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Impact de la vaccination sur l’induction de l’immunité mucosale avec des vaccins à ARNm contre l’épidémie de Covid-19

vaccin anti covidLa capacité des vaccins à ARNm intramusculaires contre le SARS-CoV-2 à induire une réponse anticorps au niveau des muqueuses reste encore débattue. © Adobe Stock

Les équipes du département d’immunologie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP, de l’Inserm et de Sorbonne Université, coordonnées par le Pr Guy Gorochov, ont mené une étude sur la capacité des vaccins ARNm Covid-19 à induire une réponse immunitaire des muqueuses. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication parue le 23 avril 2024 dans la revue JAMA Network Open

La capacité des vaccins à ARNm intramusculaires contre le SARS-CoV-2 à induire une réponse anticorps au niveau des muqueuses reste encore débattue.

Cette étude réalisée à partir des essais COVICOMPARE-M et COVICOMPARE-P consiste à comparer la réponse humorale de personnes vaccinées contre le Covid-19 par des vaccins à ARNm. Concrètement, il s’agit d’analyser, au niveau salivaire, la réponse des anticorps à la vaccination des sujets naïfs (non infectés par le SARS-CoV-2 avant ou entre les phases de vaccination), à celle des sujets ayant été infectés avant la vaccination (pré-infectés).

Au total, 427 participants ont été inclus dans cette étude, parmi lesquels 120 pré-infectés. Entre février et juillet 2021, les participants naïfs ont reçu deux doses du vaccin Moderna ou Pfizer-BioNTech. Les participants pré-infectés, quant à eux, n’ont reçu qu’une dose du vaccin Pfizer. Les échantillons ont été recueillis avant la première dose (J1), puis avant la deuxième (J29), ensuite à J57 et à J180.

Les anticorps IgA1 salivaires spécifiques du SARS-CoV-2 sont détectés de manière plus importante chez les sujets pré-infectés que chez les sujets naïfs. Toutefois, après vaccination, une augmentation de faible intensité du taux d’IgA est constatée chez les participants non pré-infectés ayant reçu le vaccin Moderna.  En comparaison, les anticorps IgG spécifiques du SARS-CoV-2 sont largement détectés dans la salive après vaccination aussi bien chez les sujets naïfs, que chez les pré-infectés. Dans les deux cas, les taux d’anticorps IgA et IgG mesurés au niveau salivaire sont fortement corrélés aux taux sériques, indiquant une vraisemblable diffusion du sang vers la salive.

Les résultats de cette étude montrent que la vaccination ARNm est associée à une très faible immunité spécifique des muqueuses, mais à des niveaux beaucoup plus faibles chez les participants naïfs. D’autres études sont nécessaires pour déterminer l’association entre les taux d’IgA salivaires spécifiques et la prévention de l’infection ou de la transmission du SARS-CoV-2.

 

Les essais COVICOMPARE-P et COVICOMPARE-M ont été labellisés Priorité Nationale de Recherche par le Comité ad-hoc de pilotage national des essais thérapeutiques et autres recherches sur l’épidémie de Covid-19 (CAPNET). Cette étude a été conduite par le réseau F-CRIN I-REIVAC, réseau d’excellence dédié à l’investigation clinique en vaccinologie, avec le soutien scientifique et financier de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes, du ministère de la Santé et de la Prévention et du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.

  1. Les anticorps IgA sont principalement retrouvés dans les sécrétions (salive, larmes, sécrétions digestives et pulmonaires). On les trouve également dans le sang en quantités beaucoup plus faibles que celles des anticorps IgG. Il existe une forme particulière d’IgA, l’IgA sécrétoire, qui n’est retrouvée que dans les sécrétions ou elle joue un rôle antiviral particulièrement efficace.

Allergies respiratoires : découverte d’une molécule au rôle majeur dans le déclenchement de l’inflammation

AllergiesVisualisation en microscopie de cellules immunitaires (en vert) activées par les alarmines TL1A et interleukine-33 lors du déclenchement de l’inflammation allergique au niveau des poumons. Les cellules immunitaires « ILC2s » produisent de grandes quantités d’interleukine-9, un médiateur clé de l’inflammation allergique. Elles sont localisées à proximité des fibres de collagène (en bleu) et des vaisseaux sanguins du poumon (en rouge). © Jean-Philippe GIRARD – IPBS (CNRS/UT3 Paul Sabatier).

  • L’inflammation est un processus au rôle majeur dans les maladies allergiques, qui touchent en France au moins 17 millions de personnes, dont 4 millions d’asthmatiques.
  • Une des molécules qui initie ce processus dans les voies respiratoires vient d’être identifiée.
  • Cette molécule, de la famille des alarmines, constitue une cible thérapeutique d’intérêt majeur pour le développement de nouveaux traitements des allergies respiratoires.

L’une des molécules responsables du déclenchement de l’inflammation à l’origine des maladies allergiques respiratoires telles que l’asthme et la rhinite allergique vient d’être découverte par des scientifiques du CNRS, de l’Inserm et de l’université Toulouse III – Paul Sabatier. Cette molécule de la famille des alarmines représente une cible thérapeutique d’intérêt majeur pour le traitement des maladies allergiques. Cette étude, co-dirigée par Corinne Cayrol et Jean-Philippe Girard, est publiée dans la revue Journal of Experimental Medicine le 10 avril1.

Le processus d’inflammation joue un rôle crucial dans les maladies allergiques respiratoires, telles que l’asthme et la rhinite allergique. Si l’épithélium pulmonaire, ce tapis de cellules qui constitue la surface interne des poumons, est reconnu comme un acteur majeur de l’inflammation respiratoire à l’origine de ces maladies, les mécanismes sous-jacents sont encore mal connus.

Une équipe de recherche vient d’identifier l’une des molécules responsables du déclenchement de la réaction allergique, dans une étude co-dirigée par deux scientifiques du CNRS et de l’Inserm travaillant à l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier). Cette molécule de la famille des alarmines, nommée TL1A, est émise par les cellules de l’épithélium pulmonaire quelques minutes après une exposition à un allergène de type moisissure. Elle coopère avec une autre alarmine, l’interleukine-33, pour alerter le système immunitaire de la présence d’un allergène. Ce double signal d’alarme stimulera l’activité de cellules immunitaires, qui déclencheront ensuite une cascade de réactions en chaîne responsables de l’inflammation allergique.

Les alarmines constituent donc des cibles thérapeutiques d’intérêt majeur pour le traitement des maladies allergiques respiratoires. Dans quelques années, des traitements à base d’anticorps bloquant l’alarmine TL1A pourraient bénéficier aux patients souffrant d’asthme sévère ou d’autres maladies allergiques. En France, au moins 17 millions de personnes sont concernées par les maladies allergiques2. Les formes d’asthme les plus graves sont responsables de plusieurs centaines de décès tous les ans3.

 

  1. Cette étude a bénéficié du soutien de l’ANR
  2. D’après le Ministère du travail, de la santé et des solidarités : https://sante.gouv.fr/sante-et-environnement/air-exterieur/pollens-et-allergies/article/effets-des-pollens-sur-la-sante; 13/04/2023
  3. D’après Santé Publique France : https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-liees-au-travail/asthme; 25/10/2023

Utilisation des immunomodulateurs chez les patients immunodéprimés atteints de pneumonie suite à un Covid-19

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 © Philippe Roingeard, Anne Bull-Maurer, Sonia Georgeault, unité Inserm U1259 MAVIVH & Université de Tours, France.

Des équipes du département d’hématologie de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, du centre d’épidémiologie clinique de l’hôpital Hôtel-Dieu AP-HP, du département de rhumatologie de l’hôpital Bicêtre AP-HP, de l’Inserm, d’Université Paris Cité, de l’Institut Imagine, et de l’Université Paris-Saclay, coordonnées par les Prs Olivier Hermine, Raphaël Porcher et Xavier Mariette, ont étudié l’utilisation des immunomodulateurs chez les patients immunodéprimés atteints de pneumonie suite à un Covid-19 sévère ou critique.  Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication parue le 9 février 2024 dans la revue Lancet eClinical Medicine.

Au cours de la pandémie de Covid-19, les études du groupe CORIMUNO ont contribué à démontrer que les immunomodulateurs1, comme le tocilizumab, permettent de réduire la mortalité, le taux de ventilation assistée et la durée d’hospitalisation chez les patients atteints de Covid-19 sévère nécessitant une oxygénothérapie.

Cependant, la question de l’efficacité et de la sécurité de ces immunomodulateurs pour les patients préalablement immunodéprimés a été largement débattue par la communauté scientifique et médicale, notamment en raison du risque d’augmentation des surinfections.

Cette étude a été établie sur la base de onze essais contrôlés randomisés, incluant 397 patients immunodéprimés et hospitalisés en raison d’un Covid-19 sévère ou critique et traités par immunomodulateurs. La mortalité chez les patients randomisés immunodéprimés ayant reçu des immunomodulateurs était de 16,5 % contre 19,1 % chez les patients randomisés pour recevoir le traitement standard.

Cette méta-analyse suggère que chez les patients immunodéprimés, les immunomodulateurs utilisés n’ont pas d’effets délétères. En revanche, en raison d’une puissance insuffisante, elle ne permet pas de conclure statistiquement que le tocilizumab a un effet bénéfique sur la survie dans cette population d’immunodéprimés, comme dans la population générale, bien que les effets observés sur la survie soient numériquement proches. Une étude avec un effectif plus important serait nécessaire.

Ces résultats peuvent appuyer les recommandations qui consistent à utiliser les immunomodulateurs pour les patients immunodéprimés de manière similaire à la population générale.

 

1 Les immunomodulateurs sont destinés à réguler l’activité du système immunitaire

Le groupe CORIMUNO a été créé par l’AP-HP en mars 2020 pour réaliser des études contrôlées de différents immunomodulateurs chez les patients atteints de pneumonie Covid-19 sévère ou critique. Plus de 700 professionnels ont participé à CORIMUNO dans plusieurs centres français.

Une nouvelle stratégie de prévention de la transmission du VIH pourrait protéger les nourrissons

Kit de test utilisé pour détecter rapidement les anticorps anti-VIH dans le sang humain. Kit de test utilisé pour détecter rapidement les anticorps anti-VIH dans le sang humain. © NIAID

La mise en œuvre généralisée du dépistage universel du VIH pendant la grossesse et de la thérapie antirétrovirale maternelle immédiate au cours de la dernière décennie a permis de réduire de manière significative les nouvelles infections pédiatriques par le VIH, sans toutefois les éliminer. Les infections pédiatriques au VIH restent à un niveau très élevé : l’ONUSIDA estiment à 130 000 le nombre de nouveaux cas en 2022, dont la plupart surviennent pendant l’allaitement. Pour améliorer la prévention de la transmission postnatale du VIH, le consortium PROMISE, composé de chercheurs du Centre hospitalier universitaire de Lusaka (Zambie), du Centre Muraz (Burkina Faso), de l’Université de Bergen (Norvège), de l’Inserm / Université de Montpellier (France), a évalué une stratégie innovante combinant des outils existants, notamment le dépistage chez le nourrisson et le contrôle de la charge virale maternelle à l’aide de tests sur le lieu de soins, et une prophylaxie post-natale prolongée. Les résultats de cette étude, financée par le European & Developing Countries Clinical Trials Partnership (EDCTP) et promue par l’ANRS MIE, ont été publiés dans le Lancet le 11 mars 2024.

Pendant la période postnatale, une proportion importante de mères vivant avec le VIH ne sont pas traitées efficacement par une trithérapie antirétrovirale (c’est-à-dire que leur charge virale est ≥ 1000 copies/mL, en raison d’une résistance ou d’une mauvaise observance au traitement). À l’époque où les antirétroviraux n’étaient prescrits qu’à partir d’un certain stade de l’infection VIH, le consortium PROMISE avait montré en 2016 qu’une prophylaxie postnatale pour les nourrissons, grâce au médicament appelé névirapine ou lamivudine, est efficace pour prévenir la transmission lorsque les mères n’étaient pas sous traitement antirétroviral[1]. Alors que le traitement antirétroviral maternel universel est aujourd’hui disponible, la valeur ajoutée de cette prophylaxie pour réduire la transmission postnatale, n’est pas connue. La prophylaxie infantile est actuellement donnée jusqu’à 6 à 12 semaines après la naissance, pour couvrir le risque périnatal. Étant donné que le risque de transmission persiste en fait tout au long de la période d’allaitement, il pourrait être important d’étendre la prophylaxie au-delà des 6 à 12 semaines actuelles, avec un maximum de 24 semaines, pour couvrir cette période d’exposition au VIH liée à l’allaitement.

Le consortium de recherche PROMISE a donc conçu une stratégie d’interventions visant à appliquer les meilleures technologies disponibles, au moment le plus approprié, dans le système de santé. Cette intervention a été évaluée dans le cadre de l’essai contrôlé randomisé PROMISE-EPI mené au Burkina Faso et en Zambie. Lors de la deuxième visite de vaccination de l’enfant, le statut VIH des mères a été systématiquement réévalué et, pour les mères séropositives, le statut de leur enfant également. La vérification du statut VIH des mères a encore été répétée six mois après. Si la charge virale des mères était trop élevée (soit lors de la deuxième visite de vaccination, soit à 6 mois) après mesure par un appareil permettant le rendu immédiat du résultat, une prophylaxie par lamivudine en suspension orale était prescrite à leurs enfants non-infectés jusqu’à la fin de l’allaitement. L’efficacité de l’intervention a été évaluée par la proportion d’enfants séropositifs à 12 mois, en comparaison aux programmes locaux de prévention de la transmission postnatale au Burkina Faso et en Zambie, dérivés des recommandations de l’OMS. Ces derniers reposent sur une prophylaxie infantile de 6 à 12 semaines dès la naissance, en utilisant soit la névirapine au Burkina Faso), soit une trithérapie antirétrovirale en Zambie, arrêtée lorsque la charge virale de la mère était < 1000 copies/mL, avec mesure tous les 3 mois.

Entre décembre 2019 et septembre 2021, 34 054 mères (25 093 au Burkina Faso et 8 961 en Zambie) ont été dépistées pour le VIH lors de la deuxième visite de vaccination, et 1 526 (201 au Burkina Faso et 1 491 en Zambie) sur 1 692 mères vivant avec le VIH ont été incluses dans l’étude. L’âge médian des mères était de 30,6 ans, 98,4 % d’entre elles étaient sous traitement antirétroviral, et 11,5 % avaient une charge virale ≥ 1000 copies/mL. À la fin du suivi des enfants à 12 mois, un seul nourrisson du groupe intervention était infecté par le VIH, contre six dans le groupe contrôle, soit un taux de transmission de 0,19 % dans le groupe d’intervention et de 1,16 % dans le groupe contrôle. La durée moyenne de risque élevé de transmission (défini par une charge virale maternelle > 1000 copies/mL et l’absence de prophylaxie infantile) était 10 fois plus faible dans le groupe intervention que dans le groupe contrôle, ce qui confirme l’efficacité de l’intervention. Cette différence importante de l’incidence du VIH n’a cependant pas atteint exactement la signification statistique, en raison de la fermeture de certains sites d’étude pendant l’épidémie de COVID-19, qui n’a pas permis d’inclure autant de nourrissons qu’initialement prévu.

Ces résultats suggèrent fortement que la transmission du VIH par l’allaitement peut être réduite quasiment à zéro par une stratégie combinant les outils existants, incluant le dépistage chez le nourrisson et le contrôle de la charge virale chez la mère par une technique rapide, ainsi qu’une prophylaxie infantile prolongée chez les mères avec un traitement antirétroviral non efficace. Bien que l’étude n’ait pas été réalisée en milieu rural, où la faisabilité de cette intervention devrait être évaluée, cette stratégie innovante s’est avérée efficace dans des systèmes de santé et des pays aussi divers que la Zambie et le Burkina Faso, ce qui plaide en faveur de sa généralisation à d’autres pays d’Afrique subsaharienne.

 

L’étude PROMISE-EPI (numéro de subvention RIA2016MC-1617) fait partie du programme EDCTP2 soutenu par l’Union européenne et financé par le National Institute for Health and Care Research (NIHR) du Royaume-Uni. Le NIHR est financé par le département britanique de la santé et de la protection sociale (Department of Health and Social Care). Le programme NIHR Global Health Research soutient la recherche appliquée en santé de très haut niveau pour le bénéfice direct des populations des pays à revenu faible et intermédiaire, grâce au financement du gouvernement britannique.

[1] essai ANRS 12174, Nagot N. et al, Lancet 2016

Essai ANRS DOXYVAC : résultats finaux sur les critères principaux de l’essai

Les résultats finaux de l’essai ANRS DOXYVAC montrent l’efficacité en post-exposition d’un antibiotique, la doxycycline, sur la réduction de la survenue des infections à chlamydia, de la syphilis et à un moindre degré des infections à gonocoques. En revanche, ils ne permettent pas de conclure sur l’efficacité du vaccin contre le méningocoque B (Bexsero®) sur le risque de survenue d’infections à gonocoques, à la différence des résultats de l’analyse intermédiaire présentés en 2023.

L’essai ANRS DOXYVAC, promu et financé par l’ANRS Maladies infectieuses émergentes en partenariat avec le laboratoire Roche[1], a été mené par des équipes de recherche de l’Inserm, de l’AP-HP, de l’Université Paris Cité et de Sorbonne Université, au sein de la cohorte PREVENIR en collaboration avec AIDES et Coalition PLUS. Ses résultats seront présentés à la CROI (conférence internationale sur les rétrovirus et infections opportunistes) à Denver aux États-Unis en mars 2024.  

L’essai ANRS DOXYVAC a deux objectifs : évaluer l’efficacité d’un vaccin contre le méningocoque B sur la réduction du risque d’infection par le gonocoque, et évaluer l’efficacité de la doxycycline comme prévention post-exposition des infections bactériennes sexuellement transmissibles, lorsque cet antibiotique est pris dans les 24 à 72 heures suivant un rapport sexuel.

Entre janvier 2021 et septembre 2022, 556 hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) volontaires, vivant en région parisienne, ont été répartis par tirage au sort en quatre groupes : l’un recevant une prophylaxie post-exposition par la doxycycline à prendre dans les 72 h après un rapport sexuel non protégé par un préservatif, l’autre une vaccination pré-exposition par le Bexsero®, le troisième la combinaison de ces deux interventions et le dernier, aucune des deux interventions.

Les résultats d’une analyse intermédiaire ont été présentés à la CROI en février 2023. Ils montraient l’efficacité de la doxycycline en post-exposition sur la réduction de la survenue des infections à chlamydia, de la syphilis et à un moindre degré, des infections à gonocoques. Ils montraient également l’efficacité de la vaccination par le Bexsero® sur le risque de survenue d’infections à gonocoques.

Cependant, en 2023, une seconde analyse des données réalisée par le centre de méthodologie et de gestion (CMG) a montré des résultats discordants avec ceux de l’analyse intermédiaire. Cette discordance portait sur l’effet du vaccin contre le méningocoque B sur les infections à gonocoques. Pour mieux en comprendre les raisons, l’ANRS Maladies infectieuses émergentes et l’investigateur coordonnateur, le Pr Jean-Michel Molina (Université Paris Cité et service de maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Louis et Lariboisière, AP-HP) ont mis en place un audit indépendant de l’essai accompagné d’une nouvelle analyse des résultats, à la fois par le CMG et par un organisme indépendant. Cet audit a révélé que l’écart était dû à l’omission d’un fichier de données au moment de l’analyse, qui n’a donc pas pris en compte un certain nombre d’infections.

Suite à ces analyses, les résultats finaux de l’essai ANRS DOXYVAC montrent :

  • Des résultats concordants avec l’analyse intermédiaire concernant l’efficacité de la doxycycline en post-exposition pour réduire la survenue des infections à chlamydia, de la syphilis et à un moindre degré des infections à gonocoques. En effet, le risque d’infection à chlamydia ou de syphilis était réduit de 83% dans le groupe ayant reçu la doxycycline en post-exposition versus celui ne l’ayant pas reçu. Respectivement, le risque d’infection à gonocoques était réduit de 33% dans le groupe recevant la doxycycline versus le groupe ne l’ayant pas reçu.
  • Que contrairement à ce qui était initialement observé dans l’analyse intermédiaire, le vaccin contre le méningocoque B ne montre pas d’effets concluants dans la prévention des infections à gonocoques.
  • La survenue d’un effet indésirable sévère (érythème[2]) lié à ces deux interventions sur un des 556 participants.

Les résultats finaux de l’essai ANRS 174 DOXYVAC seront présentés à la CROI (conférence internationale sur les rétrovirus et infections opportunistes) à Denver aux États-Unis en mars 2024.

 

[1] Roche Molecular System et Roche Diagnostics France ont fourni à titre gracieux les kits, consommables et réactifs nécessaires à la détection de Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoeae et Mycoplasma genitamium.

[2] Rougeur congestive de la peau ou des muqueuses qui disparaît à la pression

L’efficacité d’un dépistage intensifié du SARS-CoV-2 par les équipes infirmières évaluée dans les services d’urgences

Test PCR Covid-19Test PCR © AdobeStock

Les équipes de l’hôpital Saint-Antoine AP-HP, de l’hôpital Saint-Louis AP-HP, de Sorbonne Université, de l’Inserm et d’Université Paris Cité, coordonnées par Judith Leblanc, le Pr Anne-Claude Crémieux et le Pr Jérôme Le Goff, ont évalué l’intérêt d’un dépistage intensifié du SARS-CoV-2 par les équipes infirmières dans les services d’urgences d’Île-de-France. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication parue le 7 décembre 2023 dans la revue Plos Medicine.

Avant la mise à disposition du vaccin, l’identification des personnes porteuses du virus SARS-CoV-2 et leur isolement étaient des mesures essentielles pour contrôler l’épidémie, mais rendues difficiles par la part importante de personnes asymptomatiques ou paucisymptomatiques (présentant peu de symptômes). Une stratégie possible pour réduire l’impact de l’épidémie était de proposer un dépistage à l’occasion d’une consultation et notamment dans les services d’urgences mais aucune étude n’en avait évalué l’intérêt. L’évaluation du dépistage est pourtant essentielle pour identifier les stratégies appropriées et tirer d’éventuelles leçons pour d’autres virus émergents respiratoires.

L’objectif de l’essai DEPIST-COVID était donc d’étudier l’intérêt d’un dépistage intensifié du SARS-CoV-2 associant le dépistage par les équipes infirmières des patients adultes asymptomatiques et paucisymptomatiques à la pratique habituelle (dépistage des patients symptomatiques ou hospitalisés), comparativement à la pratique habituelle seule.

L’étude, réalisée de février à mai 2021 à la suite de l’obtention du label priorité nationale (REACTing, CAP-NET), a inclus 138 352 patients dans 18 services d’urgences d’Île-de-France.

Pendant la période avec dépistage intensifié, 4 283 patients asymptomatiques / paucisymptomatiques ont été dépistés, ce qui a conduit à 224 nouveaux diagnostics. Au total, en tenant compte de la pratique habituelle de dépistage des patients symptomatiques ou hospitalisés, le dépistage intensifié a conduit à 26,7 nouveaux diagnostics/1 000 patients contre 26,2/1 000 avec la pratique habituelle (risque relatif : 1,02 ; IC95 % : 0,94-1,11), suggérant qu’il était peu probable que le dépistage intensifié apporte un bénéfice substantiel à la détection des infections SARS-CoV-2.

L’intérêt de l’étude était aussi d’améliorer l’accès au dépistage de populations qui pouvaient être plus exposées au risque d’infection et moins dépistées. La proportion de nouveaux diagnostics parmi les patients asymptomatiques / paucisymptomatiques des services d’urgences s’est avérée plus élevée que celle observée au niveau régional par le dépistage en population générale (5,2 % et 4,6 %, différence de risque : 0,6 % ; IC95 % : 0,01 % -1,3 %). La population des services d’urgences paraissait plus touchée par le SARS-CoV-2. L’intensification du dépistage dans ces services pourrait donner accès à une large population incluant des groupes plus exposés.

Les limites de ce travail résident dans le fait qu’il a été mené dans un contexte épidémiologique très fluctuant marqué par une vague pandémique associée à un confinement et que le dépistage extrahospitalier a été rendu très accessible au cours de la période d’étude, ce qui a pu réduire l’impact de l’intervention. Ceci souligne la nécessité d’explorer davantage les stratégies de détection du SARS-CoV-2 et des virus respiratoires transmis de manière asymptomatique afin de mieux définir le rôle d’observatoire des services d’urgences lors d’épidémies émergentes.

Cette étude a été promue par l’AP-HP, financée par l’ANRS – Maladies infectieuses émergentes et la région Île-de-France et a été réalisée avec l’aide de la plateforme de recherche clinique de l’est parisien du Pr Tabassome Simon et de la FHU IMPEC.

VIH : le traitement précoce, clé de la rémission

Illustration 3d du virus VIH © Adobe Stock

Les personnes vivant avec le VIH doivent prendre un traitement antirétroviral à vie pour empêcher la multiplication du virus dans l’organisme. Cependant, certaines personnes qualifiées de « contrôleurs post-traitement » ont pu interrompre leur traitement tout en maintenant une charge virale indétectable durant de nombreuses années. La mise en place d’un traitement précoce pourrait favoriser ce contrôle du virus sur le long terme après l’arrêt du traitement. Des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CEA, de l’Inserm, d’Université Paris Cité et de l’Université Paris-Saclay, en collaboration avec l’Institut Cochin (Inserm/CNRS /Université Paris Cité), et avec le soutien de MSD Avenir et l’ANRS MIE, ont identifié, à l’aide d’un modèle animal, une fenêtre d’opportunité pour mettre en place un traitement qui favorise la rémission de l’infection par le VIH : initier le traitement à quatre semaines après l’infection permettrait de contrôler le virus sur le long terme suite à l’arrêt d’un traitement antirétroviral suivi pendant deux ans. Ces résultats renforcent l’intérêt du dépistage précoce et de la prise en charge le plus tôt possible des personnes avec VIH. Ces résultats ont été publiés dans la revue Nature Communications le 11 janvier 2024.

L’étude de la cohorte VISCONTI, composée de trente sujets dits « contrôleurs post-traitement », a apporté la preuve du concept d’un état de rémission possible et durable des personnes vivant avec le VIH. Ces personnes ont bénéficié d’un traitement précoce, maintenu pendant plusieurs années. Puis, à l’interruption de leur traitement antirétroviral, elles ont été capables de contrôler leur virémie pendant une période dépassant dans certains cas les 20 ans. L’équipe de l’étude VISCONTI avait suggéré à l’époque (en 2013) que commencer un traitement précocement pourrait favoriser ce contrôle du virus, mais cela restait à démontrer.

Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont utilisé un modèle primate d’infection par le SIV1 afin de pouvoir maîtriser tous les paramètres (sexe, âge, génétique, souche du virus, etc.) susceptibles d’impacter le développement des réponses immunitaires et la progression vers la maladie. Ils ont donc comparé les individus qui ont reçu deux ans de traitement, soit peu de temps après l’infection (en phase aiguë), soit plusieurs mois après l’infection (en phase chronique), soit qui n’ont pas été traités.

Les résultats, reproductibles, montrent que le traitement précoce mis en place dans les quatre semaines qui suivent l’infection (comme ce fut le cas pour la plupart des participants à l’étude VISCONTI) favorise très fortement le contrôle viral après interruption du traitement. On constate que cet effet protecteur est perdu si le traitement est démarré à peine cinq mois plus tard.

« Nous montrons l’association entre le traitement précoce et le contrôle de l’infection après interruption du traitement et notre étude indique l’existence d’une fenêtre d’opportunité pour favoriser la rémission de l’infection par le VIH », commente Asier Sáez-Cirión, responsable de l’unité Réservoirs viraux et contrôle immunitaire à l’Institut Pasteur, et co-auteur principal de l’étude.

Par ailleurs, les scientifiques montrent que le traitement précoce favorise la mise en place d’une réponse immune efficace contre le virus. Les cellules immunitaires T CD8 antivirales développées dans les premières semaines de l’infection ont certes un potentiel antiviral très limité. Cependant, la mise en place d’un traitement précoce et prolongé, favorise le développement des cellules T CD8 mémoire qui ont une capacité antivirale plus importante et sont ainsi capables de contrôler efficacement le rebond viral qui apparait après interruption du traitement.

« On constate que le traitement précoce maintenu pendant deux ans optimise le développement des cellules immunitaires. Elles acquièrent une mémoire efficace contre le virus, pour l’éliminer naturellement lors du rebond viral après arrêt du traitement » explique Asier Sáez-Cirión.

Ces résultats confirment l’intérêt du dépistage précoce et de la prise en charge le plus tôt possible des personnes avec VIH.

« Un début de traitement six mois après l’infection, délai qui montre une perte d’efficacité dans notre étude, est déjà considéré comme très court par rapport à ce qui se passe en clinique actuellement, où la plupart des personnes avec VIH démarrent leur traitement des années après l’infection à cause du dépistage trop tardif » constate Roger Le Grand, directeur de l’infrastructure IDMIT et co-auteur principal de l’étude. « L’effet du traitement précoce sera double : au niveau individuel, car le traitement précoce empêche la diversification du virus au sein de l’organisme et préserve et optimise les réponses immunitaires contre le virus ; et au niveau collectif, car il évite la possibilité de transmettre le virus à d’autres personnes », ajoute Asier Sáez-Cirión.

Enfin, ces résultats devraient guider le développement de nouvelles immunothérapies visant les cellules immunitaires impliquées dans la rémission de l’infection par le VIH.

1 SIV : le virus d’immunodéficience simienne touche exclusivement les primates non humains et récapitule chez l’animal les paramètres principaux de l’infection de l’humain par le VIH.

Il s’agit des résultats princeps de l’étude p-VISCONTI démarrée en 2015 en collaboration avec les institutions citées plus haut et qui a reçu un financement de MSD Avenir et le soutien de l’ANRS MIE dans le cadre du consortium RHIVIERA.

Suivi des patients guéris de la maladie à virus Ebola

Virus Ebola dans un échantillon de sang

Virus Ebola dans un échantillon de sang du Mali © NIH

Certains traitements pour lutter contre le virus Ebola, notamment ceux à base d’anticorps monoclonaux 1, ont augmenté le taux de survie des patients atteints de la maladie et sont maintenant recommandés. Des chercheurs de l’IRD, l’Inserm, l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes et l’INRB, ont évalué, pour la première fois, la réponse des anticorps chez les survivants de la dixième épidémie d’Ebola en République démocratique du Congo (RDC) ayant reçu des médicaments spécifiques contre le virus. Cette étude sur la cohorte « Les vainqueurs d’Ebola » a été initiée dans le cadre de la riposte française à l’épidémie d’Ebola et faisait partie de la feuille de route franco-congolaise signée par les présidents congolais et français. Ses résultats, publiés le 30 novembre dans The Lancet infectious Diseases, montrent que les anticorps monoclonaux pourraient avoir un impact négatif sur la production d’anticorps anti-Ebola dans le temps et ainsi potentiellement augmenter le risque de réinfection ou de réactivation. 

La maladie à virus Ebola est une infection grave dont la létalité varie entre 30 et 90 % en l’absence de traitement. Entre 2018 et 2020, dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri (RDC), la dixième épidémie d’Ebola a été la plus longue et la plus meurtrière jamais enregistrée jusqu’à présent dans le pays, et la deuxième plus importante au monde, après celle de 2013-2016 en Afrique de l’Ouest.

L’expérience acquise lors des précédentes épidémies a permis l’adoption de mesures de prévention et la mise en œuvre de nouvelles stratégies pour lutter contre le virus. Ainsi, certains médicaments spécifiques contre Ebola, en particulier les anticorps monoclonaux, ont permis d’améliorer les soins et la survie des patients. Dans cette étude, pour mieux comprendre les effets à long terme de ces traitements, les chercheurs ont évalué la réponse immunitaire humorale 2 chez les survivants traités avec des médicaments anti-Ebola au cours de la dixième épidémie d’Ebola en RDC.

Les participants de l’étude observationnelle, « Les vainqueurs d’Ebola », ont été recrutés le jour de leur sortie du Centre de Traitement Ebola (CTE) et suivis jusqu’à 12 mois. Sur les 787 survivants inclus dans l’étude, les chercheurs ont étudié la réponse aux anticorps pour 358 d’entre eux : à leur sortie, près d’un quart étaient séronégatifs pour au moins deux antigènes du virus. Les personnes ayant reçu des traitements spécifiques contre Ebola, en particulier des anticorps monoclonaux (Ansuvimab), connaissaient, au fil du temps, une baisse rapide de leurs taux d’anticorps au virus. Ces résultats soulèvent de nombreuses questions, notamment concernant l’impact de ces anticorps sur la persistance virale dans les sites immunitaires privilégiés avec un risque de rechute ou de manifestations cliniques persistantes (séquelles), et également sur le risque de réinfection chez ces patients.

Cette étude souligne la nécessité de poursuivre la recherche sur le réservoir humain du virus Ebola afin de mieux comprendre les facteurs de persistance et de résurgence du virus et de développer ainsi des médicaments susceptibles de l’éradiquer. D’un point de vue de santé publique, il est important de poursuivre le suivi des personnes déclarées guéries d’une infection par le virus Ebola et de discuter de l’opportunité de les vacciner afin de contribuer à éviter toute résurgence ou réinfection. Enfin, cette étude illustre l’importance des interventions en période épidémique, associant trois actions essentielles : la prise en charge, la recherche et la capacité des équipes à se mobiliser.

1 anticorps fabriqués spécifiquement pour traiter une maladie
² se caractérise par l’excrétion dans le sérum d’anticorps spécifiques d’un antigène donné

La listériose néonatale : quelles conséquences sur la santé des enfants ?

Listériose néonataleUne équipe de scientifiques et médecins a suivi le développement jusqu’à l’âge de 5 ans des enfants infectés par la bactérie Listeria monocytogenes © Photo de Marisa Howenstine sur Unsplash

La listériose néonatale est une maladie grave qui peut provoquer chez la femme enceinte une fausse couche, un accouchement prématuré ou une infection grave pour le fœtus. Mais quelles sont les conséquences à plus long terme de la listériose néonatale sur la santé des nouveau-nés ? Pour la première fois, une équipe de scientifiques et médecins de l’Institut Pasteur, d’Université Paris Cité, de l’AP-HP et de l’Inserm a suivi le développement jusqu’à l’âge de 5 ans des enfants infectés par la bactérie Listeria monocytogenes et l’a comparé à celui d’enfants non-infectés nés au même terme. Cette étude a montré que les séquelles de la listériose néonatale sont principalement imputables à la prématurité. Ces résultats, publiés dans la revue The Lancet Child and Adolescent Health, le 20 octobre 2023, vont permettre d’informer au mieux les parents sur l’évolution de l’état de santé de leurs enfants et d’anticiper la survenue d’éventuelles séquelles neurodéveloppementales.

D’origine alimentaire, la listériose est aujourd’hui bien connue des femmes enceintes à qui l’on recommande d’éviter pendant leur grossesse les fromages au lait cru, les charcuteries et les préparations de traiteur non recuites. Et si l’attention est soutenue, c’est que les conséquences peuvent être lourdes : la bactérie Listeria monocytogenes peut en effet provoquer un avortement, un accouchement prématuré et/ou une grave infection chez le nouveau-né (septicémie, infection pulmonaire, neurologique). En France, environ 40 nouveau-nés sont touchés chaque année.

« Nous étudions depuis 2009 toutes les souches de Listeria et tous les patients en France – la listériose étant une maladie à déclaration obligatoire – afin de mieux connaître les caractéristiques de cette pathologie. L’une des questions que l’on se posait était de savoir comment les enfants atteints de listériose néonatale, et guéris grâce aux antibiotiques, grandissaient et se développaient », expose Marc Lecuit, responsable du Centre national de référence Listeria et de l’unité Biologie des infections (Institut Pasteur/Université Paris Cité/Inserm), Professeur de Maladies Infectieuses à l’Université Paris Cité et l’Hôpital Necker-Enfants Malades, et co-principal auteur de l’étude.

C’est ainsi que l’équipe de scientifiques et médecins s’est appuyée sur la cohorte française MONALISA qui recrute tous les cas confirmés de listériose pour étudier les conséquences neurologiques et neurodéveloppementales à long terme de l’infection chez les enfants survivants. Ce travail de suivi exigeant, rendu possible grâce à la participation active des familles, a offert une vision sans précédent des conséquences de la listériose néonatale sur le développement neurocognitif des enfants à un âge clef, celui de l’entrée à l’école primaire. L’équipe multidisciplinaire constituée d’infectiologues, de pédiatres, de neuropsychologues et d’épidémiologistes a pu suivre une cinquantaine d‘enfants nés de mères ayant contracté la listériose à différents stades de la grossesse, et évaluer de façon complète leur état santé à l’âge de 5 ans.

Le domaine cognitif a été évalué à l’aide de la version française de l’échelle d’intelligence préscolaire et primaire de Wechsler, et le domaine moteur et visuel grâce à un examen physique conçu pour dépister la paralysie cérébrale et les troubles de la coordination. Des entretiens avec les parents et des examens médicaux ont également permis de tester l’audition, les fonctions de communication et de socialisation. Les résultats obtenus ont été comparés à ceux d’enfants de même âge gestationnel, non infectés, issus de deux larges cohortes nationales contemporaines : les cohortes EPIPAGE-2 (enfants prématurés) et ELFE (enfants nés à terme).

Cette approche comparative a permis de mettre en évidence que les enfants nés avec une listériose présentent, à l’âge de 5 ans, des séquelles (troubles cognitifs, problèmes de coordination motrice, déficit visuel ou auditifs) dans deux tiers des cas, principalement imputables à leur prématurité.

« On peut désormais affirmer que les séquelles de la listériose néonatale sont principalement dues à la prématurité plutôt qu’à l’infection. Ces résultats vont permettre aux cliniciens de fournir aux parents de nouveau-nés avec listériose des conseils médicaux étayés, et de les informer sur l’évolution de l’état de santé de leur enfant. Ils plaident aussi pour la mise en œuvre d’un dépistage systématique et prolongé des séquelles possibles afin d’offrir une prise en charge précoce appropriée, accompagnée d’un soutien éducatif adapté », conclut Caroline Charlier, chercheuse au sein de l’unité Biologie des infections (Institut Pasteur/Université Paris Cité/Inserm) et Professeur de Maladies Infectieuses à l’Université Paris Cité et l’Hôpital Cochin, première auteure et coordinatrice de l’étude.

Émergence de parasites du paludisme résistants aux antipaludiques en Afrique

Globules rouges infectés par Plasmodium falciparum, le parasite responsable du paludisme chez l’homme. Crédits : Rick Fairhurst and Jordan Zuspann, National Institute of Allergy and Infectious Diseases, National Institutes of Health

Dans une nouvelle étude, publiée le 18 octobre dans la revue The Lancet Microbe, une équipe toulousaine rassemblant des scientifiques du CHU de Toulouse et de l’université Toulouse III – Paul Sabatier ainsi que de l’Inserm et du CNRS, alerte sur le risque d’une augmentation de la morbidité et de la mortalité dues au paludisme, en particulier chez les femmes enceintes et les enfants.

Le paludisme reste un problème majeur de santé publique en Afrique subsaharienne avec environ 600 000 décès en 2021 (OMS), quasi exclusivement liés à l’espèce de parasites Plasmodium falciparum (Pf).

Les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes sont les populations les plus concernées par les formes graves de la maladie. Dans ces groupes à risque, la prévention du paludisme peut être assurée par l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticides et par une prophylaxie médicamenteuse qui repose sur l’association de la sulfadoxine et de la pyriméthamine (SP). Cette combinaison médicamenteuse agit en bloquant l’action de deux enzymes parasitaires clés qui ne peuvent alors plus produire des éléments essentiels (les folates) à la survie des parasites.

Cependant, au fil des années, le niveau de résistance à la SP des parasites augmente et menace l’efficacité de cette prophylaxie.

La population parasitaire s’adapte à la pression médicamenteuse exercée par la SP en sélectionnant des parasites porteurs de mutations dans les gènes qui codent pour ces deux enzymes clés. En s’accumulant progressivement, ces mutations diminuent la capacité du médicament à bloquer les enzymes et donc à empêcher la croissance des parasites. Ainsi la prophylaxie contre le paludisme perd de son efficacité.

Le paludisme est une maladie fébrile causée par le parasite Plasmodium, sévissant principalement en Afrique subsaharienne ; il se transmet par les piqûres de moustiques anophèles femelles infectées. Pour aller plus loin, consultez le dossier paludisme sur le site inserm.fr

 

Vers une efficacité réduite du traitement antipaludique préventif

Jusqu’à présent, les parasites les plus résistants à la SP étaient principalement retrouvés en Afrique Australe et de l’Est, et possédaient 5 à 6 mutations spécifiques.

Dans son étude, l’équipe toulousaine a collecté des échantillons dans 18 zones géographiques en Afrique subsaharienne. Leur analyse moléculaire couplée à celle d’une base de données ont permis de mettre en relief l’émergence de nouveaux parasites présentant 8 mutations et très vraisemblablement associés à une forte résistance à la SP.

Ils ont été très fréquemment observés au Nigeria, au Tchad et au Cameroun (ils représentent près de 50 % de la population de Pf dans le nord du Cameroun). L’étude de leur génome permet également d’affirmer que ces parasites sont apparus récemment, avec une émergence unique suivie d’une diffusion de proche en proche.

 

 

« Cette émergence pourrait rapidement rendre caduque l’effet protecteur de la SP dans une vaste zone d’Afrique subsaharienne et être responsable d’une augmentation de la morbidité et de la mortalité dues au paludisme, en particulier chez les femme enceintes et les enfants. Devant cette situation alarmante, il reste essentiel de mieux connaitre l’impact réel de ces nouveaux parasites sur les populations exposées au paludisme, de surveiller la diffusion de ces parasites et d’identifier des solutions alternatives à la SP afin de continuer à protéger les populations les plus vulnérables», explique Antoine Berry, Professeur des Universités, Praticien Hospitalier (PU-PH) et Chef du service de Parasitologie – Mycologie du CHU de Toulouse et membre de l’équipe « Pathogènes Eucaryotes: Inflammation, Immunité lymphocytaire T et Chimiorésistance » de l’Institut toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires (INFINITY) (Inserm/CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier).

Pour aller plus loin, retrouvez notre Canal Détox : « Des applications smartphone pour se protéger des moustiques, vraiment ? »

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