Menu

Privilégier la lumière naturelle pour éviter les troubles du sommeil liés à l’âge

© Adobe stock

Un adulte français sur trois serait concerné par un trouble du sommeil. La prévalence de ces troubles augmente avec le vieillissement mais les mécanismes biologiques à l’œuvre sont assez méconnus, laissant planer le doute sur leur origine. Dans une nouvelle étude, Claude Gronfier, chercheur Inserm, et son équipe au Centre de recherche en neurosciences de Lyon (Inserm/CNRS/Université Claude-Bernard Lyon 1) ont émis l’hypothèse que leur apparition lors du vieillissement était liée à une désynchronisation de l’horloge biologique due à une baisse de perception de la lumière. Durant leurs travaux, ils ont identifié un nouveau mécanisme adaptatif de la rétine au cours du vieillissement qui permet aux individus plus âgés[1] de rester sensibles à la lumière. Ces résultats présentent par ailleurs un intérêt clinique en incitant les personnes plus âgées à s’exposer davantage à la lumière du jour, plutôt qu’à la lumière artificielle, afin d’éviter de développer des troubles du sommeil. Ils sont publiés dans la revue Journal of Pineal Research.

Presque toutes les fonctions biologiques sont soumises au rythme circadien, un cycle d’une durée de 24 heures. La sécrétion de la mélatonine, l’hormone de la nuit, est typiquement circadienne. Sa production augmente en fin de journée peu avant le coucher, contribuant à l’endormissement, et chute avant l’éveil.

De précédentes études ont montré que la sécrétion de cette hormone par le cerveau est bloquée par la lumière, à laquelle elle est très sensible. Cette sensibilité à la lumière peut se traduire par une désynchronisation de l’horloge circadienne, pouvant entraîner l’apparition de troubles du sommeil. D’autres études ont par ailleurs dévoilé le rôle important, dans le contrôle de la production de mélatonine, de la mélanopsine, un photorécepteur présent dans certaines cellules de la rétine qui, très sensible à la lumière (essentiellement à la lumière bleue), permet de réguler le réflexe pupillaire et le rythme circadien. Ainsi, lors d’une exposition à la lumière, la mélanopsine devient moteur de la suppression de mélatonine et de la synchronisation de l’horloge biologique.

Si les troubles du sommeil chez l’adulte sont fréquents, ils augmentent avec l’âge : près d’un tiers des personnes de plus de 65 ans consomme des somnifères de manière chronique[2]. Pourtant, aucune étude ne s’était intéressée spécifiquement au mécanisme biologique à l’œuvre dans les troubles du sommeil liés à l’âge. S’agit-il d’une conséquence d’un problème de perception de la lumière ? Si oui, à quel niveau ? Et quel est le rôle de la mélanopsine dans ce cas précis ?

Une équipe au Centre de recherche en neurosciences de Lyon a tenté d’élucider ce mystère. Les scientifiques ont observé chez un groupe d’adultes les effets de la lumière sur la sécrétion de mélatonine. Tous les participants ont été exposés à 9 lumières de différentes couleurs (correspondant à 9 longueurs d’ondes très précises) pour permettre aux scientifiques d’identifier les mécanismes en cause par le biais des photorécepteurs concernés.

Les participants de l’étude ont été divisés en deux groupes distincts : un groupe à la moyenne d’âge de 25 ans, un autre à la moyenne d’âge de 59 ans. Cette expérience a été réalisée au milieu de la nuit, au moment où l’organisme libère normalement le plus de mélatonine.

Les résultats indiquent que, parmi les lumières testées, la lumière bleue (longueur d’onde aux environs de 480 nm) est très efficace pour supprimer la production de la mélatonine chez les personnes les plus jeunes. Plus spécifiquement, les scientifiques ont observé que chez les jeunes sujets exposés à la lumière bleue, la mélanopsine était le seul photorécepteur moteur de la suppression de la mélatonine. À l’inverse, chez les participants plus âgés, d’autres photorécepteurs que la mélanopsine semblent être impliqués, comme les cônes S et M, des photorécepteurs qui permettent la perception du monde en couleur, et qui sont situés dans la rétine externe.

Ces données suggèrent que le vieillissement s’accompagne d’une diminution de l’implication de la mélanopsine dans la perception visuelle, mais que la rétine parvient à compenser cette perte par une augmentation de la sensibilité d’autres photorécepteurs qui n’étaient jusqu’alors pas connus pour être impliqués dans la suppression de la mélatonine.

Ces observations permettent aux scientifiques de conclure que la perception de la lumière – et les besoins en lumière des individus – évoluent avec l’âge. En effet, tandis que les personnes les plus jeunes, dont seul le récepteur mélanopsine est impliqué, peuvent se contenter d’une exposition à la lumière bleue[3] pour synchroniser leur horloge circadienne sur une journée de 24 heures, les personnes plus âgées ont besoin d’être exposées à une lumière plus riche en longueurs d’onde (couleurs), une lumière dont les caractéristiques sont celles de la lumière du soleil.

« Il s’agit de la découverte d’un nouveau mécanisme adaptatif de la rétine au cours du vieillissement – permettant au sujet âgé de rester sensible à la lumière malgré le brunissement du cristallin. Ces résultats présentent par ailleurs un intérêt clinique, encourageant les personnes plus âgées à s’exposer davantage à la lumière du jour, plus riche en longueurs d’ondes, plutôt qu’à la lumière artificielle, afin d’éviter de développer des troubles du sommeil et d’autres altérations telles que des troubles de l’humeur ou du métabolisme… Enfin, ils offrent de nouvelles perspectives pour personnaliser de façon optimale les photothérapies/luminothérapies destinées au soin des personnes plus âgées », explique Claude Gronfier, chercheur à l’Inserm, dernier auteur de l’étude.

En lien avec ce dernier aspect, l’équipe de recherche s’intéresse désormais à la quantité et à la qualité de lumière nécessaires à chaque individu, et au meilleur moment de s’exposer à la lumière durant la journée, pour éviter qu’il ou elle ne développe des troubles du sommeil et de la santé en général. Les travaux de recherche sont réalisés à la fois chez le sujet sain (enfant et adulte), chez le travailleur de jour et de nuit, et chez le patient (troubles du sommeil et des rythmes biologiques, maladies génétiques, troubles de l’humeur, neurodégénérescences)[4].

 

[1]Dans cette étude, la moyenne d’âge des personnes composant le groupe « plus âgés » était de 59 ans.

[2] https://www.has-sante.fr/jcms/c_1299994/troubles-du-sommeil-stop-a-la-prescription-systematique-de-somniferes-chez-les-personnes-agees

[3] Les éclairages à LED utilisés sont riches en lumière bleue.

[4] https://www.crnl.fr/fr/page-base/groupe-sommeil-rythmicite-circadienne-lhumain-epidemiologie-populationnelle-recherche

Un grand pas en avant dans le traitement de la narcolepsie

koala endormi sur un arbreSi la difficulté à rester éveillé peut sembler banale, elle est pourtant le principal symptôme d’un des troubles du sommeil les plus sévères : la narcolepsie. © Photo by Cris Saur on Unsplash

Si la difficulté à rester éveillé peut sembler banale, elle est pourtant le principal symptôme d’un des troubles du sommeil les plus sévères : la narcolepsie. A Montpellier, le Centre de référence des narcolepsies et hypersomnies rares (Inserm/Université/CHU de Montpellier) dirigé par Yves Dauvilliers mène une recherche de pointe sur cette maladie. Le neurologue et ses collaborateurs en partenariat avec le laboratoire Takeda viennent de mener une étude révolutionnaire sur un traitement prometteur. Des travaux publiés dans le New England Journal of Medicine le 27 juillet 2023.

Près de 20 000 personnes en France sont atteintes de narcolepsie, une maladie qui se déclare généralement entre 15 et 20 ans. Si la difficulté à rester éveillé est le principal symptôme de cette affection neurologique, il n’est pas le seul. La somnolence peut parfois être accompagnée d’une prise de poids, d’hallucinations, de paralysie du sommeil et fréquemment de cataplexies, autrement dit d’une « perte de la force musculaire liée à des émotions favorables telles que le rire », explique Yves Dauvilliers du CHU de Montpellier, et chef d’équipe de l’Institut des Neurosciences de Montpellier, Inserm, Université de Montpellier.

La narcolepsie est une maladie auto-immune d’origine génétique et environnementale dont les symptômes sont provoqués par le destruction d’une catégorie particulière de neurones, ceux qui synthétisent de l’orexine autrement appelé hypocrétine, un neurotransmetteur dont le rôle principal est de stimuler l’état de veille. 80 000 neurones sont ainsi détruits chez les patients narcoleptiques qui manquent donc d’orexine. Conséquence : impossible pour eux de maintenir longtemps cet état de veille.

 

Des patients qui se déclarent guéris

Yves Dauvilliers et ses collègues ont testé un nouveau traitement développé par le laboratoire Takeda, un agoniste des récepteurs 2 de l’orexine , « une molécule qui agit comme une clé similaire à l’orexine et entraîne donc les mêmes effets sur l’organisme ». Si un traitement équivalent avait déjà été testé par en injection intraveineuse, il a été pour la première fois donné aux patients sous forme orale. « Ils ont été divisés en trois groupes qui ont reçus des doses de 30 mg, 90 mg ou 120 mg de cette molécule appelée TAK-994 et un groupe avec un placebo », précise Yves Dauvilliers. Et en termes d’amélioration, les résultats ont été spectaculaires : « nous n’avons pas eu une simple amélioration des symptômes, pour la première fois, les patients se sont tout simplement sentis guéris ».

Si l’essai clinique a dû être arrêté prématurément en raison d’effets secondaires hépatiques chez certains patients, il ouvre néanmoins la porte à un véritable espoir de guérison pour tous les narcoleptiques qui peinent à rester éveillés.

« Nous travaillons déjà sur un nouvel agoniste doté d’une plus grande affinité pour le récepteur 2 de l’orexine, et qui aurait donc moins d’effets secondaires », explique Yves Dauvilliers.

En attendant l’arrivée de ce futur traitement, le neurologue insiste sur l’importance d’un diagnostic précoce de la maladie.

« Il faut bien comprendre que dormir en classe quand on est jeune peut révéler une maladie sous–jacente », insiste Yves Dauvilliers. Aujourd’hui en moyenne on met 8 ans à diagnostiquer la narcolepsie, et seuls 1/3 des patients ont un diagnostic, c’est vraiment trop peu ».

L’injection intra-articulaire de toxine botulique en cas d’arthrose douloureuse de la base du pouce permet de réduire la douleur à 3 mois

Arthrose de la main

Arthrose de la main © Fotalia

L’équipe du service de rééducation et de réadaptation de l’appareil locomoteur et des pathologies du rachis de l’hôpital Cochin-Port Royal AP-HP, de l’Inserm et d’Université Paris Cité, coordonnée par le Professeur Christelle Nguyen, a comparé les effets de l’injection intra-articulaire de toxine botulique de type A (Botox®) à celle de sérum salé en cas d’arthrose douloureuse de la base du pouce (rhizarthrose). Les résultats de cet essai, soutenu par l’AP-HP dans le cadre du Contrat de Recherche Clinique 2016 ont fait l’objet d’une publication le 23 juin dans la revue Lancet Rheumatology.

L’arthrose de la main est une des maladies les plus fréquentes de l’appareil locomoteur. Elle touche essentiellement les femmes après 45 ans et peut affecter les doigts longs et la base du pouce. L’arthrose de la main entraîne des douleurs, une perte de mobilité articulaire, une gêne esthétique et des limitations dans les activités manuelles du quotidien. En dehors de l’orthèse de repos rigide sur mesure1, aucun traitement médicamenteux ou non médicamenteux n’a démontré son efficacité avec un haut niveau de preuve dans le traitement de l’arthrose de la base du pouce. Pour les phases aigüe et subaiguë2 de la maladie, les injections intra-articulaires de corticoïdes peuvent être proposées, mais sont moins efficaces que dans le genou. Il n’existe donc pas aujourd’hui de traitements intra-articulaires dans l’arthrose de la base du pouce ayant fait la preuve de son efficacité sur la douleur à court et moyen termes. La toxine botulique de type A est utilisée en neurologie et en médecine esthétique pour ses propriétés parésiantes. Les études précliniques et cliniques ont montré que la toxine botulique de type A avait également des propriétés analgésiques par inhibition de certains neurotransmetteurs de la douleur (substance P, glutamate, peptide relié au gène calcitonine) à la fois au niveau périphérique et central. L’équipe de recherche a donc émis l’hypothèse que son injection intra-articulaire pourrait réduire la douleur à court terme.

L’équipe de recherche a mené un essai monocentrique randomisé contrôlé en double aveugle comparant l’injection intra-articulaire de toxine botulique de type A (Botox®) à l’injection intra-articulaire de sérum salé pour l’arthrose douloureuse de la base du pouce.

Au total, 60 participants ayant une arthrose douloureuse de la base du pouce, répondant aux critères de l’American College of Rheumatology de 19903, ont été inclus : 30 participants dans le groupe expérimental qui ont reçu une injection intra-articulaire échoguidée (articulation trapézo-métacarpienne) d’1 ml de Botox® (50 unités) et 30 participants dans le groupe témoin qui ont reçu une injection intra-articulaire échoguidée d’1 ml de sérum salé.Les participants des deux groupes avaient une orthèse de repos rigide sur mesure.

Le critère d’évaluation principal était la réduction moyenne par rapport à l’inclusion de la douleur de la base du pouce sur une échelle numérique (0, pas de douleur, à 100, douleur maximale) 3 mois après l’injection.

Les critères d’évaluation secondaires étaient la réduction moyenne par rapport à l’inclusion de la douleur de la base du pouce à 1 et à 6 mois, la réduction moyenne des limitations d’activité spécifiques à la main, le pourcentage de répondeurs OARSI-OMERACT4 et la consommation d’antalgiques et d’anti-inflammatoires non stéroïdiens à 3 et à 6 mois.

À l’inclusion, l’âge moyen des participants était de 64,9 ans, leur douleur moyenne était de 60 points sur 100 et 80% des participants étaient des femmes. À 3 mois, la réduction moyenne de la douleur de la base du pouce a été plus importante dans le groupe expérimental que dans le groupe témoin : la douleur a diminué de 25,7  points sur 100 dans le groupe expérimental contre 9,7   points sur 100 dans le groupe témoin, soit une différence absolue de 16 points sur 100.  Aucune différence n’a été détectée pour les critères d’évaluation secondaires à 3 et à 6 mois. Aucun effet indésirable considéré comme sévère n’a été observé.

En conclusion, l’injection intra-articulaire de 50 unités de Botox® associée au port d’une orthèse de repos rigide sur mesure permet de réduire la douleur à 3 mois chez les patients ayant une arthrose douloureuse de la base du pouce.

L’équipe de recherche envisage maintenant de mener une étude à grande échelle, dans plusieurs centres, visant à optimiser la dose de Botox® et le schéma d’injection.

 

[1] Rannou F et al. Ann Intern Med. 2009
[2] Se dit d’un état pathologique ou d’une maladie dont les symptômes sont de faible intensité mais se prolongent et ne s’atténuent que faiblement.
[3] Critères adaptés à l’arthrose de la base du pouce – douleur ou raideur de la base du pouce et élargissement de l’articulation ou déformation de l’articulation
[4] liste de critères pour mesurer l’échelle de la douleur

Vaincre les cellules leucémiques en les privant d’énergie

Cellules leucémiques

L’activation sélective de l’enzyme AMPK conduirait à la mort des cellules leucémiques (en violet sur cette image). © Jérôme Tamburini / UNIGE Illustrations haute définition

Une équipe franco-suisse incluant des scientifiques de l’UNIGE a découvert comment déclencher l’apoptose des cellules leucémiques en perturbant leur mécanisme de maintien énergétique.

Les leucémies aiguës myéloïdes, qui affectent les cellules du sang et de la moelle osseuse, font partie des formes de cancer les plus mortelles. Plus de la moitié des malades de moins de 60 ans en meurent. Cette proportion s’élève à 85% pour les malades de plus de 60 ans. Une équipe de l’Université de Genève (UNIGE) et de l’Inserm [1] a identifié un mécanisme énergétique inconnu jusqu’ici qui pourrait permettre la mise au point de nouveaux traitements. L’activation sélective d’AMPK, un enzyme clé de l’équilibre énergétique des cellules tumorales, conduirait à la mort de ces cellules au travers de l’activation d’une réponse de la cellule au stress. Les scientifiques ont ensuite réussi à exploiter cette faille énergétique avec succès dans un modèle animal de la maladie. Une combinaison de deux médicaments — dont l’un est déjà sur le marché — s’est en effet révélée prometteuse. Cependant, son efficacité doit encore être confirmée sur les cellules souches leucémiques capables d’échapper à de nombreux traitements pour ensuite redémarrer la croissance tumorale. Ces résultats sont à découvrir dans la revue Cell Reports.

Jérôme Tamburini, professeur associé au Département de médecine et au Centre de recherche translationnel en onco-hématologie (CRTOH) de la Faculté de médecine de l’UNIGE ainsi qu’au Swiss Cancer Center Léman (SCCL) et professeur à Université de Paris, travaille sur les mécanismes énergétiques des cellules tumorales dans les leucémies aiguës myéloïdes. Il s’intéresse particulièrement à une voie de signalisation cellulaire nommée AMPK. «AMPK est le principal détecteur du niveau énergétique des cellules», explique Jérôme Tamburini. «Cette voie s’active en cas de carence en énergie et enclenche alors un processus de dégradation de certains nutriments situés dans les cellules – le catabolisme – afin de produire l’énergie nécessaire.» Sans énergie, aucune cellule ne peut survivre. Serait-il alors possible de manipuler sélectivement ce mécanisme dans les cellules tumorales pour provoquer leur destruction, tout en préservant les cellules saines?

En 2015, Jérôme Tamburini et ses collègues de l’Inserm à l’Institut Cochin à Paris avaient participé au développement avec le laboratoire GlaxoSmithKline (GSK) d’un composé pharmacologique — GSK621 — qui s’était avéré un excellent activateur d’AMPK in vitro. «Après cette première preuve de principe, il nous fallait décrypter les mécanismes biochimiques à l’œuvre afin de les comprendre en détails, et en particulier quelles étaient les voies cellulaires activées par ce composé dans les cellules leucémiques, premier pas pour espérer ensuite exploiter ce phénomène à des fins thérapeutiques», explique Jérôme Tamburini.

Une combinaison efficace de deux médicaments.

Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont d’abord analysé l’expression des gènes de cellules tumorales humaines. Cela a permis d’identifier une enzyme, PERK, qui était particulièrement activée en réponse à la présence de GSK621. Or, PERK est un élément clé de la réponse au stress du réticulum endoplasmique, une structure intracellulaire spécialisée dans le métabolisme des protides et des lipides. «L’activation d’AMPK déclenche ainsi celle de PERK, puis une chaîne de réactions aboutissant à l’apoptose, la mort programmée de la cellule», détaille Jérôme Tamburini. «De plus, l’activation d’AMPK grâce au GSK621 permet d’augmenter le ciblage des cellules leucémiques par un autre composé pharmacologique, le venetoclax, aujourd’hui largement utilisé pour soigner les leucémies aiguës myéloïdes mais avec une efficacité limitée lorsqu’utilisé seul.»

Les scientifiques ont combiné ces deux médicaments chez des souris porteuses de cellules tumorales humaines et observé que la conjonction de ces deux composants permettait de contrôler le développement tumoral de manière bien plus efficace que lorsqu’un seul des deux était utilisé. Si GSK621 n’a pas été conçu pour devenir un médicament, d’autres produits actuellement en phase d’essais cliniques pour lutter contre les maladies métaboliques activent la voie AMPK. «Comprendre le mécanisme impliqué a mis en lumière des cibles thérapeutiques potentielles inconnues jusqu’ici», explique Jérôme Tamburini. «Nous allons maintenant pouvoir passer en revue tous les médicaments connus pour avoir un effet sur ces éléments et déterminer quelles seraient les combinaisons les plus efficaces.»

Qu’en est-il des cellules souches leucémiques ?

Les cellules souches leucémiques constituent une petite population de cellules au sein de la tumeur qui ne se détecte que par sa capacité à propager à nouveau la tumeur après un traitement initialement efficace. Principale cause de rechute, ces cellules particulières ne sont sensibles qu’à très peu de thérapies habituellement utilisées dans les leucémies et les preuves manquent encore pour déterminer l’effet qu’aurait sur elles l’activation massive d’AMPK. «Avant de tester sur l’être humain des combinaisons médicamenteuses visant ce mécanisme AMPK/PERK, nous devons déterminer leur effet sur les cellules souches leucémiques», concluent les auteur-es.

 

1. Plusieurs laboratoires ont été impliqués dont l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université de Paris), le Centre de recherche en cancérologie de Lyon (Inserm/CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/Centre Léon Bérard) et le Centre de recherche en cancérologie de Toulouse (Inserm/CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier).

Identification d’une nouvelle cible thérapeutique du myélome multiple

Cellules de myélome multiple © KGH, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Le myélome multiple est un cancer de la moelle osseuse pour lequel l’espérance de vie, suite au diagnostic, est de 5 ans en moyenne. Les traitements de référence, les inhibiteurs du protéasome, sont généralement très efficaces pour traiter les cancers nouvellement diagnostiqués, mais des résistances ou des intolérances à ces molécules se développent inéluctablement, entraînant des rechutes. Des chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm ont découvert lors de recherches sur une maladie tropicale négligée[1], l’ulcère de Buruli, une nouvelle cible thérapeutique du myélome multiple qui pourrait permettre de contourner ces résistances. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue EMBO Molecular Medicine, le 11 janvier 2022.

Le myélome multiple est un cancer causé par la prolifération anormale des plasmocytes, les globules blancs responsables de la production d’anticorps, dans la moelle osseuse. Des scientifiques de l’Institut Pasteur et de l’Inserm, en collaboration avec l’Université de Paris et l’hôpital Saint Louis (AP-HP) décrivent un nouveau mécanisme permettant de tuer efficacement et sélectivement ces cellules cancéreuses.

C’est en travaillant sur une toute autre maladie, l’ulcère de Buruli, que les chercheurs de l’unité Immunobiologie de l’infection à l’Institut Pasteur ont fait cette découverte. Cette maladie tropicale négligée, causée par une bactérie (Mycobacterium ulcerans), provoque des nécroses cutanées parfois importantes et irréversibles. Ces lésions sont dues à la production par les bactéries d’une toxine appelée « mycolactone ». En 2017, cette même équipe a élucidé comment la production bactérienne de mycolactone dans la peau infectée entraîne les manifestations cliniques de l’ulcère de Buruli. Elle a découvert que la mycolactone agit en ciblant le translocon (Sec61).

Le translocon est un canal ancré dans la paroi d’un compartiment cellulaire appelé le réticulum endoplasmique qui joue un rôle crucial dans la synthèse d’un sous-groupe de protéines : celles qui sont destinées à être sécrétées. Le translocon permet le transport de ces protéines dans le réticulum endoplasmique et est un passage obligé vers la voie de sécrétion. En bloquant Sec61, la mycolactone retient ces protéines à l’intérieur de la cellule et entraîne leur dégradation par le protéasome, ce qui génère un stress qui peut évoluer vers un processus de mort programmée.

Grâce à des modèles murins et des tumeurs issues de biopsies de patients, les chercheurs ont démontré que la mycolactone était hautement toxique pour les plasmocytes du myélome multiple, y compris ceux devenus résistants aux inhibiteurs du protéasome, et ceci à doses non toxiques pour les autres cellules du corps. De plus, ils ont montré que la mycolactone et les inhibiteurs du protéasome avaient un effet synergique, potentialisant leurs effets anti-cancéreux respectifs.

« Cette étude apporte la preuve de concept que le translocon est une nouvelle cible thérapeutique du myélome multiple. La prochaine étape consistera à identifier des molécules médicamenteuses inhibant Sec61, qui pourraient constituer un nouveau traitement de ce cancer. Par ailleurs, nous allons étudier si cette cible pourrait être commune à d’autres cancers. » explique Caroline Demangel, responsable de l’unité Immunobiologie de l’infection à l’Institut Pasteur.

 

[1] Définition de l’OMS : Les maladies tropicales négligées (MTN) sont un ensemble diversifié de 20 maladies et groupes de maladies avec un unique point commun : leur impact sur les communautés appauvries. Ensemble, ils touchent plus d’un milliard de personnes avec des conséquences dévastatrices sur la santé, le social et l’économie.

Malvoyance causée par la DMLA : découverte d’un biomarqueur sanguin pour évaluer le risque lié à l’alimentation

Oméga-3

Sources animales et végétales d’oméga-3 ©Fotolia

 

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la principale cause de malvoyance dans les pays occidentaux, avec près de 20 millions de personnes affectées en Europe en 2020. Identifiée comme facteur de risque, une insuffisance en acides gras oméga-3 dans la rétine était jusqu’alors impossible à mesurer. Une équipe de recherche composée de représentants d’INRAE, de l’Inserm, de l’université Jean-Monnet Saint-Etienne, de l’université de Bordeaux, d’ITERG et des CHU de Dijon-Bourgogne et de Bordeaux, a identifié un biomarqueur sanguin permettant de prédire le contenu rétinien en acides gras oméga-3. Ces résultats, publiés le 30 juin 2021 dans la revue Clinical and Translational Medicine, ouvrent de nouvelles perspectives pour prévenir le risque lié à cette pathologie par l’alimentation.

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est une maladie chronique qui atteint la zone centrale de la rétine, appelée macula, et provoque une perte progressive de la vision. C’est la principale cause de malvoyance chez les personnes âgées de plus de 50 ans. Les traitements actuels pour la DMLA permettent uniquement de ralentir la progression de la pathologie, et seulement pour certaines formes de la maladie. C’est pourquoi les stratégies de prévention sont d’une importance cruciale. Parmi les facteurs de risque sur lesquels on peut agir, se trouve le déficit en acides gras oméga-3 à longue chaîne dans la rétine, lipides qui sont apportés par l’alimentation et notamment le poisson. Ils jouent un rôle essentiel car ils assurent la vision au niveau des photorécepteurs mais ont également des fonctions anti-inflammatoires, limitent la mort cellulaire et le développement vasculaire dans la rétine, trois mécanismes primordiaux pour prévenir la DMLA. Des approches nutritionnelles par un apport supplémentaire en acides gras oméga-3 ont été développées pour prévenir ou limiter la DMLA. Mais l’évaluation de l’efficacité de ces approches se heurte à l’impossibilité de mesurer la concentration en acides gras dans la rétine. C’est pourquoi l’équipe de recherche s’est penchée sur l’identification de marqueurs sanguins permettant de l’évaluer.

Un biomarqueur sanguin pour identifier au plus tôt les personnes à risque de DMLA

Grâce à l’analyse des rétines et du sang issus de 46 donneurs humains, les scientifiques ont pu identifier le biomarqueur sanguin du statut en acides gras oméga-3 de la rétine[1], à l’aide d’un algorithme développé par apprentissage automatique[2]. Ils ont ensuite combiné l’analyse de rétines de donneurs humains, et les données issues de deux études de population : une étude pour doser le biomarqueur sanguin chez 62 participants de la cohorte des « 3-Cités » et un essai clinique (étude LIMPIA) sur 110 participants dont la moitié suivait une supplémentation alimentaire en acides gras oméga-3. Grâce à ces études, les scientifiques montrent qu’une concentration élevée du biomarqueur sanguin est associée à un moindre risque d’avoir une forme avancée de DMLA et que la concentration du biomarqueur augmente après supplémentation en acides gras oméga-3.

Ce biomarqueur permettrait d’identifier très tôt les personnes à risque de développer une DMLA, avant détection par examens ophtalmologiques.Une fois identifiées, les personnes à risque pourront ainsi être accompagnées sur le plan nutritionnel.

Un brevet sur ce biomarqueur prédictif du statut rétinien en acides gras oméga-3 et l’algorithme de prédiction a été déposé par INRAE et l’Inserm, et l’équipe de recherche développe actuellement une méthode standardisée et simplifiée de dosage pour intégrer ce biomarqueur à l’évaluation du risque de développer une DMLA dans une démarche de médecine personnalisée.

Étude réalisée dans le cadre du projet ANR BLISAR

Le projet ANR BLISAR (Biomarqueurs du statut et du métabolisme lipidique dans le vieillissement rétinien) est coordonné par l’université de Bordeaux et implique l’Inserm, INRAE, ITERG et les laboratoires Théa. Les objectifs sont de mieux comprendre le rôle des acides gras oméga-3, du métabolisme du cholestérol et de leurs interactions dans la DMLA, ainsi que d’identifier et de valider de nouveaux biomarqueurs du statut lipidique rétinien ayant une forte valeur discriminante pour la DMLA.

https://anr.fr/Projet-ANR-14-CE12-0020

 

[1] Le biomarqueur dont la quantité mesurée dans le sang est corrélée à la quantité d’acides gras oméga-3 dans la rétine, est basé sur le dosage de 7 molécules d’ester de cholestérol.

[2] Dans le domaine de l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique donne aux ordinateurs la capacité d’« apprendre » à partir de données, c’est-à-dire d’améliorer leurs performances à résoudre des tâches complexes sans être explicitement programmés pour chacune.

Les hommes et les femmes ne sont pas égaux face au premier stade de l’infection par le VIH-1

Fusion de macrophages infectés par le VIH © Inserm/Institut Curie/Gaudin, Raphaël/Bernaroch, Philippe

 

Pour la première fois, une équipe de recherche a mis en évidence un mécanisme génétique dépendant du sexe dans la réponse immunitaire innée qui a lieu lors de la phase aiguë de l’infection par le VIH-1.

Ces travaux, publiés dans JCI Insight le 18 juin, soutenus par l’ANRS, viennent éclairer d’une façon nouvelle les différences de charge virale entre les hommes et les femmes dans le premier stade de l’infection par le VIH-1, déjà observées précédemment. Cette publication contribue à une meilleure compréhension des mécanismes de l’infection par le VIH-1, qui reste un problème de santé mondiale avec 1,7 million de personnes nouvellement infectées en 2018 dans le monde*.

Ces travaux ont été menés par l’équipe de Jean-Charles Guéry (Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan, Université de Toulouse III-Paul Sabatier, Inserm, CNRS), en collaboration avec Laurence Meyer (Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, Inserm, Université Paris-Saclay), Pierre Delobel (Service des maladies infectieuses et tropicales, CHU de Toulouse, Inserm) et Michaela Müller-Trutwin (Unité HIV, inflammation et persistance, Institut Pasteur). 

Afin de comprendre les différences de charge virale observées dans la phase aiguë de l’infection par le VIH chez les femmes et les hommes, les chercheurs se sont intéressés à des cellules centrales dans la réponse immunitaire innée en cas d’infection virale : les cellules dendritiques plasmacytoïdes (pDC, pour plasmacytoid dendritic cells). Ces dernières possèdent des récepteurs appelés « TLR7 ». Lorsque de l’ARN viral se fixe sur ce récepteur, les pDC sécrètent alors de grandes quantités de molécules, telles que l’interféron de type I (IFN-I). L’IFN-I possède à la fois une activité antivirale et des propriétés régulatrices de la réponse immunitaire. Le gène codant pour le récepteur TLR7 se situe sur le chromosome X. Ce chromosome est possédé en deux copies par les femmes (XX) et une seule chez les hommes (XY). Chez les femmes, afin de ne pas surexprimer les gènes du chromosome X, un mécanisme inactive les gènes portés par l’un des deux chromosomes. Or, la même équipe a montré en 2018 que le gène codant pour TLR7 échappait à cette inactivation. Ainsi, le récepteur est présent en quantité significativement plus importante chez les femmes que chez les hommes.

Ici, les auteurs ont étudié un variant fréquent du gène codant pour le TLR7, l’allèle « T ».

Entre 30 et 50 % des femmes européennes sont porteuses d’au moins un allèle T. La présence de cet allèle diminue la quantité du récepteur TLR7 et la production d’IFN-I par les pDC chez les femmes, mais pas chez les hommes.

En comparant les paramètres cliniques des patientes de la cohorte française ANRS CO6 PRIMO regroupant des personnes infectées par le VIH-1 en phase aiguë (cf. ci-dessous), ils ont observé que les femmes qui portent l’allèle T en deux exemplaires (homozygotes) présentent également moins de symptômes d’infection aiguë par le VIH-1 et voient une réduction significative de leur charge virale par rapport aux femmes non porteuses de l’allèle T. 

En conclusion, les scientifiques indiquent que « TLR7 est une molécule effectrice clé qui, quand elle est surexprimée, exerce un effet délétère sur la charge virale dans l’infection aiguë par le VIH-1. Ces résultats sont inattendus, car ils suggèrent que l’IFN-I, moins sécrété chez les porteuses de l’allèle T du gène codant pour TLR7, n’est pas responsable du meilleur contrôle de la charge virale, comme de nombreuses hypothèses le suggéraient jusqu’à présent. Cette molécule jouerait même un rôle délétère dans la phase aiguë de l’infection si ses niveaux sont trop élevés. Dorénavant, les études des mécanismes immunitaires, ainsi que les stratégies visant à réduire les réservoirs viraux à l’aide de molécules capables de se lier spécifiquement au récepteur TLR7, devront tenir compte de cette découverte. »

 

* Source : ONUSIDA 2019 (www.unaids.org/fr/resources/fact-sheet)

Cohorte ANRS CO6 PRIMO

Initiée en 1996, la cohorte ANRS CO6 PRIMO a inclus à ce jour 2 426 patients vivant avec le VIH-1 depuis moins de trois mois. Son objectif principal est d’améliorer les connaissances physiopathologiques sur la primo-infection VIH. Elle permet désormais d’apporter des informations sur l’impact des traitements précoces dès la primo-infection, transitoires ou prolongés, par rapport à un traitement différé sur le pronostic à long terme ; sont ainsi étudiés des marqueurs de l’inflammation et la baisse des réservoirs viraux.

Vers le premier essai français de thérapie cellulaire dans une forme de rétinite pigmentaire

©AdobeStock

Une équipe de chercheurs dirigée par Christelle Monville (Professeure à l’Université d’Evry) à I- Stem, le laboratoire créé par l’AFM-Téléthon, l’Université d’Evry et l’Inserm, a réussi, en collaboration avec l’équipe dirigée par Olivier Goureau, directeur de recherche Inserm au sein de l’Institut de la Vision, à améliorer la vision de rats atteints de rétinite pigmentaire, grâce à la greffe d’un pansement cellulaire obtenu à partir de cellules souches embryonnaires humaines. Les résultats publiés ce jour dans Science Translational Medicine, réalisés notamment grâce aux dons du Téléthon, ouvrent la voie à la thérapie cellulaire des rétinites pigmentaires d’origine génétique mais aussi de maladies dégénératives de la rétine très fréquentes comme certaines formes de Dégénérescence Maculaire Liée à l’Âge (DMLA).

En France, près de 30 000 personnes sont concernées par des rétinites pigmentaires – un ensemble de maladies rares de la vision – et plus de 1,5 million par la Dégénérescence Maculaire Liée à l’Âge (DMLA). Ces pathologies, encore incurables, sont caractérisées par une dégénérescence progressive des cellules de la rétine conduisant, à terme, à la cécité.

Lire la vidéo (DR I-Stem)

Pour remplacer les cellules déficientes chez les malades, les premiers travaux, réalisés chez l’Homme à partir de 2012 par des équipes américaines, consistaient à injecter dans l’œil des cellules de l’épithélium pigmentaire rétinien mises en suspension – c’est-à-dire séparées les unes des autres – obtenues à partir de cellules souches embryonnaires humaines. Cette technique n’était cependant pas optimale en termes d’assimilation et de survie des cellules délivrées.

Dans l’étude publiée aujourd’hui par les chercheurs français, ces problèmes ont été contournés grâce à une approche innovante : après avoir différencié les cellules souches embryonnaires humaines en cellules épithéliales, ils les ont ensemencées sur un segment de membrane   amniotique   humaine   afin   de   réaliser   un   « patch cellulaire »Ce  patch   a   été  ensuite  greffé   dans  la  couche  la  plus périphérique de la rétine de rats présentant spontanément une rétinite pigmentaire d’origine génétique. En parallèle, d’autres rongeurs ont reçu une injection de cellules en suspension afin de comparer les deux techniques.

Après 13 semaines d’observation, les chercheurs ont constaté que les rats greffés à l’aide d’un patch présentaient de meilleures performances visuelles et sur un plus long laps de temps par rapport aux animaux ayant reçu les cellules en suspension.

Forts de ces résultats, les chercheurs déposeront dans les semaines qui viennent une demande d’autorisation pour un essai clinique de phase I/II chez une douzaine de patients atteints de rétinites pigmentaires qui devrait ainsi démarrer d’ici environ un an à l’hôpital des Quinze-Vingts, sous la responsabilité du Professeur José-Alain Sahel. Il s’agira du premier essai de thérapie cellulaire pour des maladies de la vision en France.

 À terme, cette nouvelle piste pourra être appliquée à toutes les pathologies dans lesquelles on observe une altération de l’épithélium pigmentaire rétinien, notamment dans les formes de la DMLA dite sèche, ou atrophique.

Pour Christelle Monville, enseignante-chercheuse à l’Université d’Evry et à I-Stem « Avec toute l’équipe, nous travaillons depuis 6 ans au développement de cette technique innovante. En effet, c’est la première fois que l’on constitue un « patch cellulaire » avec des cellules souches embryonnaires et une membrane amniotique humaine. Nous avons démontré que cette technique, étant plus efficace, ouvre des perspectives thérapeutiques pour les maladies de la rétine, qu’elles soient rares et génétiques ou fréquentes et liées au vieillissement. Être aujourd’hui aux portes de l’essai chez les malades est un moment très excitant. »

Marc Peschanski, directeur d’I-Stem le confirme : « Cette nouvelle preuve de concept montre à quel point la recherche dans le domaine de la thérapie cellulaire – qu’à I-Stem nous avons impulsé – avance et les perspectives thérapeutiques qu’elle offre. Nous travaillons depuis plus de 10 ans maintenant au développement de cette nouvelle médecine et je suis fier que mes équipes soient à l’aube de lancer le premier essai de thérapie cellulaire français pour des maladies rares de la vision. »

Pour Olivier Goureau directeur de recherche Inserm à l’Institut de la Vision, « La concrétisation de ce travail collaboratif et le transfert proche vers les patients nous motivent encore plus pour continuer à développer ces stratégies de thérapie cellulaire liées à l’utilisation de cellules souches pluripotentes pour aider les malades. »

Un modèle murin « humanisé » pour mieux comprendre l’infection par le virus de l’hépatite B

©Fotolia

Une équipe de chercheurs du consortium ANRS « modèles murins humanisés pour l’étude des virus hépatites »1, a mis au point un modèle de souris qui permet d’étudier l’interaction entre le système immunitaire et le foie lors de l’infection par le virus de l’hépatite B. Ces travaux, coordonnés par le Dr Hélène Strick-Marchand (unité immunité innée de l’Institut Pasteur, Inserm U1223, dirigée par James Di Santo), viennent répondre à un réel manque de modèle animal pour étudier cette pathologie et ouvrent ainsi la voie à l’évaluation de nouvelles stratégies thérapeutiques. Ces résultats ont été publiés dans la revue Gastroenterology.

Plus de 250 millions de personnes sont porteuses chroniques du virus de l’hépatite B (VHB) dans le monde et ce chiffre continue d’augmenter malgré l’existence d’un vaccin prophylactique très efficace. Une fois installée, l’hépatite chronique peut évoluer vers une fibrose, une cirrhose et un hépatocarcinome (cancer du foie). Pour enrayer la progression de la pathologie, il existe des traitements permettant de contrôler le virus, mais ils doivent être pris à vie car ils ne permettent pas de l’éliminer. Afin de mieux comprendre les conséquences de l’infection par le VHB, les interactions entre les hépatocytes (cellules du foie) infectés et la réponse du système immunitaire et pouvoir tester de nouvelles stratégies thérapeutiques, les scientifiques ont besoin d’un modèle animal dont la physiologie se rapproche de celle de l’Homme. Ainsi, depuis quelques années, une équipe de chercheurs du consortium ANRS « modèles murins humanisés pour l’étude des virus hépatites »1 coordonnée par le Dr Hélène Strick-Marchand (unité immunité innée de l’Institut Pasteur, Inserm U1223, dirigée par James Di Santo) travaille à la mise au point de souris dites « humanisées ». C’est dans ce cadre qu’a vu le jour le modèle HIS-HUHEP dont les résultats prometteurs ont fait l’objet d’une publication dans la revue Gastroenterology.

Dans le but de modéliser les interactions entre les hépatocytes humains (qui sont les cibles de l’infection par le VHB) et le système immunitaire humain, le modèle HIS-HUHEP reçoit une double greffe avec un système immunitaire humanisé et un foie repeuplé par des hépatocytes humains. Les scientifiques ont caractérisé les réponses physiologiques de ces souris lors d’une infection par le VHB, et celles-ci se sont révélées comparables à celles observées chez l’Homme. De même, la prise d’entecavir (un antiviral utilisé dans le traitement de l’infection par le VHB) par les souris HIS-HUHEP infectées a permis de diminuer la quantité de virus ainsi que l’inflammation du foie.

Les souris doublement « humanisées » HIS-HUHEP constituent un modèle animal important pour l’étude des interactions entre le système immunitaire et le foie lors des pathologies hépatiques. Ce nouveau modèle vient combler un véritable manque. Il ouvre la voie à une meilleure compréhension de la réponse immunitaire développée contre le VHB, puis à l’expérimentation de nouvelles stratégies thérapeutiques dans le but final d’éliminer le virus de l’organisme des personnes infectées.

1 Plus d’informations sur le consortium « modèles murins humanisés pour l’étude des virus hépatites » : www.anrs.fr/fr/actualites/285/consortium-anrs-modeles-murins-humanises-pour-letude-des-virus-hepatites

Syndrome de Usher : restauration de l’audition et de l’équilibre grâce à la thérapie génique

Organe de Corti et crête ampullaire du vestibule (insert) d’oreille interne injectée avec le virus AAV8 produisant la GFP et la protéine sans. Les cellules sensorielles cochléaires et vestibulaires ont été immunomarquées pour la GFP et la myosine VI, et analysées au microscope confocal. Les cellules vertes et orange produisent la protéine du gène thérapeutique.
© Institut Pasteur

Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et du CNRS* viennent de restaurer, pour la première fois, l’audition et l’équilibre dans un modèle murin du syndrome de Usher de type 1G (USH1G). Grâce à l’injection locale du gène USH1G, essentiel pour la formation et le maintien de l’appareil de transduction mécano-électrique des cellules sensorielles de l’oreille interne, les chercheurs ont réussi à rétablir le fonctionnement de cette structure, et ont ainsi permis à un modèle murin de ce syndrome, de recouvrer l’ouïe et l’équilibre. Ces résultats, publiés dans la revue PNAS, ouvrent la voie vers le développement de traitements, par thérapie génique, de certaines formes génétiques de surdité.

La surdité, associée dans certains cas à des troubles de l’équilibre, est le déficit sensoriel le plus fréquent. Elle affecte plus de 280 millions de personnes dans le monde, selon l’OMS. En France, 1 enfant sur 700 naît avec une surdité sévère ou profonde, et 1 enfant sur 1000 deviendra malentendant avant l’âge adulte.

Depuis 20 ans, des progrès considérables ont été réalisés dans la compréhension des surdités héréditaires présentes dès la naissance, dont la cause la plus fréquente est un dysfonctionnement de l’oreille interne. L’oreille interne est constituée de l’organe de l’audition (cochlée) et des cinq organes de l’équilibration (saccule, utricule, et trois canaux semi-circulaires), contenant les cellules sensorielles ou cellules ciliées. A ce jour, près de 100 gènes responsables de ces surdités ont été identifiés.

Parmi les différentes formes génétiques de surdité, le syndrome de Usher de type 1 (USH1) est caractérisé par une surdité congénitale profonde, des troubles de l’équilibration, et une atteinte visuelle progressive qui évolue vers la cécité. Ce syndrome peut être causé par des mutations dans 5 gènes différents, dont le gène USH1G codant pour une protéine « d’échafaudage » nécessaire à la cohésion de la touffe ciliaire des cellules ciliées.

Actuellement, les individus atteints de surdité et de troubles de l’équilibre sont équipés de prothèses auditives et peuvent bénéficier d’une rééducation pour améliorer leurs troubles de l’équilibre, mais les résultats sont variables. Une alternative envisageable pour traiter les surdités d’origine génétique est la thérapie génique, c’est-à-dire le transfert d’une copie saine (non mutée) du gène défectueux, afin de rétablir l’expression de la protéine déficiente. Cependant, à ce jour, seule une amélioration partielle de l’audition a pu être obtenue dans des modèles murins de formes particulières de surdité humaine, qui ne comportaient pas d’anomalie sévère de la structure des cellules ciliées.

Dans ce contexte, des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et du CNRS* viennent de restaurer l’audition et l’équilibre chez un modèle murin du syndrome USH1 grâce à une thérapie génique. Par une injection locale unique, après la naissance, du gène USH1G, les chercheurs ont réussi à rétablir la structure, très endommagée dès la naissance, de l’appareil de transduction mécano-électrique des cellules ciliées, et ont ainsi permis aux souriceaux de recouvrer, et ce de manière durable, partiellement l’ouïe et complètement l’équilibre.

Touffes ciliaires de cellules sensorielles vestibulaires analysées au microscope électronique à balayage. On peut distinguer, une touffe ciliaire normale avec sa forme caractéristique agencée en « forme d’escalier » (couleur jaune), une touffe ciliaire défectueuse Usher1g (en rose), et une touffe ciliaire Usher1g traitée (en vert) dont la forme normale/caractéristique à été restaurée par la thérapie génique. © Institut Pasteur

Les chercheurs ont procédé à l’injection du gène USH1G dans l’oreille interne en utilisant le virus AAV8, inoffensif pour la santé mais permettant de cibler spécifiquement les cellules ciliées. L’expression du gène médicament a été détectée dès 48 heures après l’injection. Les chercheurs ont démontré qu’une seule injection, en rétablissant la production et la localisation de la protéine concernée dans les cellules ciliées, est suffisante pour améliorer l’audition et l’équilibration chez les souriceaux atteints. Ces résultats suggèrent que la protéine médicament a pu interagir normalement avec ses partenaires de liaison au sein du complexe moléculaire USH1 (c’est-à-dire avec les protéines cadhérine 23, protocadhérine 15, myosine VIIa, et harmonine), comme requis pour le bon fonctionnement des canaux de la transduction mécano-électrique.

Comme l’explique Saaïd Safieddine, directeur de recherche du CNRS à l’Institut Pasteur et dernier auteur de l’étude, « nous venons de prouver qu’il est possible de corriger partiellement une forme génétique particulière de surdité accompagnée de troubles de l’équilibre, grâce à une thérapie génique locale effectuée après le stade du développement de l’oreille qui est affecté le premier par la mutation responsable. La fenêtre de temps pour traiter efficacement le syndrome USH1 par thérapie génique pourrait donc être plus large qu’initialement envisagée. »

Cette étude constitue une étape importante vers la conception d’essais cliniques de thérapie génique en vue d’un traitement curatif de certaines formes génétiques de surdité chez l’Homme.

 


 

*Du laboratoire Génétique et physiopathologie de l’audition (Institut Pasteur/Inserm/UPMC), du laboratoire Gènes, synapses et cognition (CNRS/Institut Pasteur) et du Centre de neurophysique, physiologie, pathologie (CNRS/Université Paris-Descartes).

fermer