles dans l’épiderme. À l’inverse, quand le gène était inactivé, les marqueurs du psoriasis disparaissaient.

« L’hepcidine joue un rôle clé dans le développement du psoriasis. À partir de nos résultats, nous montrons que lors du déclenchement du psoriasis, l’hepcidine produite par l’épiderme joue un rôle crucial dans la rétention du fer dans les cellules de la peau. Le fer étant un métal essentiel pour la prolifération cellulaire, cette rétention du fer favorise la division des cellules de l’épiderme de la peau “psoriasique”. D’autre part la rétention de fer médiée par l’hepcidine contribue également au recrutement des neutrophiles, une autre caractéristique des lésions cutanées psoriasiques, notamment pustuleux », précise Carole Peyssonnaux.

La prochaine étape serait d’approfondir ces résultats, dans la perspective de développer des médicaments qui bloqueraient l’action de l’hepcidine et qui pourraient donc être bénéfiques aux patients atteints de psoriasis, notamment chez ceux qui souffrent d’une forme aiguë et résistante. Dans cette optique, l’équipe développe, avec le soutien d’Inserm Transfert[2], de nouveaux médicaments capables de neutraliser l’hepcidine, afin de les tester dans des modèles animaux de psoriasis.

« À l’avenir, si nos résultats s’avéraient concluants, de tels médicaments pourraient être utilisés comme traitement d’entretien après une poussée ou, pendant les phases de rémission, afin de prévenir la récurrence de la maladie. Des études complémentaires permettront de déterminer si l’hepcidine joue également un rôle dans d’autres maladies inflammatoires de la peau », conclut Carole Peyssonnaux.

 

[1]En collaboration avec les équipes de Selim Aractingi (hôpital Cochin) et d’Hervé Bachelez (hôpital Saint-Louis)

[2] Brevet WO2016/146587 / EP3268027B1 et US11203753B2

Lire notre dossier : Psoriasis, des traitements le plus souvent efficaces

Découverte d’un rajeunissement des lymphocytes T CD8+ après 20 ans de traitement de l’infection par le VIH

Macrophages infectés par le VIHMacrophages infectés par le VIH : Les protéines virales sont en vert, les microtubules en rouge et les noyaux en bleu. Taille des noyaux : 5µm © Inserm/Institut Curie, R. Gaudin/P. Bernaroch

L’objectif de l’élimination du VIH chez les personnes vivant avec le virus est d’atteindre une guérison durable et sans traitement. L’une des stratégies pour éradiquer le virus consiste à stimuler les réponses immunitaires, notamment celles médiées par les lymphocytes cytotoxiques CD8+. Une étude soutenue par l’ANRS MIE et menée par des équipes de l’Inserm, de l’université de Bordeaux, du CNRS (ImmunoConcEpT), a examiné l’évolution des lymphocytes T CD8+ après plusieurs décennies de traitement antirétroviral chez des personnes vivant avec le VIH. Contrairement à ce que les scientifiques attendaient, les résultats montrent qu’il y a un renouvellement des cellules T CD8+, suggérant une capacité du système immunitaire à générer de nouvelles réponses. Les résultats de ces travaux viennent de paraître dans la revue Nature Immunology.

Les lymphocytes T CD8+ sont des cellules essentielles au contrôle immunitaire efficace des virus ou des cancers. Dans le cas du VIH, le devenir de ces cellules des décennies après l’induction de la réponse immunitaire initiale contre le virus est néanmoins peu connu. L’équipe de Victor Appay, directeur de recherche à l’Inserm,[1] s’est donc interrogée sur l’état des lymphocytes CD8+ après des années d’infection contrôlée par les traitements antirétroviraux.

Cette étude a été réalisée à partir d’une cohorte unique de personnes vivant avec le VIH-1 (PVVIH), qui avaient toutes fait don d’échantillons historiques remontant au début de l’épidémie au début des années 1990 (cohorte IMMUNOCO, mise en place à l’hôpital de la Salpêtrière, AP-HP et financée par l’ANRS MIE). Le suivi clinique moyen des patients était de 27 ans et se distingue donc par sa durée exceptionnelle. De plus, le vieillissement des patients, dont l’âge a augmenté au cours de ce suivi à long terme, représente une variable supplémentaire à considérer, du fait de l’affaiblissement des défenses immunitaires avec l’âge. Au total, sur les 152 patients de la cohorte, 28 patients ont pu être retrouvés pour cette nouvelle étude et des échantillons ont été prélevés chez 20 d’entre eux.

De façon surprenante, et à l’inverse de ce qui était attendu, les résultats montrent que, chez les 11 patients où des cellules T CD8+ spécifiques au VIH ont été détectées, ces cellules présentaient des caractéristiques de rajeunissement. Ce phénomène est dû à l’émergence de nouvelles cellules, plus jeunes et fonctionnelles, au sein du compartiment des lymphocytes T CD8+ spécifique du VIH. Ces nouvelles cellules prennent le pas sur les anciennes dans le cadre d’une reconstitution immunitaire obtenue grâce au traitement antirétroviral à long terme. On parle de « processus de succession clonale » au sein des populations de lymphocytes T CD8+ spécifiques du VIH-1, qui s’en voient ainsi rajeunies. Cela démontre la capacité de résilience du système immunitaire à générer de nouvelles réponses.

Ces découvertes représentent une contribution fondamentale à la connaissance de l’immunité des cellules T spécifiques du virus, 40 ans après la découverte initiale du VIH-1. La prochaine étape consiste à étudier in vitro, puis dans des modèles pré-cliniques et cliniques, comment obtenir des réponses efficaces en stimulant ces nouvelles cellules T CD8+ au potentiel fonctionnel renouvelé.

La pertinence de ces travaux s’étend également au-delà du VIH-1. En effet, la découverte selon laquelle l’épuisement et la sénescence des lymphocytes T peuvent être contournés naturellement pour générer une immunité fonctionnelle met en exergue la capacité de résilience du système immunitaire après des décennies de vie, même dans des circonstances extrêmes. Ce projet de recherche pourrait transformer les approches thérapeutiques actuelles contre le VIH et d’autres maladies comme le SARS-CoV-2 et le cancer, particulièrement chez les populations âgées.

« Ces résultats offrent un nouvel espoir pour le développement de stratégies de guérison du VIH-1 basées sur la réinduction de réponses fonctionnelles des lymphocytes T CD8+ après de longs traitements ». Victor Appay, Université de Bordeaux

[1] Victor Appay est co-responsable de l’équipe « Vulnérabilité et vieillissement du système immunitaire », Inserm U1303 au sein de l’unité ImmunoConcept.

Le déploiement rapide de la vaccination antivariolique permet de réduire le risque de mpox

VaccinationVaccination © Inserm/Depardieu, Michel

L’essai ANRS DOXYVAC, promu et financé par l’ANRS Maladies infectieuses émergentes, et mené par des équipes de recherche de l’Inserm, de l’AP-HP, de l’Université Paris Cité et de Sorbonne Université, montre que le déploiement rapide d’une vaccination antivariolique par le MVA-BN (Modified vaccine Ankara) parmi les hommes non infectés par le VIH, ayant des rapports sexuels avec des hommes, permet de fortement réduire le risque de mpox, avec une réduction de l’incidence estimée à 99 %. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication dans la revue The Lancet Regional Health-Europe du 31 juillet 2024.

En mai 2022, des cas de mpox, anciennement appelé « variole du singe » ou “monkeypox“, ont été signalés dans plus de 100 pays où la maladie n’était pas endémique. En France, le premier cas a été reporté le 19 mai, avec une augmentation rapide des infections chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH).

L’essai ANRS DOXYVAC, débuté en 2021, visait à améliorer la protection contre les infections sexuellement transmissibles (IST) chez les hommes non infectés par le VIH ayant des rapports sexuels avec des hommes.* Aussi, lorsqu’au cours de cette étude il est apparu que des cas de mpox pouvaient survenir dans la population de l’essai, une vaccination antivariolique a été réalisée, répondant ainsi aux recommandations du 11 juillet 2022 de la Haute Autorité de santé (HAS) de procéder à une vaccination préventive chez les HSH, ayant des partenaires sexuels multiples.

À ce jour, il n’y a pas de vaccin spécifique contre mpox. Toutefois, le virus est très apparenté à celui de la variole humaine, et on a montré que le vaccin antivariolique avait une efficacité de protection de plus de 95 % contre la mpox. Le vaccin utilisé dans l’essai, Imvanex® (MVA-BN : Modified vaccine Ankara) du laboratoire Bavarian Nordic, est un vaccin de troisième génération. Ce type de vaccin est produit à partir du virus de la variole présentant les mêmes antigènes que la variole historique. Plus précisément, il contient une forme hautement atténuée du virus de la vaccine appelée « virus modifié de la vaccine Ankara », un virus qui ne provoque pas de maladie chez l’homme et ne peut pas se reproduire dans les cellules des sujets vaccinés. Ce vaccin ne peut donc pas provoquer d’infections locales ou généralisées, en particulier chez les personnes immunodéprimées (comme les personnes infectées par le VIH, par exemple).

Le but de l’étude élargie à la prévention contre mpox était d’évaluer l’incidence de l’infection à mpox chez les participants avant (9 mai-10 juillet 2022) et après le lancement de la campagne de vaccination MVA-BN (à partir du 11 juillet 2022), et d’étudier les effets respectifs de la vaccination et des comportements sexuels adoptés pendant la période épidémique sur l’évolution de l’incidence.

Parmi les 472 participants inclus dans l’analyse, 20 % avaient été vaccinés contre la variole durant leur enfance. Le taux d’incidence** de mpox chez les participants de l’essai, qui étaient tous sous prophylaxie pré-exposition (PrEP) contre le VIH et qui avaient tous des antécédents d’IST bactériennes, était élevé (49,3 pour 1 000 participants-mois entre le 9 mai et le 20 septembre 2022).

La mise en place de la vaccination a été rapide : 86 % (341/398) des participants admissibles avaient reçu au moins une dose de vaccin MVA-BN au 20 septembre 2022. Les personnes ont également été particulièrement sensibles aux messages de prévention et aux recommandations, notamment celles qui, avec plus de dix partenaires sexuels au cours des trois derniers mois, sont les plus à risque.

Leurs comportements sexuels ont ainsi significativement changé avant et après le 9 mai conduisant à une diminution de la proportion de personnes ayant plus de 10 partenaires dans les 3 derniers mois (45 % contre 38 %). Une diminution significative du taux d’incidence de mpox a pu être constatée entre la période précédant la vaccination (67,4 pour 1 000-mois entre le 9 mai et le 10 juillet 2022) et celle suivant le lancement de campagne de vaccination (24,4 pour 1 000-mois entre le 11 juillet et le 20 septembre 2022).

Cet essai a démontré que la mise en place rapide d’une vaccination antivariolique par le MVA-BN chez les HSH sous PreP permet de fortement réduire le risque de mpox, avec une réduction de l’incidence estimée à 99 % entre les deux périodes.

La diminution des comportements sexuels à risque chez les personnes les plus exposées a également probablement contribué à la réduction de l’incidence, mais dans une moindre mesure par rapport au programme de vaccination.

Cette étude souligne que l’identification et la priorisation des populations à risque, la délivrance de messages de prévention ciblés et de campagne de sensibilisation, la disponibilité d’un vaccin antivariolique et surtout le déploiement rapide de la vaccination chez les personnes à risque devraient permettre aux autorités de santé de contrôler à l’avenir une épidémie de mpox comme celle survenue en 2022.

* DOXYVAC a montré l’efficacité de la doxycycline en post-exposition pour réduire la survenue des infections à chlamydia, de la syphilis et à un moindre degré des infections à gonocoques.

** L’incidence est le nombre de cas apparus pendant une année au sein d’une population (à ne pas confondre avec la prévalence, qui désigne la proportion de personnes malades à un moment donné). Le taux d’incidence correspond au nombre d’individus ayant contracté une maladie pour 1 000 personnes exposées au risque de cette maladie (dans l’essai DOXYVAC, il est calculé pour un mois) (https://www.ined.fr/fr/lexique/incidence-d-une-maladie/).

Toxoplasmose : identification d’un mécanisme assurant la surveillance immunitaire de l’infection dans le cerveau

Marquage de lymphocytes T cytotoxiques (CD8 en rouge et le marqueur de "résidence" CD103 en vert) logés dans le plexus choroïde d’un cerveau infectée par le parasite Toxoplasma gondii.Marquage de lymphocytes T cytotoxiques (CD8 en rouge et le marqueur de “résidence” CD103 en vert) logés dans le plexus choroïde d’un cerveau infectée par le parasite Toxoplasma gondii. © Amel Aïda

La toxoplasmose est une infection due à un parasite appelé Toxoplasma gondii (T. gondii). Chez plus d’un tiers de la population humaine, ce parasite établit une infection cérébrale chronique qui peut avoir de graves conséquences chez les personnes dont l’immunité est fragilisée. Mieux comprendre les mécanismes immunitaires qui permettent de contrôler cette infection est essentiel pour espérer développer de nouvelles stratégies thérapeutiques car à ce jour, aucun traitement ne permet d’éliminer la forme persistante du parasite. L’étude, menée par le chercheur Inserm Nicolas Blanchard et son équipe à l’Institut Toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires (Infinity, Université Toulouse III Paul Sabatier, CNRS, Inserm), a permis de montrer qu’une catégorie de cellules immunitaires, les lymphocytes T « résidents » CD8+, jouent un rôle clé pour détecter et neutraliser le parasite de la toxoplasmose dans le cerveau. Ces résultats publiés dans la revue PNAS, permettent d’envisager de nouvelles pistes de traitements pour éliminer les formes persistantes de la toxoplasmose.

La toxoplasmose est une infection parasitaire très répandue chez l’humain. Une personne sur trois, voire une sur deux dans certains pays, a été exposée à ce parasite au cours de sa vie. Le parasite se transmet par contact direct avec les excréments d’un félin porteur du parasite T. gondii, ou en consommant des aliments contaminés (viande mal cuite, fruits et légumes crus).

Les conséquences de cette infection varient en fonction des individus. Chez les personnes en bonne santé, les conséquences de cette infection sont le plus souvent sans gravité : l’infection peut provoquer de la fièvre et une fatigue, mais les symptômes passent souvent inaperçus. En revanche, le parasite n’est pas éliminé de l’organisme. Il peut persister durablement sous une forme dite ‘latente’ dans les muscles, la rétine et le cerveau. Un nombre croissant de données suggèrent que cette infection cérébrale chronique est associée à des changements comportementaux, voire à une accélération de phénomènes neurodégénératifs. En outre, chez une personne dont l’immunité est plus fragile, comme une personne atteinte du SIDA ou utilisant certains traitements immunosuppresseurs (par exemple en cas de greffe), les conséquences peuvent être sévères car le parasite peut se réactiver dans le cerveau et causer une inflammation cérébrale potentiellement mortelle (appelée toxoplasmose cérébrale ou neurotoxoplasmose).

A ce jour, il n’existe pas de traitement pour éliminer la forme persistante et supprimer définitivement le parasite. Mieux comprendre les mécanismes immunitaires qui permettent le contrôle du parasite, notamment dans le cerveau, pourrait suggérer de nouvelles stratégies thérapeutiques visant à stimuler l’immunité naturelle vis-à-vis du parasite afin de mieux le contenir, voire de l’éliminer.

L’équipe de recherche avait déjà montré que des cellules immunitaires particulières, appelés lymphocytes T CD8+ ou lymphocytes T « tueurs », jouent un rôle clé dans le contrôle du parasite dans le cerveau. Cependant, il s’agit d’une population cellulaire très hétérogène. Pour le chercheur Inserm Nicolas Blanchard et son équipe, il était crucial d’identifier quel sous-type de lymphocyte T CD8+ est impliqué, pour élucider les mécanismes de surveillance immunitaire du parasite dans le cerveau.

En 2009, un sous-type de lymphocytes T CD8+ particulier appelé « résident » a été découvert.  Ces lymphocytes T résidents ont la particularité de ne pas patrouiller dans l’organisme mais de rester stationnaires dans les tissus, notamment dans le cerveau. Le rôle des sous-populations de lymphocytes T CD8+ résidents du cerveau dans la neutralisation et l’élimination du parasite n’avait jamais été étudié.

Pour étudier ce rôle, les chercheurs se sont appuyés sur un modèle animal mimant l’infection latente à T. gondii retrouvée chez l’être humain. Grâce à l’élimination sélective des sous-populations circulantes ou des sous-populations résidentes, l’équipe a montré que le contrôle du parasite dans le cerveau est assuré par des lymphocytes T CD8+ résidents, par opposition aux autres lymphocytes qui patrouillent dans les tissus et les organes lymphoïdes.

Les chercheurs ont aussi montré que les lymphocytes T CD8+ résidents se forment grâce à des signaux envoyés par d’autres cellules immunitaires, les lymphocytes T CD4+.

« Ce résultat nous a interpelé car il permet de mieux comprendre pourquoi les personnes porteuses du VIH sont potentiellement plus vulnérables à la toxoplasmose cérébrale. En effet, le VIH est connu pour réduire le nombre de lymphocytes T CD4+, ce qui pourrait avoir un impact en cascade négatif sur la formation des lymphocytes T CD8+ résidents du cerveau, et donc altérer l’immunité face au parasite de la toxoplasmose. », explique Nicolas Blanchard.

Forts de ces résultats, les scientifiques vont maintenant pouvoir réfléchir à des stratégies pour tenter d’améliorer la capacité des lymphocytes résidents à lutter contre l’infection cérébrale.

« Maintenant que l’on comprend mieux les mécanismes de surveillance du parasite de la toxoplasmose dans le cerveau, nous menons d’autres travaux pour comprendre les mécanismes mis en place par le parasite pour échapper au contrôle des lymphocytes T CD8+ et comment on peut tenter de neutraliser ces mécanismes », conclut Nicolas Blanchard.

 

DisCoVeRy : Le remdesivir n’expose pas les patients hospitalisés atteints de Covid-19 à un sur-risque d’effets cardiaques

cœur

Cœur humain © Fotalia

La place de l’agent antiviral remdesivir dans la prise en charge des patients hospitalisés pour la Covid-19 a évolué au fil du temps avec l’accumulation de nouvelles données. De nombreux cas d’évènements cardiaques indésirables, en particulier des bradycardies, ont été rapportés au niveau individuel et dans des études observationnelles sans groupe comparateur. Dans ce contexte, et dans le cadre de la réponse européenne, le département de vigilance recherche clinique de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes, avec le soutien des équipes de recherche de diverses institutions, dont l’Inserm,* les Hospices civils de Lyon, l’AP-HP et l’Université libre de Bruxelles (ULB), vient de réaliser une analyse post-hoc** de l’étude de phase III DisCoVeRy. Cette analyse a permis d’évaluer la survenue d’évènements indésirables cardiaques chez des patients hospitalisés atteints de la forme modérée à sévère de la Covid-19 et recevant le standard de soins habituel seul ou associé au remdesivir. Aucune augmentation du risque d’évènements cardiaques indésirables lié au remdesivir n’a été mise en évidence par rapport au groupe comparateur. Les résultats ont été publiés dans le numéro de mars 2024 de Clinical Infectious Diseases, accompagnés d’un éditorial de la revue (1,2).

Au début de la pandémie, il était urgent de trouver des options thérapeutiques pour traiter les patients atteints d’une forme modérée ou sévère de Covid-19, c’est-à-dire les patients hospitalisés présentant des symptômes respiratoires et requérant de l’oxygène. L’antiviral remdesivir a été l’une des premières options de traitement envisagées dans le contexte de développement rapide de stratégies thérapeutiques.

L’essai clinique DisCoVeRy, initialement lancé en mars 2020 par l’Inserm-PRC* en France, et ayant bénéficié par la suite d’une expansion européenne grâce au projet EU-Response (3) financé par la Commission européenne, avait pour but d’évaluer plusieurs traitements possibles contre la Covid-19. Au cours de cette étude, le remdesivir, comme les autres antiviraux testés (lopinavir/ritonavir, hydroxychloroquine, interféron…), n’a montré aucun bénéfice clinique chez les patients adultes hospitalisés et placés sous oxygène par rapport à ceux recevant des soins standard seuls (4).

Par la suite, des études sur une autre population à risque de développer un Covid sévère (population non hospitalisée et non oxygéno-dépendante – Pinetree (5)) et une méta-analyse (Prospero (6)) ont démontré une efficacité du remdesivir s’il était administré suffisamment tôt avant apparition d’un Covid sévère.

Comme pour tout médicament nouvellement autorisé, la surveillance post-autorisation de mise sur le marché a fait l’objet de nombreuses études. Plusieurs cas cliniques et études observationnelles ont alerté sur la survenue de troubles cardiaques, en particulier de bradycardies sinusales (arythmie correspondant à un rythme anormalement lent du cœur) légères à modérées, observées au début du traitement. En conséquence, le comité d’évaluation des risques de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a analysé ce signal de sécurité pour la bradycardie sinusale, concluant en juin 2021 qu’une relation de cause à effet était au moins une « possibilité raisonnable » avec une fréquence indéterminée.

C’est dans ce contexte, qu’une analyse post-hoc des données de DisCoVeRy a été entreprise. Dans cette étude, les participants avaient été répartis dans des groupes « homogènes », c’est-à-dire qu’à leur inclusion ils n’étaient pas significativement différents les uns des autres pour un certain nombre de caractéristiques essentielles, comme les comorbidités.

Les résultats de l’analyse ont montré que, par rapport au groupe comparateur, le traitement antiviral n’était pas associé à un risque accru d’effets indésirables cardiaques, y compris d’arythmies, quel que soit le degré de gravité considéré. Des évènements cardiaques indésirables ont été signalés chez 46 des 410 patients ayant reçu le remdesivir et chez 48 des 423 patients du groupe comparateur. La différence entre les deux groupes n’était pas significative. La survenue d’arythmie, qui était le plus fréquent des troubles cardiaques dans les deux groupes, était associée dans la majorité des cas à une issue favorable, sans que l’on ait recours à l’arrêt du remdesivir. Ces résultats rendent compte des complications cardiovasculaires, déjà bien documentées, qui sont associées à la maladie elle-même. Ils soulignent également le rôle d’autres facteurs de risque comme les comorbidités préexistantes et l’exposition dans les deux groupes à de nombreux médicaments pouvant provoquer des troubles cardiaques, en particulier en réanimation.

« L’étude de tout traitement thérapeutique contre le Covid-19 doit être évaluée, lorsqu’il s’agit de son profil de risque dans la population infectée par le Covid-19, en tenant compte du risque cardio-vasculaire associé au Covid-19 et des comorbidités préexistantes des patients, en incluant toujours un essai contrôlé randomisé. » Robert L Gottlieb (Center for Advanced Heart and Lung Disease, Baylor University Medical Center, Dallas, Texas) et Andre C Kalil (Division of Infectious Diseases, Department of Internal Medicine, University of Nebraska Medical Center, Omaha, Nebraska) 

Les résultats de DisCoVeRy, basés sur une étude avec un groupe comparateur et randomisé, complètent les données existantes de sécurité d’utilisation du remdesivir chez les patients hospitalisés atteints de Covid-19. Ils sont cohérents avec ceux des méta-analyses et autres essais contrôlés randomisés publiés à ce jour. D’autres travaux, notamment des méta-analyses avec un échantillon plus important permettant des analyses en sous-population, devraient voir le jour prochainement.

* Pôle recherche clinique de l’Inserm (Inserm-PRC)

** Analyse de données expérimentales après coup

Impact de la vaccination sur l’induction de l’immunité mucosale avec des vaccins à ARNm contre l’épidémie de Covid-19

vaccin anti covidLa capacité des vaccins à ARNm intramusculaires contre le SARS-CoV-2 à induire une réponse anticorps au niveau des muqueuses reste encore débattue. © Adobe Stock

Les équipes du département d’immunologie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP, de l’Inserm et de Sorbonne Université, coordonnées par le Pr Guy Gorochov, ont mené une étude sur la capacité des vaccins ARNm Covid-19 à induire une réponse immunitaire des muqueuses. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication parue le 23 avril 2024 dans la revue JAMA Network Open

La capacité des vaccins à ARNm intramusculaires contre le SARS-CoV-2 à induire une réponse anticorps au niveau des muqueuses reste encore débattue.

Cette étude réalisée à partir des essais COVICOMPARE-M et COVICOMPARE-P consiste à comparer la réponse humorale de personnes vaccinées contre le Covid-19 par des vaccins à ARNm. Concrètement, il s’agit d’analyser, au niveau salivaire, la réponse des anticorps à la vaccination des sujets naïfs (non infectés par le SARS-CoV-2 avant ou entre les phases de vaccination), à celle des sujets ayant été infectés avant la vaccination (pré-infectés).

Au total, 427 participants ont été inclus dans cette étude, parmi lesquels 120 pré-infectés. Entre février et juillet 2021, les participants naïfs ont reçu deux doses du vaccin Moderna ou Pfizer-BioNTech. Les participants pré-infectés, quant à eux, n’ont reçu qu’une dose du vaccin Pfizer. Les échantillons ont été recueillis avant la première dose (J1), puis avant la deuxième (J29), ensuite à J57 et à J180.

Les anticorps IgA1 salivaires spécifiques du SARS-CoV-2 sont détectés de manière plus importante chez les sujets pré-infectés que chez les sujets naïfs. Toutefois, après vaccination, une augmentation de faible intensité du taux d’IgA est constatée chez les participants non pré-infectés ayant reçu le vaccin Moderna.  En comparaison, les anticorps IgG spécifiques du SARS-CoV-2 sont largement détectés dans la salive après vaccination aussi bien chez les sujets naïfs, que chez les pré-infectés. Dans les deux cas, les taux d’anticorps IgA et IgG mesurés au niveau salivaire sont fortement corrélés aux taux sériques, indiquant une vraisemblable diffusion du sang vers la salive.

Les résultats de cette étude montrent que la vaccination ARNm est associée à une très faible immunité spécifique des muqueuses, mais à des niveaux beaucoup plus faibles chez les participants naïfs. D’autres études sont nécessaires pour déterminer l’association entre les taux d’IgA salivaires spécifiques et la prévention de l’infection ou de la transmission du SARS-CoV-2.

 

Les essais COVICOMPARE-P et COVICOMPARE-M ont été labellisés Priorité Nationale de Recherche par le Comité ad-hoc de pilotage national des essais thérapeutiques et autres recherches sur l’épidémie de Covid-19 (CAPNET). Cette étude a été conduite par le réseau F-CRIN I-REIVAC, réseau d’excellence dédié à l’investigation clinique en vaccinologie, avec le soutien scientifique et financier de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes, du ministère de la Santé et de la Prévention et du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.

  1. Les anticorps IgA sont principalement retrouvés dans les sécrétions (salive, larmes, sécrétions digestives et pulmonaires). On les trouve également dans le sang en quantités beaucoup plus faibles que celles des anticorps IgG. Il existe une forme particulière d’IgA, l’IgA sécrétoire, qui n’est retrouvée que dans les sécrétions ou elle joue un rôle antiviral particulièrement efficace.

Allergies respiratoires : découverte d’une molécule au rôle majeur dans le déclenchement de l’inflammation

AllergiesVisualisation en microscopie de cellules immunitaires (en vert) activées par les alarmines TL1A et interleukine-33 lors du déclenchement de l’inflammation allergique au niveau des poumons. Les cellules immunitaires « ILC2s » produisent de grandes quantités d’interleukine-9, un médiateur clé de l’inflammation allergique. Elles sont localisées à proximité des fibres de collagène (en bleu) et des vaisseaux sanguins du poumon (en rouge). © Jean-Philippe GIRARD – IPBS (CNRS/UT3 Paul Sabatier).

  • L’inflammation est un processus au rôle majeur dans les maladies allergiques, qui touchent en France au moins 17 millions de personnes, dont 4 millions d’asthmatiques.
  • Une des molécules qui initie ce processus dans les voies respiratoires vient d’être identifiée.
  • Cette molécule, de la famille des alarmines, constitue une cible thérapeutique d’intérêt majeur pour le développement de nouveaux traitements des allergies respiratoires.

L’une des molécules responsables du déclenchement de l’inflammation à l’origine des maladies allergiques respiratoires telles que l’asthme et la rhinite allergique vient d’être découverte par des scientifiques du CNRS, de l’Inserm et de l’université Toulouse III – Paul Sabatier. Cette molécule de la famille des alarmines représente une cible thérapeutique d’intérêt majeur pour le traitement des maladies allergiques. Cette étude, co-dirigée par Corinne Cayrol et Jean-Philippe Girard, est publiée dans la revue Journal of Experimental Medicine le 10 avril1.

Le processus d’inflammation joue un rôle crucial dans les maladies allergiques respiratoires, telles que l’asthme et la rhinite allergique. Si l’épithélium pulmonaire, ce tapis de cellules qui constitue la surface interne des poumons, est reconnu comme un acteur majeur de l’inflammation respiratoire à l’origine de ces maladies, les mécanismes sous-jacents sont encore mal connus.

Une équipe de recherche vient d’identifier l’une des molécules responsables du déclenchement de la réaction allergique, dans une étude co-dirigée par deux scientifiques du CNRS et de l’Inserm travaillant à l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier). Cette molécule de la famille des alarmines, nommée TL1A, est émise par les cellules de l’épithélium pulmonaire quelques minutes après une exposition à un allergène de type moisissure. Elle coopère avec une autre alarmine, l’interleukine-33, pour alerter le système immunitaire de la présence d’un allergène. Ce double signal d’alarme stimulera l’activité de cellules immunitaires, qui déclencheront ensuite une cascade de réactions en chaîne responsables de l’inflammation allergique.

Les alarmines constituent donc des cibles thérapeutiques d’intérêt majeur pour le traitement des maladies allergiques respiratoires. Dans quelques années, des traitements à base d’anticorps bloquant l’alarmine TL1A pourraient bénéficier aux patients souffrant d’asthme sévère ou d’autres maladies allergiques. En France, au moins 17 millions de personnes sont concernées par les maladies allergiques2. Les formes d’asthme les plus graves sont responsables de plusieurs centaines de décès tous les ans3.

 

  1. Cette étude a bénéficié du soutien de l’ANR
  2. D’après le Ministère du travail, de la santé et des solidarités : https://sante.gouv.fr/sante-et-environnement/air-exterieur/pollens-et-allergies/article/effets-des-pollens-sur-la-sante; 13/04/2023
  3. D’après Santé Publique France : https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-liees-au-travail/asthme; 25/10/2023

Utilisation des immunomodulateurs chez les patients immunodéprimés atteints de pneumonie suite à un Covid-19

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 © Philippe Roingeard, Anne Bull-Maurer, Sonia Georgeault, unité Inserm U1259 MAVIVH & Université de Tours, France.

Des équipes du département d’hématologie de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, du centre d’épidémiologie clinique de l’hôpital Hôtel-Dieu AP-HP, du département de rhumatologie de l’hôpital Bicêtre AP-HP, de l’Inserm, d’Université Paris Cité, de l’Institut Imagine, et de l’Université Paris-Saclay, coordonnées par les Prs Olivier Hermine, Raphaël Porcher et Xavier Mariette, ont étudié l’utilisation des immunomodulateurs chez les patients immunodéprimés atteints de pneumonie suite à un Covid-19 sévère ou critique.  Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication parue le 9 février 2024 dans la revue Lancet eClinical Medicine.

Au cours de la pandémie de Covid-19, les études du groupe CORIMUNO ont contribué à démontrer que les immunomodulateurs1, comme le tocilizumab, permettent de réduire la mortalité, le taux de ventilation assistée et la durée d’hospitalisation chez les patients atteints de Covid-19 sévère nécessitant une oxygénothérapie.

Cependant, la question de l’efficacité et de la sécurité de ces immunomodulateurs pour les patients préalablement immunodéprimés a été largement débattue par la communauté scientifique et médicale, notamment en raison du risque d’augmentation des surinfections.

Cette étude a été établie sur la base de onze essais contrôlés randomisés, incluant 397 patients immunodéprimés et hospitalisés en raison d’un Covid-19 sévère ou critique et traités par immunomodulateurs. La mortalité chez les patients randomisés immunodéprimés ayant reçu des immunomodulateurs était de 16,5 % contre 19,1 % chez les patients randomisés pour recevoir le traitement standard.

Cette méta-analyse suggère que chez les patients immunodéprimés, les immunomodulateurs utilisés n’ont pas d’effets délétères. En revanche, en raison d’une puissance insuffisante, elle ne permet pas de conclure statistiquement que le tocilizumab a un effet bénéfique sur la survie dans cette population d’immunodéprimés, comme dans la population générale, bien que les effets observés sur la survie soient numériquement proches. Une étude avec un effectif plus important serait nécessaire.

Ces résultats peuvent appuyer les recommandations qui consistent à utiliser les immunomodulateurs pour les patients immunodéprimés de manière similaire à la population générale.

 

1 Les immunomodulateurs sont destinés à réguler l’activité du système immunitaire

Le groupe CORIMUNO a été créé par l’AP-HP en mars 2020 pour réaliser des études contrôlées de différents immunomodulateurs chez les patients atteints de pneumonie Covid-19 sévère ou critique. Plus de 700 professionnels ont participé à CORIMUNO dans plusieurs centres français.

Une nouvelle stratégie de prévention de la transmission du VIH pourrait protéger les nourrissons

Kit de test utilisé pour détecter rapidement les anticorps anti-VIH dans le sang humain. Kit de test utilisé pour détecter rapidement les anticorps anti-VIH dans le sang humain. © NIAID

La mise en œuvre généralisée du dépistage universel du VIH pendant la grossesse et de la thérapie antirétrovirale maternelle immédiate au cours de la dernière décennie a permis de réduire de manière significative les nouvelles infections pédiatriques par le VIH, sans toutefois les éliminer. Les infections pédiatriques au VIH restent à un niveau très élevé : l’ONUSIDA estiment à 130 000 le nombre de nouveaux cas en 2022, dont la plupart surviennent pendant l’allaitement. Pour améliorer la prévention de la transmission postnatale du VIH, le consortium PROMISE, composé de chercheurs du Centre hospitalier universitaire de Lusaka (Zambie), du Centre Muraz (Burkina Faso), de l’Université de Bergen (Norvège), de l’Inserm / Université de Montpellier (France), a évalué une stratégie innovante combinant des outils existants, notamment le dépistage chez le nourrisson et le contrôle de la charge virale maternelle à l’aide de tests sur le lieu de soins, et une prophylaxie post-natale prolongée. Les résultats de cette étude, financée par le European & Developing Countries Clinical Trials Partnership (EDCTP) et promue par l’ANRS MIE, ont été publiés dans le Lancet le 11 mars 2024.

Pendant la période postnatale, une proportion importante de mères vivant avec le VIH ne sont pas traitées efficacement par une trithérapie antirétrovirale (c’est-à-dire que leur charge virale est ≥ 1000 copies/mL, en raison d’une résistance ou d’une mauvaise observance au traitement). À l’époque où les antirétroviraux n’étaient prescrits qu’à partir d’un certain stade de l’infection VIH, le consortium PROMISE avait montré en 2016 qu’une prophylaxie postnatale pour les nourrissons, grâce au médicament appelé névirapine ou lamivudine, est efficace pour prévenir la transmission lorsque les mères n’étaient pas sous traitement antirétroviral[1]. Alors que le traitement antirétroviral maternel universel est aujourd’hui disponible, la valeur ajoutée de cette prophylaxie pour réduire la transmission postnatale, n’est pas connue. La prophylaxie infantile est actuellement donnée jusqu’à 6 à 12 semaines après la naissance, pour couvrir le risque périnatal. Étant donné que le risque de transmission persiste en fait tout au long de la période d’allaitement, il pourrait être important d’étendre la prophylaxie au-delà des 6 à 12 semaines actuelles, avec un maximum de 24 semaines, pour couvrir cette période d’exposition au VIH liée à l’allaitement.

Le consortium de recherche PROMISE a donc conçu une stratégie d’interventions visant à appliquer les meilleures technologies disponibles, au moment le plus approprié, dans le système de santé. Cette intervention a été évaluée dans le cadre de l’essai contrôlé randomisé PROMISE-EPI mené au Burkina Faso et en Zambie. Lors de la deuxième visite de vaccination de l’enfant, le statut VIH des mères a été systématiquement réévalué et, pour les mères séropositives, le statut de leur enfant également. La vérification du statut VIH des mères a encore été répétée six mois après. Si la charge virale des mères était trop élevée (soit lors de la deuxième visite de vaccination, soit à 6 mois) après mesure par un appareil permettant le rendu immédiat du résultat, une prophylaxie par lamivudine en suspension orale était prescrite à leurs enfants non-infectés jusqu’à la fin de l’allaitement. L’efficacité de l’intervention a été évaluée par la proportion d’enfants séropositifs à 12 mois, en comparaison aux programmes locaux de prévention de la transmission postnatale au Burkina Faso et en Zambie, dérivés des recommandations de l’OMS. Ces derniers reposent sur une prophylaxie infantile de 6 à 12 semaines dès la naissance, en utilisant soit la névirapine au Burkina Faso), soit une trithérapie antirétrovirale en Zambie, arrêtée lorsque la charge virale de la mère était < 1000 copies/mL, avec mesure tous les 3 mois.

Entre décembre 2019 et septembre 2021, 34 054 mères (25 093 au Burkina Faso et 8 961 en Zambie) ont été dépistées pour le VIH lors de la deuxième visite de vaccination, et 1 526 (201 au Burkina Faso et 1 491 en Zambie) sur 1 692 mères vivant avec le VIH ont été incluses dans l’étude. L’âge médian des mères était de 30,6 ans, 98,4 % d’entre elles étaient sous traitement antirétroviral, et 11,5 % avaient une charge virale ≥ 1000 copies/mL. À la fin du suivi des enfants à 12 mois, un seul nourrisson du groupe intervention était infecté par le VIH, contre six dans le groupe contrôle, soit un taux de transmission de 0,19 % dans le groupe d’intervention et de 1,16 % dans le groupe contrôle. La durée moyenne de risque élevé de transmission (défini par une charge virale maternelle > 1000 copies/mL et l’absence de prophylaxie infantile) était 10 fois plus faible dans le groupe intervention que dans le groupe contrôle, ce qui confirme l’efficacité de l’intervention. Cette différence importante de l’incidence du VIH n’a cependant pas atteint exactement la signification statistique, en raison de la fermeture de certains sites d’étude pendant l’épidémie de COVID-19, qui n’a pas permis d’inclure autant de nourrissons qu’initialement prévu.

Ces résultats suggèrent fortement que la transmission du VIH par l’allaitement peut être réduite quasiment à zéro par une stratégie combinant les outils existants, incluant le dépistage chez le nourrisson et le contrôle de la charge virale chez la mère par une technique rapide, ainsi qu’une prophylaxie infantile prolongée chez les mères avec un traitement antirétroviral non efficace. Bien que l’étude n’ait pas été réalisée en milieu rural, où la faisabilité de cette intervention devrait être évaluée, cette stratégie innovante s’est avérée efficace dans des systèmes de santé et des pays aussi divers que la Zambie et le Burkina Faso, ce qui plaide en faveur de sa généralisation à d’autres pays d’Afrique subsaharienne.

 

L’étude PROMISE-EPI (numéro de subvention RIA2016MC-1617) fait partie du programme EDCTP2 soutenu par l’Union européenne et financé par le National Institute for Health and Care Research (NIHR) du Royaume-Uni. Le NIHR est financé par le département britanique de la santé et de la protection sociale (Department of Health and Social Care). Le programme NIHR Global Health Research soutient la recherche appliquée en santé de très haut niveau pour le bénéfice direct des populations des pays à revenu faible et intermédiaire, grâce au financement du gouvernement britannique.

[1] essai ANRS 12174, Nagot N. et al, Lancet 2016

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