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Grandes causes de décès en France en 2022

Parmi la population qui réside en France, 673 190 personnes sont décédées en 2022 sur le territoire. Les cancers, première cause de décès, comptent pour un quart des décès (25,5%). © Adobe Stock

La Direction de la recherche, des études et de l’évaluation des statistiques (DREES), le Centre d’épidémiologie des causes médicales de décès de l’Inserm (CépiDc-Inserm) et Santé Publique France analysent les causes médicales de décès des personnes résidentes et décédées en France en 2022. Deux études complémentaires, qui présentent ces résultats, sont publiées conjointement dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (Santé publique France) et dans un Études et Résultats (DREES). Elles s’appuient sur la statistique nationale des causes de décès produite par le CépiDc de l’Inserm à partir du recueil exhaustif et de l’analyse des volets médicaux des certificats de décès.

Parmi la population qui réside en France, 673 190 personnes sont décédées en 2022 sur le territoire, un effectif plus élevé qu’en 2020 et 2021, deux années pourtant fortement impactées par l’épidémie de Covid-19. Les personnes décédées en 2022 étaient en moyenne plus âgées qu’en 2021. Le taux de mortalité standardisé, qui tient compte du vieillissement de la population, est stable par rapport à 2021 tous âges confondus (886,6 décès pour 100 000 habitants) et plus élevé que celui auquel conduirait la prolongation des tendances à la baisse 2015-2019. Ce taux augmente fortement chez les personnes de 85 ans et plus.

Première cause de décès, les tumeurs, 2ème les maladies cardio-neurovasculaires

En 2022, les tumeurs, c’est-à-dire les cancers, première cause de décès, comptent pour un quart des décès (25,5%). Les décès dus aux tumeurs concernent des personnes en moyenne plus jeunes que ceux toutes causes confondues. La mortalité par tumeur poursuit sa tendance à la baisse mais se stabilise chez les femmes.

Les maladies cardio-neurovasculaires (comme, par exemple, l’infarctus du myocarde, l‘AVC et l’insuffisance cardiaque), deuxième cause de décès, comptent pour 20,8% des décès. Ces décès concernent des personnes généralement âgées. Il s’agit de la cause la plus fréquente chez les 85 ans et plus. Entre 2021 et 2022, la mortalité due aux maladies cardio-neurovasculaires qui tient compte du vieillissement de la population augmente légèrement chez les femmes, alors qu’elle reste stable chez les hommes. Comme en 2021, cette mortalité est plus élevée tous sexes et tous âges que ce que suggérait la prolongation des tendances d’avant la crise sanitaire.

Selon une première estimation encore provisoire des taux et du nombre de décès par cause, la mortalité selon chacune de ces deux causes baisserait légèrement en 2023.

Moins de décès dus au Covid-19, hausse des décès dus aux maladies respiratoires hors Covid-19 qui deviennent la 3ème cause de décès

En 2022, les décès dus à des maladies de l’appareil respiratoire (hors Covid-19) ont fortement progressé et représentent 6,7% des décès, soit la 3ème cause de décès ; la mortalité se rapproche de son niveau d’avant crise sanitaire. Ces décès concernent des personnes âgées : la moitié d’entre elles ont 86 ans ou plus. La hausse en 2022 pourrait s’expliquer en partie par les deux épidémies de grippe saisonnières 2021-22 et 2022-23 et à la circulation active d’autres virus respiratoires (notamment virus respiratoire syncytial). A l’inverse, le nombre de décès dus au Covid-19, lui, diminue de près d’un tiers par rapport à 2021 et devient la 5ème cause de décès.

Ce recul pourrait s’expliquer en grande partie par l’atteinte d’une immunité collective élevée au niveau national comme international (couverture vaccinale large, moindre virulence des variants). Ce recul se poursuivrait en 2023.

La mortalité due aux accidents augmente, notamment chez les plus âgés

En 2022, le nombre de décès dus à des causes externes[1] est de 44 800, soit 6,7 % des décès. Les causes externes sont la deuxième cause de mortalité chez les personnes de moins de 65 ans, après les tumeurs.

Pour la première année depuis 2020, la mortalité due aux causes externes, en particulier les accidents, est aussi significativement plus élevée que ce suggérait la prolongation des tendances d’avant-crise sanitaire.

En 2022, la mortalité due aux accidents augmente dans toutes les classes d’âge, notamment chez les plus de 85 ans. Cette hausse est portée par une augmentation des chutes et des accidents domestiques. Les décès dus à des accidents de transport augmentent aussi en 2022 sans cependant retrouver le niveau d’avant la crise sanitaire.

Des ruptures de tendances pour certaines causes qui se confirment en 2022

La hausse de la mortalité pour la majorité des autres grandes causes se poursuit en 2022, en rupture avec la tendance à la baisse qui était observée avant la crise sanitaire du Covid-19. C’est notamment le cas des maladies endocriniennes et des maladies de l’appareil digestif.

Des décès plus fréquemment à domicile et en Ephad

Enfin, la part des décès en établissement public de santé continue de diminuer, alors que celles en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et à domicile progressent en 2022.

Deux études complémentaires, pour mieux documenter les causes de décès en 2022 et leurs évolutions

L’article du BEH analyse les grandes causes de décès en 2022 et leurs évolutions en comparaison à la période 2015-2019 et à 2020 et 2021. La publication Études et Résultats détaille, quant à elle, la mortalité due aux accidents et aux suicides. Elle examine aussi les évolutions des lieux institutionnels de décès selon la cause. Enfin, elle présente une première estimation des causes de décès en 2023.

Consulter les publications et les données associées:

– Cadillac M, Fouillet A, Rivera C, Coudin E. « Les causes de décès en France en 2022 : recul du Covid-19 et hausse des maladies respiratoires », Études et Résultats, n°1312 https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/etudes-et-resultats/241008_ER_les-causes-de-deces-2022

– Fouillet A, Cadillac M, Rivera C, Coudin É. Grandes causes de mortalité en France en 2022 et tendances récentes. Bull Épidémiol Hebd. 2024;2024;(18):388-404. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2024/18/2024_18_1.html

Grandes causes de décès en 2022 et tendances récentes page dédiée sur le site du CépiDc : https://www.cepidc.inserm.fr/donnees-et-publications/grandes-causes-de-deces-en-2022-et-tendances-recentes

[1] Les causes « externes » comprennent tous les accidents (dont les accidents du transport, les chutes accidentelles, les accidents domestiques, les intoxications accidentelles, les noyades…), ainsi que notamment les suicides, les homicides,… 

Accidents de la vie courante chez les enfants de moins de 15 ans : 550 000 consultations en médecine générale et en pédiatrie par an en France hexagonale

enfants jouant à la balle _ étude AVICOUQuel que soit l’âge, les chutes étaient la cause principale des accidents selon l’étude AVICOU © photo Robert Collins sur Unsplash

Les accidents de la vie courante regroupent les accidents domestiques, de sports et de loisirs, ceux qui surviennent à l’école et lors de tout autre moment de la vie privée. Ils sont la première cause de décès chez les enfants de 1 à 4 ans, et la deuxième cause de décès chez les 5 à 14 ans. La plupart de ces accidents étant évitables, il est essentiel de disposer de données détaillées et actualisées sur leurs caractéristiques afin de mieux cibler les actions de prévention. A cette fin, la Direction générale de la santé a diligenté une étude – l’étude AVICOU – auprès des équipes Inserm et Sorbonne Université du réseau Sentinelles.

Cette étude, menée de mai 2022 à juin 2023 auprès d’un échantillon de 162 médecins généralistes et de 31 pédiatres libéraux répartis sur l’ensemble du territoire hexagonal, estime à plus de 550 000 le nombre annuel de consultations en médecine de ville liées à un accident de la vie courante chez les enfants de moins de 15 ans (médecins généralistes : environ 476 000 ; pédiatres : environ 77 000). Les trois-quarts des cas ne consultaient pas les services d’urgences.

Elle souligne que les circonstances de survenue des accidents suivent les grandes étapes de la vie des enfants. Ainsi, les accidents survenaient le plus souvent à domicile chez les moins de 10 ans, lors d’activités sportives ou de loisirs à l’extérieur chez les 10 ans et plus.

Quel que soit l’âge, les chutes étaient la cause principale des accidents : le mobilier était le plus souvent impliqué chez les moins de 5 ans ; chez les plus de 5 ans, les chutes étaient souvent spontanées (lors de jeux en trébuchant). Environ 80% des consultations pour accidents de la vie courante chez les enfants de moins de 15 ans nécessitaient une prescription (médicaments, soins, inaptitude au sport, absence scolaire).

Cette étude confirme que la prévention des accidents de la vie courante, dont sont victimes les enfants, représente un enjeu de santé publique. Cet enjeu est notamment pris en compte dans la feuille de route 2024-2030 sur la pédiatrie et la santé de l’enfant.

Elle prévoit en particulier de renforcer la prévention des accidents de la vie courante des enfants âgés de 1 à 4 ans. Dans ce cadre, des actions de sensibilisation et de communication seront déployées auprès du grand public, avec des messages de prévention spécifiques selon les âges.

En savoir plus sur la surveillance épidémiologique des accidents de la vie courante :

Enquête permanente sur les accidents de la vie courante (EPAC) : enquête de Santé publique France sur le nombre et les caractéristiques des accidents de la vie courante donnant lieu à un recours aux soins d’urgence en milieu hospitalier.

Analyse des données du Centre d’épidémiologie des causes de décès (CépiDC) : données statistiques de mortalité issues de la base nationale des causes médicales de décès à partir des certificats de décès.

Étude des données d’expositions accidentelles à des toxiques chez les enfants : analyse de l’Anses à partir de données de plusieurs sources de recours aux soins entre 2014 et 2020.

Outils de prévention des accidents domestiques à destination du grand public :

Site 1000-premiers-jours.fr avec une rubrique sur les conseils pour éviter les accidents domestiques des enfants.

Jeu sérieux (serious game) « Zéro Accident : Un Jeu d’Enfant ! » : expérience immersive destinée à renforcer les compétences du grand public sur la prévention des accidents des enfants de moins de 5 ans. Le jeu est disponible en ligne et via l’application « 1000 premiers jours ».

Pour en savoir plus : le site de Santé publique France sur les accidents de la vie courante.

En savoir plus

Le réseau Sentinelles, composé de 1300 médecins généralistes et d’une centaine de pédiatres, est un réseau de surveillance et de recherche en soins primaires en France hexagonale (Iplesp – Inserm/Sorbonne Université) qui travaille en étroite collaboration avec Santé publique France.

Une avancée dans l’évaluation des biomarqueurs en transplantation rénale

Coupe de rein humain grossie 400 fois par un microscope à immunofluorescence polychromatique.Coupe de rein humain grossie 400 fois par un microscope à immunofluorescence polychromatique. © Inserm/Oriol, Rafael

Les équipes de recherche de l’Institut de Transplantation et Régénération d’Organes de l’université Paris Cité (PITOR), des services de néphrologie-transplantations des hôpitaux Saint-Louis et Necker-Enfants Malades AP-HP, et de l’Inserm, coordonnées par le Professeur Alexandre Loupy, ont étudié l’utilisation de biomarqueurs non invasifs dans le suivi du rejet en transplantation rénale. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication parue le 26 août 2024 dans la revue Kidney International.

Malgré des progrès thérapeutiques considérables, le rejet demeure une cause majeure de perte des greffons rénaux, soulignant l’urgence d’améliorer les méthodes de surveillance et de détection précoce. Depuis deux décennies, de nombreux biomarqueurs innovants ont démontré des performances prometteuses pour révolutionner le suivi post-transplantation et réduire le nombre de biopsies inutiles. Cependant, ces biomarqueurs nécessitaient une évaluation rigoureuse dans le cadre d’études internationales spécifiquement conçues pour déterminer leur utilité clinique. Il s’agit précisément de l’objectif de l’étude EU-TRAIN (EUropean TRAnsplantation and Innovation).

Cette étude a été financée à hauteur de 6,6 millions d’euros sur six ans par la Commission européenne dans le cadre du programme Horizon 2020, promue par l’AP-HP et soutenue par l’Inserm et l’université Paris Cité. Elle est composée de 14 partenaires dans cinq pays (France, Espagne, Suisse, Allemagne et Royaume-Uni) dont neuf centres européens de référence en transplantation (hôpitaux Saint-Louis, Necker et Kremlin-Bicêtre AP-HP, CHU de Nantes, Barcelone-Vall d’Hebròn, Barcelone-Bellvitge, Berlin-Charité Mitte, Berlin-Charité Virchow, et Genève,) et la Société Européenne de Transplantation (ESOT).

L’étude EU-TRAIN se distingue par son approche méthodologique innovante, conçue pour répondre aux défis spécifiques de l’évaluation des biomarqueurs en vie réelle.

Pour la première fois, nous avons mené une étude à grande échelle, prospective et multicentrique, spécifiquement conçue pour évaluer l’utilité clinique de multiples biomarqueurs non invasifs en les confrontant aux paramètres utilisés dans le soin courant et sans sélection des patients pour favoriser les biomarqueurs. De plus, aucune des multiples plateformes analytiques de l’étude ne connaissaient le statut des patients au moment des mesures des biomarqueurs sanguins.” Pr Carmen Lefaucheur (PU-PH UPCité – AP-HP), cheffe du service de néphrologie de l’hôpital Saint-Louis (AP-HP) et le Pr Alexandre Loupy (PU-PH UPCité – AP-HP), néphrologue à l’hôpital Necker-Enfants Malades AP-HP et directeur de l’Institut PITOR, co-derniers auteurs de l’article.

23 biomarqueurs sanguins ont été étudiés simultanément (19 ARN messagers sanguins et 4 anticorps ciblant des antigènes endothéliaux non-HLA) pour détecter le rejet dans une cohorte non sélectionnée de 412 patients ayant eu une transplantation rénale entre novembre 2018 et juin 2020. Au total, 812 biopsies de greffons rénaux avec mesure concomitante des biomarqueurs sanguins ont été réalisées chez ces patients.

Parmi eux, aucun ne présentait de valeur additionnelle par rapport aux paramètres du soin courant (fonction rénale, protéinurie et autres paramètres clinico-biologiques) pour détecter le rejet.

“Ces résultats soulignent l’importance d’une évaluation rigoureuse des biomarqueurs avant leur adoption clinique. Notre étude démontre que des biomarqueurs non invasifs prometteurs peuvent ne pas apporter de valeur ajoutée significative par rapport aux méthodes de suivi standard des patients.” Dr Valentin Goutaudier, néphrologue et chercheur à l’Institut PITOR, premier auteur de l’étude.

Ces résultats indiquent que ces biomarqueurs ne peuvent pas être généralisés à toutes les situations ni à tout moment après la transplantation et soulignent la nécessité de les évaluer dans des contextes d’utilisation spécifiques.

L’étude EU-TRAIN établit un nouveau paradigme pour la recherche en transplantation et sa méthodologie ouvre la voie à une nouvelle ère dans l’évaluation des biomarqueurs. Son design pourrait être appliqué à d’autres domaines de la médecine de transplantation, voire à d’autres spécialités médicales, ouvrant ainsi la voie au développement de nouveaux outils diagnostiques et pronostiques.

” Notre approche offre un cadre robuste pour identifier les bons biomarqueurs de rejet. Une meilleure évaluation des biomarqueurs candidats permettra d’améliorer la sécurité des patients et de limiter les coûts de la recherche pour des candidats avec peu ou pas d’utilité clinique.  Pr Carmen Lefaucheur.

Les résultats de l’étude EU-TRAIN ont des implications directes et significatives pour la pratique clinique en transplantation rénale. Ils fournissent des informations précieuses pour guider les décisions cliniques et orienter les futures recherches. Cette étude représente ainsi une étape importante vers une médecine de précision, en établissant des standards rigoureux pour l’évaluation et l’adoption de nouveaux biomarqueurs. Elle souligne également l’importance de la collaboration internationale et du financement de la recherche par des institutions comme la Commission européenne pour faire progresser la médecine de transplantation.

“Nos résultats confirment l’importance de certains biomarqueurs déjà utilisés, tout en nous incitant à la prudence dans l’adoption de nouveaux biomarqueurs sans preuves solides de leur utilité clinique,” conclut la Pr Carmen Lefaucheur.

La consommation d’aliments moins bien classés au Nutri-Score est associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires

photo d'un cœur avec logo NutriScore L’alimentation serait responsable d’environ 30% des décès dus aux maladies cardiovasculaires. © Mathilde Touvier

Les maladies cardiovasculaires sont la principale cause de mortalité en Europe occidentale, représentant 1/3 des décès en 2019. L’alimentation serait responsable d’environ 30 % des décès dus aux maladies cardiovasculaires. Les politiques nutritionnelles de prévention constituent donc un enjeu de santé publique majeur pour ces pathologies. Dans un article à paraitre le 11 septembre 2024 dans le Lancet Regional Health-Europe, des chercheurs de l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (CRESS-EREN), équipe mixte de l’Inserm, d’INRAE, du Cnam, de l’Université Sorbonne Paris Nord et de l’université Paris Cité, en collaboration avec des chercheurs du Centre international de recherche sur le cancer (OMS-CIRC), rapportent un risque accru de maladies cardiovasculaires associé à la consommation d’aliments moins bien classés sur l’échelle du Nutri-Score (nouvelle version 2024), au sein de la cohorte européenne EPIC. Au total, 345 533 participants de la cohorte, répartis dans 7 pays d’Europe et suivis pendant 12 ans  ont été inclus dans les analyses.

Le Nutri-Score est désormais bien connu et largement plébiscité[1] par les Français. Officiellement adopté en France en 2017 (et dans 6 autres pays européens depuis), ce logo vise à fournir une information rapide sur la qualité nutritionnelle des aliments et boissons pour aider les consommateurs à les comparer entre eux et les inciter à choisir ceux présentant la meilleure qualité nutritionnelle. En parallèle, il permet d’encourager les industriels à améliorer la qualité nutritionnelle de leurs produits.

Le Nutri-Score comporte 5 catégories : de A-vert foncé (qualité nutritionnelle plus élevée) à E-orange foncé (qualité nutritionnelle moindre). Une catégorie est attribuée à un aliment ou une boisson en fonction d’un algorithme calculé à partir de sa composition pour 100 g en énergie, sucres, acides gras saturés et sel (à limiter) et en protéines, fruits, légumes et légumineuses (à favoriser).

De nombreuses études publiées dans des journaux scientifiques internationaux (plus de 140 publications) ont démontré la validité du Nutri-Score pour caractériser la qualité nutritionnelle des aliments ou encore son efficacité pour aider les consommateurs à choisir des produits de meilleure qualité nutritionnelle. En particulier, des liens entre la consommation d’aliments moins bien classés sur l’échelle du Nutri-Score (qualité nutritionnelle moindre) et un risque accru de maladies cardiovasculaires ont jusqu’ici été observés dans des études françaises (cohortes SU.VI.MAX et NutriNet-Santé). Des études conduites en France, au Royaume-Uni, en Espagne et en Italie ont également observé des associations similaires avec un risque accru pour diverses pathologies chroniques ainsi qu’une mortalité accrue.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs se sont intéressés à la nouvelle version de l’algorithme qui sous-tend le Nutri-Score (actualisé en 2024, voir encadré), en lien avec le risque de maladies cardiovasculaires, dans une large population répartie dans 7 pays d’Europe, dans l’objectif de fournir de nouveaux éléments scientifiques pour la validation du Nutri-Score à une échelle européenne. Elle fait suite à deux études publiées en 2018 et en 2020 dans la même population et portant sur le risque de cancer et sur la mortalité.

Au total, 345 533 participants de la cohorte EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition) ont été inclus dans les analyses. Au cours du suivi (12 ans, entre 1992 et 2010), 16 214 participants ont développé une maladie cardiovasculaire (dont 6 565 infarctus du myocarde et 6 245 accidents vasculaires cérébraux ou AVC). Les résultats montrent que les participants consommant en moyenne plus d’aliments moins bien notés sur l’échelle du Nutri-Score, reflétant une moins bonne qualité nutritionnelle, présentaient un risque accru de maladies cardiovasculaires et en particulier d’infarctus du myocarde et d’AVC. Ces associations étaient significatives après la prise en compte d’un grand nombre de facteurs sociodémographiques et liés au mode de vie.

« Ces résultats, combinés à l’ensemble des données disponibles concernant le Nutri-Score et l’algorithme qui le sous-tend, confirment la pertinence du Nutri-Score en tant qu’outil de santé publique pour guider les consommateurs dans leurs choix alimentaires dans une optique de prévention des maladies chroniques », souligne Mélanie Deschasaux-Tanguy, chargée de recherche Inserm.

« Enfin, ces résultats fournissent des éléments clés pour soutenir l’adoption du Nutri-Score comme logo nutritionnel obligatoire en Europe », explique Mathilde Touvier, directrice de recherche à l’Inserm.

Une nouvelle version du Nutri-Score en 2024

Des modifications de calcul du Nutri-Score[2] ont récemment été proposées par le comité scientifique international en charge de son suivi pour améliorer sa cohérence avec les recommandations nutritionnelles. Cette nouvelle version du Nutri-Score doit entrer en vigueur en 2024 avec un déploiement progressif dans les mois suivants. Toutefois, l’application du Nutri-Score sur les emballages reste optionnelle du fait de la réglementation européenne sur l’étiquetage et repose donc sur la volonté des industriels de l’agroalimentaire.

Si, à ce jour, de nombreuses entreprises et marques (plus de 1400 en France) se sont engagées à mettre en place le Nutri-Score sur leurs produits, une harmonisation au niveau européen est nécessaire pour que soit instauré de manière obligatoire un seul logo efficace et utile pour les citoyens. Cette harmonisation est prévue dans le cadre de la stratégie Farm to Fork de la Commission européenne.

[1] https://sante.gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sa-sante/nutrition/nutri-score/etudes-et-rapports-scientifiques/

[2] https://theconversation.com/en-2024-le-nutri-score-evolue-pourquoi-et-que-faut-il-en-retenir-221697

Pour aller plus loin sur le sujet : regarder l’émission de l’Inserm « Nutri-Score, on vous dit tout »

L’Inserm publie une expertise collective sur le polyhandicap

handicap© Julie Borgese

L’Inserm publie une nouvelle expertise collective sur le polyhandicap, commandée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Pour ce travail qui aura duré 3 ans, un groupe de 12 expertes et experts a passé en revue plus de 3400 documents de la littérature scientifique internationale disponible en date du second semestre 2023. Les conclusions et les recommandations émanant de cette expertise apportent des éléments nouveaux et utiles pour améliorer la prise en soins et aider à répondre aux interrogations sur la considération, les interactions et l’intégration des personnes polyhandicapées.

Le polyhandicap désigne les conséquences définitives d’une lésion (génétique ou accidentelle) survenue lors du développement du cerveau et entraînant une déficience motrice sévère et une déficience mentale évaluée comme sévère à profonde, associées à une restriction extrême de la communication, de l’autonomie et de la mobilité. S’y associent en outre des comorbidités, des atteintes sensorielles et des troubles du comportement.

On estime aujourd’hui en France une prévalence du polyhandicap autour de 0,3-0,5 personnes touchées pour 1 000.

Une prise en charge clinique complexe

Le polyhandicap induit des situations d’une grande hétérogénéité d’une personne à l’autre avec de nombreux troubles imbriqués. Chacun d’entre eux doit être pris en compte lors de la mise en place des soins.

Ainsi, l’épilepsie, très fréquente, se présente comme un véritable surhandicap. Les troubles respiratoires constituent quant à eux la première cause de mortalité et la première cause d’hospitalisation en urgence chez les personnes polyhandicapées.

D’autres troubles sont fréquemment rencontrés notamment :

  • des difficultés à s’alimenter et des troubles de la digestion et nutritionnels ;
  • du fait de la mobilité très restreinte, une fragilité osseuse chez l’enfant et de l’ostéoporose chez l’adulte, un tonus musculaire trop faible, des défauts de posture et des déformations orthopédiques (scoliose, luxation des hanches…) ;
  • des troubles du sommeil fréquents chez l’enfant (avec un retentissement important sur la qualité de vie de l’entourage) ;
  • des perturbations de la puberté (retard ou précocité).

La douleur, souvent multifactorielle, est fréquente, parfois de façon chronique dès le plus jeune âge et son expression passe rarement par les modes de communication habituels (comme la plainte verbale), ce qui la rend difficile à évaluer et entraîne un risque de la sous-estimer. En général dépendante d’un tiers (soignant ou aidant), cette évaluation pose donc des questions éthiques et méthodologiques.

Le groupe d’experts recommande :

  • troubles moteurs : réadaptation via des interventions adaptées visant à favoriser les mouvements volontaires de la personne et l’apprentissage moteur ; au quotidien, la prévention des conséquences d’une activité motrice altérée par la réduction des activités passives (regarder la télévision par exemple) au profit d’activités en mouvement;
  • déficience intellectuelle: favoriser les environnements générateurs d’interactions pour les personnes polyhandicapées et leur intégration dans des espaces de socialisation ordinaires, avec des conditions d’accueil adaptées et des personnes formées. Un environnement adapté et apaisant permet notamment d’améliorer les fréquents troubles du comportement (auto-agressivité, comportements répétitifs…) en grande partie liés à l’environnement de vie ;
  • douleur : rechercher systématiquement sa présence, évaluer son intensité, sa fréquence et sa durée à l’aide d’outils spécifiques validés et en rechercher la ou les cause(s) par un examen détaillé ;
  • plus globalement : généraliser les méthodes validées d’évaluation de la qualité de vie, combinant de façon complémentaire différentes approches objectives (évaluations par les soignants, parents et entourage) et une auto-évaluation.

Une cohorte française de personnes polyhandicapées (Eval-PLH) qui inclut des enfants et des adultes est en cours. Les données à venir permettront, entre autres, d’évaluer le taux de mortalité et les causes de décès des personnes polyhandicapées.

Accompagner et intégrer socialement la personne polyhandicapée.

En parallèle des soins médicaux, le polyhandicap implique un accompagnement global et individualisé, tout au long de la vie, afin de proposer à la personne un projet de vie adapté à l’ensemble de ses besoins et de sa trajectoire personnelle d’évolution. L’évaluation des compétences, des difficultés (médicales, psychologiques, relationnelles) et des modes de communication de la personne polyhandicapée nécessite d’être régulière.

Cet accompagnement est crucial au niveau des dimensions éducative et sociale, en particulier pour le sujet central de la communication, mais aussi pour les apprentissages, la scolarisation, l’inclusion et la participation sociale. La personne polyhandicapée a la possibilité d’apprendre tout au long de sa vie avec des aménagements adéquats. Certaines compétences, si elles sont stimulées dans la petite enfance, permettent notamment d’améliorer la socialisation et la communication à long terme. En outre, les personnes polyhandicapées peuvent participer aux diverses activités de la vie quotidienne et sociale grâce à certaines aides, méthodes et outils rendant leur environnement plus adapté.

Le groupe d’experts recommande :

  • l’utilisation de l’Échelle de sévérité du polyhandicap, validée en langue française pour évaluer les compétences et les difficultés à l’échelle individuelle ;
  • de permettre l’accès des enfants polyhandicapés à une scolarisation ajustée à leurs besoins et leur permettant de développer leurs capacités au plus haut de leur potentiel ;
  • de réfléchir aux types d’apprentissages bénéfiques aux enfants polyhandicapés pour construire un parcours de scolarisation « sur mesure » au sein d’unités d’enseignement impliquant les équipes des établissements spécialisés et celles des écoles ordinaires ;
  • la mise en place d’une combinaison de plusieurs modes de communication (voix, toucher, regard, gestes…) et de moyens dits de Communication alternative et améliorée (CAA) adaptés individuellement aux capacités motrices et cognitives de la personne et permettant à la fois la communication et la compréhension réciproque – il peut s’agir en l’occurrence d’une succession de gestes (par exemple inspirés de la langue des signes) ou d’objets ayant un sens précis, mais aussi de moyens technologiques.

L’entourage de la personne polyhandicapée au cœur des questions de prise en soins

Du fait de sa dépendance et de son extrême vulnérabilité physique et psychique, la personne polyhandicapée a besoin d’un haut niveau d’attention et de soin. La famille, l’entourage et les professionnels sont ainsi très impactés sur le plan concret (soins, organisation du quotidien) et émotionnel et tiennent une place prépondérante dans l’accompagnement. L’évaluation des besoins, leur mise en place coordonnée et leur adaptation à l’avancée en âge nécessitent une multidisciplinarité des approches et une coordination complexe entre les aidants.

Si le système de soins mis en œuvre en France (filière de prise en soin des personnes polyhandicapées, labélisation de centres de référence et compétence polyhandicaps de causes rares) est susceptible de répondre à l’ensemble des besoins des personnes polyhandicapées tout au long de leur vie, la coordination et la continuité du parcours de soins n’est pas toujours optimale.

Ainsi, la transition vers l’âge adulte, processus continu qui débute entre 13 et 15 ans, reste difficile avec des implications médicales, sociales et juridiques pour la personne et sa famille. La sévérité du polyhandicap s’accroît avec l’âge et a pour conséquence une majoration de la dépendance de la personne. La fin de vie de la personne polyhandicapée soulève également de multiples enjeux éthiques et de moyens.

L’intimité et l’affectivité sont essentielles pour une personne en situation de dépendance physique complète et ne possédant pas une perception unifiée de son corps. L’affection et l’attention ont ainsi une place déterminante dans le soin et l’apprentissage.

Lorsqu’elle s’applique à une personne dont la vie psychique et le développement psycho-affectif évoluent de façon atypique, la question de la sexualité se heurte quant à elle à des problématiques communicationnelles et des questions éthiques.

Enfin, dans un contexte où la personne est entièrement dépendante des interprétations de ses partenaires de communication, la vulnérabilité majeure, à la fois physique, psychique et communicationnelle, qui caractérise le polyhandicap renforce les risques de maltraitance – volontaires ou involontaires – qui peuvent se cumuler.

Le groupe d’experts recommande :

  • d’effectuer un repérage et un diagnostic précoces du polyhandicap chez l’enfant, en impliquant les familles dès le début et en offrant un soutien adéquat ;
  • que des interventions précoces soient proposées, tout en favorisant l’accueil dans des environnements inclusifs de la petite enfance en partenariat avec les services spécialisés ;
  • pour prévenir la maltraitance institutionnelle, la mise en place de groupes d’analyse de la pratique, d’une formation continue solide, de l’instauration d’une culture de la bientraitance et d’une cellule de veille dans les établissements et services. Les experts alertent cependant sur le fait que ces mesures ne peuvent pas se substituer à des moyens humains suffisants avec des équipements adaptés ;
  • pour prévenir la maltraitance parentale, de prendre en compte la souffrance psychique des parents et de favoriser le travail en binôme et les échanges de groupes et pluridisciplinaires. Les associations et les groupes de discussion sur les réseaux sociaux sont un moyen de limiter les effets de la mise à l’écart sociale, en particulier pour les parents contraints de renoncer à leur activité professionnelle ;
  • de prendre garde aux formes de maltraitance involontaire ou passive (laisser-faire, négligence, manque de connaissances…) qui peuvent être liées à des soins inadaptés, à des habitudes relationnelles susceptibles de renforcer la vulnérabilité communicationnelle, voire à une sous-estimation des capacités cognitives de la personne pouvant conduire à une négation de sa vie psychique ;
  • de reconnaître et prendre en compte les manifestations de sexualité de la personne, de s’interroger sur ce que peuvent être les modalités de cette sexualité ;
  • de ne pas négliger ce qui relève de la vie affective en la distinguant bien des questions de sexualité.

Pour aller plus loin : la synthèse de l’expertise collective Polyhandicap sera disponible en ligne le 11 juin sur la page dédiée sur le site de l’Inserm. L’expertise sera mise en ligne dans sa version intégrale le 12 juin.

Les expertises collectives de l’Inserm

Développées par l’Inserm depuis 1993, les expertises collectives constituent une démarche d’évaluation et de synthèse des connaissances scientifiques existantes sur des thèmes de santé publique.

Ces expertises répondent aux demandes d’institutions souhaitant disposer des données récentes issues de la recherche. L’objectif est le partage de connaissances et l’apport d’un éclairage scientifique indépendant sur des questions précises de santé, dans une perspective d’aide à la décision publique dans le champ de la santé des populations.

Le cadrage scientifique, le support bibliographique, la coordination et la valorisation des expertises collectives sont assurés par le pôle Expertises collectives de l’Inserm.

Pour les consulter : inserm.fr/expertise-collective

La majorité de l’ozone troposphérique contribuant à la mortalité prématurée dans les pays européens est importée

Pollution ville© Unsplash

L’exposition aux niveaux actuels d’ozone troposphérique (O3) en Europe est l’une des principales causes de mortalité prématurée due à la pollution atmosphérique. Une étude menée par l’Inserm, le Barcelona Institute for Global Health (ISGlobal), et le Barcelona Supercomputing Center – Centro Nacional de Supercomputación (BSC-CNS), a quantifié pour la première fois l’impact de l’exposition à l’O3 sur la mortalité européenne, et plus précisément l’impact de l’O3 dit « importé », c’est-à-dire dont la production émane d’autres pays. L’étude estime le nombre total de décès liés à l’ozone en Europe au cours de la période 2015-2017 à 114 447, dont 88,3 % seraient liés à l’exposition à l’ozone importé. Ces résultats, publiés dans Nature Medicine, soulignent la nécessité d’actions coordonnées à l’échelle locale, continentale et mondiale de la part de tous les pays pour réduire les concentrations d’O3 et leur impact sur la santé.

L’ozone troposphérique est un polluant atmosphérique nocif formé dans la troposphère par l’interaction du rayonnement solaire avec plusieurs gaz précurseurs, principalement des oxydes d’azote (NOx) et des composés organiques volatils (COV) provenant de sources naturelles et anthropiques. Des niveaux élevés d’O3 sont associés à une série d’effets néfastes sur la santé respiratoire, notamment l’aggravation de l’asthme, la bronchopneumopathie chronique obstructive, la diminution de la fonction pulmonaire et les infections, conduisant dans les cas les plus graves à l’hospitalisation et au décès.

Les scientifiques de l’Inserm, d’ISGlobal et du BSC-CNS ont pour la première fois mesuré l’impact d’une exposition à l’O3 « importé » d’autres pays sur la mortalité européenne. Ces mesures ont été rendues possibles grâce à l’analyse des données 2015-2017 provenant de 35 pays européens[1].

Pour suivre les concentrations d’O3, l’étude a utilisé le système de qualité de l’air CALIOPE développé au BSC-CNS, qui couvre l’Europe. Ce système suit à la fois l’O3 et ses précurseurs (c’est-à-dire les NOx et les COV) qui sont formés ou émis dans chaque région. Par ailleurs, pour obtenir des données en dehors de la zone d’étude, les scientifiques ont utilisé une approche de modélisation qui leur a permis de suivre la dispersion et le transport des polluants atmosphériques sur de longues distances. La méthode a également pris en compte les émissions provenant de la terre et de la mer.  L’analyse s’est appuyée sur les données de la saison chaude (de mai à septembre) au cours de laquelle les valeurs d’exposition à l’O3 sont les plus élevées. Les données relatives aux décès enregistrés sur la période proviennent d’Eurostat.

Cette étude a permis d’aboutir à quelques résultats clés :

  • Les scientifiques ont mené un travail statistique qui leur a permis d’estimer à 114 447 le nombre de décès attribuables à l’O3 entre 2015 et 2017, sur l’ensemble de la zone des 35 pays européens considérés.
  • Selon cette étude, 88,3 % de ces décès seraient liés à une exposition à l’O3 en provenance d’autres pays ; 11,7 % des décès seraient relatifs à une exposition d’origine nationale.
  • Plus précisément, 20,9 % de tous les décès observés sont liés à de l’ozone ayant son origine dans les autres pays européens analysés, 60,2 % à de l’ozone provenant en dehors de l’Europe et les 7,2% restant à de l’ozone issu du transport maritime.

L’étude a également montré qu’au sein de l’Europe, l’O3 attribué à la mortalité émanait majoritairement des pays européens les plus industrialisés. Par exemple, l’O3 en provenance de France a eu un impact significatif sur ses pays frontaliers tels que le Luxembourg (32,3 % des décès attribuables à l’O3), la Suisse (29,3 %), la Belgique (24,4 %) ou encore l’Espagne (16,8 %). L’O3 en provenance d’Allemagne a également eu un impact significatif sur les pays voisins tels que le Luxembourg (24,2 % des décès), la République tchèque (23,3 %) ou les Pays-Bas (21,5 %).

« Notre étude souligne la nécessité d’une quantification systématique des contributions nationales, européennes et extracommunautaires des niveaux de pollution de l’air et de leurs effets sanitaires associés. L’objectif est de mettre en place des mesures de réglementation et d’atténuation pour lutter contre l’effet des polluants atmosphériques tels que l’O3 qui sont facilement transportés au-delà des frontières », explique Hicham Achebak, chercheur à l’Inserm (France) et à l’ISGlobal (Espagne).

Enfin, ce travail rappelle l’importance de lutter contre le réchauffement climatique :

« Le réchauffement climatique renforcera les conditions de formation de l’O3 troposphérique à l’avenir, car les mécanismes photochimiques de formation de l’O3 sont favorisés pendant les vagues de chaleur et les périodes de fort rayonnement solaire. Lutter contre le réchauffement climatique est nécessaire pour améliorer durablement la qualité de l’air. Il sera aussi important de faire d’autres recherches pour identifier aux mieux les sources de pollution qui contribuent le plus à la mortalité, que ce soit l’O3 ou d’autres polluants dont les effets sont tout aussi délétères sur la santé », conclut Hicham Achebak.

[1]L’analyse de 35 pays européens correspond à la couverture d’une population totale d’environ 530 millions de personnes.

Identification des facteurs de risque de la maltraitance physique infantile précoce

mains bébé et parent© Fotalia

Les équipes du service de pédiatrie générale et maladies infectieuses de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, d’Université Paris Cité, de l’Inserm, du CHU de Nantes et du groupement d’intérêt scientifique EPI-PHARE, coordonnées par Flora Blangis, sage-femme, et le professeur Martin Chalumeau, ont identifié les facteurs maternels, prénataux et postnataux associés à la maltraitance physique infantile précoce.

Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication scientifique parue le 15 mai 2024 dans le journal Lancet Regional Health – Europe.

La maltraitance physique infantile (MPI) est définie comme l’usage intentionnel de la force physique envers un enfant, notamment le fait de le frapper, l’étouffer ou encore le secouer. Une MPI précoce (c’est-à-dire avant l’âge de 1 an) est responsable de conséquences à long terme, notamment des troubles du développement neurologique, des troubles mentaux et des maladies somatiques.

L’objectif de cette étude était d’identifier les facteurs maternels, prénataux et postnataux associés à la MPI précoce. Cette étude de cohorte, basée sur les données exhaustives du registre national Mère-Enfant EPI-MERES, a inclus tous les nourrissons nés en France entre 2010 et 2019. Parmi les 6 897 384 nourrissons inclus, 2 994 d’entre eux ont eu un diagnostic de MPI précoce, à un âge médian de 4 mois. Les facteurs indépendants les plus fortement associés à la MPI précoce étaient chez les mères :

  • de faibles ressources financières ;
  • un âge inférieur à 20 ans ;
  • un trouble de l’usage de l’alcool ;
  • un trouble de l’usage des opiacés ;
  • être victime de violences conjugales ;
  • avoir une pathologie psychiatrique chronique ou pathologie somatique chronique ;
  • une hospitalisation en psychiatrie juste avant, pendant ou après de la grossesse ;

et chez le nourrisson :

  • une grande prématurité ;
  • un diagnostic d’une pathologie neurologique chronique sévère.

Les facteurs paternels et la relation de causalité entre les facteurs identifiés et la MPI n’ont pas été explorés.

« Les facteurs de risque maternels, prénataux et postnataux indépendamment associés à la maltraitance physique infantile précoce identifiés pour la première fois au niveau national en France favoriseront une meilleure compréhension des mécanismes de la maltraitance physique infantile et le développement de programmes de prévention efficaces. Cela inclut la création d’outils de stratification du risque, permettant ainsi l’allocation des ressources aux parents qui pourraient en avoir le plus besoin. », souligne le Pr Martin Chalumeau, chef du service de pédiatrie générale et maladies infectieuses à l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP.

Santé des enfants nés après assistance médicale à la procréation : pas d’augmentation globale du risque de cancer, mais une légère augmentation du risque de leucémie n’est pas exclue

Embryon obtenu après une fécondation in vitroEmbryon obtenu après une fécondation in vitro (cinq jours après la fécondation et culture in vitro). © Pr P. Fauque, CHU Dijon.

Des scientifiques de l’Inserm au sein de l’équipe Épidémiologie des cancers de l’Enfant et de l’Adolescent (EPICEA – UMR Inserm 1153)[1] et du groupement d’intérêt scientifique EPI-PHARE (ANSM/Cnam), conjointement avec des experts de l’assistance médicale à la procréation (AMP), publient dans la revue JAMA Network Open les résultats d’une vaste étude visant à comparer le risque de cancer des enfants conçus par AMP à celui des enfants conçus de façon naturelle. Portant sur plus de 8,5 millions d’enfants nés en France entre 2010 et 2021, c’est l’une des plus grandes études menées à ce jour sur le risque de cancer chez les enfants conçus par AMP.

L’étude ne montre pas d’augmentation du risque de cancer, tous types confondus, chez les enfants conçus après recours à l’AMP, mais elle suggère une très légère augmentation du risque de leucémie chez ces enfants.

L’AMP concerne environ 1 naissance sur 30 en France (voir l’encadré). Des données encore limitées et hétérogènes ont suggéré des augmentations de risque de certains troubles de la santé, notamment de cancers, parmi les enfants conçus par AMP. L’évaluation à grande échelle du risque de cancer est indispensable et constitue un objectif prioritaire de recherche, comme l’a souligné récemment un rapport de l’Académie Nationale de Médecine[2].

Des scientifiques de l’Inserm et d’EPI-PHARE, conjointement avec des spécialistes de l’AMP, ont évalué ce risque de cancer dans l’une des plus grandes cohortes mondiales d’enfants nés après AMP.

Ils ont exploité les données du Système National des Données de Santé (SNDS)[3] pour identifier les enfants conçus par AMP (insémination artificielle, fécondation in vitro classique-FIV ou avec micro-injection-ICSI) et détecter la survenue d’un cancer chez les enfants conçus avec et sans AMP.

Au total, l’étude a porté sur les 8 526 306 enfants nés en France entre 2010 et 2021, dont 260 236 (3%) ont été conçus par AMP, et les a suivis jusqu’à un âge médian de 6,7 ans.

Au cours de ce suivi, 9 256 enfants dont 292 enfants conçus par AMP ont développé un cancer. Le risque de cancer, tous types confondus, n’était pas plus élevé chez les enfants conçus après AMP que chez les enfants conçus naturellement.

Toutefois, une légère augmentation du risque de leucémie a été observée chez les enfants conçus par FIV ou ICSI. Cette augmentation est très faible, de l’ordre d’un cas supplémentaire pour 5 000 nouveau-nés conçus par FIV ou ICSI ayant atteint l’âge de 10 ans. Elle nécessite confirmation.

L’absence d’une augmentation globale du risque de cancer est rassurante. Le suivi épidémiologique sera néanmoins poursuivi pour mieux évaluer le risque de cancer à plus long terme. Il est par ailleurs nécessaire de continuer les efforts de recherche pour comprendre quels mécanismes liés aux techniques d’AMP ou aux troubles de fertilité chez les parents pourraient induire l’augmentation du risque de leucémie, si celle-ci se confirmait.

L’assistance médicale à la procréation (AMP) favorise la conception d’un enfant chez les couples confrontés à des difficultés ou à l’impossibilité de procréer naturellement. Les techniques les plus fréquemment utilisées sont l’insémination artificielle, et la fécondation in-vitro (FIV), classique ou par injection intra-cytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI) avec transfert d’embryon frais ou congelé.

Dans cette cohorte, 60 106 de ces enfants sont nés après insémination artificielle, 133 965 après transfert d’embryons frais et 66 165 après transfert d’embryons congelés consécutifs à une FIV classique ou par ICSI.

Pour plus d’informations sur ces techniques, RDV sur le site de l’Inserm ou le site de l’Agence de la biomédecine.

Cette étude a bénéficié d’un financement par l’ANSM.

 

[1] L’équipe est intégrée au Centre de Recherche en Epidémiologie et Statistiques – CRESS (Inserm/université Paris Cité).

[2] Jouannet P, Claris O, Le Bouc Y. Rapport 23-07. Santé à moyen et à long terme des enfants conçus par fécondation in vitro (FIV). Bull Acad Ntle Med 2023; 207: 695-705.

[3] Le SNDS regroupe les principales bases de données de santé publiques existantes. Le SNDS vise l’amélioration les connaissances sur la prise en charge médicale et l’élargissement du champ des recherches, des études et évaluations dans le domaine de la santé.

La consommation de certains additifs alimentaires émulsifiants serait associée à un risque accru de diabète de type 2

cornets de glaceLes émulsifiants figurent parmi les additifs les plus couramment utilisés dans les aliments industriels transformés et emballés tels que certaines pâtisseries, gâteaux et desserts, yaourts, glaces… © Kenta Kikuchi sur Unsplash

Les émulsifiants sont parmi les additifs les plus fréquemment utilisés par l’industrie agroalimentaire. Leur usage vise à améliorer la texture des produits tout en prolongeant leur durée de conservation. Des chercheurs et des chercheuses de l’Inserm, d’INRAE, de l’Université Sorbonne Paris Nord, de l’université Paris Cité et du Cnam, regroupés au sein de l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren-Cress), ont entrepris d’étudier les possibles liens entre les habitudes d’apports alimentaires en additifs émulsifiants et la survenue de diabète de type 2 entre 2009 et 2023. Ils ont analysé les données de santé de 104 139 adultes participant à l’étude de cohorte française NutriNet-Santé, en évaluant spécifiquement leur consommation de ce type d’additifs grâce à des enquêtes alimentaires tous les 6 mois. Les résultats de cette recherche suggèrent une association entre l’ingestion chronique de certains additifs émulsifiants et un risque accru de diabète. Ils sont publiés dans la revue Lancet Diabetes & Endocrinology.

En Europe et en Amérique du Nord, 30 à 60 % de l’apport énergétique alimentaire des adultes provient d’aliments ultra-transformés. De plus en plus d’études épidémiologiques suggèrent un lien entre une consommation élevée d’aliments ultra-transformés et un risque accru de diabète et d’autres troubles métaboliques.

Les émulsifiants figurent parmi les additifs les plus couramment utilisés dans ces aliments. Ils sont souvent ajoutés aux aliments industriels transformés et emballés tels que certaines pâtisseries, gâteaux et desserts, yaourts, glaces, barres chocolatées, pains industriels, biscottes, margarines et plats préparés, afin d’améliorer leur apparence, leur goût, leur texture et leur durée de conservation. Ils comprennent notamment les mono- et diglycérides d’acides gras, les carraghénanes, les amidons modifiés, les lécithines, les phosphates, les celluloses, les gommes et les pectines.

Comme pour tous les additifs alimentaires, la sécurité des émulsifiants a été précédemment évaluée sur la base des preuves scientifiques qui étaient disponibles au moment de leur évaluation. Néanmoins, certaines recherches récentes suggèrent que les émulsifiants pourraient perturber le microbiote intestinal et augmenter le risque d’inflammation et de perturbation métabolique, pouvant entraîner une résistance à l’insuline et la survenue du diabète.

Pour plus d’informations : lire le dossier diabète de type 2 de l’Inserm

Pour la première fois au niveau international, une équipe de chercheuses et de chercheurs français s’est intéressée aux relations entre les apports alimentaires en émulsifiants, cumulés sur un suivi maximal de 14 ans, et le risque de développer un diabète de type 2 dans une grande étude en population générale.

Les résultats sont fondés sur l’analyse des données françaises de 104 139 adultes (âge moyen 43 ans ; 79 % de femmes) qui ont participé à l’étude de cohorte NutriNet-Santé (voir encadré ci-dessous) entre 2009 et 2023.

Les participants ont renseigné en ligne tous les aliments et boissons consommés et leur marque (pour les produits industriels), sur au moins deux journées d’enregistrements alimentaires. Ils étaient régulièrement réinterrogés sur leurs consommations alimentaires, tous les 6 mois sur 14 ans. Ces enregistrements ont été mis en relation avec des bases de données afin d’identifier la présence et la dose des additifs alimentaires (dont les émulsifiants) dans les produits consommés. Des dosages en laboratoire ont également été effectués pour fournir des données quantitatives. Cela a permis de calculer l’exposition chronique au fil du temps à ces émulsifiants.

Au cours du suivi, les participants ont déclaré la survenue de diabète (1 056 cas diagnostiqués), et les déclarations ont été validées grâce à une stratégie multi-sources (incluant la déclaration et le remboursement d’anti-diabétiques). Plusieurs facteurs de risque bien connus pour le diabète, notamment l’âge, le sexe, le poids (IMC), le niveau d’éducation, les antécédents familiaux, le tabagisme, l’alcool et les niveaux d’activité physique, ainsi que la qualité nutritionnelle globale de l’alimentation (dont les apports en sucre) ont été pris en compte dans l’analyse.

Après un suivi moyen de 7 ans, les chercheurs ont observé que l’exposition chronique – évaluée par des données répétées – aux émulsifiants suivants était associée à un risque accru de diabète de type 2 :

  • carraghénanes (carraghénanes totaux et E407 ; augmentation de risque de 3 % par incrément de 100 mg par jour)
  • phosphate tripotassique (E340 ; augmentation de risque de 15 % par incrément de 500 mg par jour)
  • esters d’acide acétyltartrique de monoglycérides et de diglycérides d’acides gras (E472e ; augmentation de risque de 4% par incrément de 100 mg par jour)
  • citrate de sodium (E331 ; augmentation de risque de 4 % par incrément de 500 mg par jour)
  • gomme-guar (E412 ; augmentation de risque de 11 % par incrément de 500 mg par jour)
  • gomme arabique (E414 ; augmentation de risque de 3 % par incrément de 1000 mg par jour)
  • gomme xanthane (E415, augmentation de risque de 8 % par incrément de 500 mg par jour).

Cette étude constitue une première exploration de ces relations mais d’autres investigations sont désormais nécessaires pour établir des liens de causalité. Les chercheurs ont évoqué plusieurs limites de leur étude, telles que la prédominance des femmes dans l’échantillon, un niveau d’éducation plus élevé que la population générale, ainsi que des comportements généralement plus favorables à la santé parmi les participants de l’étude NutriNet-Santé. Il s’agit donc d’être prudents quant à la généralisation des conclusions à l’ensemble de la population française.

L’étude bénéficie néanmoins d’une taille d’échantillon considérable et les chercheurs ont pris en compte un grand nombre de facteurs susceptibles d’induire des biais de confusion. Ils ont en outre utilisé des données fines et uniques sur les expositions aux additifs alimentaires, avec un niveau de détail allant jusqu’aux marques des produits industriels consommés. De plus, les résultats demeurent cohérents à travers diverses analyses de sensibilité[1], ce qui renforce leur fiabilité.

« Ces résultats sont issus d’une seule étude observationnelle pour le moment, et ne permettent pas à eux seuls d’établir un lien de cause à effet. Ils doivent être reproduits dans d’autres études épidémiologiques à travers le monde, et complétés par des études expérimentales toxicologiques et interventionnelles, pour éclairer davantage les mécanismes liant ces additifs émulsifiants et la survenue du diabète de type 2. Ils donnent des éléments clés pour enrichir le débat sur la réévaluation de la réglementation relative à l’utilisation des additifs dans l’industrie alimentaire, afin de mieux protéger les consommateurs », expliquent Mathilde Touvier, directrice de recherche à l’Inserm, et Bernard Srour, professeur junior à INRAE, principaux auteurs de l’étude.

Parmi les prochaines étapes, l’équipe de recherche va s’intéresser aux variations de certains marqueurs sanguins et du microbiote intestinal en lien avec la consommation de ces additifs, pour mieux comprendre les mécanismes sous-jacents. Elle va également s’intéresser aux impacts sur la santé des mélanges d’additifs et de leurs potentiels « effets cocktails ». Des travaux en collaboration avec des toxicologues vont également permettre de tester l’impact de ces expositions dans le cadre d’expérimentations in vitro et in vivo, pour rassembler plus d’arguments en faveur d’un lien causal.

L’étude NutriNet-Santé est une étude de santé publique coordonnée par l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (CRESS-EREN, Inserm/INRAE/Cnam/Université Sorbonne Paris Nord/Université Paris Cité), qui, grâce à l’engagement et à la fidélité de plus de 170 000 « nutrinautes », fait avancer la recherche sur les liens entre la nutrition (alimentation, activité physique, état nutritionnel) et la santé. Lancée en 2009, l’étude a déjà donné lieu à plus de 270 publications scientifiques internationales. Un appel au recrutement de nouveaux Nutrinautes est toujours en cours afin de continuer à faire avancer la recherche publique sur les relations entre la nutrition et la santé.

En consacrant quelques minutes par mois à répondre, via Internet, sur la plateforme sécurisée etude-nutrinet-sante.fr, aux différents questionnaires relatifs à l’alimentation, à l’activité physique et à la santé, les participants contribuent à faire progresser les connaissances, vers une alimentation plus saine et plus durable.

[1]Les analyses de sensibilité en épidémiologie visent à tester la robustesse des modèles statistiques en faisant varier certains paramètres, hypothèses ou variables dans le modèle pour évaluer la stabilité des associations observées. Par exemple, dans cette étude, une prise en compte additionnelle de la consommation d’édulcorants a été réalisée, ainsi que de la prise de poids au cours du suivi et d’autres maladies métaboliques.

Une étude sur l’état de santé des Français avant la pandémie de Covid-19 pour aider les décideurs à réduire le fardeau des maladies

StéthoscopeUne nouvelle étude dresse un panorama de l’état de santé des Français juste avant la pandémie en 2019 ainsi que son évolution depuis 1990 © Unsplash

Pour mettre en place des politiques de santé publique adaptées, il est crucial de connaître l’état de santé de la population ainsi que son évolution au cours du temps. Ces connaissances sont d’autant plus importantes que la pandémie de Covid-19 a fortement désorganisé les systèmes de soins à travers le monde. Pour la première fois, une étude menée par des équipes de l’Inserm, du CHU et de l’université de Bordeaux en collaboration avec Santé publique France, la Caisse nationale de l’Assurance Maladie (Cnam) et les collaborateurs de la Global Burden of Diseases study (GBD), dresse un panorama de l’état de santé des Français juste avant la pandémie en 2019, et son évolution depuis 1990. Ce travail compare aussi la situation française à celle d’autres pays européens, aboutissant ainsi à un bilan précis qui permet de guider la décision publique et de réfléchir à l’impact plus général qu’a eu la Covid-19 sur la santé des Français. Les résultats sont publiés dans la revue The Lancet Regional Health.

La pandémie de Covid-19 a bouleversé l’organisation des systèmes de santé et exacerbé des problématiques auxquelles étaient déjà confrontés de nombreux pays dont la France, comme les inégalités d’accès aux soins ou encore des tensions hospitalières et des pénuries de professionnels de santé. Afin de relever ces défis, il est essentiel, au-delà des systèmes de surveillance habituels, de réaliser un diagnostic plus précis de l’état de santé des Français avant la crise de la Covid-19, notamment pour tenter d’analyser son impact spécifique sur différents indicateurs de santé.

C’est ce que propose une nouvelle étude menée par des équipes de l’Inserm, de l’université de Bordeaux et du CHU de Bordeaux, en collaboration avec Santé publique France et la Cnam. Ce travail évalue en effet plusieurs indicateurs de santé en France en 2019 avant la pandémie, ainsi que leur évolution de 1990 à 2019, et propose aussi une comparaison de la situation française à celle d’autres pays d’Europe de l’Ouest sur cette même période.

Une étude réalisée grâce à la richesse des données de la GBD

La « Global Burden of Disease study », coordonnée par l’Institute for Health Metrics and Evaluation, est conduite depuis 1990 par un réseau mondial de 5 647 collaborateurs dans 152 pays et territoires. L’étude de 2019 analyse 286 causes de décès, 369 maladies et traumatismes et 87 facteurs de risque dans 204 pays et territoires. La GBD a été utilisée pour informer les politiques de santé dans de nombreuses nations et juridictions locales, ainsi que par des organisations internationales, dont la Banque mondiale et l’Organisation mondiale de la santé.

Mais jamais cette richesse de données n’avait été exploitée et présentée spécifiquement pour la France, pour décrire l’évolution de l’état de santé en France à travers un ensemble d’indicateurs reflétant notamment le statut sociodémographique des personnes, l’espérance de vie, l’espérance de vie en bonne santé ou encore les années vécues avec une incapacité.

Quelques éléments de définition

Espérance de vie : il s’agit de l’espérance de vie à la naissance qui représente la durée de vie moyenne d’une génération fictive soumise aux conditions de mortalité par âge de l’année considérée.

Espérance de vie en bonne santé : c’est la durée de vie moyenne en bonne santé – c’est-à-dire sans limitation irréversible d’activité dans la vie quotidienne ni incapacités – d’une génération fictive soumise aux conditions de mortalité et de morbidité de l’année.

Années de vie perdues : c’est un indicateur de mortalité prématurée. Il représente le nombre d’années de vie perdues à cause d’une maladie ayant conduit à un décès prématuré par rapport à l’espérance de vie de la population.

Années de vie vécues en situation d’incapacité : c’est un indicateur qui permet d’estimer la morbidité, c’est à dire le « poids d’une maladie » en termes d’incapacité en années vécues avec l’incapacité pour une maladie donnée. Ce nombre d’années est pondéré en fonction de la nature de l’incapacité.

DALYs (disability-adjusted life years) : c’est le nombre d’années de vie en bonne santé « perdues » à cause de la maladie, du handicap, de la mort, il est la somme des deux indicateurs précédents (Années de vie perdues + Années de vie vécues en situation d’incapacité).

Une amélioration de l’espérance de vie et de l’espérance de vie en bonne santé

Les résultats de l’analyse confirment que sur la période considérée (1990 à 2019), l’espérance de vie à la naissance en France s’est améliorée au fil du temps, passant de 77,2 ans en 1990 à 82,9 ans en 2019, ce qui classe la France à la septième position pour l’espérance de vie la plus élevée, parmi les 23 pays d’Europe de l’ouest étudiés dans ce travail. Par ailleurs, les français vivent en moyenne plus longtemps en bonne santé, avec une espérance de vie en bonne santé qui a aussi progressé passant de 67 à 71,5 ans, plaçant cette fois-ci la France en quatrième position du classement.

L’accroissement de la longévité de vie en bonne santé permet de faire des hypothèses sur des progrès qui ont pu être réalisés à plusieurs niveaux, comme par exemple une meilleure prise en charge des maladies ou une prévention plus adaptée, permettant de limiter la survenue des maladies. Cette étude permet ainsi d’estimer le poids des maladies selon leur impact sur les différents indicateurs de la GBD.

En comparaison avec les autres pays européens, les maladies cardiovasculaires sont moins impliquées dans la morbidité et la mortalité en France.

« Nous avons observé une charge de morbidité moins importante due aux accidents vasculaires cérébraux et aux cardiopathies ischémiques en France que dans d’autres pays d’Europe occidentale. Ce résultat observé précédemment pourrait s’expliquer par une prévalence plus faible de nombreux facteurs de risque cardiovasculaires (hypertension, diabète) et d’un mode de vie plus sain (exercice, alimentation) en France. Il faut continuer à poursuivre les efforts pour prévenir et traiter ces pathologies dont la prévalence demeure néanmoins importante », expliquent les auteurs.

Il est aussi important de mieux prendre en charge les troubles de santé mentale (parmi eux les troubles dépressifs et anxieux en particulier) et les troubles musculo-squelettiques (les douleurs lombaires en particulier) représentent le principal motif d’années vécues avec une incapacité. L’étude souligne aussi que des progrès sont à faire vis-à-vis de la prévention des cancers, notamment en poursuivant les efforts pour lutter contre le tabagisme. En effet, les cancers constituent toujours la première cause de mortalité en France, comme dans les autres pays européens.

« Dans l’ensemble, ces résultats mettent en évidence une nette tendance à l’amélioration de l’état de santé en France. Ils doivent inciter les décideurs à concevoir des stratégies d’intervention pour réduire la charge de morbidité et de mortalité, en accordant une attention particulière aux causes telles que les cancers, les maladies cardiovasculaires, la santé mentale et les troubles musculo-squelettiques », soulignent les auteurs.

Cette étude constitue donc une ressource précieuse, complémentaire de la surveillance épidémiologique régulière mise en œuvre notamment par Santé publique France, pour orienter les politiques publiques et mettre en place des mesures pertinentes afin d’améliorer la prévention et l’accès au soin. Elle représente également une première étape importante pour mieux appréhender l’impact qu’a eu la pandémie de Covid-19 sur la santé des Français. La même étude devra maintenant être menée avec les données collectées à l’issue de la crise sanitaire sur ces mêmes indicateurs clés, afin de mettre en évidence des éventuelles évolutions de l’état de santé de la population.

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