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Leucémies aiguës chez l’enfant : l’exposition à certains polluants de l’air au moment de la naissance pourrait être un facteur de risque

(Image d’illustration) © AdobeStock

Si le rôle de certains polluants de l’air est aujourd’hui reconnu dans certains cancers chez l’adulte, il n’est pas encore établi dans le cas des leucémies aiguës chez l’enfant. Une équipe de l’Inserm, en collaboration avec l’Université Sorbonne Paris Nord, l’Université Paris Cité et INRAE[1], a utilisé les données issues de l’étude GEOCAP-Birth fondée sur le registre national des cancers de l’enfant[2] pour évaluer le risque de leucémie aiguë en fonction de l’exposition résidentielle aux polluants de l’air au moment de la naissance. Leurs résultats, parus dans Environmental Health, montrent des associations significatives entre l’exposition à certains polluants de l’air et la survenue des deux principaux types de leucémies pédiatriques.

La leucémie aiguë est le cancer le plus fréquent chez l’enfant de moins de 15 ans. Elle se caractérise par la prolifération incontrôlée de cellules hématopoïétiques immatures produites par la moelle osseuse – à l’origine de toutes les lignées de cellules sanguines du corps. Ces cellules vont alors progressivement prendre la place des cellules sanguines fonctionnelles, et les empêcher d’effectuer leurs tâches.

Les deux types principaux de leucémie chez l’enfant sont la leucémie aiguë lymphoblastique (LAL), qui représente 80 % des cas, et la leucémie aiguë myéloïde (LAM), qui représente 15 % des cas. Alors que plusieurs facteurs de risque chez l’enfant sont aujourd’hui bien connus (exposition à de fortes doses de radiations ionisantes, certains facteurs génétiques ou encore certaines chimiothérapies), le rôle de l’exposition périnatale[3] à certains facteurs environnementaux, comme l’exposition aux polluants de l’air par exemple, est encore débattu. Pourtant, le potentiel carcinogène pour l’humain de certains composants, issus notamment du trafic routier, est aujourd’hui reconnu.

Après avoir montré dans de précédents travaux que la proximité du lieu de résidence avec un grand axe routier au moment du diagnostic, était associée, en France, à un risque accru de développer une LAM dans l’enfance, le groupe de recherche aujourd’hui dirigé par Stéphanie Goujon, chercheuse Inserm au Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Inserm/INRAE/Université Sorbonne Paris Nord/Université Paris Cité), a poussé ses investigations plus avant.

L’équipe s’est ainsi intéressée à l’impact sur le risque de développer une leucémie aiguë lymphoblastique ou myéloïde de l’exposition aux polluants de l’air au lieu de résidence à la naissance – un indicateur considéré fiable de l’exposition que l’enfant a également pu subir in utero.

Pour ce faire, les scientifiques ont utilisé les données du registre national des cancers de l’enfant en France au sein de l’étude nationale GEOCAP-Birth, et comparé 581 enfants atteints de LAL et 136 enfants atteints de LAM, nés et diagnostiqués entre 2010 et 2015, avec une population contrôle de près de 12 000 enfants nés sur cette même période. Les indicateurs d’exposition impliquaient la proximité d’un axe routier à fort trafic (longueur de routes à moins de 500 m) et des modélisations d’exposition à plusieurs polluants liés au trafic : dioxyde d’azote (NO2), particules fines PM2,5 et carbone suie[4]. Les zones de résidence ont été catégorisées en trois niveaux d’urbanisation : unités urbaines[5] de moins de 5 000 habitants, entre 5 000 et 99 999 habitants et de 100 000 habitants et plus.

Les chercheuses et chercheurs ont observé une association entre l’exposition aux PM2,5 et le risque de développer une LAL : les enfants les plus exposés présenteraient un risque plus élevé de l’ordre de 70 % par rapport aux enfants les moins exposés et chaque augmentation de 2 μg/m3 de la concentration en PM2,5 dans l’air serait associée à un accroissement du risque moyen de 14 %. Cette association était observée dans les trois catégories d’unités urbaines.

En revanche, la présence d’un axe routier majeur à moins de 500 mètres de la résidence ne semblait pas associée au risque de développer une leucémie aiguë. Dans l’ensemble, les résultats allaient dans le même sens pour les expositions au NO2 et au carbone suie. Toutefois, dans les unités urbaines de moins de 5 000 habitants et dans celles comportant entre 5 000 et 99 999 habitants, une augmentation de l’ordre de 80 % du risque de LAL a été observée chez les enfants les plus exposés au carbone suie par rapport aux enfants les moins exposés. Selon l’équipe de recherche, ces résultats laissent penser que des sources de pollution aux PM2,5 (carbone suie en particulier), autres que le trafic routier, pourraient être impliqués (par exemple, la pollution liée à la production industrielle ou bien au chauffage domestique).

« Nos travaux supportent l’hypothèse d’un rôle de l’exposition périnatale à la pollution de l’air dans la survenue de leucémie aiguë chez l’enfant, appuyant en particulier l’implication des particules fines PM2,5 dans la leucémie aiguë lymphoblastique, précise Aurélie Danjou, chercheuse Inserm et première autrice de la publication. Des études regroupant les données de davantage d’enfants pourraient aider à consolider les résultats concernant la leucémie aiguë myéloïde, mais aussi à mieux comprendre quelles sources de pollution sont à l’origine des associations et quels autres polluants pourraient jouer un rôle », conclut la chercheuse.

 

[1] Ces travaux ont reçu le soutien de l’Anses, de l’INCa et de la Fondation de France.

[2] Le programme de recherche GEOCAP, coordonné par Stéphanie Goujon, a pour objectif principal d’étudier l’influence des expositions environnementales sur le risque de cancer chez l’enfant, à partir des coordonnées spatiales du lieu de résidence. Il est fondé sur deux études cas-témoins nationales : GEOCAP-Diag basée sur l’adresse de résidence au moment du diagnostic et GEOCAP-Birth basée sur l’adresse de résidence à la naissance.

[3] La périnatalité s’étend de la grossesse aux premiers mois du nourrisson.

[4] Le carbone suie se retrouve dans la partie la plus fine des particules PM2,5

[5] En France hexagonale, une unité urbaine est définie par l’INSEE comme une municipalité ou un groupe de municipalités regroupant au moins 2 000 habitants et avec une distance entre les bâtiments de moins de 200 mètres.

Une piste prometteuse pour augmenter l’efficacité des antibiotiques

Micrographie électronique à balayage d’Escherichia coli. © National Institute of Allergy and Infectious Diseases, National Institutes of Health

Les aminosides sont des antibiotiques efficaces contre de très nombreuses bactéries telles que Escherichia coli, Pseudomonas aeruginosa ou Staphylococcus aureus. Mais jusqu’à présent, personne ne savait comment ces antibiotiques arrivaient à pénétrer dans les bactéries. Des scientifiques de l’Institut Pasteur, en collaboration avec des équipes de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Paris Cité, viennent de prouver que les aminosides utilisent les transporteurs des sucres pour traverser les membranes bactériennes. Au-delà de cette découverte, ils ont réussi à doubler le nombre de transporteurs chez les bactéries Escherichia coli, y compris les plus résistantes, augmentant dès lors le taux de pénétration et l’efficacité des antibiotiques. Cette découverte fondamentale, qui devrait rapidement donner lieu à des essais cliniques, a été publiée le 5 septembre 2025 dans Science Advances.

Pour être efficaces, les antibiotiques doivent nécessairement pénétrer à l’intérieur des bactéries pathogènes. Les aminosides, par exemple, arrivent efficacement à franchir la double membrane d’Escherichia coli – une bactérie à Gram négatif qui peut causer des infections urinaires, des septicémies ou des endocardites(1) – avant de bloquer la synthèse des protéines et d’entraîner sa mort. Toutefois, certaines bactéries E. coli résistent. En 2019, ces dernières ont été responsables de 829 000 décès dans le monde(2).

« La question du mode de transport des aminosides a fait l’objet de nombreux débats, l’une des hypothèses étant que les antibiotiques s’accrochent à la paroi des bactéries et la traversent de manière passive, relate Zeynep Baharoglu, auteure principale de la publication et directrice de recherche dans l’Unité Plasticité du génome bactérien de l’Institut Pasteur. Mais, de façon fortuite, des recherches fondamentales menées par notre équipe sur le stress des bactéries face aux antibiotiques nous ont mis sur une nouvelle piste. »

En effet, en étudiant le comportement de la bactérie Vibrio cholerae, responsable du Choléra, les chercheurs ont remarqué une corrélation entre l’efficacité des aminosides et la présence de transporteurs de sucres – des « portes d’entrées » qui permettent spécifiquement au glucose, sucrose, fructose, etc. de pénétrer dans la bactérie afin de l’alimenter en énergie. Suivant leur intuition, les chercheurs ont donc décidé d’étudier ce mode de transport en détail chez Escherichia coli. Et les résultats ont été à la hauteur des espérances.

« Nous avons observé, notamment grâce à la fluorescence, que les aminosides pénétraient dans les bactéries E. coli de façon active, en empruntant les portes d’entrées utilisées par les différents glucides. C’est la première fois que l’on mettait en évidence ce mode de transport pour des antibiotiques », se réjouit Zeynep Baharoglu.

Connaissant la plasticité des transporteurs – dont le nombre fluctue en fonction du type de sucre présent dans le milieu –, les scientifiques ont augmenté leur quantité avec l’espoir d’améliorer la perméabilité des bactéries aux antibiotiques. Ils ont alors testé 200 composés, à la fois sur des échantillons biologiques humains contaminés par E. coli et dans un modèle animal d’infection urinaire, ce qui a permis d’identifier un candidat particulièrement efficace.

« Il s’est avéré que l’uridine(3) permet de doubler la quantité globale des transporteurs de sucre chez les bactéries E. coli avec pour conséquence de multiplier par dix leur sensibilité aux aminosides. Ce qui est également très intéressant, c’est que certaines bactéries résistantes voire multi-résistantes redeviennent perméables et sensibles aux aminosides en présence d’uridine », souligne Zeynep Baharoglu. Et des effets similaires sont observables chez de nombreuses bactéries.

Les espoirs concernant cette découverte sont importants. L’administration d’uridine pourrait en effet permettre de réduire les doses d’antibiotiques à administrer, diminuant les risques de créer des résistances mais aussi de potentiels effets secondaires. Les aminosides, par exemple, peuvent être toxiques à forte dose pour l’oreille interne ou les reins.

« C’est une découverte importante qui pourrait changer la donne pour cette classe d’antibiotiques en permettant son utilisation à plus faible concentration, et élargir son utilisation à d’autres pathologies comme les endocardites ou les chocs septiques », espère Zeynep Baharoglu.

Autre perspective : « greffer » l’uridine à divers antibiotiques pour les aider à pénétrer dans des bactéries, des bactéries résistantes notamment.

« Il faut savoir que l’uridine est déjà utilisé en clinique ; son absence de toxicité chez l’humain a déjà été démontré, ce qui va nous permettre de gagner du temps pour la synthèse de nouvelles molécules, de faire très rapidement des essais cliniques et donc de réduire les coûts de mise sur le marché, remarque Didier Mazel, responsable de l’Unité Plasticité du génome bactérien de l’Institut Pasteur. Ces travaux montrent aussi à quel point il est important de faire de la recherche fondamentale. Sans elle, cette découverte, qui pourrait jouer un rôle majeur dans la stratégie de lutte contre la résistance aux antibiotiques, n’aurait pas eu lieu. »

En 2019, selon l’OMS, les bactéries résistantes aux antibiotiques ont été impliquées dans la mort de plus de 6 millions de personnes(4).

 

(1) infection grave de la paroi interne du cœur.

(2) www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(21)02724-0/fulltext

(3) nucléoside qui contient un sucre et rentre dans la composition de l’ARN.

(4) www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/antimicrobial-resistance

Pollution de l’air en Europe : un état des lieux inédit d’une nouvelle mesure de l’exposition aux particules. 

Pollution atmosphérique en Île-de-FrancePollution atmosphérique en Île-de-France (Image d’illustration) © Unsplash

Une étude menée dans 43 pays européens par une équipe scientifique internationale coordonnée par l’Université Grenoble Alpes, aux côtés du CNRS, de l’Inserm et de l’Institut de recherche pour le développement* révèle dans la revue Nature, ce 22 octobre 2025, que la capacité des particules en suspension à générer du stress oxydatif dans les poumons (le potentiel oxydant, PO), varie en fonction des types d’environnement (urbain, rural, industriel, etc.) et de leurs sources d’émission. En particulier, ce stress oxydatif peut être jusqu’à trois fois plus élevé dans les zones urbaines à fort trafic routier qu’en zone rurale. Ces résultats fournissent un appui scientifique concret pour définir de futures normes européennes et pour guider les politiques de santé publique.

La pollution de l’air par les particules en suspension constitue un enjeu majeur de santé publique. Si leur concentration massique est déjà réglementée en Europe, la nouvelle directive européenne sur la qualité de l’air (2024/2884) recommande désormais de suivre également leur potentiel oxydant (PO). Ce dernier est en effet un indicateur de la capacité des particules à générer du stress oxydatif dans l’organisme, un mécanisme clé dans l’apparition de maladies respiratoires et cardiovasculaires. Or, aucune valeur limite n’a encore été définie pour ce paramètre. Cette étude internationale propose des scénarios d’exposition qui pourraient servir de base à l’élaboration de futures normes européennes.

Les scientifiques ont rassemblé et analysé près de 11 500 mesures de potentiel oxydant issues de 43 sites répartis en Europe (zones urbaines, industrielles et rurales). Deux méthodes de mesure de potentiel oxydant des particules (tests OP-AA et OP-DTT à base d’antioxydants pulmonaires) ont été appliquées de manière standardisée. Ceci représente, à ce jour la base de données la plus complète constituée sur le sujet.

Des résultats qui soulignent l’importance de diminuer les émissions liées au trafic routier et au chauffage au bois

Une forte variabilité spatiale du potentiel oxydant a été mise en évidence : les sites urbains proches des routes présentent des niveaux jusqu’à 3 fois plus élevés que les sites ruraux. Les particules issues du trafic routier et du chauffage au bois apparaissent comme des contributeurs majeurs au niveaux du potentiel oxydant observés dans l’atmosphère européenne. Des simulations montrent qu’une réduction d’au moins 15% des émissions de chaucune de ces deux sources est nécessaire pour abaisser les niveaux urbains moyens de potentiel oxydant aux niveaux de ceux observés dans les zones urbaines les moins polluées. Cependant, pour se rapprocher des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (PM10=15 ug/m3 en moyenne annuelle), les valeurs projetées en concentration massique imposeraient, elles, de diminuer d’au moins 65% les émissions de chacune des deux sources : trafic et chauffage au bois.

Une étude qui fait étape pour orienter les politiques de santé publique en Europe

Cette recherche fournit la première base de données harmonisées de grande ampleur sur le potentiel oxydant des particules ambiantes en Europe. L’étude suggère que le suivi du potentiel oxydant, en complément de la concentration massique des particules, pourrait améliorer sensiblement l’évaluation de l’exposition des populations à la pollution atmosphérique et guider plus efficacement les politiques de réduction des émissions. En proposant des scénarios d’exposition, cette étude fournit un socle scientifique en vue de l’établissement de futures valeurs réglementaires de PO. Elle constitue un jalon important pour la mise en œuvre de la directive européenne révisée et pour l’orientation des politiques de santé publique face aux impacts de la pollution atmosphérique.

 

*Coordonnée par Gaëlle Uzu, directrice de recherche IRD au sein de l’Institut des géosciences et de l’environnement (IGE – CNRS/INRAE/IRD/UGA – Grenoble INP-UGA), avec comme première auteure de la publication la doctorante UGA Cécile Tassel, cette étude a pu être réalisée grâce notamment, au soutien de l’Idex de l’Université Grenoble Alpes (UGA), de la Fondation Université Grenoble Alpes – Chaire Prédict’air, la station du futur, avec le mécénat de la Fondation Air Liquide. et du dispositif national de surveillance de la qualité de l’air (incluant les associations agréées en région (AASQAs), le laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air (LCSQA-Ineris) et le ministère chargé de l’environnement français.

L’exposition au chlordécone rallonge le délai pour concevoir un enfant

Bien qu’interdit depuis 1993, le chlordécone a durablement contaminé les terres agricoles aux Antilles, car la molécule est très persistante dans l’environnement. © Adobe Stock

Une étude publiée le 16 octobre dans la revue Environmental Health par une équipe de recherche de l’Inserm au sein de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Inserm/Université de Rennes/École des hautes études en santé publique) montre que l’exposition de la femme au chlordécone est associée à un allongement du délai nécessaire à concevoir. Obtenus grâce aux données recueillies en Guadeloupe auprès de 668 femmes enceintes entre novembre 2004 et décembre 2007, ces résultats suggèrent fortement que cet insecticide (largement utilisé aux Antilles jusqu’à son interdiction en 1993) pourrait nuire à la fertilité des femmes, comme le laissaient déjà penser des études expérimentales menées chez l’animal.

Plusieurs études ont montré que l’exposition au chlordécone est associé à des effets néfastes sur la grossesse (risque augmenté de prématurité[1]) et le développement de l’enfant (moins bons scores aux tests cognitifs et difficultés comportementales après une exposition prénatale et postnatale[2]), en particulier aux Antilles, où ce pesticide a été largement utilisé jusqu’à son interdiction en 1993 en raison de sa forte toxicité et où il a durablement contaminé les terres agricoles.

Une nouvelle étude publiée par une équipe de l’Inserm au sein de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Inserm/Université de Rennes/École des hautes études en santé publique), dans la revue Environmental Health le 16 octobre montre que ce pesticide allonge la durée du délai nécessaire à concevoir un enfant, un indicateur reconnu de la fertilité du couple.

Ces résultats ont été obtenus grâce à des données de la cohorte mère-enfant Timoun, collectées entre novembre 2004 et décembre 2007 auprès de 668 femmes enceintes, interrogées lors de visites de contrôle au cours du deuxième ou du troisième trimestre de grossesse au CHU de la Guadeloupe et dans les centres hospitaliers de la Basse-Terre et de Pointe-à-Pitre, ainsi que dans les services de soins prénatals. En parallèle, des prélèvements avaient également été réalisés pour mesurer la concentration de chlordécone dans leur sang.

Résultat : « Plus les femmes ont été exposées à des niveaux élevés de chlordécone, plus elles ont mis de temps à concevoir leur enfant », résume Luc Multigner, directeur de recherche émérite à l’Inserm et co-auteur de l’étude.

Pour analyser le lien entre l’exposition au chlordécone et les difficultés à concevoir, les femmes ont été classées en quatre groupes selon leur niveau d’exposition à l’insecticide. L’équipe de recherche a observé que les femmes les plus exposées, dont la concentration du chlordécone dans le sang dépassait 0,4 µg/l, avaient mis plus de temps à tomber enceintes et que leur chance d’y parvenir au cours d’un cycle menstruel était réduite d’environ un quart (entre 24 et 28 % pour les deux groupes les plus exposés).

Faute de mesures de l’exposition chez les conjoints, il est difficile d’attribuer cet allongement du délai à concevoir uniquement aux femmes.

« Cependant, des études précédentes en Guadeloupe chez les hommes, à des niveaux d’exposition similaires à ceux des femmes, n’avaient montré aucun effet sur la qualité du sperme ni sur les hormones de la reproduction[3]. Chez des animaux de laboratoire, le chlordécone a déjà été associé à une diminution de la fertilité des femelles[4]. À la lumière de ces travaux, notre étude soutient l’hypothèse selon laquelle ce pesticide pourrait altérer la fertilité des femmes », ajoute le chercheur.

Même si l’association observée est importante, l’étude n’établit pas formellement de lien de cause à effet. En effet, l’infertilité féminine peut avoir de multiples origines, telles que le syndrome des ovaires polykystiques ou l’endométriose par exemple.

« L’étude Karu-Fertil[5], qui est en cours en Guadeloupe[6],  permettra de mieux préciser les liens entre l’exposition au chlordécone et l’infertilité féminine », explique Ronan Garlantézec, professeur de santé publique à l’Université de Rennes et responsable scientifique de cette étude.

« En attendant, les résultats que nous venons de publier soutiennent déjà la nécessité de poursuivre les efforts en matière de santé publique visant à réduire l’exposition au chlordécone, en particulier chez les femmes en âge de procréer », conclut Ronan Garlantézec.

Ronan Garlantézec revient sur les conclusions de cette étude dans une vidéo réalisée par l’Université de Rennes.

 

[1]https://presse.inserm.fr/exposition-au-chlordecone-et-prematurite-nouvelles-donnees/10687

[2]https://presse.inserm.fr/lexposition-pre-et-postnatale-au-chlordecone-pourrait-impacter-le-developpement-cognitif-et-le-comportement-des-enfants/66616

[3]https://journals.lww.com/epidem/fulltext/2006/11001/exposure_to_chlordecone_and_male_fertility_in.989.aspx

[4]https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/6192033/

[5]L’étude Karu-Fertil s’appuie sur deux approches complémentaires : une étude épidémiologique, qui s’adresse aux femmes âgées de 18 à 39 ans consultant pour infertilité du couple au CHU de la Guadeloupe et une approche sociologique qui s’adresse aux femmes participantes au volet épidémiologique et aux professionnels de santé prenant en charge de l’infertilité du couple en Guadeloupe. Cette , inancée par l’ANR et la Fondation de France, réunit quatre partenaires : l’Inserm, le CHU de la Guadeloupe, l’Institut national d’études démographiques et l’Institut Pasteur de la Guadeloupe.

[6]https://anr.fr/Projet-ANR-22-CHLD-0001

Prématurité : le peau à peau aux tout premiers jours de vie serait associé à un meilleur développement cognitif à 5 ans

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Le peau à peau consiste à placer le nouveau-né, dès sa naissance, à même la peau de son parent, poitrine contre poitrine. Une étude de cohorte menée par l’Inserm, INRAE, l’Université Paris Cité et l’Université Sorbonne Paris Nord, en collaboration avec le CHRU de Tours et le CHI de Créteil, a permis d’évaluer les effets à long terme du contact peau à peau chez des enfants nés extrêmement ou grands prématurés (après 24 à 31 semaines de grossesse). Les résultats ont montré qu’à l’âge de 5 ans, les enfants ayant bénéficié de contacts peau à peau au cours des sept premiers jours de leur vie obtenaient un meilleur score de développement cognitif lors de tests standardisés. Ces résultats, publiés dans la revue eClinicalMedicine, suggèrent ainsi un impact favorable de cette pratique sur le devenir neurocognitif de l’enfant né prématuré.

Les premières heures de vie du nourrisson constituent une période clé. En effet, les interactions précoces entre les parents et leur bébé activent des mécanismes biologiques et hormonaux qui participent au développement du cerveau et à la construction du lien affectif parent-enfant.

Ces interactions essentielles s’avèrent parfois vitales lorsqu’elles concernent les enfants nés prématurés : la pratique du peau à peau immédiatement après la naissance est recommandée[1] depuis plusieurs années dans les pays à faibles revenus, car elle améliore la survie des enfants. Dans les pays à hauts revenus comme la France, le peau à peau a montré des effets bénéfiques à court terme sur la stabilité physiologique du bébé et sur la construction des liens d’attachement pour les parents.

En réduisant le stress lié à la séparation mère–nouveau-né et en offrant un environnement sensoriel adapté, ce contact parent-enfant contribuerait également à protéger le développement cérébral de l’enfant né prématuré et pourrait même exercer un effet neuroprotecteur durable. De précédentes études ont ainsi suggéré des effets positifs du peau à peau sur le développement neurologique de ces enfants, avec des bénéfices observés au-delà de la petite enfance. Cependant, ces données sont anciennes et reposent surtout sur de petites cohortes.

Dans une nouvelle étude, une équipe au Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Inserm/Université Paris Cité/Université Sorbonne Paris Nord/INRAE) a pu évaluer cet effet neuroprotecteur du peau à peau sur le devenir cognitif des enfants nés extrêmement prématurés à grands prématurés (après 24 à 31 semaines de grossesses) au-delà de la petite enfance, cela à partir des données de la cohorte Epipage-2 (encadré ci-dessous).

Ce sont près de 2 500 enfants qui ont été inclus dans l’analyse. Ces enfants sont nés dans des unités de néonatalogie françaises en 2011 – la moitié d’entre eux a bénéficié de contact peau à peau au cours des sept premiers jours suivant leur naissance, l’autre non.

Âgés de cinq ans (en 2016), tous ont été évalués grâce à des tests d’appréciation du fonctionnement cognitif (tests de QI), ainsi que des tests de dépistage de difficultés comportementales.

Les résultats de cette étude suggèrent que la pratique du peau à peau au cours des sept premiers jours après la naissance de l’enfant né prématuré (grand à extrêmement prématuré) est associée à un meilleur développement cognitif à l’âge de 5 ans[2]. En moyenne, cette différence a été estimée à +2,3 points de plus sur le score des tests de QI.

« Cette différence de 2,3 points peut sembler minime à l’échelle de l’individu, mais n’est pas négligeable lorsqu’il s’agit d’une moyenne sur l’ensemble d’une population », explique Ayoub Mitha, premier auteur de l’étude.

À noter que l’écart de points est plus significatif concernant le groupe des enfants nés grands prématurés (+2,9 points sur les scores de QI pour les enfants ayant bénéficié du peau à peau à la naissance), par rapport aux enfants nés extrêmement prématurés.

« Cela s’explique par le plus faible recours au peau à peau des enfants nés extrêmement prématurés en 2011, une tendance qui a depuis évolué, le peau à peau étant une pratique de plus en plus encouragée dans les services de néonatologie », précise Ayoub Mitha.

Aucune association n’a été mise en évidence entre le peau à peau et la réduction du risque d’apparition de difficultés comportementales chez l’enfant.

« Ces résultats sont une preuve de plus en faveur du contact peau à peau aux toutes premières heures de la vie de l’enfant né prématuré. Ils pointent l’importance de favoriser la non-séparation parent-enfant à la naissance et vont dans le sens des recommandations pour l’implantation de chambres parentales dans les unités de soins intensifs de néonatologie », explique Ayoub Mitha.

« En tant qu’intervention peu coûteuse, le peau à peau apparaît comme un soin simple à mettre en œuvre dans les pratiques courantes. Or aujourd’hui il existe beaucoup de disparités des pratiques entre les unités de soins. Des études complémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre la variabilité des pratiques et identifier les leviers pour soutenir les équipes dans son implantation », ajoute Véronique Pierrat, dernière autrice de l’étude.

La cohorte Epipage-2

L’étude Epipage‑2 menée par l’Inserm depuis 2011 est un très grand projet de recherche observationnel sur la prématurité en France, avec de nombreuses sous-études. Elle implique des équipes de recherche Inserm, universitaires et hospitalières issues de 25 régions françaises. Cette étude se fonde sur les données relatives à plus de 7 000 naissances survenues avant 35 semaines de grossesse (enfants nés vivants ou mort-nés) dans ces 25 régions. Parmi les enfants qui ont survécu à la période néonatale (environ 4 400), environ 3 000 ont été suivis à 5 ans. Ces enfants continuent de faire l’objet d’un suivi. L’objectif est de mieux connaître le devenir neurodéveloppemental et en santé de ces enfants, au regard des évolutions des pratiques médicales et de l’organisation des soins. Une des originalités de l’étude Epipage 2 est d’avoir permis la mise en place de plusieurs projets complémentaires et multidisciplinaires dans le champ de l’imagerie cérébrale, des biomarqueurs, de la nutrition, des interactions mère-enfant, de la douleur et de l’éthique.

[1]Recommandation de l’OMS : https://www.who.int/fr/news/item/15-11-2022-who-advises-immediate-skin-to-skin-care-for-survival-of-small-and-preterm-babies

[2]Test échelle d’intelligence préscolaire et primaire de Wechsler (WPPSI)

Niveau de transformation des produits végétaux : impact sur la santé cardiovasculaire

fibres alimentaires© Photo Jannis Brandt/ Unsplash

La consommation de produits d’origine végétale est associée à une meilleure santé cardiovasculaire, à condition qu’ils soient de bonne qualité nutritionnelle et peu ou pas transformés industriellement. C’est ce que montre une équipe de recherche d’INRAE, de l’Inserm, de l’université Sorbonne Paris Nord et du Cnam, à travers l’analyse de données santé d’une cohorte composée de 63 835 adultes. Des résultats publiés dans la revue The Lancet Regional Health – Europe.

De précédentes études ont rapporté qu’une consommation élevée d’aliments dits ultra-transformés[1] était associée à un risque accru de développer des maladies cardiovasculaires, parallèlement à d’autres travaux[2] qui ont montré qu’une alimentation incluant une forte part de produits végétaux, lorsqu’ils sont équilibrés sur le plan nutritionnel, diminuerait le risque de développer ces maladies.

Pour étudier les liens entre nutrition et santé cardiovasculaire, une équipe de recherche d’INRAE, de l’Inserm, de l’université Sorbonne Paris Nord et du Cnam est allée au-delà de la distinction entre origine végétale ou animale d’un aliment, en intégrant la qualité nutritionnelle, par exemple la teneur en glucides, lipides ou vitamines et minéraux antioxydants, mais aussi le degré de transformation des aliments.

L’équipe de recherche a analysé les données de santé de 63 835 adultes participant à la cohorte française NutriNet-Santé. La période de suivi était de 9,1 ans en moyenne et pouvait aller jusqu’à 15 ans pour les premiers inclus. Les apports alimentaires, c’est-à-dire les aliments et boissons consommés sur au moins 3 journées, ont été recueillis grâce à des questionnaires en ligne. Ce recueil détaillé permet de distinguer 3 types d’alimentation, en comparant la part des produits végétaux face à celle des produits animaux, et en considérant leur qualité nutritionnelle, mais aussi leur niveau de transformation industrielle.

Qualité nutritionnelle et degré de transformation

Ainsi il est apparu que les adultes ayant une alimentation plus riche en produits végétaux de meilleure qualité nutritionnelle (moins riche en lipides, sucre et sel) et pas ou peu transformés industriellement, présentaient un risque de maladies cardiovasculaires inférieur d’environ 40 % comparé aux personnes qui avaient une alimentation plus pauvre en ces produits végétaux, et plus riche en produits animaux[3].

Les adultes ayant une alimentation plus riche en produits végétaux de meilleure qualité nutritionnelle mais ultra-transformés comme des pains complets industriels, soupes du commerce, plats préparés à base de pâtes ou salades assaisonnées du commerce (comparés aux personnes qui avaient une alimentation plus pauvre en ces produits et plus riches en produits animaux), ne présentaient pas un risque inférieur de maladies cardiovasculaires.

Le risque de maladies cardiovasculaires était supérieur d’environ 40 % pour les adultes qui consommaient une forte part de produits végétaux de moindre qualité nutritionnelle et ultra-transformés (chips, boissons sucrées à base de fruits ou sodas d’extraits végétaux, produits sucrés chocolatés ou confiseries, céréales du petit déjeuner sucrées, biscuits salés, etc.) comparé aux personnes ayant une alimentation plus riche en produits végétaux de bonne qualité nutritionnelle et peu ou pas transformés industriellement.

Ces résultats soulignent la nécessité de considérer à la fois la qualité nutritionnelle et le degré de transformation et de formulation des aliments, en plus de l’équilibre végétal-animal dans l’alimentation, pour mieux évaluer les liens entre nutrition et santé cardiovasculaire. Ils viennent apporter de nouveaux arguments afin d’encourager les politiques publiques en nutrition et santé à promouvoir des aliments végétaux qui soient à la fois de bonne qualité nutritionnelle et peu ou pas transformés (fruits et légumes frais, surgelés ou en conserves de bonne qualité, par exemple sans ajout de lipides, sel, sucre et additifs).

L’étude NutriNet-Santé est une étude de santé publique coordonnée par l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (CRESS-EREN, Inserm/INRAE/Cnam/université Sorbonne Paris Nord/université Paris Cité), qui, grâce à l’engagement et à la fidélité de plus de 180 000 « nutrinautes », fait avancer la recherche sur les liens entre la nutrition (alimentation, activité physique, état nutritionnel) et la santé. Lancée en 2009, l’étude a déjà donné lieu à plus de 300 publications scientifiques internationales. Un appel au recrutement de nouveaux nutrinautes est toujours en cours afin de continuer à faire avancer la recherche publique sur les relations entre la nutrition et la santé.

En consacrant quelques minutes par mois à répondre, via Internet, sur la plateforme sécurisée etude-nutrinet-sante.fr, aux différents questionnaires relatifs à l’alimentation, à l’activité physique et à la santé, les participants contribuent à faire progresser les connaissances vers une alimentation plus saine et plus durable.


[1] Selon la classification NOVA, ce sont des aliments ayant subi d’importants procédés de transformation biologiques, chimiques, physiques (extrusion, prétraitement par friture, hydrolyse, chauffage à très haute température, etc.) et/ou dont la formulation contient certains additifs alimentaires non nécessaires à la sécurité sanitaire du produit (colorants, émulsifiants, édulcorants par exemple) ou certaines substances industrielles de type huiles hydrogénées, sirop de glucose/fructose, protéines hydrolysées, sucre inverti, etc.

[2] Rauber F., da Costa Louzada M.L., Chang C. et al. (2024). Implications of food ultra-processing on cardiovascular risk considering plant origin foods: an analysis of the UK biobank cohort. The Lancet Regional Health-Europe, DOI : https://doi.org/10.1016/j.lanepe.2024.100948 
Daas M.C., Vellinga R.E., Pinho M.G.M. et al. (2024). The role of ultra-processed foods in plant-based diets: associations with human health and environmental sustainability. European Journal of Nutrition. DOI :https://doi.org/10.1007/s00394-024-03477-w

[3]C’est-à-dire avec une consommation d’environ 280 g par jour de fruits et légumes, soit la moitié de la recommandation du PNNS (Programme national nutrition santé), 54,1 g par jour en moyenne de viande rouge soit 380 g par semaine et 278 g par semaine de charcuterie, soit presque 2 fois la recommandation maximum du PNNS.

Les inégalités économiques pourraient contribuer à la hausse récente de la mortalité néonatale en France

bébé endormiLes décès de nouveau-nés sont plus nombreux pour les mères qui résident dans les communes les plus défavorisées au regard de l’indice de désavantage social adapté à la période périnatale élaboré par les scientifiques (image d’illustration). © Adobestock

Alors que la mortalité néonatale augmente en France, une nouvelle étude de l’Inserm, de l’Université Paris Cité, de l’Inrae, de l’Université Paris Nord, et de l’APHP, publiée le 16 septembre dans la revue BMJ Medicine montre qu’elle pourrait être liée aux inégalités socio-économiques. Les chercheurs ont élaboré un indice de désavantage social adapté à la période périnatale et observé que le risque de décès d’un nouveau-né est plus élevé pour les mères qui résident dans les communes défavorisées. Ces résultats soulignent l’importance de réaliser des audits de l’offre de soin en périnatalité dans chaque territoire, selon les chercheurs.

Les habitantes des communes socio-économiquement défavorisées ont plus de risques de voir leur enfant décéder dans les premiers jours suivant sa naissance. C’est le constat d’une nouvelle étude publiée par une équipe de recherche de l’Inserm, de l’Université Paris Cité, de l’Inrae, de l’Université Paris Nord, et de l’APHP, dans la revue médicale BMJ Medicine, le 16 septembre 2025.

Une étude de 2022[1] avait déjà révélé une hausse significative de la mortalité infantile (décès avant un an) en France depuis 2012. Cette étude avait identifié la mortalité néonatale (décès entre la naissance et le 28e jour du bébé) comme principale composante de l’augmentation de la mortalité infantile, mais elle ne permettait pas de savoir quels étaient les territoires et les populations les plus touchés.

Pour y voir plus clair, une équipe scientifique a mis au point un indice de désavantage social adapté à la période périnatale pour chaque commune de France hexagonale[2], résultant de l’analyse de différents facteurs associés à l’état de santé des nouveau-nés dans de précédentes études : le taux de chômage, le pourcentage de personnes immigrées dans le secteur, celle de locataires, de familles monoparentales, et le revenu médian par ménage. Les scientifiques ont ensuite croisé cet indicateur avec le taux de mortalité néonatale sur deux périodes : entre 2001 et 2008 puis entre 2015 et 2020, en utilisant le Système national de données de santé (SNDS).

Les résultats mettent en lumière d’importantes inégalités face à la mortalité néonatale.

« Quelle que soit la période étudiée, les décès de nouveau-nés sont plus nombreux pour les mères qui résident dans les communes les plus défavorisées au regard de notre indice de désavantage social adapté à la période périnatale », observe Jennifer Zeitlin, épidémiologiste et directrice de recherche à l’Inserm, et dernière autrice de l’étude.

En analysant plus finement les données, les scientifiques ont constaté que sur la période 2015-2020, les 20 % d’enfants nés de mères vivant dans les communes les plus défavorisées (selon l’indice de désavantage social adapté à la période périnatale) présentent un taux de décès dans les 28 jours suivant la naissance de 3,34 pour 1 000 naissances vivantes, soit un risque environ 1,7 fois supérieur à celui des 20 % d’enfants issus des communes les plus favorisées (1,95 décès pour 1 000 naissances). Plus les mères sont issues d’un territoire défavorisé, plus le risque de décès néonatal est important.

« Si toute la population avait le même risque de mortalité néonatale que les 20 % les plus favorisés, on estime qu’environ un quart des décès, soit 2 496 décès de nouveau-nés, auraient pu être évités rien que sur la période entre 2015 et 2020 », indique Victor Sartorius, le premier auteur.

La comparaison entre les périodes 2001-2008 et 2015-2020 confirme l’augmentation de la mortalité néonatale en France métropolitaine. Mais « la hausse observée se concentre uniquement dans les territoires défavorisés, alors que la mortalité est restée stable dans le reste du pays », observe Jennifer Zeitlin.

Titre : Taux de mortalité néonatale en France métropolitaine entre 2015 et 2020 et entre 2001 et 2008 en fonction des groupes de désavantage social

Légende : Pour analyser le lien entre mortalité néonatale et désavantage social, les statisticiens ont réparti les naissances en cinq groupes égaux appelés « quintiles », en fonction de l’indice de désavantage social adapté à la période périnatale des mères, sur deux périodes : entre 2001 et 2008, et entre 2015 et 2020. Le premier quintile (groupe 1) correspond aux 20 % d’enfants nés de mères vivant dans les communes les plus favorisées, le dernier quintile (groupe 5), aux 20 % d’enfants nés de mère résidant dans les communes les plus défavorisées. En comparant la période 2001-2008 à la période 2015-2020, les chercheurs ont observé que le taux de mortalité néonatale était resté stable dans les groupes favorisés (1 et 2) et le groupe médian (3). En revanche, ils ont observé une augmentation du taux de la mortalité entre ces deux périodes qui se concentre exclusivement dans les groupes les plus défavorisés (4 et 5). Cette répartition met en évidence les inégalités face à la mortalité néonatale en fonction du désavantage social des mères.

Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer l’association entre le niveau de désavantage social et la mortalité néonatale. Par exemple, des caractéristiques qui ont été liées au niveau socio-économique, comme le surpoids, le tabagisme et l’exposition à la pollution, entraînent un risque plus élevé de prématurité ou de petit poids de naissance chez le bébé, qui sont eux même des facteurs de risque de décès néonatal. Existent également les considérations éthiques et personnelles comme la décision de recourir ou non à une interruption médicale de grossesse pour certaines maladies fœtales.

« Il faut aussi évoquer l’organisation de notre système de soin ; on sait que l’accès aux soins et la capacité des résidents à se saisir du système de santé est réduit dans les territoires défavorisés, ajoute Victor Sartorius. De plus, les forts taux d’occupation dans les unités qui prennent en charge les nouveau-nés en état critique couplés aux sous-effectifs pourraient aussi être une hypothèse parmi les causes à explorer. »

« Selon une récente analyse de la Haute Autorité de santé (HAS), 57 % des événements indésirables graves liés aux soins chez les nouveau-nés, tels que les décès, auraient pu être évités[3], rappelle Jennifer Zeitlin. La question est donc de savoir comment améliorer l’organisation de l’offre de soins et les conditions de prise en charge des patients, notamment dans les territoires les plus fragiles selon notre indice de désavantage social et périnatal. Cela pourrait passer par un renforcement des effectifs, une meilleure formation des soignants et des infrastructures adaptées, par exemple. »

Pour atténuer les risques, l’équipe de recherche suggère de réaliser des audits de l’offre de soin en périnatalité dans chaque territoire, à l’instar de celui dont les conclusions ont été rendues publiques en 2015 en Seine-Saint-Denis[4].

« Notre étude montre à quel point les populations défavorisées sont en première ligne face à la mortalité néonatale et souligne l’urgence de mettre en place des mesures de santé publique ciblées sur les zones à haut risque que nous avons identifiées », conclut la dernière autrice.

[1]https://doi.org/10.1016/j.lanepe.2022.100339

[2]Excepté les communes de moins de 50 ménages, pour lesquelles les données n’étaient pas disponibles.

[3]événements_indésirables_graves_associés_aux_soins_eigs_survenus_chez_les_nouveau-nés.pdf

[4]Nouvel éclairage sur les causes de mortalité infantile et périnatale en Seine-Saint-Denis – Salle de presse de l’Inserm

Maladie thromboembolique veineuse : prédire le risque de récidive grâce à la génétique

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Troisième cause de mortalité cardiovasculaire, la maladie thromboembolique veineuse résulte de la formation d’un caillot pouvant bloquer la circulation sanguine dans une veine et provoquer des complications graves, potentiellement fatales, comme une embolie pulmonaire. Cette maladie fréquente (1 à 2 cas pour 1 000 individus) présente un taux de récidive important. Grâce à l’analyse génétique de plus de 6 300 patients, une équipe de recherche de l’Inserm et de l’université de Bordeaux, en collaboration avec des équipes nationales et internationales, a identifié 28 marqueurs moléculaires (variations génétiques, expression génique, protéines) associés au risque de récidive de maladie thromboembolique veineuse. Cette étude marque une avancée majeure dans la compréhension des mécanismes biologiques impliqués dans la récidive et ouvrent la voie au développement de nouvelles stratégies de prévention et de traitement, mieux adaptées au profil génétique et clinique de chaque patient. Ces résultats sont publiés dans la revue Blood.

La maladie thromboembolique veineuse se caractérise par la formation, dans une veine, d’un caillot (ou thrombus) qui peut obstruer la circulation sanguine. Ses deux formes principales sont la thrombose veineuse profonde (ou phlébite et sa complication majeure, l’embolie pulmonaire, lorsque le caillot migre jusqu’à l’artère pulmonaire. En France, 50 000 à 100 000 phlébites et 40 000 embolies pulmonaires surviendraient chaque année. Le taux de récidive avoisine les 20 % dans les cinq ans après le premier événement thromboembolique.

Actuellement, les traitements anticoagulants constituent l’approche thérapeutique de référence. Ils ne détruisent pas le caillot, mais évitent qu’il se reconstitue ou s’étende, prévenant ainsi le risque de récidive. Or, compte tenu de leur effet sur la coagulation du sang, ces traitements exposent les patients à un risque d’hémorragie. Prédire avec précision le risque de récidive de chaque patient permettrait d’optimiser la réponse thérapeutique, tout en prévenant également le risque hémorragique individuel.

L’équipe de David-Alexandre Trégouët, directeur de recherche Inserm au centre de recherche Bordeaux Population Health (Inserm/Université de Bordeaux), et ses collaborateurs français[1] et internationaux se sont spécifiquement penchés sur cette question. Dans une nouvelle étude, ils ont tenté d’identifier des biomarqueurs permettant de prédire le risque de récidive. Cette étude s’inscrit dans le cadre du projet de recherche européen Morpheus (cf. encadré ci-dessous).

Grâce à une collaboration internationale leur permettant l’accès à huit cohortes de patients d’origine européenne, les scientifiques ont pu analyser le profil génétique de 6 355 personnes atteintes de maladie thromboembolique veineuse. Parmi elles, 1 775 avaient été victimes d’un second événement. Il s’agit de la première étude dite d’« association pangénomique »[2] qui s’intéresse au risque de récidive dans cette maladie.

Après analyses statistiques, ils sont parvenus à identifier 28 marqueurs moléculaires spécifiques (variations génétiques, expression génique, protéines) dont la présence indiquerait un risque accru de récidive chez le patient. Ces marqueurs moléculaires interviennent à trois moments clés du processus par lesquels nos gènes (c’est-à-dire notre ADN) s’expriment (via l’ARN) pour fabriquer les protéines nécessaires au bon fonctionnement de notre corps.

L’ensemble des données collectées a ensuite été analysé en plusieurs sous-groupes : en fonction du sexe du patient, du type d’événement initial (phlébite ou embolie pulmonaire) et selon que le premier évènement a été provoqué ou non par un facteur déclenchant de nature transitoire, comme une immobilisation prolongée des membres ou la prise d’une contraception.

L’étude révèle que les marqueurs moléculaires associés à la récidive ne sont pas les mêmes que ceux qui sont associés au risque d’un premier évènement thromboembolique. En effet, parmi les 28 marqueurs identifiés ici, 22 sont spécifiques à la récidive car ils n’ont jamais été montrés impliqués dans le risque de premier évènement. Elle indique également que certains marqueurs moléculaires mis en jeu ne sont pas les mêmes pour les hommes et les femmes et qu’ils peuvent aussi différer selon les caractéristiques de l’évènement thromboembolique initial (provoqué ou non, phlébite ou embolie pulmonaire).

« Ces résultats marquent une avancée majeure dans la compréhension des mécanismes biologiques impliqués dans la récidive. Ils permettent en outre d’entrevoir une estimation plus fine du risque individuel de récidive, et pourront contribuer, à terme, à une meilleure prise en charge du patient vers un parcours de soin personnalisé », explique David-Alexandre Trégouët.

Le projet Morpheus

Le projet Morpheus vise à développer un outil de prédiction du risque de récidive qui serait intégré au processus de décision médicale, afin d’optimiser la prise en charge à long terme des patients atteints de maladie thromboembolique veineuse. Il associe en France des équipes du CHU de Brest et de l’Inserm, ainsi que des équipes du réseau F-Crin Innovte. Il implique 8 pays européens – France, Pays-Bas, Espagne, Allemagne, Suisse, Pologne, Suède et Danemark – et bénéficie d’un financement Horizon Europe.

[1] Les collaborateurs français font partie du réseau F-Crin-Innovte (Investigation network on venous thrombo-embolism) dont le but est de développer la recherche clinique et translationnelle ainsi que les études à dimension européenne sur la maladie veineuse thromboembolique : https://www.innovte-thrombosisnetwork.eu/

[2] En anglais, on parle de genome-wide association study, ou GWAS. Ces études consistent à analyser l’intégralité du génome de milliers voire de dizaines de milliers d’individus, sains ou malades, pour identifier des facteurs de risques génétiques associés à des traits spécifiques de la maladie.

Grandes causes de décès en France : tendances et disparités territoriales en 2023

Parmi la population qui réside en France, 637 082 personnes sont décédées en 2023 sur le territoire, soit 36 000 décès de moins qu’en 2022. © Adobe Stock

La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), le Centre d’épidémiologie des causes médicales de décès de l’Inserm (CépiDc-Inserm) et Santé Publique France analysent les causes médicales de décès des personnes résidentes et décédées en France en 2023. 

Deux études complémentaires, qui présentent ces résultats, sont publiées conjointement dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (Santé publique France) et dans un Études et Résultats (DREES). Elles s’appuient sur la statistique nationale des causes de décès produite par le CépiDc de l’Inserm à partir du recueil exhaustif et de l’analyse des volets médicaux des certificats de décès.

Parmi la population qui réside en France, 637 082 personnes sont décédées en 2023 sur le territoire, soit 36 000 décès de moins qu’en 2022. Le taux de mortalité standardisé, qui tient compte du vieillissement de la population, est de 828,3 décès pour 100 000 habitants. Il diminue de presque 60 décès pour 100 000 habitants par rapport à 2022 et atteint un niveau inférieur à celui de 2019. Ce niveau de mortalité, historiquement bas en 2023, est observé dans la grande majorité des pays européens. Pourtant, la mortalité en France reste supérieure à celle que l’on attendait si la tendance baissière observée au cours de la période 2015-2019 s’était prolongée jusqu’en 2023.

Une mortalité historiquement basse en 2023, portée en premier lieu par une baisse de la mortalité due à la Covid-19

Plus de 60% de la baisse de la mortalité en 2023 s’explique par celle de la mortalité due à la Covid-19. Des baisses de moindre ampleur s’observent aussi pour la majorité des grandes causes.  À noter deux exceptions : la mortalité due à des maladies de l’appareil respiratoire et celle due à des maladies infectieuses et parasitaires sont en légère hausse.

Les tumeurs, première cause de décès, chez les hommes comme chez les femmes, devant les maladies cardio-neurovasculaires

En 2023, les tumeurs, c’est-à-dire les cancers, première cause de décès, comptent pour plus d’un quart des décès (27%). Les décès dus aux tumeurs concernent des personnes en moyenne plus jeunes que ceux toutes causes confondues. La mortalité par tumeur continue de baisser, à l’exception de celle du pancréas en hausse tendancielle et celles du poumon, des bronches et de la trachée chez les femmes.

En 2023, les tumeurs, première cause de décès, ont entraîné 239 décès pour 100 000 habitants en France (taux standardisé de mortalité). Hors symptômes et états morbides mal définis, le Covid-19 se place en 9e position.

Note : les causes externes de morbidité et mortalité regroupent les accidents, suicides, homicides, etc… Les symptômes et états morbides mal définis regroupent les causes inconnues et celles insuffisamment définies pour être classées dans un chapitre précis de la classification internationale des maladies.

Champ : Personnes décédées et résidant en France.

Source : Inserm-CépiDc

 

Les maladies cardio-neurovasculaires (comme par exemple l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral (AVC) et l’insuffisance cardiaque) ont, quant à elles, causé plus d’un cinquième des décès (21,4%). Elles restent la deuxième cause de mortalité, malgré un léger recul par rapport à l’année précédente.

En 2024, selon une première estimation encore provisoire les taux de mortalité associés à ces deux grandes causes de décès seraient en légère baisse. En revanche, le nombre de décès du fait de ces maladies serait lui en hausse, ou stable, porté par les effectifs des générations du baby-boom de plus en plus nombreux aux âges avancés.

Une mortalité plus élevée que les tendances pré-pandémiques pour certaines causes

En 2023, les taux de mortalité dus aux maladies cardio-neurovasculaires, aux maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques, aux maladies de l’appareil digestif, aux maladies génito-urinaires et aux causes externes (chutes accidentelles, accidents de la vie courante) restent plus élevés que ce que suggérait la prolongation de la tendance d’avant crise Covid-19. 

Les tumeurs, deuxième cause de décès chez les enfants âgés de 1 à 14 ans

Chez les enfants de moins de 1 an, le taux de mortalité s’élève à 397,6 pour 100 000 enfants, et à 10,8 pour 100 000 chez les enfants âgés de 1 à 14 ans.

Plus de la moitié des décès d’enfants de moins de 1 an concerne une affection dont l’origine se situe dans la période périnatale et près d’un sur cinq est dû à une malformation congénitale ou une anomalie chromosomique.

Les deux premières causes de décès des enfants âgés de 1 à 14 ans sont d’abord les causes externes (30 % des décès) dont les trois-quarts sont des accidents de la vie courante et de transport ; et ensuite les tumeurs (17 % des décès).

Une mortalité plus élevée dans les DROM, le nord et l’est de la France métropolitaine

Le nombre de décès est plus élevé qu’attendu dans les départements et régions d’outre-mer (DROM), si les conditions de mortalité étaient les mêmes que pour la France entière en 2023, notamment à Mayotte (+89 %) et en Guyane (+37%). C’est aussi le cas dans une moindre mesure dans le nord et l’est de la France métropolitaine avec notamment (+17% dans les Hauts-de-France). En revanche, il est sensiblement plus faible en Île-de-France (-15% par rapport à la moyenne nationale).

Ces disparités territoriales sont plus marquées pour les maladies cardio-neurovasculaires que pour les tumeurs.

En particulier, on décède davantage de maladies cardio-neurovasculaires et moins de tumeurs dans les DROM qu’en France métropolitaine (sauf à Mayotte).

De fortes disparités régionales et départementales s’observent aussi pour les maladies infectieuses, endocriniennes, respiratoires, et la Covid-19. Au contraire, on décède autant de maladies du système nerveux dans chaque région.

Des différences notables de causes de mortalité selon les lieux de vie

La mortalité est par ailleurs plus importante dans les territoires ruraux hors d’influence des villes, et plus faible au sein des pôles des grandes agglomérations, notamment pour les maladies cardio-neurovasculaires et les causes externes.

En outre, les décès dus aux maladies endocriniennes, aux troubles mentaux, aux maladies du système nerveux, ou encore aux maladies du système digestif sont plus élevés dans les zones rurales loin des villes et dans les pôles urbains de moins de 700 000 habitants. Notamment, certaines causes de décès, dont une partie pourrait être évitée par la prévention, provoquent davantage de décès dans les pôles urbains peu denses et isolés.

Près d’un quart des décès ont lieu à domicile, dont 30% en hospitalisation à domicile

Plus de la moitié des décès (53%) ont lieu en établissement de santé (public ou privé) et quasiment un quart à domicile (24%), des proportions comparables à 2022. Près de 30% des décès à domicile concernent des personnes en hospitalisation à domicile (HAD), une proportion en hausse par rapport à 2022.

Deux études complémentaires, pour mieux documenter les causes de décès en 2023 et leurs évolutions

L’article du BEH analyse les grandes causes de décès en 2023 et leurs évolutions en comparaison à la période 2015-2019 et depuis 2020. La publication Études et Résultats détaille, quant à elle, les disparités territoriales de la mortalité par cause en 2023. Enfin, elle présente une première estimation des causes de décès en 2024.

Une avancée dans la recherche contre la maladie dʼAlzheimer par des chercheurs lillois

crédits institut Pasteur LilleLa composante génétique joue un rôle majeur dans la genèse et l’évolution de la Maladie d’Alzheimer.

Une équipe de scientifiques de l’Inserm, de l’Institut Pasteur de Lille, de l’Université de Lille et du CHU de Lille, reconnue à l’échelle internationale pour ses recherches sur la génétique de la maladie, vient de publier une découverte importante, ouvrant la voie à l’optimisation des essais thérapeutiques.

Les chercheurs montrent que bien qu’il existe une composante génétique commune à différentes populations à travers le monde, le gène de lʼApolipoproteine E (le facteur génétique majeur de la pathologie) porterait à lui seul une grande partie de la variabilité génétique relative au risque de développer la maladie entre ces populations.

Les maladies neurodégénératives, dont la maladie d’Alzheimer, touchent plus d’un million de personnes en France. Si les outils diagnostiques ont beaucoup évolué ces dernières années, les traitements actuels manquent encore d’efficacité. L’équipe de Jean Charles Lambert, directeur de recherche Inserm, au sein du laboratoire « Facteurs de risque et déterminants moléculaires des maladies liées au vieillissement » (Inserm, Institut Pasteur de Lille, Université de Lille, CHU de Lille) s’intéresse à la composante génétique de la Maladie dʼAlzheimer.

Récemment, plusieurs avancées majeures ont permis de mieux comprendre les mécanismes liés au risque pour un individu donné de développer  la maladie. Cette équipe a ainsi identifié une grande partie des gènes impliqués dans la survenue de la maladie et cherche à comprendre comment ces gènes interviennent dans le développement du processus physiopathologique. Cette thématique de recherche peut permettre de mieux comprendre les mécanismes précoces mis en jeu dans la maladie afin de proposer de nouveaux outils dʼaide au diagnostic ou des traitements innovants.

Dans un travail récent, publié dans la revue Nature Genetics, les chercheurs ont fait une avancée majeure dans le domaine. Ils ont évalué les associations de scores de risque génétique avec le risque de maladie dʼAlzheimer, et cela dans diverses populations à travers le monde (Australie, Afrique, Asie, Amérique du Nord et du Sud et Europe).

Les résultats indiquent que pour les formes communes de la maladie, il existerait deux entités génétiques distinctes : l’une dépend principalement d’un facteur de risque génétique appelé Apolipoproteine E (APOE) et l’autre d’une combinaison de nombreux facteurs de risque génétique. De façon surprenante, cette dernière entité est assez similaire entre les différentes populations à travers le monde alors que l’impact de lʼAPOE diffère entre ces différentes populations. Ainsi, le gène de lʼAPOE porterait une grande partie de la variabilité génétique relative au risque de développer la maladie dʼAlzheimer entre ces populations.

Ce travail pourrait être pertinent pour la mise en place d’essais thérapeutiques optimisés, notamment en sélectionnant des groupes de patients à haut risque de maladie dʼAlzheimer. Au regard des résultats mettant en lumière une variabilité génétique inter-populationnelle, l’utilisation d’un tel outil génétique de sélection devra probablement être adapté en fonction des populations à travers le monde.

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