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Première cartographie digitale des cellules immunitaires responsables des allergies

mastocytes

Marquage des différentes populations de mastocytes (en vert et rouge), acteurs majeurs des réponses allergiques, au contact des neurones (blanc) dans la peau de souris. © Dr Marie Tauber et Dr Lilian Basso.

Les pathologies allergiques touchent jusqu’à un tiers de la population mondiale et leur prévalence est en constante augmentation. Afin de développer des thérapies plus ciblées et plus efficaces, la recherche se mobilise pour mieux comprendre les mécanismes biologiques et cellulaires qui sont impliqués dans le développement des allergies. Un type de cellules immunitaires, les mastocytes, intéresse particulièrement les scientifiques et médecins, mais peu de données existent à leur sujet à l’heure actuelle. Dans une nouvelle étude, publiée en juillet 2023 dans la revue Journal of Experimental Medicine, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS et de l’université Toulouse III – Paul-Sabatier, au sein de l’Institut toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires (Infinity), sont allés plus loin dans la compréhension de ces cellules et ont créé la première cartographie digitale des mastocytes chez l’humain. Ces résultats ouvrent des pistes pour adapter les stratégies thérapeutiques anti-allergies.

Les pathologies allergiques constituent un problème de santé publique majeur, à tel point que l’OMS a classé l’allergie quatrième maladie chronique mondiale. Il est actuellement estimé que 25 à 30 % de la population souffre d’une allergie, qu’elle soit alimentaire, cutanée ou respiratoire, et cette proportion pourrait passer à 50 % d’ici 2050. Mieux comprendre les mécanismes biologiques sous-jacents aux allergies est une étape clé pour espérer développer des traitements plus ciblés et plus efficaces.

C’est à cet objectif que travaillent le chercheur Inserm Nicolas Gaudenzio et son équipe au sein de l’Institut toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires. En 2019, les scientifiques avaient publié un premier article dans la revue Nature Immunology, dans lequel ils montraient le rôle crucial joué par des cellules immunitaires appelées « mastocytes » dans l’initiation de l’eczéma. Ces travaux ont donné lieux à de nouvelles thérapies en cours de développement.

Les mastocytes sont encore mal connus des scientifiques. On sait que leurs fonctions vont bien au-delà des problématiques allergiques et qu’ils peuvent avoir des rôles bénéfiques (comme dans la lutte antibactérienne) ou non, selon les pathologies. Des travaux ont par ailleurs permis de les classer en deux grandes familles : les mastocytes « CTMC » retrouvés principalement dans la peau et les mastocytes « MMC » localisés surtout dans la muqueuse intestinale.

Néanmoins, il reste beaucoup à apprendre sur ces cellules qui sont complexes à étudier, notamment parce qu’elles sont difficiles à extraire des tissus.

« Si on veut comprendre comment on peut agir sur les mastocytes et bloquer leur action délétère dans le cadre des pathologies allergiques, nous devons aller plus loin dans notre connaissance de ces cellules. Cela passe par déterminer leur localisation, s’il en existe plusieurs types au-delà de la dichotomie qui a classiquement été décrite, et si elles ont des fonctions différentes selon les tissus où elles se trouvent », souligne Nicolas Gaudenzio.

Dans cette nouvelle étude, l’équipe de recherche s’est appuyée sur des technologies plus récentes afin d’étudier plus finement les mastocytes chez la souris et l’humain. Les scientifiques ont utilisé la technique du séquençage en cellule unique : ils ont séquencé l’ARN de cellules individuelles issues de plusieurs organes afin d’en extraire leur « carte d’identité » individuelle.

L’analyse de cellules humaines avec cette méthode dévoile une image beaucoup plus complexe que ce qui avait été décrit jusqu’ici. En effet, les cellules de plus de trente organes humains ont été analysées grâce à des techniques poussées d’exploration de banques de données et de bio-informatique. Les chercheurs ont ainsi identifié non pas deux mais sept sous-types de mastocytes différents, présentant des caractéristiques et des fonctions diverses.

À partir de ces données, l’équipe a été en mesure de créer et de mettre en libre accès la première « cartographie digitale » des mastocytes humains, qui permet à n’importe quel scientifique de voir en un coup d’œil quel sous-type de mastocyte est associé à quel organe et d’en apprendre plus sur sa fonction.

 

mastocytes

Ce schéma représente, de manière simplifiée, la distribution des différents sous-types de mastocytes à travers différents organes du corps.

Cette approche constitue un changement de paradigme majeur puisque la nouvelle cartographie permet, simplement en interrogeant une base de données, de mieux comprendre la diversité naturelle des mastocytes dans les pathologies allergiques et donc d’ouvrir une réflexion sur la nécessité d’adapter les thérapies pour qu’elles ciblent plus finement les sous-types cellulaires impliqués.

« Cette étude est la première pierre d’un vaste édifice qui devrait permettre de transformer les thérapies anti-allergiques et d’aller vers une plus grande personnalisation des traitements, avec plus d’efficacité et moins d’effets indésirables. Nous allons continuer de compléter cette cartographie en étudiant les mastocytes dans différents contextes pathologiques, chez des patients traités ou non, afin qu’elle soit la plus précise possible pour la communauté scientifique et médicale qui travaille sur les allergies », conclut Nicolas Gaudenzio.

L’infection par le virus Omicron BA.1 chez des patients vaccinés remodèle la mémoire immunitaire

SARS-CoV-2

Cells infected with SARS-CoV-2 © Alberto Domingo Lopez-Munoz, Laboratory of Viral Diseases, NIAID/NIH

Les équipes du service de médecine interne de l’hôpital Henri-Mondor AP-HP, de l’Institut Necker – Enfants malades, de l’institut Mondor de Recherche Biomédicale, de l’institut Pasteur, de l’Inserm, et de l’Université Paris-Est Créteil ont étudié la mémoire immunitaire après infection par le variant Omicron BA.1 chez des patients vaccinés avec trois doses du vaccin Covid-19 à ARN messager. Les résultats de cette étude (MEMO-VOC), coordonnée par le Dr Pascal Chappert et le Pr Matthieu Mahévas, en collaboration avec le Dr Pierre Bruhns et le Dr Félix Rey ont fait l’objet d’une publication le 4 août 2023 dans la revue Immunity.

La protéine Spike du SARS-CoV -21 Omicron BA.1 porte 32 mutations par rapport à la souche ancestrale (Hu-1) identifiée à l’origine. Ces mutations altèrent considérablement les anticorps neutralisants induits par une infection naturelle par le SARS-CoV-2 et/ou la vaccination avec un vaccin à ARNm codant.

La mémoire immunitaire est un mécanisme qui protège les individus contre la réinfection. Cette stratégie de défense de l’organisme qui est à la base du succès des vaccins comprend la production d’anticorps protecteurs dans le sang (détectés par sérologie) ainsi que la formation de cellules à mémoire (lymphocytes B mémoires2), capables de se réactiver rapidement en cellules productrices d’anticorps lors d’une nouvelle infection.

La littérature scientifique a déjà montré3,4 que le répertoire des lymphocytes B mémoires généré par deux ou trois doses de vaccins à ARNm contient des clones neutralisants contre toutes les variants du SARS-CoV-2 jusqu’à Omicron BA.1.

L’équipe de recherche a étudié les lymphocytes B mémoire après une infection par SARS-CoV-2 Omicron BA.1 chez 15 individus préalablement vaccinés avec trois doses du vaccin COVID-19 à ARNm encodant la protéine Spike initiale du virus. Elle les a suivis jusqu’à 6 mois après l’infection par Omicron BA.1 pour caractériser la réponse des lymphocytes B, depuis la réaction immunitaire précoce jusqu’à l’installation tardive de la mémoire à long terme.

Cette étude révèle que l’infection par le variant Omicron BA.1 mobilise principalement des cellules B mémoires reconnaissant des protéines communes entre la protéine Spike initiale et Omicron BA.1 déjà présentes dans le répertoire formé après la vaccination, mais peu de cellules dirigées contre les mutations spécifiques de BA.1.

Néanmoins, l’infection par Omicron BA.1 induit tout de même une réorganisation dans le répertoire de cellules B mémoire sans altérer sa diversité, et une amélioration de l’affinité globale du répertoire B mémoire contre les structures communes de la Spike encodé dans le vaccin d’origine (Spike Hu-1) et celle du variant Omicron BA.1. Cette réorganisation du répertoire mémoire est associée à une amélioration significative de la capacité à neutraliser Omicron BA.1.

Ces résultats suggèrent que l’infection par le virus Omicron BA.1 chez des patients vaccinés remodèle le répertoire des lymphocytes B mémoires et améliore la capacité des cellules mémoires à reconnaitre des épitopes5 conservés du SARS-CoV-2 et à neutraliser le virus.

Des stratégies vaccinales futures seront néanmoins nécessaires pour étendre la réponse immunitaire au-delà des épitopes conservés pour faire face aux futures variations antigéniques du SARS-CoV-2.

Cette étude a été labellisée Priorité Nationale de Recherche par le Comité ad-hoc de pilotage national des essais thérapeutiques et autres recherches sur le COVID-19 (CAPNET). Les auteurs remercient l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes pour son soutien scientifique, le ministère de la Santé et de la Prévention et le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation pour leur financement et leur soutien.

 

[1] Protéine du SARS-CoV‑2 qui permet au coronavirus de pénétrer dans les cellules humaines.
 
[2] Cellules immunitaires produites essentiellement au niveau des ganglions lymphatiques et de la rate à la suite d’une infection. Elles persistent durablement dans ces régions et conservent le souvenir de l’agent infectieux. Si l’organisme y est à nouveau confronté, ces cellules sont immédiatement mobilisées et réactivent rapidement le système immunitaire pour une protection efficace de l’individu.
 
[3] Sokal, A., Broketa, M., Barba-Spaeth, G., Meola, A., Ferna´ ndez, I., Fourati, S., Azzaoui, I., de La Selle, A., Vandenberghe, A., Roeser, A., et al. (2022). Analysis of mRNA vaccination-elicited RBD-specific memory B cells re- veals strong but incomplete immune escape of the SARS-CoV-2 Omicron variant. Immunity 55, 1096–1104.e4. https://doi.org/10.1016/j. immuni.2022.04.002.
 
[4] Goel, R.R., Painter, M.M., Lundgreen, K.A., Apostolidis, S.A., Baxter, A.E., Giles, J.R., Mathew, D., Pattekar, A., Reynaldi, A., Khoury, D.S., et al. (2022). Efficient recall of Omicron-reactive B cell memory after a third dose of SARS-CoV-2 mRNA vaccine. Cell 185, 1875–1887.e8. https:// doi.org/10.1016/j.cell.2022.04.009.
 
[5] Partie d’une molécule capable de stimuler la production d’un anticorps.

Rémission de l’infection par le VIH-1 : découverte d’anticorps neutralisants à large spectre impliqués dans le contrôle du virus

Fragments anticorps du bNAb EPCT112 découvert à l’Institut Pasteur par l’équipe d’Hugo Mouquet (bleu), formant ici un complexe avec la protéine d’enveloppe du VIH-1 (Env) (en jaune et orange) © Institut Pasteur

Certains individus porteurs du VIH-1 et ayant bénéficié d’un traitement antirétroviral précoce pendant plusieurs années ont la capacité de contrôler le virus sur le long terme après l’arrêt du traitement. Cependant, les mécanismes permettant ce contrôle post-traitement ne sont pas entièrement élucidés. Pour la première fois, une équipe composée de chercheuses et chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et de l’AP-HP, avec le soutien de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, a investigué et mis en évidence l’implication d’anticorps neutralisants, y compris ceux dits à large spectre, dans le contrôle du virus. Ces résultats clés sont publiés le 10 juillet 2023 dans la revue Cell Host & Microbe. Un essai clinique qui intègre l’utilisation d’anticorps neutralisants à large spectre devrait être initié en France avant fin 2023.

Connus sous le terme de ‘contrôleurs post-traitement’, de rares personnes porteuses du VIH-1 et ayant bénéficié d’un traitement précoce maintenu pendant plusieurs années ont la capacité de contrôler le virus sur le long terme à l’arrêt de leur traitement. Ces personnes ont été identifiées il y a plusieurs années grâce notamment à l’étude VISCONTI[1], la plus grande cohorte de personnes contrôleuses post-traitement à long terme. Les mécanismes de ce contrôle permettant une rémission durable de l’infection VIH-1 sans traitement antirétroviral ne sont pas entièrement élucidés mais l’identification de ces cas offre une opportunité unique de les comprendre plus précisément.

Une étude, menée par l’unité Immunologie humorale à l’Institut Pasteur dirigée par le Dr Hugo Mouquet, en collaboration avec l’équipe du Dr Asier Sáez-Cirión, directeur de l’unité Réservoirs viraux et contrôle immunitaire à l’Institut Pasteur, contribue aujourd’hui à décrire davantage ces mécanismes.

Comme l’explique Asier Saéz-Cirión, « En étudiant la réponse immunitaire des personnes contrôleuses post-traitement en 2020, nous avions fait un premier grand pas en démontrant la mise en place chez certains de ces individus d’une réponse immunitaire efficace et robuste contre le virus qui pourrait contribuer à ce contrôle[2]. Aujourd’hui, notre nouvelle étude fait encore progresser cette connaissance. En étudiant le rôle des anticorps chez un cas particulier de ‘contrôleur post-traitement’ présentant un taux particulièrement haut d’anticorps neutralisants à large spectre, nous avons découvert que la rémission était probablement possible grâce à l’intervention de ce type d’anticorps. »

Hugo Mouquet détaille cette découverte : « Notre étude a permis d’identifier pour la première fois une famille d’anticorps neutralisants à large spectre (broadly neutralizing antibodies – bNAbs), dont l’anticorps EPTC112, qui cible la protéine d’enveloppe du VIH-1, est un des représentants les plus actifs de cette famille. »

En effet, l’anticorps EPTC112 neutralise environ un tiers des 200 variants viraux du VIH-1[3] testés in vitro, et est capable d’induire l’élimination de cellules infectées en présence de cellules Natural Killer (NK), des cellules immunitaires chargées d’éliminer les cellules anormales de l’organisme.

Cette étude fournit donc des informations importantes sur la façon dont les anticorps neutralisants modifient le cours de l’infection par le VIH-1 chez cette personne de la cohorte VISCONTI. Bien que le virus du VIH-1 circulant chez ce sujet soit résistant à EPTC112 à cause de mutations dans la région ciblée par cet anticorps, il est par ailleurs efficacement neutralisé par d’autres anticorps de type IgG isolés du plasma sanguin. L’étude suggère donc que les anticorps neutralisants de la famille EPTC112 imposent une pression de sélection sur le virus du VIH-1. Bien qu’échappant à l’action de ces bNAbs, le virus reste sensible à la neutralisation par d’autres anticorps anti-VIH-1 produits chez cette personne. Cette observation témoigne ainsi d’une forme de coopération entre les différentes populations d’anticorps neutralisants.

« Le fait de pouvoir étudier ce cas particulier et de découvrir un lien entre la production d’anticorps neutralisants y compris à large spectre et le contrôle de la circulation du VIH-1 est enthousiasmant pour affiner la compréhension des mécanismes en jeu, notamment chez les personnes contrôleuses post-traitement avec des profils similaires. Nous aimerions en effet pouvoir étudier à court terme si les réponses anticorps chez d’autres ‘contrôleurs post-traitement’ participent aussi à la rémission durable de l’infection », explique Hugo Mouquet.

Cette découverte ouvre la voie vers l’établissement de nouvelles pistes de traitement contre le VIH-1, et nourrit les espoirs pour des approches thérapeutiques favorisant une rémission sans traitement antirétroviral grâce au rôle clé des anticorps neutralisant à large spectre. A cet effet, un essai clinique qui intègre l’utilisation d’anticorps neutralisant à large spectre[4] devrait être initié en France avant fin 2023.

« Cet essai de phase II réalisé par le consortium ANRS RHIVIERA en partenariat entre l’Institut Pasteur, l’AP-HP, l’Inserm et l’université Rockefeller à New York consiste à étudier l’association d’un traitement antirétroviral en primo-infection avec deux anticorps neutralisants le VIH-1 contre placebo afin de déterminer si ces anticorps peuvent contribuer à établir une rémission virale après arrêt des antirétroviraux. Il est prévu d’intégrer 69 patients en phase de primo infection[5] du VIH-1 qui recevront d’abord un traitement antirétroviral sur une courte période puis le traitement à base d’anticorps neutralisants ciblant deux domaines différents de la protéine d’enveloppe du virus. Après un an de suivi rapproché et sur la base de critères précis, le traitement pourra être stoppé. Cet essai va nous permettre de déterminer si cette stratégie thérapeutique est capable d’induire une réponse immunitaire suffisante pour contrôler l’infection après l’arrêt du traitement antirétroviral » conclut Hugo Mouquet.

VIH

Fragments d’anticorps du bNAb EPCT112 découvert à l’Institut Pasteur par l’équipe d’Hugo Mouquet (bleu), formant ici un complexe avec la protéine d’enveloppe du VIH-1 (Env) (en jaune et orange) © Institut Pasteur

 

[1] VIH – Les anticorps des « contrôleurs post-traitement » (pasteur.fr)

[2] Transient viral exposure drives functionally coordinated humoral immune responses in HIV-1 post-treatment controllers study, Nature Communication, 11 avril 2022

[3] Il existe deux types de VIH, le VIH-1 et VIH-2 avec des différences moléculaires. Et au sein de ces deux types, il existe des variants en lien avec différentes mutations leur conférant des différences de transmissibilité, de virulence ou d’immunogénicité.

[4] https://rhiviera.com/project/anrs-rhiviera-02/

[5] Primo infection : phase précoce de l’infection par le VIH-1 durant laquelle la charge virale est importante. Le virus du VIH envahit l’organisme en s’attaquant au système immunitaire avec la destruction ses réservoirs de lymphocytes CD4.

La composition du microbiote digestif influence la réponse immunitaire anti-tumorale après une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques

Image réalisée par une IA.

Des équipes du service d’hématologie greffe de l’hôpital Saint-Louis AP-HP, d’Université Paris Cité, de l’Inserm, d’INRAE et de l’université de Genève ont décrypté l’impact des modifications du microbiote digestif sur le système immunitaire des patients allogreffés de cellules souches hématopoïétiques et suite à la prise d’un antibiotique. Les résultats de cette étude, coordonnée par le Dr David Michonneau, ont fait l’objet d’une publication le 17 juillet 2023 au sein de la revue Cell Host & Microbe.

L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH)1, cellules précurseuses de toutes les cellules du sang, est un des traitements curatifs des cancers hématologiques. Malgré l’efficacité de cette allogreffe, la rechute de ces hémopathies malignes reste la première cause de décès dans les cinq ans qui suivent une allogreffe2.

En 2017, l’étude ALLOZITHRO3, promue par l’APHP, a mis en évidence une augmentation du risque de rechute des hémopathies malignes après une allogreffe de CSH chez des patients recevant de l’azithromycine, un antibiotique de type macrolide, une des grandes familles d’antibiotiques.

L’équipe de recherche a ainsi étudié des échantillons de selles et de sang collectés prospectivement chez 55 patients afin de déterminer si la prise de cet antibiotique était associée à des modifications du microbiote digestif (modifications de la composition en micro-organismes du tube digestif) et donc possiblement à des modifications de la réponse immunitaire anti-tumorale.

Les échantillons de selles des patients ont été conservés grâce aux collections d’échantillons biologiques du Pr Jérôme Le Goff (service de Virologie, hôpital Saint-Louis, AP-HP) et à la collection nationale de ressources biologiques Cryostem, dédiées aux complications post-allogreffes. Ces échantillons ont pu être analysés par les équipes de l’unité U976 Immunologie Humaine, Pathophysiologie, Immunothérapie (Dr David Michonneau, Pr Jérôme Le Goff) et l’équipe Phylogénie et Physiologie du microbiote humain de l’Institut MICALIS – INRAE, AgroParisTech, Université Paris-Saclay (Dr Patricia Lepage).

Les équipes de recherche ont ainsi montré qu’il est possible de classer les populations bactériennes composant le microbiote digestif de ces patients allogreffés et recevant de l’azithromycine ou un placebo en quatre ensembles distincts, avec des compositions bactériennes spécifiques, appelés « entérotypes». Ces entérotypes peuvent alors être associés soit à la rechute soit à la rémission complète un an après la greffe.

Il a été ensuite démontré qu’au sein de ces entérotypes, certaines espèces bactériennes étaient spécifiquement associées à une signature métabolique et immunitaire particulière. Ainsi, les patients de l’entérotype 2 étaient en rémission complète dans 95% des cas, avec un effet protecteur d’un taxon de Bacteroides et de Prevotella. Alors qu’à l’inverse, la présence de Bacteroides affiliés à l’espèce fragilis (Bfra) était liée à un sur-risque de rechute. La présence de ces bactéries Bfra est non seulement associée à une signature métabolique et à des espèces virales (bactériophages)5 spécifiques dans les selles, mais également à des métabolites bactériens et à un profil immunitaire spécifiques dans le sang. Ainsi, les patients porteurs de Bfra présentaient une proportion plus importante de lymphocytes T épuisés. Ces cellules immunitaires, initialement capables de reconnaître et détruire des cellules cancéreuses, expriment dans ce contexte des marqueurs particuliers (TIGIT, PD1 et TOX) qui réduisent leur capacité à développer une réponse anti-tumorale efficace après une allogreffe de CSH.

Ces résultats montrent ainsi que les communautés microbienne et virale du microbiote digestif peuvent être influencées par la prise d’un antibiotique comme l’azithromycine, ce qui peut impacter directement la capacité du système immunitaire à lutter efficacement contre des cellules cancéreuses. Ces données ouvrent la voie vers des thérapies visant à moduler la composition du microbiote digestif pour la prévention des rechutes après une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques.

 

[1] Cellules de la moelle osseuse. Ces cellules souches se divisent et se différencient pour donner les différentes cellules qui composent le sang : les globules blancs, les globules rouges et les plaquettes. Ces cellules souches hématopoïétiques peuvent être recueillies chez le donneur par un prélèvement périphérique (à partir d’une veine).

[2] Il s’agit d’une transfusion d’un « greffon » composé de cellules souches de moelle osseuse (cellules souches hématopoïétiques) provenant d’un donneur compatible avec le patient receveur. Le donneur est soit issu de la famille du receveur, soit identifié sur le registre national des donneurs volontaires de moelle osseuse.

[3] Bergeron et al., JAMA, 2017

[4] Signature microbiologique spécifique définie par la distribution des différents genres bactériens co-existant dans le microbiote digestif d’un patient

[5] Les bactériophages sont des espèces virales pathogènes pour les bactéries et capables d’induire une lyse spécifique des espèces bactériennes qu’ils infectent.

Vision mondiale des déterminants des résistances aux antibiotiques

Proportion de résistance aux céphalosporines de 3ème génération chez Klebsiella pneumoniae, pour les infections dans le sang, 2019 (données ATLAS, Pfizer) © Institut Pasteur, Eve Rahbé

 

Pour comprendre les principaux déterminants de la dynamique mondiale de la résistance aux antibiotiques, des scientifiques de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et des universités de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et de Paris-Saclay ont développé un modèle statistique grâce à une analyse spatio-temporelle de grande ampleur. En utilisant la base de données de suivi de l’antibiorésistance ATLAS, ce modèle a mis en évidence des différences importantes de tendances et de facteurs associés en fonction des espèces de bactéries et des résistances à certains antibiotiques. Par exemple, la bonne qualité du système de santé d’un pays est associée à de faibles niveaux d’antibiorésistance chez toutes les bactéries à Gram négatif1 étudiées ; des températures élevées sont à l’inverse associées à des forts niveaux d’antibiorésistance chez les Entérobactéries. De façon inattendue, la consommation d’antibiotique nationale n’est pas corrélée à la résistance chez la majorité des bactéries testées. Ces résultats suggèrent que les mesures de contrôle de l’antibiorésistance doivent s’adapter au contexte local et aux combinaisons bactéries-antibiotiques ciblées. Les résultats de cette étude seront publiés dans la revue The Lancet Planetary Health le 10 juillet 2023.

La résistance aux antibiotiques ou l’antibiorésistance constitue aujourd’hui l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale. Ce phénomène est naturel mais le mauvais usage des antibiotiques y contribue en sélectionnant les résistances et complexifie la lutte contre les infections bactériennes.

Une surveillance mondiale de l’antibiorésistance est en place, notamment sous l’égide de l’OMS, et de nombreuses bases de données ont été créées pour répertorier chaque apparition d’antibiorésistance dans le monde, et pouvoir à terme bien comprendre ce phénomène pour mieux lutter contre.

Il n’existe pas une résistance aux antibiotiques mais plusieurs, très dépendantes des espèces bactériennes. Une étude récente2 a estimé qu’en 2019, 1,27 millions de décès dans le monde résultaient de la résistance aux antibiotiques et 4,95 millions y étaient associés.

Pour définir les principaux facteurs associés à la dynamique de l’antibiorésistance au niveau mondial, une équipe de recherche pluridisciplinaire à l’Institut Pasteur a développé un modèle statistique et analysé les données d’antibiorésistance de la base ATLAS, données collectées  depuis 2004 dans plus de 60 pays sur les cinq continents. Les scientifiques ont analysé les données en testant un grand nombre de déterminants afin de faire émerger les principaux facteurs de l’antibiorésistance et de comprendre leur association avec les dynamiques observées au niveau mondial.

« Des équipes de recherche étudient comment l’antibiorésistance émerge au sein d’une bactérie dans une boite de Pétri ou encore chez un individu… mais il manque aujourd’hui cette vue d’ensemble au niveau populationnel et mondial afin de pouvoir étudier les liens, en fonction des espèces de bactéries pathogènes, entre la résistance et certains facteurs comme la qualité d’un système de santé national. Pour comprendre la dynamique de l’antibiorésistance, il est nécessaire d’étudier toutes les échelles. C’est ce que cette étude propose », explique Eve Rahbe, chercheuse doctorante au sein de l’unité Épidémiologie et modélisation de la résistance aux antimicrobiens à l’Institut Pasteur et première auteure de l’étude.

L’étude a consisté dans un premier temps à sélectionner des facteurs pertinents pouvant influer sur les dynamiques d’antibiorésistance.

« Si certains facteurs biologiques sont connus, il était important pour nous d’évaluer également des hypothèses associées à des facteurs socio-économiques et climatiques », continue la chercheuse.

Au total, 11 facteurs ont été retenus, notamment la qualité du système de soins (indice GHS3), la consommation d’antibiotiques et la richesse du pays (indice PIB), ainsi que des données sur les voyages et des variables climatiques. Puis, des modèles statistiques ont été élaborés pour étudier les associations potentielles entre les données ATLAS et les facteurs retenus.

L’analyse des données au niveau mondial sur la période 2006-2019 a d’abord mis en évidence une augmentation de la résistance aux carbapénèmes chez plusieurs espèces, alors que les tendances restent stables mondialement pour les autres résistances. De plus, cette étude a démontré que les dynamiques et les facteurs associés à l’antibiorésistance sont dépendants des combinaisons bactéries-antibiotiques.

Cependant, de façon surprenante, la consommation nationale d’antibiotiques n’est pas associée significativement à la résistance chez la majorité des bactéries testées (sauf pour la consommation de quinolones pour les Escherichia coli et Pseudomonas aeruginosa résistantes aux quinolones ou encore la consommation de carbapénèmes chez les Acinetobacter baumannii résistantes aux carbapénèmes).

A contrario la bonne qualité du système de santé d’un pays est associée à de faibles niveaux d’antibiorésistance chez toutes les bactéries à Gram négatif1 testées. Les températures élevées sont, elles, associées à des forts niveaux d’antibiorésistance mais chez les Entérobactéries uniquement (Escherichia coli et Klebsiella pneumoniae).

« Cette étude met en évidence la diversité des déterminants conduisant à l’antibiorésistance de différentes bactéries pathogènes au niveau mondial, et la nécessité d’adapter les approches de contrôle de la résistance au contexte local (pays, contexte de transmission) et à la combinaison bactérie-antibiotique en question », conclut Philippe Glaser, responsable de l’unité Écologie et évolution de la résistance aux antibiotiques à l’Institut Pasteur et co-principal auteur de l’étude.

« Notre modèle statistique pourra être appliqué à d’autres bases de données, comme celle de l’OMS notamment. Une meilleure connaissance des déterminants de résistance, différents entre les pays, et probablement entre des régions d’un même pays, est essentielle et permettra d’adapter les actions de santé publique », conclut Lulla Opatowski, Professeur à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et chercheuse au sein de l’unité d’Epidémiologie et modélisation de la résistance aux antimicrobiens, co-principale auteure de l’étude.

Ces travaux sont financés par les organismes de recherche cités précédemment, le Labex IBEID et par un « Independent research Pfizer Global Medical Grant ». 

Lire la fiche d’information sur l’antiobiorésistance sur pasteur.fr.

1 Les bactéries à Gram négatif sont des bactéries à deux membranes qui posent plus de problème de résistance aux antibiotiques, du fait de la perméabilité réduite de la membrane externe.

2 Lancet, https ://doi.org/10.1016/S0140-6736(21)02724-0

3 GHS : Global Health Security Index

Comment les cellules souches du sang détectent un pathogène et orientent la réponse immunitaire

Cellule du système immunitaire infectée par Brucella

Cellule du système immunitaire infectée par Brucella (vert), compartiment d’endocytose (bleu). © CIML

Le bon fonctionnement du système immunitaire dépend de l’approvisionnement constant en globules blancs issus des cellules souches qui résident dans la moelle osseuse : les cellules souches du sang – ou cellules souches hématopoïétiques. Des chercheuses et chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’Université d’Aix-Marseille, au sein du Centre d’immunologie de Marseille-Luminy, ont désormais découvert un rôle nouveau joué par ces cellules souches du sang dans la réponse immunitaire. Dans leur article publié dans le Journal of Experimental Medicine, ils décrivent comment elles parviennent à reconnaître et à interagir directement avec une bactérie appelée Brucella dans la moelle osseuse, grâce à un récepteur présent à leur surface. Il s’agit de la première démonstration de la reconnaissance directe d’un pathogène vivant par les cellules souches du sang, ce qui atteste de leur contribution très précoce à la réponse immunitaire.

Les cellules souches du sang ou cellules souches hématopoïétiques sont des cellules souches qui résident dans la moelle osseuse. Elles se multiplient et donnent naissance à toutes les cellules du sang, c’est-à-dire les globules rouges qui transportent l’oxygène et les globules blancs qui participent à la réponse immunitaire.

Jusqu’à présent, en ce qui concerne la réponse immunitaire, les cellules souches du sang n’étaient uniquement vues que comme les cellules à l’origine des globules blancs. Cependant, un ensemble croissant de preuves indiquent qu’elles peuvent également contribuer directement et activement à la réponse immunitaire : des données récentes ont par exemple montré qu’elles peuvent détecter directement les cytokines, protéines libérées lors d’une infection ou d’une inflammation.

Dans une nouvelle publication, une équipe de recherche de l’Inserm, du CNRS et de l’Université d’Aix-Marseille, placée sous la direction de Michael Sieweke, ainsi que de Jean-Pierre Gorvel[1], a souhaité approfondir les connaissances scientifiques à ce sujet. Les chercheurs ont réussi à décrire les mécanismes à l’œuvre au cours de la rencontre entre la cellule souche du sang et un agent pathogène précis : la bactérie Brucella qui est un microorganisme à déclaration obligatoire (MOT)[2].

Brucella est responsable d’une maladie infectieuse appelée brucellose (ou fièvre de Malte ou encore fièvre méditerranéenne), l’une des zoonoses les plus répandues qui représente une menace importante pour la santé humaine dans le monde entier[3]. Brucella est un pathogène intrigant et très intéressant à étudier pour les scientifiques en raison de sa capacité à établir des infections persistantes et chroniques et à échapper aux réponses immunitaires de l’hôte[4].

Les scientifiques ont découvert que les cellules souches du sang présentes dans la moelle osseuse étaient en mesure de détecter Brucella. Leurs observations indiquent qu’un récepteur spécifique à la surface des cellules souches du sang, connu sous le nom de CD150, interagit avec une protéine appelée Omp25 présente à la surface de Brucella.

 

bactérie Brucella

Résumé graphique de la découverte. Grâce au récepteur CD150 à leur surface, les cellules souches du sang dans la moelle osseuse peuvent détecter la bactérie Brucella. Après avoir reconnu la bactérie, les cellules souches du sang commencent à produire davantage de globules blancs. © CIML

 

« Notre étude dévoile les mécanismes par lesquels ces cellules du sang parviennent à détecter les bactéries via un récepteur spécial. On peut considérer ceci comme une poignée de main directe entre la cellule souche et la bactérie. Jamais personne n’avait imaginé que la cellule souche du sang pouvait reconnaître une bactérie vivante », explique Sandrine Sarrazin, chercheuse Inserm, co-dernière autrice de l’étude.

Les scientifiques ont ensuite montré que cette « poignée de main » entraîne une réponse rapide des cellules souches du sang, qui commencent alors à produire plus de globules blancs. Il s’agit ici de la première démonstration d’une reconnaissance directe d’un pathogène vivant par les cellules souches du sang et atteste d’une contribution très précoce et inattendue de ces cellules à la réponse immunitaire.

 

Comment Brucella utilise les cellules souches pour « pirater » le système immunitaire

Dans la lignée de ces travaux, les scientifiques se sont demandé si ce mécanisme était plutôt bénéfique à l’hôte ou à la bactérie.

Grâce à des observations méticuleuses, les chercheurs ont découvert que Brucella ordonne à ces cellules souches de produire les globules blancs qu’elle privilégie pour l’infection. La bactérie parvient à envahir les globules blancs produits par les cellules souches du sang et à les utiliser pour se multiplier et s’installer dans l’organisme. Dans ce cas particulier, les cellules souches contribuent donc à la propagation de la bactérie.

« Cette recherche apporte un nouvel éclairage sur les mécanismes sophistiqués que les agents pathogènes emploient pour échapper aux défenses du système immunitaire. Alors que la production accrue de globules blancs serait bénéfique s’ils pouvaient combattre efficacement l’infection, Brucella parvient à les exploiter pour se multiplier », explique Jean-Pierre Gorvel, co-dernier auteur de l’étude.

« Ce mécanisme peut être considéré comme une stratégie d’évasion exploitée par la bactérie pour faire progresser l’infection », résume Michael Sieweke, également co-dernier auteur de l’étude.

La publication de cette étude marque une étape importante dans la compréhension de la danse complexe entre Brucella et les cellules souches hématopoïétiques. Elle fournit non seulement des informations cruciales sur la pathogenèse de la brucellose, mais ouvre également de nouvelles voies pour le développement d’interventions thérapeutiques ciblées.

« En plus d’améliorer les connaissances sur le fonctionnement de la réponse immunitaire, notre étude permet d’envisager à terme l’élaboration d’une thérapie ciblée capable d’empêcher les interactions entre Brucella et la cellule souche du sang, empêchant la propagation de la bactérie dans l’organisme, et aidant les patients atteints par la maladie de brucellose », conclut Jean-Pierre Gorvel.

 

[1] Ce travail est le fruit d’une collaboration entre deux équipes de recherche au Centre d’immunologie de Marseille-Luminy (CIML, CNRS/Inserm/Aix-Marseille Université) : l’équipe Biologie de la cellule souche et du macrophage de Michael Sieweke et l’équipe Immunologie et biologie des interactions hôte pathogène de Jean-Pierre Gorvel.

[2] L’expérimentation avec Brucella a été ainsi réalisée au Centre d’immunophénomique (CIPHE) en confinement de niveau 3.

[3] L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a identifié la brucellose comme l’une des sept zoonoses les plus négligées, contribuant à la pauvreté, entravant le développement et causant des pertes économiques substantielles dans les pays en développement.

[4] De précédentes études réalisées au sein du laboratoire de Jean-Pierre Gorvel avaient permis des découvertes cruciales dans le but d’élucider  les mécanismes sous-jacents à ces phénomènes.

Les anticorps IgA jouent un rôle dans le contrôle de Candida albicans

Image microscopique de Candida albicans

Image microscopique de Candida albicans. © Wiki creative commons

L’équipe du Centre d’Immunologie et des Maladies Infectieuses de l’Hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP, de l’Inserm et de Sorbonne Université, coordonnée par le Pr Guy Gorochov, a étudié le rôle des immunoglobulines A (IgA) dans l’équilibre du mycobiote intestinal et comment ces anticorps participent à la préservation de l’homéostasie de la barrière intestinale vis-à-vis du champignon Candida albicans. Les résultats de ces travaux ont fait l’objet le 9 mai 2023 d’une publication ainsi que d’un éditorial dans la revue Journal of Allergy and Clinical Immunology (JACI).

Le corps humain abrite des bactéries et des virus, mais également une collection de champignons, appelée mycobiote. Ce dernier colonise différents sites de notre organisme, notamment l’intestin.

Candida albicans est un champignon naturellement présent au niveau des muqueuses buccales, vaginales et digestives des humains, largement répandu dans la population mais responsable d’infections opportunistes mortelles chez les patients immunodéprimés. Sa pathogénicité est notamment liée à sa capacité de conversion d’un stade de levure ronde inoffensive vers une forme filamenteuse capable d’envahir les cellules épithéliales de la muqueuse intestinale, entraînant une infection généralisée.

Les immunoglobulines A (IgA) sont les anticorps les plus abondamment sécrétés par l’organisme. Les IgA sécrétoires1 interagissant avec les bactéries commensales2 et jouent un rôle central dans la préservation de la diversité de notre flore bactérienne en évitant la surcroissance de pathogènes envahissants. L’équipe a postulé que l’IgA pourrait également préserver la diversité du mycobiote selon des mécanismes qui restaient à définir. L’impact de cet anticorps sur l’écologie du mycobiote humain reste en effet peu étudié. Il n’était notamment pas connu si le déficit en IgA, qui touche 1 personne sur 500 en France, est associé à une dysbiose fongique intestinale3.

Pour mieux comprendre ce phénomène, l’équipe de recherche a analysé plusieurs échantillons biologiques appartenant à des sujets sains et à des patients présentant un déficit en IgA. Des anticorps IgA interagissant avec de très divers représentants du mycobiote ont été retrouvés dans le sérum de 31 sujets sains, mais également dans leurs sécrétions digestives et dans le lait maternel (n=20). En comparant ensuite des échantillons fécaux de 28 sujets sains et 12 patients atteints de déficit en IgA, l’équipe de recherche a montré que la présence de  l’IgA est associée à une préservation de la diversité du mycobiote intestinal. A l’inverse, C. albicans est plus représentée dans le mycobiote intestinal des patients qui présentent un déficit en IgA. Par ailleurs, des expériences in vitro suggèrent que la présence de cette immunoglobuline diminue le risque de translocation fongique à travers les cellules épithéliales de l’intestin.

L’équipe a ensuite cherché à déterminer pourquoi les sujets qui présentent un déficit en IgA ne souffrent habituellement pas d’infections fongiques sévères. L’étude a ainsi montré que l’absence d’IgA peut être partiellement compensée par d’autres acteurs comme les anticorps IgM et les lymphocytes Th17. Cette redondance immunitaire a toutefois des limites puisque les formes symptomatiques de déficit en IgA, associés par exemple à des troubles digestifs, des infections ou des manifestations auto immunes sont également associées à une surreprésentation de C. albicans au niveau digestif.

En conclusion, l’IgA joue un rôle particulier pour la préservation de l’homéostasie du mycobiote intestinal, et plus précisément dans le contrôle de C. albicans. Ce résultat souligne l’intérêt de persister vers la mise en place de stratégies de supplémentation orale par IgA chez les patients déficitaires pour escompter un effet régulateur, non seulement sur les bactéries et les virus, mais également sur les champignons.

 

[1] anticorps produites par les plasmocytes du tissu conjonctif des muqueuses et les plasmocytes entourant les canaux excréteurs des glandes exocrines

[2] qui vivent sur la peau ou les muqueuses

[3] déséquilibre de la flore fongique intestinale

Variole du singe : caractérisation de la réponse immunitaire après une infection

Variole du singe

En 2022-2023, une épidémie sans précédent de 87 000 cas de variole du singe est apparue dans des zones non endémiques. © Adobe Stock

En 2022-2023 une flambée de variole du singe due au virus monkeypox, appelé maintenant virus mpox (MPXV) a été responsable de 87 000 cas humains dans 170 pays[1]. La majorité des cas a été déclarée en dehors des zones habituelles de circulation du virus. Ce virus fait depuis l’objet d’une surveillance renforcée en Europe, près de 5 000 cas ont été recensés en France[2]. Des scientifiques et cliniciens de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’Inserm, du VRI et de l’AP-HP, ont étudié 470 sérums provenant d’individus vaccinés ou infectés par le virus MPXV afin de comprendre les mécanismes impliqués et de définir des corrélats de protection contre l’infection ou la gravité de la maladie[3]. Ils ont ainsi déterminé la sensibilité de ce virus aux anticorps neutralisants et analysé la réponse immunitaire de ces individus, infectés par MPXV ou vaccinés. Cette étude a permis de mettre en évidence le rôle du complément4, composant du système immunitaire inné, dans cette réponse. Les résultats ont été publiés dans la revue Cell Host & Microbe, le 4 mai 2023.

En 2022-2023, une épidémie sans précédent de 87 000 cas de variole du singe est apparue dans des zones non endémiques ; elle a touché ainsi des personnes sans lien direct avec un voyage en Afrique du Centre ou de l’Ouest où le virus est présent historiquement. Le virus MPXV est transmis essentiellement par des rongeurs à l’homme, puis la transmission interhumaine se fait par des gouttelettes respiratoires ou contact rapproché. Les symptômes sont atténués par rapport à ceux de la variole humaine, et la létalité est plus faible. Selon Santé publique France, environ 5 000 cas d’infection à MPXV ont été recensés en France depuis mai 20222. Le MPXV circule toujours, à très bas bruit dans les zones non endémiques, c’est pourquoi il est important de mieux le caractériser et d’analyser la réponse immunitaire des personnes infectées par le virus ou vaccinées par IMVANEX, le vaccin actuellement disponible, de troisième génération, développé initialement contre la variole humaine.

Les équipes de recherche ont collaboré avec des cliniciens, des vaccinologues et des virologues de trois hôpitaux français (Hôpital Henri Mondor de Créteil, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière et Hôpital d’Orléans) pour réaliser ces travaux multidisciplinaires. Le grand nombre de sérums analysés a permis d’obtenir une puissance statistique, et d’affiner l’analyse sur des sous-groupes de patients selon différents critères comme celui de l’âge par exemple.

Dans cette étude, publiée dans la revue Cell Host & Microbe, revue de référence sur les interactions entre microbes et système immunitaire, les scientifiques ont étudié la sensibilité du MPXV aux anticorps neutralisants (NAbs) générés après une infection par le virus et/ou une vaccination par IMVANEX. En effet, le vaccin IMVANEX a été utilisé comme prophylaxie pré et post-exposition dans les populations à haut risque, mais son efficacité reste mal caractérisée. Pour étudier cette sensibilité du virus, l’équipe de scientifiques a développé deux tests cellulaires pour la quantification des anticorps neutralisants en utilisant soit le virus atténué utilisé comme vaccin (MVA), soit une souche MPXV isolée chez un individu récemment infecté.

Cette étude a permis de mettre en évidence le rôle du complément[4], déjà connu pour d’autres poxvirus, et de décrire l’activité neutralisante des anticorps générés par l’infection ou la vaccination. Des niveaux robustes d’anticorps anti-MVA ont été détectés après une infection, une vaccination antivariolique historique, l’administration d’IMVANEX ou d’un autre vaccin candidat à base de MVA. MPXV est peu sensible à la neutralisation en l’absence de complément. L’ajout de complément issu de sérums améliore la détection par les individus qui ont des anticorps et augmente leur taux d’anticorps anti-MPXV. Quatre semaines après l’infection, des NAb anti-MVA et -MPXV ont été observés chez 94 % et 82 % des individus, respectivement. Deux doses d’IMVANEX ont généré des NAb anti-MVA et -MPXV détectables chez 92 % et 56 % des receveurs du vaccin, respectivement.

Le plus haut taux d’anticorps a été retrouvé chez les individus nés avant 1980 (donc vaccinés contre la variole) que ce soit après infection ou après administration d’IMVANEX, soulignant l’impact de la vaccination antivariolique historique sur les réponses immunitaires à l’infection ou à l’administration d’IMVANEX. Cela suggère qu’une sorte d’immunité hybride a été générée chez les individus infectés qui ont été vaccinés dans leur enfance.

Le nombre d’infections au MPXV ne cesse d’augmenter depuis l’arrêt de la vaccination massive contre la variole dans les années 1980.

« Les tests de neutralisation sensibles développés dans le cadre de ces travaux peuvent aider à définir des corrélats de protection contre l’infection ou la gravité de la maladie. Ces tests peuvent également être utilisés pour des enquêtes épidémiologiques, l’évaluation de la durée de protection conférée par une infection antérieure ou par des vaccins autorisés et candidats, et pour l’analyse de toute intervention immunothérapeutique. Ces tests représentent des outils utiles pour comprendre les mécanismes de multiplication de MPXV, ses effets sur la santé publique, et optimiser la prise en charge des patients, » commente Olivier Schwartz, responsable de l’unité Virus et immunité à l’Institut Pasteur, principal auteur de l’étude.

 

[1] Chiffres OMS.

[2] Santé Publique France. Variole du singe (MPXV) : point de situation en France au 27 avril 2023.

[3] Cette étude a été soutenue par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, qui a fourni des échantillons pour la réalisation de ce travail. 

[4] Le complément est un groupe de protéines présent dans le sérum, qui participe à la défense de l’organisme. Il est impliqué dans les mécanismes d’élimination des pathogènes. Les travaux du pasteurien Jules Bordet sur le rôle du complément et des anticorps sont récompensés par le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1919.

Manger des brocolis pour limiter les allergies cutanées

brocoli

Les scientifiques se sont spécifiquement intéressés à des composés alimentaires naturellement présents dans les légumes crucifères tels que le brocoli. © Unsplash

La sévérité des allergies cutanées peut varier en fonction de nombreux facteurs environnementaux, et notamment du régime alimentaire. Cependant, jusqu’à présent, la contribution de nutriments spécifiques n’avait pas été bien documentée. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et de l’Institut Curie du laboratoire Immunité et Cancer[1] ont montré que l’absence dans l’alimentation de composés que l’on retrouve dans certains légumes, en particulier les brocolis et les choux, pouvait aggraver les allergies cutanées dans des modèles animaux. Ces résultats, publiés dans la revue Elife, soulignent l’importance d’une alimentation équilibrée en parallèle des interventions thérapeutiques proposées aux patients.

Les allergies cutanées sont causées par une réponse immunitaire inadaptée à des composés présents dans l’environnement, et leur degré de sévérité varie en fonction de nombreux facteurs, dont l’alimentation. Cependant, l’impact des différents composés présents dans les aliments est encore mal compris, ce qui complique la mise en œuvre de stratégies fondées sur la nutrition pour atténuer les symptômes des patients.

Dans ce travail, les scientifiques se sont spécifiquement intéressés à des composés alimentaires qui agissent sur une molécule présente dans l’organisme, appelée « récepteur des hydrocarbures aromatiques » (AhR). Ces nutriments sont naturellement présents dans les légumes crucifères, tels que le brocoli.

De précédentes études avaient déjà montré que ces composés alimentaires sont associés à une aggravation de maladies inflammatoires de l’intestin et la neuro-inflammation, mais leur effet sur les réactions immunitaires allergiques n’avait jusqu’ici pas été documenté.

 

Aggravation des allergies

L’équipe de recherche a travaillé à partir d’un modèle d’allergie cutanée chez la souris. Certains animaux ont reçu une alimentation ne contenant aucun composé activant le récepteur AhR, afin d’évaluer l’impact que cela pouvait avoir sur la sévérité de leur allergie.

Les scientifiques ont ainsi montré que l’absence de ces nutriments est associée à une augmentation de l’état d’inflammation dans la peau et à une aggravation de l’allergie cutanée, ce qui n’est pas le cas pour des souris ayant reçu une alimentation qui contenait ces composés.

Les scientifiques ont voulu aller plus loin afin de comprendre les mécanismes biologiques qui permettent d’expliquer l’action de ces nutriments. Lorsque ces derniers sont absents, ils ont constaté qu’il y avait une surproduction d’une molécule appelée TGF-beta dans l’épiderme des souris. Cette surproduction de TGF-beta perturbe le fonctionnement normal d’une population de cellules immunitaires, les « cellules de Langerhans », qui sont exclusivement présentes dans la peau et fonctionnent comme un modulateur des réponses immunitaires cutanées.

Les scientifiques ont ensuite validé ces résultats en montrant que les composés activant le récepteur AhR contrôlent également la production de TGF-bêta dans des cellules de peau humaines.

« Nos résultats suggèrent qu’un régime alimentaire déséquilibré pourrait augmenter les réactions allergiques cutanées chez l’humain par le biais de mécanismes que nous avons décrit précisément. En schématisant, on pourrait dire que notre travail permet d’expliquer pourquoi manger des légumes comme des brocolis et des choux peut limiter la sévérité des allergies cutanées et pourquoi il est donc important de les inclure dans son régime alimentaire », souligne Élodie Segura, chercheuse Inserm, qui a dirigé cette étude à l’Institut Curie.

Les résultats de cette étude pourraient aussi s’appliquer à d’autres maladies de peau où des mécanismes inflammatoires sont impliqués, comme le psoriasis. Par ailleurs, ils ouvrent aussi des pistes de recherche intéressantes pour mieux étudier l’axe intestin-peau dans le développement des maladies allergiques.

En s’appuyant sur ces données, l’équipe de recherche souhaite désormais s’intéresser au rôle des composés alimentaires activant le récepteur AhR dans d’autres contextes pathologiques inflammatoires, par exemple dans un contexte tumoral.

 

[1] Menés au sein de l’unité Immunité et Cancer (Inserm, Institut Curie), ces travaux ont pu être réalisés notamment grâce à la plateforme de pathologie expérimentale et à la nouvelle plateforme de métabolomique et lipidomique de l’Institut Curie.

Hypertension artérielle : un mélange de polluants aériens pourrait causer des pics répétés d’élévation de la pression sanguine

Pollution de l'air La pollution de l’air est un des facteurs environnementaux reconnus comme jouant un rôle dans l’hypertension artérielle. © Adobe Stock

La pollution de l’air est un des facteurs environnementaux reconnus comme jouant un rôle dans l’hypertension artérielle. Elle est constituée d’un mélange de particules et de gaz dont les effets combinés sur la santé humaine sont encore mal connus. Une équipe de l’Inserm et de Sorbonne Université, aidée de collaborateurs internationaux, a cherché à étudier en continu l’impact dans la vie quotidienne d’un mélange de 5 polluants aériens sur la pression sanguine de 221 participants de l’étude MobiliSense[1] sur le territoire du Grand Paris. Dans deux modèles, l’un prenant en compte les variations des concentrations de polluants dans l’air ambiant, l’autre les variations des quantités inhalées de ces polluants, les chercheurs ont pu observer une association avec des élévations aiguës et répétées de la pression sanguine. Ces travaux parus dans Environmental Research ouvrent la voie à une meilleure compréhension du lien entre pollution de l’air et hypertension.

L’hypertension artérielle est une maladie chronique qui concerne 1 adulte sur 3. Liée à une pression anormalement élevée du sang dans les vaisseaux sanguins, elle peut être à l’origine de complications cardiovasculaires, cérébrovasculaires, voire même neurodégénératives.

De précédentes études ont montré que certaines molécules participant à la pollution de l’air avaient un impact sur la pression sanguine et pouvaient, en conséquence, favoriser l’hypertension. Or, dans la vie de tous les jours, la pollution aérienne à laquelle les personnes sont exposées est en général constituée de mélanges de polluants aériens plutôt que d’un constituant isolé, et ces mélanges sont mal pris en compte dans les analyses déjà existantes.

Une équipe internationale menée par Basile Chaix, directeur de recherche Inserm au sein de l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique (Inserm/Sorbonne Université) a cherché à caractériser les effets sur la pression sanguine de l’exposition dans la vie quotidienne à un mélange de 5 polluants aériens – carbone suie, dioxyde d’azote (NO2), monoxyde d’azote (NO), monoxyde de carbone (CO) et ozone (O3) –chez 221 participants de l’étude MobiliSense.

Afin d’étudier les effets de ce mélange complexe de composants, l’équipe de recherche a développé de nouvelles méthodes de suivi et utilisé du matériel de mesure innovant : chaque participant portait ainsi un appareil de mesure de la pression sanguine ambulatoire[2], deux capteurs portatifs mesurant en continu les concentrations des polluants dans l’air ambiant à proximité de la zone de respiration, un traceur GPS pour appréhender les déplacements, ainsi qu’un accéléromètre permettant de mesurer l’activité physique et d’estimer ainsi le débit respiratoire[3] (c’est-à-dire le volume d’air inspiré ou expiré par unité de temps). Les mesures ont été effectuées sur une journée de la vie quotidienne des participants.

Leur pression sanguine était relevée toutes les 30 minutes afin d’observer le plus finement possible le délai entre les variations de concentration des polluants dans l’air ambiant, la quantité de polluants inhalés estimée et leur impact potentiel sur la pression sanguine.

En savoir plus sur la pression sanguine et l’hypertension artérielle

La pression artérielle résulte de l’éjection du sang par le cœur dans les vaisseaux sanguins et consiste en la pression qu’elle exerce sur les parois vasculaires. Elle est caractérisée par deux valeurs extrêmes :

  • la valeur haute ou systole (pression sanguine systolique), mesurée lors de la contraction du cœur. Elle permet la propulsion du sang par l’aorte vers les artères périphériques ;
  • la valeur basse ou diastole (pression sanguine diastolique), mesurée lors de la relaxation du cœur. Elle permet aux ventricules cardiaques de recevoir le sang arrivant dans les oreillettes par les veines caves et les veines pulmonaires.

On parle d’hypertension artérielle lorsqu’au repos la pression systolique est supérieure à 140 mmHg et/ou lorsque la pression diastolique est supérieure à 90 mmHg.

Les chercheurs ont observé que, lorsque les concentrations de tous les polluants augmentaient au sein du mélange dans les 5 minutes précédant la mesure de la pression sanguine, une élévation de la pression systolique (voir encadré) était observée. Une association similaire était également retrouvée entre une augmentation de la quantité de polluants inhalés dans les 5 minutes précédant la mesure de la pression sanguine (liée à un accroissement des concentrations mesurées et/ou de l’activité physique et donc du débit respiratoire) et l’élévation de la pression systolique.

« Nous avons choisi de prendre en considération des fenêtres d’exposition courtes (5 min, 15 min, 30 min, 1 h) pour étudier le délai entre l’exposition à la pollution et la réponse de la pression artérielle, précise Basile Chaix. Ici, on observe que l’association est plus faible lorsque l’exposition est observée sur des fenêtres d’exposition supérieures à 5 minutes, ce qui témoigne de l’aspect immédiat de l’élévation de la pression sanguine en réponse à une augmentation des concentrations en polluants aériens dans le mélange étudié », ajoute le chercheur. Il poursuit : « Ces augmentations répétées de pression artérielle liées à l’exposition aux polluants de l’air en milieu urbain lors des déplacements pourraient contribuer, mois après mois et année après année, à une élévation chronique de la tension artérielle. »

Autre observation, lorsque l’on considère dans ces deux modèles la contribution individuelle de chaque polluant à l’effet du mélange sur la pression sanguine, l’ozone et le carbone suie se présentent comme les contributeurs les plus importants à son élévation

Peu d’études ayant utilisé ces méthodes de mesure et de modélisation pour étudier des mélanges plutôt que des polluants isolés, l’équipe de recherche précise qu’elle n’a pas, à l’heure actuelle, la possibilité de comparer ses résultats avec d’autres travaux et que ceux-ci doivent donc être interprétés avec prudence.

Cependant, si ces résultats sont vérifiés, ils pourraient être généralisables aux populations d’autres grandes villes européennes présentant des niveaux de pollution similaires à la métropole parisienne.

Quant aux implications de l’étude, Basile Chaix conclut : « Nos résultats plaident en faveur de la prise en compte de la pollution aérienne comme cause de l’hypertension et pour la mise en place de politiques publiques visant à diminuer l’exposition à cette pollution dans la vie de tous les jours et en particulier à réduire celle issue du trafic routier au cœur de nos villes. »

Pour la suite de ses travaux, l’équipe projette d’explorer les causes et mécanismes physiologiques derrières les associations observées dans cette étude.

 

[1]L’étude MobiliSense est conduite sur des habitants de la métropole du Grand Paris. Elle a pour objectif d’explorer les effets de l’exposition à la pollution aérienne et sonore sur la santé cardiovasculaire et respiratoire.

[2]Contrairement à la pression sanguine mesurée sur un patient au repos, la mesure de la pression sanguine ambulatoire se fait tout au long de la journée et des activités de la personne, via un appareil portatif

[3]Dans de précédents travaux, l’équipe avait montré que la quantité d’air pollué inhalée n’était pas directement proportionnelle aux concentrations de polluants dans la zone de respiration mais était aussi dépendante du débit respiratoire, qui varie avec l’intensité de l’activité physique. Le débit respiratoire a donc été estimé pour chaque participant à partir des mesures relevées par l’accéléromètre.

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