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Maladie de Charcot : les troubles du sommeil précèdent l’apparition des premiers symptômes moteurs

Motoneurones (marquage par immunohistochimie pour ChAT) dans la partie lombaire de la moelle épinière chez les modèles murins de SLA. Échelle 100 mm. © Simon J Guillot, Daniel Beckett et Matei BolboreaMotoneurones (marquage par immunohistochimie pour ChAT) dans la partie lombaire de la moelle épinière chez les modèles murins de SLA. Échelle 100 mm. © Simon J Guillot, Daniel Beckett et Matei Bolborea

La sclérose latérale amyotrophique (SLA), ou maladie de Charcot, est une maladie neurodégénérative grave qui conduit à une paralysie progressive des muscles impliqués dans la motricité volontaire. À ce jour, aucun traitement curatif n’existe pour cette maladie dont l’issue est fatale après 3 à 5 ans d’évolution en moyenne. Des chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Strasbourg, au Centre de recherche en biomédecine, viennent de faire un pas de plus dans la compréhension des mécanismes en œuvre dans la maladie. Dans une nouvelle étude, ils montrent que les symptômes caractéristiques de la SLA sont précédés par des altérations du sommeil. Leurs travaux suggèrent que les troubles du sommeil seraient présents avant l’apparition de la déficience motrice et des problèmes respiratoires. Ils révèlent un rôle nouveau de certains neurones de l’hypothalamus dans la survenue de ces troubles du sommeil associés à la SLA. Ces travaux, publiés dans la revue Science Translational Medicine, identifient dans le cerveau de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles et proposent l’exploration d’une nouvelle famille de molécules pour contrer les effets du manque de sommeil.

La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est due à la mort progressive des cellules nerveuses appelées motoneurones. Cette dégénérescence provoque une atrophie progressive et rapide des muscles, et entraîne une perte d’autonomie liée à l’apparition de troubles et de déficits moteurs. Le plus souvent, c’est l’atteinte des muscles respiratoires qui cause le décès des patients.

L’effort de recherche de ces dernières années a permis de significativement développer les connaissances sur la génétique et la biologie de cette maladie. En revanche, il est encore difficile d’établir précisément les mécanismes qui initient et maintiennent la dégénérescence neuronale impliquée dans la SLA. Percer le mystère de ces mécanismes est l’un des objectifs de recherche de l’équipe de Luc Dupuis et Matei Bolborea, tous deux chercheurs Inserm au Centre de recherche en biomédecine de Strasbourg (Inserm/Université de Strasbourg).

La progression de la maladie atteint les fonctions respiratoires et induit donc indirectement des troubles du sommeil lors de son évolution. Cependant, il n’était pas déterminé si ces troubles pouvaient préexister aux symptômes moteurs, comme cela a été observé dans plusieurs maladies neurodégénératives (Parkinson ou encore Alzheimer). Quand apparaissent-ils ? Sont-ils une conséquence de l’apparition des troubles et déficits moteurs ? Ces questions ont justement été étudiées par l’équipe de Luc Dupuis et Matei Bolborea, grâce à une collaboration étroite avec le centre allemand d’étude des maladies neurodégénératives (DZNE) d’Ulm.

Dans leurs derniers travaux, les chercheurs ont obtenu et analysé plusieurs dizaines d’enregistrements de sommeil de groupes de personnes atteintes de SLA, à différents stades de la maladie. Des enregistrements qu’ils ont comparés à des groupes contrôles.

Un premier groupe était composé de patients atteints de SLA à un stade où ils n’avaient pas encore développé de symptômes respiratoires. Un autre était composé de personnes pré-symptomatiques, porteuses de certaines mutations génétiques caractéristiques de la maladie (ces personnes avaient un risque accru de déclarer la maladie).

Ces tests indiquent que les deux groupes d’individus souffraient du même type de troubles du sommeil : un temps d’éveil plus important et une quantité de sommeil profond inférieure aux données issues des groupes contrôles.

Les résultats suggèrent que les troubles du sommeil sont présents et observables, et ce de façon précoce, plusieurs années avant la manifestation des troubles moteurs.

Restaurer le sommeil des patients atteints de SLA

À la suite de cette découverte, les chercheurs ont essayé de trouver l’origine de ces troubles du sommeil dans le cerveau – ils se sont intéressés à des neurones spécifiques retrouvés dans l’hypothalamus et connus pour jouer un rôle important dans la stimulation de l’état d’éveil : les neurones à orexine[1]. Sur des modèles de souris atteintes de SLA, l’équipe a décrit les mêmes types de troubles du sommeil. Les scientifiques ont aussi découvert que les circuits de neurones dans lesquels les neurones à orexine fonctionnent sont altérés par la disparition de neurones annexes au cours de la maladie.

Ils ont ensuite eu l’idée d’administrer aux souris une molécule inhibitrice de l’orexine, retrouvée dans un somnifère déjà commercialisé et prescrit pour les insomnies[2]. Grâce à ce traitement, ils sont parvenus à restaurer le sommeil chez les animaux par une seule prise orale. Une restauration de l’activité des neurones annexes des neurones à orexine a permis, après 15 jours de traitement, une conservation des motoneurones chez les souris.

Un essai clinique est en cours pour tester la molécule sur des patients atteints de SLA. L’objectif est, à terme, de tester si un sommeil restauré peut avoir un effet sur la progression de la maladie.

« Notre étude avait pour ambition principale d’essayer de reconstituer ce qu’il se passe chez les patients avant qu’ils ne soient malades. Ces découvertes sur la chronologie des symptômes nous permettent de repenser le rôle du cerveau et particulièrement celui de l’hypothalamus dans le début de la pathologie et d’imaginer de nouvelles cibles thérapeutiques », explique Matei Bolborea, co-dernier auteur de l’étude.

«Les découvertes de notre équipe sont importantes à deux niveaux. Tout d’abord, elles mettent en lumière une nouvelle chronologie des symptômes de la SLA, questionnant à nouveau les origines de la maladie, et notamment le rôle du cerveau dans sa genèse, explique Luc Dupuis, co-dernier auteur de l’étude. Elles représentent aussi un léger espoir pour les malades, et ceux qui déclareront la maladie, en imaginant qu’agir sur les premières manifestations de celle-ci puissent ralentir sa progression extrêmement rapide. »

[1]Des études révèlent par exemple que les personnes narcoleptiques ont moins de neurones à orexines que les autres.

[2] Il s’agit du Suvorexant® qui appartient à la classe des médicaments appelés hypnotiques, dont la commercialisation est autorisée aux États-Unis.

Décrypter la parole : un puzzle à deux pièces

Deux figurines en bois se faisant face avec deux bulles jaunes symbolisant le dialogue, la communication et l'interaction sur un fond neutre. crédits photo : AdobeStock ©AdobeStock

Comment le langage est-il traité par le cerveau ? Quels mécanismes lui permettent d’extraire du sens à partir des sons émis par la parole ? C’est à ces questions que s’est intéressée une équipe de recherche de l’Inserm et d’Aix-Marseille Université, en collaboration avec l’université de Cambridge. Ses travaux montrent que, pour comprendre la parole, le cortex auditif humain suit simultanément deux rythmes essentiels : celui des syllabes (lent) et celui des phonèmes (rapide). Ils montrent également que ces rythmes caractérisent la parole à travers les langues, et qu’ils sont traités simultanément par les régions auditives du cerveau. Ces résultats, publiés dans Science Advances, ouvrent la voie à une meilleure compréhension du traitement du langage et des troubles qui y sont associés.

Lors d’une discussion, quels sont les mécanismes qui permettent au cerveau d’extraire et de reconstituer les informations données à partir du flux continu de parole ? Les sciences cognitives continuent encore aujourd’hui d’essayer de les décrypter.

Pour mieux les appréhender, elles nous invitent à imaginer la parole comme un puzzle. Les syllabes, telles que « ma » dans « maman », sont les grandes pièces, tandis que les phonèmes, les sons individuels qui composent les syllabes, comme « m » et « a », sont les petites pièces. Les grandes pièces (les syllabes) sont produites à un rythme lent et sont principalement reflétées par des variations de l’amplitude sonore (volume) du signal vocal au fil du temps. Les petites pièces (les phonèmes), quant à elles, surviennent à un rythme beaucoup plus rapide et se manifestent par des changements abrupts dans le contenu spectral[1] du signal vocal. Pour comprendre la parole et la « traduire » en mots isolés successifs, reconnaissables et porteurs de sens, le cerveau doit analyser ces deux types de pièces en même temps.

Une équipe de recherche menée par Benjamin Morillon, directeur de recherche Inserm, au sein de l’Institut de neurosciences des systèmes (Inserm/Aix-Marseille Université), s’est intéressée à ces mécanismes cérébraux de traitement du langage et à la façon dont le cerveau parvient à analyser les syllabes et les phonèmes pour reconstituer une information compréhensible à partir du signal sonore continu associé à la parole. Les scientifiques ont analysé l’activité cérébrale de 11 personnes (déjà porteuses, pour des raisons cliniques, d’électrodes qui enregistrent l’activité neuronale dans différentes régions du cerveau), durant l’écoute de 315 phrases en français, jouées à différentes vitesses et contenant un nombre fixe de mots, mais des nombres variés de syllabes et de phonèmes.

Leurs résultats montrent que dès le traitement du signal vocal par le cortex auditif (une région du cerveau chargée de traiter les sons), les rythmes lents des syllabes et les rythmes rapides des phonèmes sont suivis en parallèle par le cerveau. Cette capacité à détecter, isoler et décoder en simultané les 2 types de « pièces du puzzle » lui permet de segmenter le signal continu de parole.

En outre, en analysant la façon dont la parole est construite dans 17 langues différentes, les scientifiques ont constaté que, quel que soit le langage, le signal vocal présentait systématiquement les mêmes rythmes lents et rapides, assimilables à ceux des syllabes et des phonèmes.

« Cette universalité suggère l’existence d’un mécanisme biologique de production et de perception de la parole commun à tous les humains », indique ainsi Benjamin Morillon.

L’équipe de recherche espère que cette avancée permettra de mieux comprendre le processus complexe et fascinant du traitement de la parole et des troubles qui y sont associés.

« Ces découvertes ouvrent de nouvelles perspectives dans la compréhension des troubles du langage, comme la dyslexie, précise Benjamin Morillon. Un déficit dans la capacité du cerveau à suivre ces deux rythmes pourrait, par exemple, expliquer certaines difficultés de compréhension orale », conclut-il.

 

[1] Le contenu spectral du signal vocal pourrait se définir comme la « texture sonore » d’une voix ; il est ce qui rend chaque voix unique. Il se compose de trois caractéristiques : la fréquence de base, liée à la vibration des cordes vocales, qui détermine la hauteur du son (grave ou aigu), les harmoniques, qui sont des fréquences multiples de la fréquence de base et enrichissent le son, et enfin, les formants qui correspondent à des pics dans les harmoniques et qui sont liés aux résonnances des structures du tractus vocal comme la bouche, la gorge, la glotte, les cordes vocales ou encore les narines. L’anatomie de ces structures étant propre à chaque personne, elles font la spécificité d’une voix et des sons qu’elle émet.

Stress post-traumatique : la plasticité cérébrale, un mécanisme clé de la résilience au trauma

image décorative

Le projet Remember apporte de nouvelles pistes pour comprendre le trouble de stress post-traumatique © Inserm

À la suite d’une expérience choquante, dangereuse ou effrayante, comme par exemple un attentat, de nombreuses personnes développent un trouble de stress post-traumatique (TSPT). Afin d’améliorer sa prise en charge, de nombreux travaux scientifiques se penchent sur les processus neurobiologiques qui sous-tendent le développement de ce trouble. L’étude Remember, dirigée par Pierre Gagnepain et dont l’Inserm est promoteur, a été mise en place dans les mois qui ont suivi les attentats du 13 Novembre. Elle s’intéresse plus particulièrement aux facteurs de protection et aux marqueurs cérébraux qui sont associés à la résilience au traumatisme. Dans un nouvel article scientifique publié dans Science Advances, l’équipe de recherche au sein du laboratoire Inserm Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine (Inserm/Université de Caen Normandie/École pratique des hautes études/CHU Caen/GIP Cyceron) met en évidence la plasticité des mécanismes cérébraux permettant de faire face au trauma. Ceux-ci se transforment avec le temps, et leur reconfiguration aboutit à une diminution des symptômes de stress post-traumatique. 

Les attentats de Paris et Saint-Denis, le 13 novembre 2015, ont laissé des marques durables, non seulement sur les survivants et les proches des victimes, mais aussi sur la société française dans son ensemble.

L’étude Remember, menée dans le cadre du programme transdisciplinaire 13-Novembre[1], est une étude qui compare les résultats d’imagerie cérébrale menée chez 120 participants exposés aux attentats et 80 non-exposés qui ont été suivis depuis 2015.

L’équipe de recherche explore les effets d’un événement traumatique sur les structures et le fonctionnement du cerveau, identifiant des marqueurs neurobiologiques du stress post-traumatique mais également de la résilience au trauma. À terme, l’objectif est que ces travaux puissent déboucher sur de nouvelles pistes thérapeutiques, complémentaires à celles existant déjà, pour les personnes qui souffrent de TSPT.

« Pourquoi certaines personnes ayant vécu un traumatisme souffrent-elles de stress post-traumatique, alors que d’autres ne développent jamais ce trouble ? Qu’est-ce qui, au niveau cérébral, explique que certaines personnes se remettent après avoir souffert de TSPT et que d’autres en sont atteintes de manière chronique ? Voilà le type de questions auxquelles nous tentons de répondre avec nos travaux », explique Pierre Gagnepain chercheur Inserm et responsable scientifique de Remember.

Mécanismes de contrôle de la mémoire

Parmi les symptômes les plus caractéristiques du TSPT, l’intrusion fréquente du souvenir des images, des odeurs et des sensations associées au traumatisme vécu. Ces mémoires intrusives, qui arrivent souvent sans crier gare et bouleversent la vie quotidienne, sont source de grande détresse.

Dans de précédents travaux, l’équipe a montré que les personnes souffrant de TSPT présentent un dysfonctionnement au niveau des réseaux cérébraux de contrôle qui régulent normalement l’activité des régions de la mémoire, et notamment l’activité de l’hippocampe.

Chez les individus atteints de ce trouble, ces « mécanismes de contrôle » de la mémoire ne parviennent pas à inhiber l’activité de l’hippocampe, ce qui permet aux souvenirs intrusifs de resurgir. À l’inverse, le fonctionnement de ces mécanismes est très largement préservé chez les individus sans TSPT, qui parviennent à lutter efficacement contre les souvenirs intrusifs.

Dans la continuité de ces résultats, Pierre Gagnepain et ses collègues ont voulu comprendre dans leur nouvelle étude[2] si les mécanismes de contrôle de la mémoire pouvaient se refaçonner et s’améliorer avec le temps, contribuant à la guérison du trouble.

Au total 100 personnes, qui avaient été exposées aux attaques terroristes du 13 novembre 2015, ont participé à ce travail. Parmi elles, 34 souffraient de TSPT chronique, alors que 19 s’étaient remises d’un trouble initial. L’étude comptait également 72 participants non exposés aux attentats, servant de groupe contrôle.

Toutes ces personnes ont été invitées à participer à deux reprises à des études d’imagerie cérébrale (en 2016/2017 puis en 2018/2019) afin d’étudier les évolutions structurelles et fonctionnelles de leur cerveau au cours du temps. Elles ont également répondu à un questionnaire sur leurs éventuels symptômes de TSPT en 2020/2021.

À partir de ces données, l’équipe de recherche a pu mettre en évidence la plasticité des réseaux cérébraux impliqués dans le contrôle de la mémoire, qui régulent la résurgence des souvenirs intrusifs.

Les chercheurs montrent en effet que, chez les personnes remises du TSPT, ces « mécanismes de contrôle » de la mémoire se refaçonnent au cours du temps et finissent par se « normaliser », pour ressembler à ceux des personnes « contrôles ». Concrètement, cela se traduit en imagerie cérébrale par une action plus efficace des régions préfrontales pour inhiber l’activité hippocampique et empêcher l’accès aux souvenirs intrusifs.

Chez les participants qui souffrent de TSPT chronique, ces phénomènes sont toujours altérés. Néanmoins, l’apparition d’un début de plasticité des mécanismes de contrôle de la mémoire, observée lors de la seconde étape d’imagerie chez certains d’entre eux, prédit une future réduction des symptômes intrusifs rapportés dans la troisième partie de l’étude, dans le questionnaire.

Enfin, au niveau structurel, cette normalisation des mécanismes de contrôle de la mémoire est aussi associée à une interruption de l’atrophie de l’hippocampe, contribuant ainsi à limiter les effets négatifs du stress sur le cerveau.

« Notre étude permet de montrer que rien n’est inscrit dans le marbre. La résilience humaine aux traumatismes est caractérisée par la plasticité des circuits de contrôle de la mémoire, notamment ceux qui régulent l’activité de l’hippocampe et la résurgence des souvenirs intrusifs. Elle souligne également que l’altération des mécanismes de contrôle, que nous avions identifiés lors de notre précédente étude comme centraux pour comprendre la variation dans la réponse au trauma, sont bien plus probablement la cause que la conséquence du TSPT », souligne Giovanni Leone, premier auteur de l’étude.

D’un point de vue clinique, cette étude pourrait avoir des implications intéressantes.

« On pourrait imaginer de nouvelles thérapies, complémentaires à celles qui sont déjà utilisées, pour venir stimuler les mécanismes de contrôle de la mémoire, et encourager la plasticité. L’avantage de cette approche serait d’agir sur les réseaux cérébraux sans agir sur le système émotionnel et sans faire revivre les émotions traumatiques au patient », précise Pierre Gagnepain.

L’équipe poursuit les travaux sur le sujet : la prochaine étape consistera à étudier le rôle d’un récepteur cérébral particulier (appelé « GABA alpha 5 »), principalement localisé au sein de l’hippocampe. Les scientifiques pensent en effet que ce récepteur pourrait être impliqué dans l’oubli et la mise sous silence des souvenirs. Ils souhaitent creuser cette piste, qui leur permettrait à la fois de mieux comprendre les mécanismes du TPST mais aussi d’envisager ce récepteur comme une nouvelle cible thérapeutique potentielle.

 

[1]Vaste programme de recherche transdisciplinaire, le programme 13-Novembre bénéficie d’une aide de l’État gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre de France 2030 portant la référence ANR-10-EQPX-0021. Le programme est codirigé par le neuropsychologue Francis Eustache, directeur d’étude à l’EPHE, et l’historien Denis Peschanski, directeur de recherche au CNRS.  L’objectif : étudier la construction et l’évolution de la mémoire, individuelle et collective, de ces événements traumatiques, mais également mieux comprendre les facteurs protégeant les individus du stress post-traumatique.

[2] Cette étude a bénéficié d’un financement de la Région Normandie dans le cadre du Réseau d’Intérêt normand (RIN) Label d’excellence.

Une nouvelle voie pour sécuriser la prise en charge de la douleur par les opioïdes

Personnage recroquevillé sur lui-même, le visage portant une expression de souffrance © Inserm/Frédérique Koulikoff© Inserm/Frédérique Koulikoff

Si les opioïdes sont le traitement le plus efficace dans la prise en charge de la douleur, et en particulier de la douleur chronique, leur utilisation prolongée présente de nombreux inconvénients parmi lesquels : la tolérance, qui nécessite d’augmenter les doses pour maintenir l’effet analgésique, et l’hyperalgésie, une sensibilité accrue à la douleur induite par les opioïdes. Deux phénomènes sur lesquels se sont penchés des chercheurs de l’Université de Montpellier, de l’Inserm et du CNRS en collaboration avec la société Biodol Therapeutics, pour tenter de trouver des solutions. Leur étude publiée le 7 novembre 2024 dans Nature Communications ouvre des pistes prometteuses pour supprimer la tolérance et l’hyperalgésie tout en augmentant l’effet analgésique des opioïdes.

Dans la lutte contre la douleur, notamment chronique, les meilleures armes de l’arsenal thérapeutique sont les opioïdes, qui font preuve d’une efficacité analgésique inégalée. Problème : une utilisation prolongée des opioïdes peut entraîner une tolérance obligeant le patient à augmenter la dose pour maintenir l’effet analgésique, avec de lourdes conséquences en termes d’effets secondaires et de risques d’addiction. Par ailleurs, les opioïdes peuvent induire de façon paradoxale une sensibilité anormale à la douleur, appelée « hyperalgésie ».

Si les mécanismes à l’origine de ces phénomènes restent imparfaitement connus, on sait que ces effets contradictoires sont notamment médiés par le récepteur mu-opioïde périphérique MOR. Une voie importante mais qui n’est pas la seule impliquée. Dans cette étude, Cyril Rivat, chercheur à l’Institut des Neurosciences de Montpellier (INM), et ses collaborateurs de l’Université de Montpellier, de I’Inserm, du CNRS et de la société Biodol Therapeutics, ont mis en évidence une co-expression du récepteur MOR et du récepteur tyrosine kinase FLT3, qui participerait au développement de la tolérance et de l’hyperalgésie paradoxale liées aux opioïdes.

Restaurer l’efficacité de la morphine

Pour perturber l’effet de ce récepteur FLT3 nouvellement identifié, les chercheurs ont ici testé les effets d’une molécule particulière, un inhibiteur appelé BDT001. Administré chez le rongeur en même temps que la morphine, celui-ci a permis non seulement de prévenir l’apparition des phénomènes de tolérance et d’hyperalgésie mais aussi d’augmenter de façon importante le potentiel analgésique de la morphine sans aggraver les autres effets indésirables induits par les opioïdes.

Le traitement par l’inhibiteur BDT001 a aussi montré sa capacité à supprimer les phénomènes de tolérance et d’hyperalgésie déjà installés chez des rongeurs préalablement exposés aux opioïdes, permettant ainsi de restaurer l’efficacité de la morphine.

« Nos résultats suggèrent que l’association de la morphine et des inhibiteurs de FLT3 pourrait devenir une voie prometteuse pour la gestion de la douleur chronique afin d’exploiter en toute sécurité la puissance des opioïdes, sans risque d’augmenter les doses voire de les diminuer afin de réduire l’ensemble des effets secondaires », souligne Cyril Rivat.

Une avancée majeure alors même que ces médicaments sont au cœur d’un énorme enjeu sanitaire, notamment aux États-Unis où la « crise des opioïdes » a provoqué le décès de 800 000 personnes en 25 ans.

Ecouter l’interview de Cyril Rivat dans l’émission A l’UM la science : sécuriser le traitement de la douleur

IA : mieux comprendre la prise de décision grâce aux neurones artificiels

Image décorative générée par une intelligence artificielle. Image générée une IA générative spécialisée dans la création d’images, à partir de la description textuelle suivante : « activité variable dans un processeur en silicium qui ressemble à un réseau de neurones artificiels ».

Les décisions humaines prises en situation d’incertitude sont souvent imprévisibles, tout comme l’activité cérébrale qui leur est associée. Une équipe Inserm au Laboratoire de neurosciences cognitives et computationnelles de l’École normale supérieure – Université PSL, vient de découvrir les bénéfices cachés de cette imprévisibilité. Ce travail, fondé sur des simulations de réseaux de neurones utilisés en intelligence artificielle, pourrait contribuer à une meilleure compréhension de certaines maladies psychiatriques dont les symptômes s’expriment en situation d’incertitude, comme les troubles obsessionnels compulsifs ou la schizophrénie par exemple. Les résultats viennent de paraître dans Science Advances.

Comment notre cerveau s’adapte-t-il à une situation imprévue ? S’il n’y a jamais été confronté auparavant et n’a pas de retour d’expérience pour favoriser un choix plutôt qu’un autre, comment parvient-il à prendre une décision ? Pour donner un exemple concret : que faire quand son métro ou son bus n’arrive pas et que les informations communiquées par oral ou sur les tableaux d’affichage sont vagues ? Vaut-il mieux attendre, essayer un autre itinéraire, marcher ? Avoir une capacité à s’adapter et à prendre des décisions face à des situations imprévues est indispensable dans notre vie quotidienne.

Valentin Wyart, directeur de recherche Inserm, et son équipe, cherchent à comprendre comment le cerveau s’adapte à ces situations imprévues qui surgissent au quotidien.

« De nombreux neuroscientifiques cherchent à identifier des circuits cérébraux spécifiques pour chaque fonction cognitive, et c’est le cas pour l’adaptation à l’incertitude, explique le chercheur. Mais cette approche ne tient compte ni de l’évolution du cerveau ni de son fonctionnement. Nous sommes donc partis sur une autre hypothèse, radicalement différente : la capacité d’adaptation de notre cerveau serait une conséquence naturelle de son fonctionnement. »

L’activité cérébrale est en effet connue pour être variable et sujette à des fluctuations inexpliquées lorsque nous vivons des expériences, se manifestant par des signaux électriques imprévisibles. En laboratoire, cela se traduit par une grande variabilité des réponses cérébrales lorsque qu’un même participant est exposé à plusieurs répétitions d’une même stimulation, comme une image ou un son par exemple.

« Nous avons imaginé que notre cerveau pourrait s’appuyer sur ces fluctuations d’activité pour se reconfigurer face à des situations nouvelles et imprévues », précise Valentin Wyart.

En d’autres termes, l’adaptation à l’incertitude ne s’appuierait pas sur un circuit cérébral dédié, et se ferait sans effort en tirant parti de l’activité variable de notre cerveau.

Pour tester cette hypothèse, l’équipe s’est tournée vers des outils d’intelligence artificielle, en l’occurrence des réseaux de neurones artificiels, inspirés par les réseaux de neurones de notre cerveau, et capables de simuler des processus cognitifs comme la mémoire, l’apprentissage, ou la prise de décision. Les chercheurs ont d’abord appris à ces réseaux de neurones artificiels à prendre des décisions dans des situations prévisibles. Certains de ces réseaux ne présentaient pas de variabilité et s’activaient toujours de la même manière dans les mêmes situations. D’autres, au contraire, avaient été modifiés par les chercheurs pour présenter une activité variable, comme celle du cerveau humain. L’équipe a ensuite exposé les deux types de réseaux de neurones à des situations nouvelles, comportant des sources d’incertitude auxquelles ils n’avaient jamais été exposés auparavant.

Les réseaux variables ont alors montré une capacité impressionnante pour s’adapter de façon presque optimale à des sources d’incertitude qu’ils n’avaient jamais rencontrées, là où les réseaux sans variabilité ont montré un comportement rigide et inadapté. Concrètement, les réseaux jouaient à une machine à sous dont ils avaient appris certaines des combinaisons gagnantes. Quand les chercheurs ont introduit des combinaisons nouvelles, les réseaux variables arrivaient à deviner lesquelles étaient gagnantes alors que les réseaux sans variabilité échouaient systématiquement.

Comment expliquer ce bénéfice caché de la variabilité cérébrale ? Une activité variable pourrait permettre aux réseaux de neurones de notre cerveau d’être flexibles et de se reconfigurer très rapidement à l’arrivée de nouvelles informations.

En plus d’ouvrir des perspectives intéressantes pour mieux comprendre le fonctionnement du cerveau humain, ces résultats pourraient aussi avoir des applications pratiques en intelligence artificielle, pour le développement de systèmes capables de s’adapter à des situations imprévues sans nécessiter de reprogrammation ni d’entraînement spécifique. En effet, des outils fondés sur l’IA que nous pourrions être amenés à utiliser dans le futur – comme un système de conduite autonome par exemple – doivent être capables de s’adapter à des situations pour lesquelles il n’ont pas été spécifiquement entraînés.

En outre, cette découverte incite à explorer la variabilité cérébrale et à mesurer son impact dans le cadre de certaines maladies psychiatriques qui ont un impact délétère sur la prise de décision en situation d’incertitude, comme les troubles obsessionnels compulsifs ou la schizophrénie par exemple.

« Nous sommes en train d’étudier la variabilité cérébrale chez des patients souffrant de ces maladies psychiatriques, mais aussi les neurotransmetteurs qui pourraient être impliqués dans la régulation de cette variabilité », conclut Valentin Wyart.

Des réseaux cérébraux associés aux ruminations mentales et leur évolution chez le jeune adulte

Une étude décrit pour la première fois les réseaux cérébraux associés aux ruminations mentales ces pensées répétitives, et leur évolution entre les âges de 18 et 22 ans. Ce travail mené par l’équipe Inserm « Trajectoires développementales en psychiatrie » (Inserm/ENS Paris-Saclay) au sein du Centre de mathématiques appliquées Borelli[1] montre également une association entre les réseaux cérébraux des ruminations et certains symptômes psychiatriques. Les chercheurs se sont appuyés sur la cohorte IMAGEN destinée à explorer la santé mentale de jeunes européens à partir de 14 ans. Ce travail, publié dans la revue Molecular Psychiatry, fournit des pistes pour la prévention en santé mentale.

Les ruminations sont des pensées répétitives, avec le sentiment de tourner en boucle. Elles se manifestent fréquemment au cours de la transition de l’adolescence vers le stade de jeune adulte, et sont liées notamment aux difficultés de l’entrée dans la vie adulte.

La littérature décrit trois types de ruminations. Les ruminations « réflexives » ne sont pas négatives ; elles visent à chercher une solution à un problème et peuvent faire partie d’un processus de réflexion (trouver un logement, un emploi, etc.). Les ruminations « soucieuses » sont liées à des situations complexes ou conflictuelles, avec des difficultés à prendre du recul (soucis professionnels, difficultés financières, etc.). Enfin, le troisième type de ruminations est de nature « dépressive » avec des pensées noires répétitives sur sa situation ou son avenir.

Fréquentes chez les adolescents, ces dernières peuvent s’associer à des états d’anxiété, d’agressivité, de dépression, ou encore des addictions. Considérées comme un facteur de risque de maladie psychiatrique, elles précèdent le plus souvent l’apparition de troubles à l’âge adulte. C’est pourquoi il est important de mieux comprendre les mécanismes cérébraux qui leur sont associés.

C’est dans cet objectif qu’une équipe menée par les chercheurs Inserm Jean-Luc Martinot et Eric Artiges au sein du laboratoire « Trajectoires développementales en psychiatrie » s’est intéressée pour la première fois aux réseaux cérébraux associés aux différents types de ruminations au cours de la transition du stade adolescent à jeune adulte.

À cette fin, l’équipe a étudié 595 jeunes inclus dans la cohorte européenne IMAGEN[2] et suivis entre les âges de 18 à 22 ans.

Des réseaux spécifiques associés aux ruminations

Les jeunes ont passé des IRM fonctionnelles au repos. Cette technique de neuroimagerie permet de suivre l’activité cérébrale spontanée dans toutes les régions du cerveau.

« Lors de cet examen, les sujets n’avaient aucune consigne et étaient laissés libres de leurs pensées. De sorte que les profils « ruminateurs » se sont laissés aller à leurs ruminations », précise Jean-Luc Martinot.

Ces jeunes ont aussi répondu à des questionnaires pour mesurer la fréquence et le type de leurs ruminations, et évaluer la présence éventuelle de symptômes psychiatriques.

En premier lieu, les chercheurs ont recoupé l’imagerie et les réponses aux questionnaires à 18 ans, en utilisant un modèle mathématique innovant. Cela leur a permis d’associer chaque type de rumination à l’activité simultanée de deux à trois réseaux cérébraux spécifiques.

Ils ont par exemple montré qu’à 18 ans les ruminations « soucieuses » s’appuyaient sur des réseaux cérébraux engageant l’hippocampe et le lobe frontal. Les ruminations « dépressives » apparaissaient, elles, associées à d’autres réseaux engageant le noyau thalamique et une partie du lobe frontal.

Des changements à 22 ans

Ce travail a ensuite été renouvelé chez ces mêmes participants à l’âge de 22 ans, afin d’évaluer comment les ruminations et les processus cérébraux associés évoluaient au cours du temps.

 « A cet âge de leur vie, les jeunes adultes montraient une diminution des ruminations « soucieuses » en faveur de ruminations « réflexives », explique Jean-Luc Martinot,  ceci suggère  qu’entre 18 et 22 ans, période de transition vers l’adulte, ils et elles ont acquis une meilleure capacité d’adaptation aux émotions négatives et une meilleure aptitude à la prise de décision ».

Cela se traduit concrètement au niveau cérébral : en passant d’un type de rumination à un autre, les chercheurs ont constaté que les réseaux cérébraux activés chez les participants étaient également refaçonnés.

Dans la suite de l’étude, l’équipe a enfin montré que les réseaux cérébraux associés aux différents types de rumination étaient par ailleurs associés à certains symptômes psychiatriques. Plus précisément, l’activité d’un réseau associé aux ruminations soucieuses était aussi associée à des symptômes « internalisés » (anxiété, nervosité, retrait, etc.). L’activité d‘un réseau associé aux ruminations « dépressives » était aussi associée à des symptômes « extériorisés » (agitation, irritabilité, recours aux passages à l’acte, à des substances, etc.).

« Ce travail révèle des liens entre l’évolution des ruminations mentales et l’évolution de symptômes psychiatriques, par l’intermédiaire de changements fonctionnels du cerveau à la fin de l’adolescence. Deux types de ruminations peuvent précéder des symptômes psychiatriques. Ces données pourraient contribuer au développement des approches préventives chez les jeunes adultes », conclut Jean-Luc Martinot.

[1] Le Centre Borelli est sous tutelle CNRS/ ENS Paris-Saclay/ Université Paris-Saclay/ Université Paris-Cité/ Inserm/ Service de santé des armées

[2] Co-fondée par Jean -Luc Martinot, la cohorte IMAGEN est destinée à suivre la santé mentale d’adolescents à partir de 14 ans à l’aide de données psychologiques, cliniques, environnementales, et d’imagerie du cerveau.

Un traitement de Parkinson pourrait retarder la progression d’une des formes de la DMLA

DMLALa dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la première cause de handicap visuel chez les personnes de plus de 50 ans. © Adobe Stock

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la première cause de handicap visuel chez les personnes de plus de 50 ans. Améliorer l’offre thérapeutique pour les patients est un enjeu de taille pour la recherche. Dans une nouvelle étude, une équipe composée de chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de Sorbonne Université à l’Institut de la vision[1] à Paris, décrit l’efficacité des médicaments dopaminergiques pour ralentir la progression de l’une des formes de la maladie, la forme néovasculaire ou « humide » caractérisée par la prolifération de vaisseaux sanguins dysfonctionnels sous la rétine. Ces médicaments spécifiques sont déjà utilisés dans le traitement de la maladie de Parkinson. Ces résultats sont publiés dans la revue The Journal of Clinical Investigation.

La DMLA est une maladie de la rétine d’origine multifactorielle qui concerne les plus de 50 ans. Elle correspond à une dégradation d’une partie de la rétine – la macula – et peut mener à la perte de la vision centrale. Bien que très invalidante, elle ne rend jamais totalement aveugle puisque la partie périphérique de la rétine reste intacte.

Il existe deux formes de la maladie qui ont une prévalence à peu près équivalente : la forme néovasculaire, dite « exsudative » ou « humide » et la forme atrophique, ou « sèche avancée » (voir encadré).

Si la forme sèche de la maladie ne dispose actuellement d’aucun traitement curatif, la forme néovasculaire peut être ralentie par des injections régulières administrées directement dans l’œil du patient (des injections dites « intravitréennes »).

Bien que nécessaires, celles-ci peuvent représenter un fardeau thérapeutique important du fait de la fréquence des piqûres, mensuelles ou bimestrielles, selon l’évolution de la maladie. Il est donc intéressant de continuer à identifier de nouvelles alternatives pour les patients.

Des médicaments pour Parkinson

Des études épidémiologiques antérieures ont déjà mis en évidence une association possible entre la maladie de Parkinson et un risque réduit de DMLA néovasculaire[2]. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS, et de Sorbonne Université à l’Institut de la vision, ont exploré les mécanismes sous-jacents qui expliqueraient cette protection potentielle.

Dans des modèles cellulaires et animaux, les scientifiques ont montré que la L-Dopa, médicament de la famille des dopaminergiques[3] utilisé dans le traitement de la maladie de Parkinson, active un récepteur spécifique du cerveau, appelé DRD2. Cette activation du DRD2 bloque la formation de nouveaux vaisseaux sanguins dans l’œil, un processus clé dans le développement de la DMLA néovasculaire.

Pour aller plus loin, l’équipe a ensuite analysé les données de santé de plus de 200 000 patients atteints de DMLA néovasculaire en France[4].

Ils ont montré que les patients qui prenaient de la L-Dopa ou d’autres médicaments inhibant le récepteur DRD2 (des agonistes DRD2) pour traiter leur maladie de Parkinson développaient la DMLA néovasculaire plus tard dans leur vie et nécessitaient moins d’injections intravitréennes. 

En effet, les patients traités avec ces médicaments pour leur maladie de Parkinson déclaraient la maladie à 83 ans au lieu de 79 ans pour les autres patients.

« Ces résultats ouvrent des perspectives inédites pour les patients atteints de DMLA dans sa forme humide. Nous avons maintenant une piste sérieuse pour retarder l’évolution de cette maladie et réduire le fardeau des traitements actuels », explique Florian Sennlaub, directeur de recherche Inserm à l’Institut de la vision (CNRS/Sorbonne Université/Inserm).

Thibaud Mathis, professeur des universités et praticien hospitalier dans le service d’ophtalmologie de l’hôpital de la Croix-Rousse – Hospices civils de Lyon, et chercheur à l’Université Lyon 1, ainsi qu’au sein de l’Institut de la vision abonde dans le même sens :

« Ces résultats suggèrent que les médicaments dopaminergiques, au-delà de leur rôle dans la maladie de Parkinson, pourraient avoir un effet bénéfique dans la prévention et le traitement de la DMLA néovasculaire. »

Même si des études cliniques plus approfondies seront nécessaires pour confirmer ces résultats et évaluer l’efficacité et la sécurité de ces médicaments dans le traitement de la DMLA, cette découverte ouvre de nouvelles perspectives encourageantes pour la lutte contre la forme néovasculaire, offrant l’espoir d’un traitement plus efficace et moins contraignant pour les patients.

Deux formes de DMLA :

La DMLA humide est caractérisée par la prolifération de nouveaux vaisseaux dysfonctionnels sous la rétine. Le sang peut se diffuser à travers leurs parois et conduire à la formation d’un œdème maculaireDu sang s’échappe parfois de celui-ci et entraîne l’apparition d’hémorragies rétiniennes.

La forme humide de la DMLA évolue rapidement si elle n’est pas prise en charge. Auparavant, une perte de vision centrale pouvait apparaître en quelques semaines ou même quelques jours. Ce processus peut aujourd’hui être stoppé grâce à des médicaments (anti-VEGF) injectés dans l’œil, qui inhibent la croissance de nouveaux vaisseaux. Néanmoins, après plusieurs années de traitement, la maladie peut évoluer vers une forme atrophique.

Dans la DMLA atrophique ou « sèche avancée », les photorécepteurs de la macula disparaissent progressivement, suivis par les cellules de l’épithélium pigmentaire rétinien. Ce processus génère des trous de taille croissante dans la macula, visibles par une simple observation de la rétine (fond d’œil). Ce processus est lent et il s’écoule en général entre cinq et dix ans avant que le patient ne perde sa vision centrale. Actuellement, aucun traitement pour cette forme de DMLA n’est autorisé en Europe.

Des formes mixtes de la maladie peuvent être observées, et chacune de ces deux formes peut précéder l’apparition de la seconde.

[1]Ce travail est le fruit d’une collaboration avec des équipes de l’université et du CHU de Lyon, de l’université de Bourgogne et de l’Institut du cerveau à Paris.

[2]Levodopa Is Associated with Reduced Development of Neovascular Age-Related Macular Degeneration, Max J Hyman et al. Ophthalmology retina 2023

[3]Les médicaments dopaminergiques apportent la dopamine nécessaire au fonctionnement du cerveau. Dans la maladie de Parkinson, la dopamine va diminuer l’intensité des tremblements, de la rigidité et de l’akinésie.

[4] Il s’agit des données du Système national des données de santé (SNDS).

Découverte chez la souris d’un mécanisme clé de l’anorexie mentale, ouvrant la voie à un traitement potentiel

Anorexie mentaleSelon une étude récente, l’anorexie pourrait être due à la formation excessive d’habitudes. Celle-ci entraînerait alors une perte de contrôle conduisant la personne à cesser de s’alimenter. © Photo de Elena Leya sur Unsplash

Une étude internationale, menée par une équipe de chercheuses et de chercheurs de Sorbonne Université, de l’Inserm, du CNRS et de l’université McGill (Montréal, Canada), a permis d’identifier un dysfonctionnement neurobiologique pouvant conduire à l’anorexie chez un rongeur. Cette découverte ouvre la voie à un traitement potentiel de cette maladie psychiatrique, qui concerne des millions de personnes et qui a un taux de mortalité très élevé. Ces découvertes chez l’animal sont en cours de validation chez l’humain, où plus d’une dizaine de patientes et de patients répondent positivement au traitement. Cette étude fait l’objet d’un article publié dans la revue Nature Communications.

Malgré son taux de mortalité très élevé, les bases neurobiologiques de l’anorexie mentale sont encore incomprises, ce qui explique qu’il n’existe pas encore de traitement pharmacologique efficace. Selon une étude récente, l’anorexie pourrait être due à la formation excessive d’habitudes. Celle-ci entraînerait alors une perte de contrôle conduisant la personne à cesser de s’alimenter. La formation des habitudes est régulée par une structure cérébrale appelée le striatum dorsal.

Cette étude a été menée au sein du laboratoire Neurosciences Paris Seine (Sorbonne Université/Inserm/CNRS) dirigée par la professeure de neurosciences Stéphanie Daumas (Sorbonne Université / Inserm / CNRS), et le chercheur Nicolas Pietrancosta (Sorbonne Université / ENS / PSL University / CNRS) en collaboration avec le chercheur Salah El Mestikawy (McGill University / Douglas Mental Health University Institute / éméritat CNRS / Sorbonne Université). Ces derniers ont utilisé un modèle génétique de souris exprimant une mutation précédemment identifiée chez des patientes et patients humains souffrant de troubles psychiatriques graves (troubles de l’alimentation et addiction). L’objectif était de comprendre les mécanismes neurobiologiques sous-jacents à l’anorexie.

Les chercheuses et chercheurs ont identifié un déficit d’acétylcholine, un neurotransmetteur, dans le striatum dorsal des souris exprimant cette mutation. Celles-ci développaient également une tendance excessive à former des habitudes. Cela se traduit par une réduction drastique de leur consommation alimentaire avec un modèle comportemental d’anorexie utilisé chez les rongeurs, appelé « anorexie basée sur l’activité » (ABA). Les souris ont été traitées avec un stimulateur d’acétylcholine bien connu, le donépézil (Aricept). La stimulation par le donépézil permet de bloquer la dégradation de l’acétylcholine, ce qui augmente donc les taux d’acétylcholine dans le cerveau et dans le corps. Grâce à ce traitement, les souris ne développaient plus de comportements similaires à l’anorexie dans le modèle ABA.

En résumé, cette étude animale confirme l’importance des habitudes dans l’anorexie mentale et met en évidence un mécanisme neurobiologique ainsi qu’un traitement potentiel de l’anorexie mentale par le donépézil.

Pour valider ces découvertes chez l’humain, une étude indépendante est conduite pour évaluer l’efficacité du donépézil dans l’anorexie mentale. La docteure Leora Pinhas (psychiatre à Toronto) a traité 10 patientes et patients souffrant d’anorexie mentale sévère avec le donépézil. Parmi tous les patientes et patients, trois d’entre eux ont montré une rémission complète, tandis que les sept autres ont vu une amélioration marquée de leur état. Des essais cliniques contre placebo seront menés en 2024 à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, à l’université de Denver et à l’université Columbia de New York.

Cette recherche pionnière a permis de mieux comprendre les mécanismes neuronaux pouvant conduire non seulement à l’anorexie mentale mais également à d’autres pathologies compulsives comme l’addiction ou les troubles obsessionnels-compulsifs. Les scientifiques de cette étude espèrent ouvrir la voie à des traitements innovants pour d’autres maladies psychiatriques graves dans un avenir proche.

Meilleure compréhension de la maladie d’Alzheimer : une étude confirme l’intérêt de la caféine comme piste de traitement

Augmentation neuronale du récepteur A2A dans l’hippocampe de sourisImage illustrant l’augmentation neuronale du récepteur A2A (en rouge) dans l’hippocampe de souris. On observe en bleu les noyaux de cellules (marqueur DAPI). © Émilie Faivre

En France, 900 000 personnes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une autre maladie apparentée. Le risque de développer la maladie d’Alzheimer dépend de facteurs génétiques et environnementaux. Parmi ces derniers, différentes études épidémiologiques suggèrent qu’une consommation régulière et modérée de caféine ralentit le déclin cognitif lié au vieillissement et le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Dans une nouvelle étude[1], des chercheurs et des chercheuses de l’Inserm, du CHU de Lille et de l’Université de Lille, au sein du centre de recherche Lille Neuroscience et cognition, ont fait un pas de plus dans la compréhension des mécanismes qui sous-tendent le développement de la maladie d’Alzheimer. Ils viennent de mettre en évidence que l’augmentation pathologique de certains récepteurs dans les neurones au moment du développement de la maladie favorise la perte des synapses, et de fait, le développement précoce des troubles de la mémoire dans un modèle animal de la maladie. Leurs résultats permettent aussi de confirmer l’intérêt de conduire des essais cliniques pour mesurer les effets de la caféine sur le cerveau de patients à un stade précoce de la pathologie. Ils sont publiés dans la revue Brain.

La maladie d’Alzheimer est caractérisée par des troubles de la mémoire, des fonctions exécutives et de l’orientation dans le temps et dans l’espace. Elle résulte d’une lente dégénérescence des neurones, débutant au niveau de l’hippocampe (une structure cérébrale essentielle pour la mémoire) puis s’étendant au reste du cerveau. Les patients atteints par cette pathologie présentent deux types de lésions microscopiques au niveau de leur cerveau : les plaques séniles (ou plaques amyloïdes) et les dégénérescences neurofibrillaires (ou pathologie Tau), participant au dysfonctionnement des neurones et à leur disparition[2].

Des travaux avaient déjà montré que l’expression de certains récepteurs, appelés A2A, étaient retrouvés augmentés dans le cerveau de patients atteints de la maladie d’Alzheimer au niveau de l’hippocampe. Cependant, l’impact de la dérégulation de ces récepteurs sur le développement de la maladie et des troubles cognitifs associés demeurait méconnu jusqu’ici. Dans une nouvelle étude, une équipe de recherche dirigée par le chercheur Inserm David Blum s’est intéressée à cette question.

Les scientifiques ont réussi à reproduire une augmentation précoce[3] de l’expression des récepteurs adénosinergiques A2A, telle qu’observée dans le cerveau des patients, dans un modèle murin de la maladie d’Alzheimer qui développe des plaques amyloïdes. L’objectif était d’évaluer les conséquences de cette augmentation sur la maladie et de décrire les mécanismes en jeu.

Les résultats de leur recherche montrent que l’augmentation en récepteurs A2A favorise la perte des synapses[4] dans l’hippocampe des « souris Alzheimer ». Ceci a pour effet le déclenchement précoce des troubles de la mémoire chez les animaux. Les scientifiques ont ensuite montré qu’un dysfonctionnement de certaines cellules du cerveau, les cellules microgliales, en partie responsables de l’inflammation cérébrale observée dans la maladie, pourraient être impliquées dans la perte des synapses, en réponse à une augmentation en récepteurs A2A. Des mécanismes similaires avaient déjà précédemment été décrits par l’équipe, cette fois-ci dans un autre modèle de la maladie développant les lésions Tau[5].

« Ces résultats suggèrent que l’augmentation d’expression des récepteurs A2A modifie la relation entre les neurones et les cellules microgliales. Cette altération pourrait être à l’origine d’une escalade d’effets entraînant le développement des troubles de la mémoire observés », explique Émilie Faivre, co-dernière autrice de l’étude, chercheuse au sein centre de recherche Lille Neuroscience et Cognition (Inserm/Université de Lille/CHU de Lille).

 

La caféine : une piste de traitement intéressante pour prévenir précocement le déclin cognitif ?

Plusieurs études ont déjà suggéré qu’une consommation régulière et modérée de caféine (ce qui correspond à une consommation de 2 à 4 tasses de café par jour) pouvait ralentir le déclin cognitif lié au vieillissement et le risque de développer la maladie d’Alzheimer.

En 2016, la même équipe de recherche avait décrit un des mécanismes par lequel la caféine pouvait avoir cette action bénéfique chez l’animal, réduisant les troubles cognitifs associés à la maladie d’Alzheimer. Les scientifiques avaient alors montré que les effets de la caféine étaient liés à sa capacité de bloquer l’activité des récepteurs adénosinergiques A2A, ces mêmes récepteurs dont l’expression se trouvent anormalement augmentée dans le cerveau des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer[6].

« En décrivant, dans notre nouvelle étude, le mécanisme par lequel l’augmentation pathologique de l’expression des récepteurs A2A entraîne une cascade d’effets conduisant à une aggravation des troubles de la mémoire, nous confirmons l’intérêt de pistes thérapeutiques qui pourraient agir sur cette cible. Nous mettons donc encore une fois en avant l’intérêt de tester la caféine dans le cadre d’un essai clinique sur des patients atteints de formes précoces de la maladie. En effet, on peut imaginer qu’en bloquant ces récepteurs A2A, dont l’activité est augmentée chez le patient, cette molécule puisse prévenir le développement des troubles de la mémoire voire d’autres symptômes cognitifs et comportementaux », poursuit David Blum, directeur de recherche à l’Inserm, co-dernier auteur de l’étude.

Un essai clinique de phase 3[7], porté par le CHU de Lille, est actuellement en cours. Son objectif est d’évaluer l’effet de la caféine sur les fonctions cognitives de patients atteints de formes précoces à modérées de la maladie d’Alzheimer.

 

[1]Ces travaux ont fait l’objet d’un soutien de la Fondation Alzheimer, de la FRM, de l’ANR, du CoEN (LICEND), de l’Inserm, de l’Université de Lille, du CHU de Lille et du labEx Distalz (Development of Innovative Strategies for a Transdisciplinary Approach to Alzheimer’s Disease) dans le cadre des investissements d’avenir. 

[2] Lire le dossier sur la maladie d’Alzheimer et consulter la BD Inserm qui explique de façon graphique les mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans le développement de la maladie. 

[3] A un stade au cours duquel normalement les animaux ne souffrent pas encore de troubles de la mémoire.

[4] Zones qui permettent la transmission des informations entre les neurones.

[5] Exacerbation of C1q dysregulation, synaptic loss and memory deficits in tau pathology linked to neuronal adenosine A2A receptor, Brain, Volume 142, Issue 11, November 2019, Pages 3636–3654, https://doi.org/10.1093/brain/awz288

[6] Lire le communiqué de presse

[7] L’essai clinique CAFCA de phase 3 est conduit par le neurologue Thibaud Lebouvier, en lien avec le laboratoire LilNCog et le Centre Mémoire du CHU de Lille. https://www.cafca-alzheimer.fr/

Des cellules immunitaires qui protègent des atteintes neurologiques post-AVC

Visualisation, au sein de la barrière hémato-encéphalique, des macrophages associés au cerveau (CAM, en jaune), à l'interface entre un vaisseau sanguin (magenta) et des astrocytes (cyan), cellules de soutien des neurones en forme d'étoile.

Visualisation, au sein de la barrière hémato-encéphalique, des macrophages associés au système nerveux central (CAM, en jaune), à l’interface entre un vaisseau sanguin (magenta) et des astrocytes (cyan), cellules de soutien des neurones en forme d’étoile. © Dr Damien Levard

Le vieillissement accroît fortement les risques de survenue d’un AVC ischémique. Une équipe de chercheuses et chercheurs de l’Inserm, du CHU Caen Normandie et de l’université de Caen Normandie s’est intéressée au rôle que pourraient jouer certaines cellules immunitaires, les macrophages associés au système nerveux central (CAMs), dans les atteintes neurologiques qui surviennent après un AVC. Leurs travaux montrent que ces cellules acquièrent au cours du vieillissement un rôle clé dans la régulation de la réponse immunitaire déclenchée à la suite d’un AVC. Ces travaux, parus dans Nature Neuroscience, mettent en évidence l’importance de la présence de ces cellules à l’interface entre le sang et le cerveau dans le maintien de l’intégrité cérébrale.

Parmi les accidents vasculaires cérébraux (AVC), le plus fréquent est l’AVC ischémique, qui résulte de l’obstruction d’une artère du cerveau par un caillot sanguin. L’âge est un facteur de risque majeur : à partir de 55 ans, pour 10 ans d’âge en plus, le risque d’AVC ischémique est multiplié par deux.

L’AVC ischémique est suivi de processus inflammatoires cérébraux susceptibles d’aggraver les lésions neurologiques. Les macrophages associés au système nerveux central (CAMs) sont des cellules immunitaires situées au sein de la barrière hémato-encéphalique[1], à l’interface entre la circulation sanguine et le parenchyme cérébral[2]. En temps normal, le rôle des CAMs est de surveiller leur environnement, de le nettoyer des débris et autres molécules provenant du parenchyme cérébral, ainsi que des molécules dérivées du sang qui passent la barrière hémato-encéphalique, et de signaler aux autres cellules immunitaires la présence de pathogènes. Peu étudiés jusqu’à présent, ils se trouvent pourtant dans une situation anatomique idéale pour détecter et réagir aux signaux inflammatoires provenant de l’extérieur et protéger le parenchyme cérébral.

Une équipe de recherche du laboratoire Physiopathologie et imagerie des maladies neurologiques (Inserm/Université de Caen Normandie), menée par Marina Rubio, chercheuse Inserm, et Denis Vivien, professeur et praticien hospitalier à l’université de Caen et au CHU Caen Normandie et responsable du laboratoire,  s’est intéressée chez la souris et dans des tissus cérébraux humains à l’évolution du rôle des CAMs au cours du vieillissement et à leur implication potentielle dans la régulation de la réponse inflammatoire survenant dans le cerveau après un AVC ischémique.

Dans un premier temps, les scientifiques ont cherché à caractériser les évolutions du rôle des CAMs et de leur environnement biologique au cours du vieillissement. Ils ont ainsi pu observer que, si le nombre de CAMs ne fluctuait pas avec l’âge, leurs fonctions évoluaient ; une molécule spécifique apparaissait à leur surface : le récepteur MHC II, qui joue un rôle majeur dans la communication entre cellules immunitaires (par exemple pour coordonner la réponse immunitaire face à la présence d’un pathogène). Dans le même temps, la barrière hématoencéphalique, étanche dans les jeunes cerveaux, devenait, elle, plus poreuse, permettant alors le passage de certaines cellules immunitaires en provenance du sang vers le parenchyme cérébral.

« Ces observations suggèrent que les CAMs seraient capables d’adapter leur activité en fonction du stade de la vie, de l’état de santé de la personne et de la région du cerveau où ils se trouvent », précise Marina Rubio.

Ainsi, pour compenser l’augmentation de la porosité de la barrière hématoencéphalique avec l’âge, ils renforceraient leurs capacités de communication avec les autres cellules immunitaires en exprimant davantage le récepteur MHC II.

« À la suite d’un AVC ischémique, cela pourrait permettre de prévenir une réponse immunitaire trop importante qui aurait des conséquences neurologiques plus graves », ajoute la chercheuse.

L’équipe de recherche s’est ensuite intéressée à l’impact de ces changements fonctionnels sur la réponse immunitaire dans le parenchyme cérébral après un AVC ischémique. Pour ce faire, elle a comparé ce qu’il se produisait après un AVC dans un cerveau âgé normal de souris et ce qu’il se produisait en l’absence de CAMs ou lorsque leur récepteur MHC II était inhibé.

Dans ces deux derniers modèles, les chercheuses et les chercheurs ont pu observer que lors de la phase aiguë de l’AVC ischémique mais également dans les jours suivants, davantage de cellules immunitaires provenant du sang traversaient la barrière hémato-encéphalique, témoignant d’une perméabilité accrue de cette dernière, couplée à une réponse immunitaire exacerbée. Ce phénomène s’accompagnait d’une aggravation des atteintes neurologiques causées par l’AVC.

« Ces résultats suggèrent que les CAMs acquièrent, au cours du vieillissement, un rôle central dans l’orchestration du trafic des cellules immunitaires après un AVC ischémique, explique Denis Vivien. Grâce à leur capacité d’adaptation, ils assureraient un contrôle étroit continu de l’intégrité de la barrière hémato-encéphalique et de l’intensité de la réponse inflammatoire. »

Le récepteur MHC II porté par les CAMs semble être impliqué dans cette modulation ainsi que dans la limitation des atteintes neurologiques dues à l’AVC.

La suite des recherches pour cette équipe visera à mieux comprendre les mécanismes moléculaires intervenant dans le dialogue entre les CAMs et les cellules qui tapissent la paroi interne des vaisseaux sanguins cérébraux.

« L’objectif sera, à terme, d’identifier et de développer de nouvelles cibles thérapeutiques qui pourraient permettre de moduler la réponse immunitaire cérébrale de manière adaptée à chaque patient après un AVC », conclut Marina Rubio.

 

[1]La barrière hémato-encéphalique sépare les vaisseaux sanguins cérébraux du parenchyme cérébral. Elle joue un rôle de filtre fortement sélectif capable à la fois de laisser passer les nutriments essentiels pour le cerveau tout en protégeant le parenchyme des pathogènes, toxines ou hormones circulant dans le sang et susceptibles de réussir à sortir des vaisseaux. 

[2]Le parenchyme cérébral est le tissu fonctionnel du cerveau directement impliqué dans les activités neuronales et la transmission de l’influx nerveux. Il est entouré par les espaces périvasculaires et les méninges où résident notamment les CAMs.

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