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Une étude sur l’état de santé des Français avant la pandémie de Covid-19 pour aider les décideurs à réduire le fardeau des maladies

StéthoscopeUne nouvelle étude dresse un panorama de l’état de santé des Français juste avant la pandémie en 2019 ainsi que son évolution depuis 1990 © Unsplash

Pour mettre en place des politiques de santé publique adaptées, il est crucial de connaître l’état de santé de la population ainsi que son évolution au cours du temps. Ces connaissances sont d’autant plus importantes que la pandémie de Covid-19 a fortement désorganisé les systèmes de soins à travers le monde. Pour la première fois, une étude menée par des équipes de l’Inserm, du CHU et de l’université de Bordeaux en collaboration avec Santé publique France, la Caisse nationale de l’Assurance Maladie (Cnam) et les collaborateurs de la Global Burden of Diseases study (GBD), dresse un panorama de l’état de santé des Français juste avant la pandémie en 2019, et son évolution depuis 1990. Ce travail compare aussi la situation française à celle d’autres pays européens, aboutissant ainsi à un bilan précis qui permet de guider la décision publique et de réfléchir à l’impact plus général qu’a eu la Covid-19 sur la santé des Français. Les résultats sont publiés dans la revue The Lancet Regional Health.

La pandémie de Covid-19 a bouleversé l’organisation des systèmes de santé et exacerbé des problématiques auxquelles étaient déjà confrontés de nombreux pays dont la France, comme les inégalités d’accès aux soins ou encore des tensions hospitalières et des pénuries de professionnels de santé. Afin de relever ces défis, il est essentiel, au-delà des systèmes de surveillance habituels, de réaliser un diagnostic plus précis de l’état de santé des Français avant la crise de la Covid-19, notamment pour tenter d’analyser son impact spécifique sur différents indicateurs de santé.

C’est ce que propose une nouvelle étude menée par des équipes de l’Inserm, de l’université de Bordeaux et du CHU de Bordeaux, en collaboration avec Santé publique France et la Cnam. Ce travail évalue en effet plusieurs indicateurs de santé en France en 2019 avant la pandémie, ainsi que leur évolution de 1990 à 2019, et propose aussi une comparaison de la situation française à celle d’autres pays d’Europe de l’Ouest sur cette même période.

Une étude réalisée grâce à la richesse des données de la GBD

La « Global Burden of Disease study », coordonnée par l’Institute for Health Metrics and Evaluation, est conduite depuis 1990 par un réseau mondial de 5 647 collaborateurs dans 152 pays et territoires. L’étude de 2019 analyse 286 causes de décès, 369 maladies et traumatismes et 87 facteurs de risque dans 204 pays et territoires. La GBD a été utilisée pour informer les politiques de santé dans de nombreuses nations et juridictions locales, ainsi que par des organisations internationales, dont la Banque mondiale et l’Organisation mondiale de la santé.

Mais jamais cette richesse de données n’avait été exploitée et présentée spécifiquement pour la France, pour décrire l’évolution de l’état de santé en France à travers un ensemble d’indicateurs reflétant notamment le statut sociodémographique des personnes, l’espérance de vie, l’espérance de vie en bonne santé ou encore les années vécues avec une incapacité.

Quelques éléments de définition

Espérance de vie : il s’agit de l’espérance de vie à la naissance qui représente la durée de vie moyenne d’une génération fictive soumise aux conditions de mortalité par âge de l’année considérée.

Espérance de vie en bonne santé : c’est la durée de vie moyenne en bonne santé – c’est-à-dire sans limitation irréversible d’activité dans la vie quotidienne ni incapacités – d’une génération fictive soumise aux conditions de mortalité et de morbidité de l’année.

Années de vie perdues : c’est un indicateur de mortalité prématurée. Il représente le nombre d’années de vie perdues à cause d’une maladie ayant conduit à un décès prématuré par rapport à l’espérance de vie de la population.

Années de vie vécues en situation d’incapacité : c’est un indicateur qui permet d’estimer la morbidité, c’est à dire le « poids d’une maladie » en termes d’incapacité en années vécues avec l’incapacité pour une maladie donnée. Ce nombre d’années est pondéré en fonction de la nature de l’incapacité.

DALYs (disability-adjusted life years) : c’est le nombre d’années de vie en bonne santé « perdues » à cause de la maladie, du handicap, de la mort, il est la somme des deux indicateurs précédents (Années de vie perdues + Années de vie vécues en situation d’incapacité).

Une amélioration de l’espérance de vie et de l’espérance de vie en bonne santé

Les résultats de l’analyse confirment que sur la période considérée (1990 à 2019), l’espérance de vie à la naissance en France s’est améliorée au fil du temps, passant de 77,2 ans en 1990 à 82,9 ans en 2019, ce qui classe la France à la septième position pour l’espérance de vie la plus élevée, parmi les 23 pays d’Europe de l’ouest étudiés dans ce travail. Par ailleurs, les français vivent en moyenne plus longtemps en bonne santé, avec une espérance de vie en bonne santé qui a aussi progressé passant de 67 à 71,5 ans, plaçant cette fois-ci la France en quatrième position du classement.

L’accroissement de la longévité de vie en bonne santé permet de faire des hypothèses sur des progrès qui ont pu être réalisés à plusieurs niveaux, comme par exemple une meilleure prise en charge des maladies ou une prévention plus adaptée, permettant de limiter la survenue des maladies. Cette étude permet ainsi d’estimer le poids des maladies selon leur impact sur les différents indicateurs de la GBD.

En comparaison avec les autres pays européens, les maladies cardiovasculaires sont moins impliquées dans la morbidité et la mortalité en France.

« Nous avons observé une charge de morbidité moins importante due aux accidents vasculaires cérébraux et aux cardiopathies ischémiques en France que dans d’autres pays d’Europe occidentale. Ce résultat observé précédemment pourrait s’expliquer par une prévalence plus faible de nombreux facteurs de risque cardiovasculaires (hypertension, diabète) et d’un mode de vie plus sain (exercice, alimentation) en France. Il faut continuer à poursuivre les efforts pour prévenir et traiter ces pathologies dont la prévalence demeure néanmoins importante », expliquent les auteurs.

Il est aussi important de mieux prendre en charge les troubles de santé mentale (parmi eux les troubles dépressifs et anxieux en particulier) et les troubles musculo-squelettiques (les douleurs lombaires en particulier) représentent le principal motif d’années vécues avec une incapacité. L’étude souligne aussi que des progrès sont à faire vis-à-vis de la prévention des cancers, notamment en poursuivant les efforts pour lutter contre le tabagisme. En effet, les cancers constituent toujours la première cause de mortalité en France, comme dans les autres pays européens.

« Dans l’ensemble, ces résultats mettent en évidence une nette tendance à l’amélioration de l’état de santé en France. Ils doivent inciter les décideurs à concevoir des stratégies d’intervention pour réduire la charge de morbidité et de mortalité, en accordant une attention particulière aux causes telles que les cancers, les maladies cardiovasculaires, la santé mentale et les troubles musculo-squelettiques », soulignent les auteurs.

Cette étude constitue donc une ressource précieuse, complémentaire de la surveillance épidémiologique régulière mise en œuvre notamment par Santé publique France, pour orienter les politiques publiques et mettre en place des mesures pertinentes afin d’améliorer la prévention et l’accès au soin. Elle représente également une première étape importante pour mieux appréhender l’impact qu’a eu la pandémie de Covid-19 sur la santé des Français. La même étude devra maintenant être menée avec les données collectées à l’issue de la crise sanitaire sur ces mêmes indicateurs clés, afin de mettre en évidence des éventuelles évolutions de l’état de santé de la population.

La consommation de certains additifs alimentaires émulsifiants serait associée à un risque accru de cancers

© Mathilde Touvier/Inserm

Les émulsifiants sont parmi les additifs les plus fréquemment utilisés par l’industrie agroalimentaire. Leur usage vise à améliorer la texture des produits tout en prolongeant leur durée de conservation. Des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, d’INRAE, de l’Université Sorbonne Paris Nord, d’Université Paris Cité et du Cnam, regroupés au sein de l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Cress-Eren), ont entrepris d’étudier les possibles liens entre les apports alimentaires en additifs émulsifiants et la survenue des cancers. Ils ont analysé les données de santé de 92 000 adultes participant à l’étude de cohorte française NutriNet-Santé, en évaluant spécifiquement leur consommation de ce type d’additifs alimentaires. Les résultats de cette recherche suggèrent une association entre l’ingestion de certains additifs émulsifiants et un risque accru de cancers, en particulier du sein et de la prostate ; résultats qui ont été publiés dans la revue PLoS Medicine.

En Europe et en Amérique du Nord, 30 à 60 % de l’apport énergétique alimentaire des adultes provient d’aliments ultra-transformés. De plus en plus d’études épidémiologiques suggèrent un lien entre une consommation élevée d’aliments ultra-transformés et un risque accru d’obésité, de maladies cardiométaboliques et de certains cancers.

Les émulsifiants figurent parmi les additifs les plus couramment utilisés dans ces aliments. Ils sont souvent ajoutés aux aliments industriels transformés et emballés tels que certaines pâtisseries, gâteaux et desserts, glaces, barres chocolatées, pains, margarines et plats préparés, afin d’améliorer leur apparence, leur goût, leur texture et leur durée de conservation. Ils comprennent notamment les mono- et diglycérides d’acides gras, les carraghénanes, les amidons modifiés, les lécithines, les phosphates, les celluloses, les gommes et les pectines.

Comme pour tous les additifs alimentaires, la sécurité des émulsifiants a été précédemment évaluée sur la base des preuves scientifiques disponibles à l’époque. Pourtant, certaines recherches récentes suggèrent que les émulsifiants pourraient perturber le microbiote intestinal et augmenter le risque d’inflammation, pouvant potentiellement favoriser la survenue de certains cancers. Pour la première fois au niveau international, une équipe de chercheuses et chercheurs français s’est intéressée aux relations entre les apports alimentaires en émulsifiants et le risque d’apparition de plusieurs localisations de cancers dans une grande étude en population générale.

Les résultats sont fondés sur l’analyse des données françaises de 92 000 adultes (âge moyen 45 ans ; 79 % de femmes) qui ont participé à l’étude de cohorte NutriNet-Santé (voir encadré ci-dessous) entre 2009 et 2021.

Les participants ont renseigné en ligne tous les aliments et boissons consommés et leur marque (pour les produits industriels), sur au moins 3 journées d’enregistrements alimentaires, avec la possibilité de réactualiser leurs données de consommation tous les 6 mois. Ces enregistrements ont été mis en relation avec des bases de données afin d’identifier la présence et la dose des additifs alimentaires (dont les émulsifiants) dans les produits consommés. Des dosages en laboratoire ont également été effectués pour fournir des données quantitatives.

Au cours du suivi, les participants ont déclaré la survenue de cancers (2 604 cas diagnostiqués), et un comité médical a validé ces déclarations après examen des dossiers médicaux. Plusieurs facteurs de risque bien connus pour les cancers, notamment l’âge, le sexe, le poids (IMC), le niveau d’éducation, les antécédents familiaux, le tabagisme, l’alcool et les niveaux d’activité physique, ainsi que la qualité nutritionnelle globale de l’alimentation (par exemple, les apports en sucre, en sel, en énergie) et le statut ménopausique ont été pris en compte.

Après un suivi moyen de 7 ans, les chercheurs ont constaté que des apports plus élevés en monoglycérides et diglycérides d’acides gras (E471) étaient associés à des risques accrus de cancers au global (une augmentation de 15 % du risque chez les plus forts consommateurs – 3e tertile – par rapport aux plus faibles consommateurs – 1er tertile), de cancers du sein (une augmentation de 24 % du risque), et de cancers de la prostate (une augmentation de 46 % du risque). D’autre part, les femmes ayant des apports plus élevés en carraghénanes (E407 et E407a) avaient 32 % de plus de risque de développer des cancers du sein, par rapport au groupe ayant des apports plus faibles.

Il s’agit de la première étude observationnelle en la matière, qui ne suffit donc pas, à elle seule, à établir de lien de cause à effet. Les auteurs soulignent certaines limites à cette étude. Par exemple, la proportion élevée de femmes, le niveau d’éducation plus élevé en moyenne et les comportements globalement plus soucieux de la santé parmi les participants à l’étude NutriNet-Santé par rapport à la population française en général, qui peuvent limiter la généralisation des résultats.

Néanmoins, l’échantillon de l’étude était de grande ampleur et les auteurs ont pu tenir compte d’un large éventail de facteurs potentiellement confondants, tout en utilisant des données détaillées et uniques sur les expositions aux additifs alimentaires, allant jusqu’à la marque des produits industriels consommés. De plus, les résultats sont restés inchangés après de multiples analyses de sensibilité, renforçant ainsi leur robustesse.

« Si ces résultats doivent être reproduits dans d’autres études à travers le monde, ils apportent de nouvelles connaissances clés au débat sur la réévaluation de la réglementation relative à l’utilisation des additifs dans l’industrie alimentaire, afin de mieux protéger les consommateurs », expliquent Mathilde Touvier, directrice de recherche à l’Inserm, et Bernard Srour, professeur junior à INRAE, principaux auteurs de l’étude.

L’étude NutriNet-Santé est une étude de santé publique coordonnée par l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (CRESS-EREN, Inserm/INRAE/Cnam/Université Sorbonne Paris Nord/Université Paris Cité), qui, grâce à l’engagement et à la fidélité de plus de 170 000 « nutrinautes », fait avancer la recherche sur les liens entre la nutrition (alimentation, activité physique, état nutritionnel) et la santé. Lancée en 2009, l’étude a déjà donné lieu à plus de 270 publications scientifiques internationales. Un appel au recrutement de nouveaux nutrinautes est toujours en cours afin de continuer à faire avancer la recherche publique sur les relations entre la nutrition et la santé.

En consacrant quelques minutes par mois à répondre, via Internet, sur la plateforme sécurisée etude-nutrinet-sante.fr, aux différents questionnaires relatifs à l’alimentation, à l’activité physique et à la santé, les participants contribuent à faire progresser les connaissances, vers une alimentation plus saine et plus durable.

Covid-19 : étude de l’efficacité des mesures instaurées contre le virus en France

vaccin anti covid

Les scientifiques ont travaillé à partir d’un modèle mathématique et de données publiques disponibles en France par département. © Adobe Stock

Des chercheurs de l’université et du CHU de Bordeaux, de l’Inserm et d’Inria publient des estimations sur l’efficacité des mesures restrictives (confinement, couvre-feu…) et de la politique vaccinale à partir d’une modélisation mathématique des données françaises. Ces résultats sont publiés dans la revue Epidemics.

La crise sanitaire de Covid-19 a provoqué une situation inédite, du fait du nombre considérable de décès et d’hospitalisations mais aussi en termes de mesures instaurées pour lutter contre la propagation du virus : confinement, couvre-feu, fermeture des écoles et des frontières… Peu de données étaient disponibles à ce moment-là pour mesurer leur efficacité. Près de 3 ans après le début de la pandémie, il est primordial d’estimer l’impact de ces mesures ainsi que l’efficacité du vaccin afin de se préparer à d’éventuelles nouvelles épidémies. Il faut aussi tenir compte des coûts économiques, psychologiques et sociétaux de ces mesures.

Des chercheurs de l’université et du CHU de Bordeaux, de l’Inserm et du Centre Inria de l’université de Bordeaux, associés à des chercheurs canadiens de l’université de McGill, ont travaillé à partir d’un modèle mathématique et de données publiques disponibles en France par département, entre mars 2020 et octobre 2021. Ils publient, dans la revue Epidemics, des estimations précises de l’effet des mesures de confinement, couvre-feu et vaccination.

Impact majeur des confinements et couvre-feux

Leurs résultats montrent que les mesures les plus restrictives telles que le confinement et le couvre-feu ont eu un effet important sur la réduction de transmission du virus. Le premier confinement a été le plus efficace avec une réduction de la transmission de 84 %. Un couvre-feu à 18h était plus efficace qu’à 20h (réduction de 68% contre 48%). Bien que les fermetures d’écoles aient eu un
effet plus limité, elles ont tout de même réduit la transmission de 15%.

Rodolphe Thiébaut, professeur en Santé Publique au centre de recherche Bordeaux Population Health1 et responsable de cette étude, explique que ces données sont cohérentes avec d’autres études déjà publiées, notamment par l’OMS. « Bien que l’exercice soit complexe d’estimer un nombre de personnes sauvées par une intervention spécifique, toutes les études retrouvent un impact majeur du confinement et de la vaccination. »

Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont aussi simulé différents scénarios, comme prédire une situation sans vaccin, jusqu’à la fin de la période d’analyse (octobre 2021). Leurs données prédisent 159 000 décès supplémentaires et 1,48 millions en plus de cas d’hospitalisation en France en l’absence de vaccination. Soit le double de décès car l’épidémie a causé 116 000 décès dans notre pays et entraîné 460 000 hospitalisations (selon l’INSEE).

Dans un scénario inverse, c’est-à-dire avec un vaccin au bout de 100 jours – ce qui était au départ l’objectif de la Coalition internationale pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI)2 – 71 000 décès et 384 000 hospitalisations auraient pu être évités soit près de 80 % des décès et ¾ des hospitalisations. « Ce résultat met l’accent sur l’importance d’un déploiement rapide et précoce des vaccins », déclare le professeur Rodolphe Thiébaut.

Il souligne la nécessité de prendre d’ores et déjà en compte cette question dans le cadre hypothétique d’une nouvelle pandémie, et donc de mettre en place une stratégie de recherche et développement vaccinal optimale.

Enfin, une simulation a montré qu’un confinement en France une semaine plus tôt aurait permis d’éviter 20 000 décès. Le chercheur en santé publique commente ces chiffres : « Le début d’une épidémie est exponentiel. C’est évidemment une décision lourde de confiner tout un pays mais ces résultats peuvent contribuer à la prise rapide de décisions dans le cadre de résurgences épidémiques. »

Il faut rappeler qu’il s’agit d’un travail méthodologique avec certaines limites qui doivent être prises en compte dans l’interprétation des résultats : la structure d’âge n’a pas pu être prise en compte (ce qui peut conduire à une sous-estimation de l’efficacité du vaccin)3, tout comme la fermeture des commerces non-essentiels ou encore l’effet propre des gestes barrières. Par ailleurs, les données ne peuvent pas d’emblée être généralisées à d’autres pays.

 

1 Rodolphe Thiébaut est professeur de santé publique (biostatistique et informatique médicale) à l’université de Bordeaux et chef du service d’information médicale du CHU de Bordeaux. Il dirige le groupe de recherche Statistiques pour la médecine translationnelle (SISTM de l’Inserm et du centre Inria de l’université de Bordeaux), consacré à la modélisation et à l’étude statistique de données de grande dimension et est rattaché au Centre de recherche Bordeaux Population Health (BPH – unité Inserm et université de Bordeaux).

2 La Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI, Coalition for Epidemic Preparedness Innovations) a été créée à l’occasion du forum mondial de Davos, afin de financer le développement de vaccins contre les maladies infectieuses émergentes et à en garantir un accès équitable à l’ensemble des populations affectées.

3 les personnes plus âgées, qui sont plus exposées aux maladies graves, à l’hospitalisation et au décès, ont été vaccinées en premier et ont une couverture vaccinale plus élevée que les groupes d’âge plus jeunes.

Cinq avancées marquantes à l’Inserm en 2023

© Inserm

L’année 2023 s’achève et non sans succès pour la recherche à l’Inserm. Afin de commencer 2024 sous les meilleurs auspices, nous vous proposons de revenir sur cinq avancées scientifiques qui ont marqué 2023 et qui témoignent du dynamisme de la recherche au sein de l’institut et au bénéfice des patients. Nous en profitons pour vous présenter nos meilleurs vœux pour cette nouvelle année qui débute.

Novembre 2023. Une neuroprothèse permet à un patient atteint de la maladie de Parkinson de retrouver une marche fluide

Des troubles de la marche invalidants surviennent chez environ 90 % des personnes qui présentent un stade avancé de la maladie de Parkinson. Ces troubles résistent souvent aux traitements actuellement disponibles. Développer de nouvelles stratégies permettant aux patients de remarcher avec fluidité, en écartant le risque de chute, constitue donc une priorité pour les équipes de recherche qui travaillent sur cette maladie depuis de longues années.

En 2023, une équipe de recherche franco-suisse a ainsi conçu et testé une « neuroprothèse » destinée à corriger les troubles de la marche associés à la maladie de Parkinson. Dans une étude publiée dans Nature Medicine, les scientifiques de l’Inserm et du CHUV (Lausanne) détaillent le processus de développement de la neuroprothèse utilisée pour traiter un premier patient atteint de la maladie de Parkinson. Ils décrivent comment, grâce à ce dispositif, celui-ci est parvenu à retrouver une marche fluide, confiante et sans chute.

Toutefois, à ce stade, ce concept thérapeutique a démontré son efficacité seulement chez une personne. L’implant doit encore être optimisé pour un déploiement à grande échelle.

 

Novembre 2023 – Une thérapie par ultrasons non invasive efficace dans le traitement des maladies des valves cardiaques

Actuellement, le traitement des maladies des valves cardiaques repose sur le remplacement de la valve dysfonctionnelle par une prothèse artificielle. Cette intervention ne peut toutefois pas être proposée à tous les patients, compte tenu de son caractère invasif.

Trouver une alternative thérapeutique représente donc un enjeu de taille pour la recherche. Une équipe issue des laboratoires académiques français de l’Inserm a récemment développé et testé une nouvelle approche appelée « thérapie par ultrasons non invasive ».

Cette technologie permet de réparer la valve aortique grâce à l’action précise et mécanique d’ultrasons focalisés de haute énergie délivrés par un dispositif appliqué sur le thorax du patient, dans le but d’assouplir la valve et d’améliorer ainsi son ouverture.

L’étude, publiée dans The Lancet en 2023, rapporte l’efficacité d’un essai clinique réalisé sur un échantillon de 40 patients, avec une amélioration significative de leur fonction cardiaque, ainsi qu’une amélioration de leur qualité de vie.

Le dispositif appelé Valvosoft® fait actuellement l’objet d’études cliniques de sécurité et d’efficacité. Il n’a pas encore reçu d’autorisation de mise sur le marché et est pour le moment destiné exclusivement aux études cliniques.

 

Mars 2023. Coqueluche : un nouveau vaccin intranasal sûr et plus efficace

Hautement infectieuse et potentiellement mortelle chez le nourrisson, la coqueluche, causée par la bactérie Bordetella pertussis, continue de circuler largement à travers le monde. En effet, si les vaccins utilisés actuellement protègent contre l’apparition des symptômes, ils ne permettent pas d’empêcher la transmission bactérienne entre individus, ni l’infection qui en résulte.

En 2023, une équipe de recherche internationale a montré, dans un essai clinique de phase 2, l’efficacité et la sûreté chez l’adulte d’un nouveau vaccin nasal contre la coqueluche.

Ces résultats suggèrent que ce nouveau vaccin, capable d’empêcher la colonisation bactérienne des voies respiratoires, constituerait un atout pertinent pour briser les chaînes de transmission épidémiques de la maladie.

Les 300 participants à cette étude étant tous des adultes, une étude a ensuite été lancée, et est en cours, pour évaluer plus spécifiquement l’efficacité et l’innocuité de ce vaccin chez les enfants en âge d’aller à l’école, lieu critique de transmission de la maladie.

 

Mars 2023. Nouvelle étape franchie dans le développement d’un vaccin efficace contre l’asthme allergique

Les acariens sont la bête noire des personnes souffrant d’asthme allergique (qui représentent 50 % des cas d’asthme). Cette maladie chronique est responsable d’une inflammation des bronches et d’une gêne respiratoire lorsqu’un allergène – comme les acariens – est inhalé. Les symptômes sont déclenchés par une surproduction d’anticorps immunoglobulines E (IgE) et de protéines dites « cytokines de type 2 », appelés les IL-4 et IL-13.

A l’heure actuelle, les corticoïdes inhalés sont les médicaments de référence pour contrôler l’asthme. Cependant, dans le cas d’asthme allergique sévère, ce traitement ne suffit pas toujours. Il faut alors avoir recours à des traitements par anticorps monoclonaux thérapeutiques ciblant justement les IgE ou les voies IL-4 et IL-13. Or ces médicaments sont très onéreux et contraignent les patients à effectuer des injections pendant des années, voire tout au long de leur vie.

Une équipe de recherche a donc développé un vaccin qui induit la production d’anticorps qui s’attaquent justement aux cytokines IL-4 et IL-13, et confère une protection durable dans des modèles d’asthme allergique. Les résultats, publiés dans la revue Allergy, ouvrent la voie à l’organisation d’un essai clinique.

 

Juin 2023. Cannabis :  enfin un traitement contre l’addiction ?

La France compte l’un des plus hauts niveaux de consommation de cannabis au monde : près de 40 % des jeunes de 17 ans indiquent par exemple une consommation au cours de l’année écoulée.

Le THC, abréviation de « tétrahydrocannabinol », est le composé qui entraîne la majorité des effets psychoactifs du cannabis, tels que l’euphorie et l’altération de la perception.

En 2023, une équipe de chercheurs et chercheuses de l’Inserm[1] a publié les résultats d’un essai clinique de phase 2 dans la revue Nature Medicine. Ceux-ci révèlent l’efficacité d’un traitement de l’addiction au cannabis, qui a été testé sur 26 participants. Baptisé AEF0117, ce médicament inhibe le récepteur CB1 situé sur les neurones, où se fixe la molécule THC du cannabis.

Résultats : non seulement AEF0117 a atténué les effets liés à l’addiction, mais il a aussi réduit chez les participants l’envie de consommer. Ceci, sans induire un sevrage ou des effets indésirables notables. Il reste maintenant à déterminer la dose la plus efficace du médicament puis à confirmer ses bénéfices, dans le cadre d’un essai sur un éventail plus large de participants.

[1] Cette étude a été portée par la société bordelaise Aelis Farma

Retrouvez le livret “Les avancée scientifiques 2023”, une sélection de découvertes passionnantes majeures, dans tous les champs de la recherche biomédicale, de l’échelle moléculaire à l’étude des populations : mécanismes biologiques, génétique, neurologie, cancers, métabolisme, épidémiologie…

Grandes causes de décès en France en 2021

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2La Covid-19 reste en 2021 la 3ème cause de mortalité. Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 © Philippe Roingeard, Anne Bull-Maurer, Sonia Georgeault, unité Inserm U1259 MAVIVH & Université de Tours, France)

Le Centre d’épidémiologie des causes médicales de décès de l’Inserm (CépiDc-Inserm), la Direction de la recherche, des études et de l’évaluation des statistiques (DREES) et Santé Publique France analysent les causes médicales de décès des personnes résidentes et décédées en France en 2021. Deux études complémentaires, qui présentent ces résultats, sont publiées conjointement dans Études et Résultats (DREES) et dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (Santé publique France). Elles s’appuient sur la statistique nationale des causes de décès produite par le CépiDc de l’Inserm à partir du recueil exhaustif et de l’analyse des volets médicaux des certificats de décès. L’article du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) analyse les grandes causes de décès en 2021 en comparaison à la période 2015-2019 et à 2020. Il souligne des évolutions en rupture avec les tendances récentes. La publication Études et Résultats détaille, quant à elle, l’évolution de la mortalité due à la Covid-19 mois après mois et par région. Elle examine aussi les évolutions des lieux institutionnels de décès selon la cause. Enfin, elle présente une première estimation des causes de décès en 2022.

En 2021, le nombre total de décès est de 660 168, inférieur à celui de 2020 (667 497 décès), mais il demeure nettement supérieur à celui des années précédentes même en tenant compte du vieillissement de la population. L’année 2021 se caractérise par la montée en charge de la campagne de vaccination contre la Covid-19 en complément des mesures de gestion et de prévention liées à la circulation de Sars-CoV-2.

 

La Covid-19, toujours la 3ème cause de décès en 2021

En 2021, la Covid-19 reste la 3ème cause de décès en France (9,2 % de l’ensemble des décès) derrière les tumeurs (25,7 %), première cause et les maladies de l’appareil circulatoire (20,9%), seconde cause. La Covid-19 a directement causé le décès de 60 895 personnes en France en 2021, en majorité des personnes âgées (âge médian de 84 ans), qui étaient légèrement plus jeunes qu’en 2020 (âge médian de 86 ans en 2020).

Comme détaillé dans Études et Résultats, le nombre de décès imputés à la Covid-19 a beaucoup évolué selon les mois de l’année, mais de façon différenciée selon les classes d’âges, avec en particulier une baisse prononcée des décès des personnes de plus de 85 ans tout au long du 1er semestre, alors que pour les personnes moins âgées, les évolutions ont été moins marquées. Ces évolutions par âge au cours de l’année peuvent être reliées au calendrier vaccinal contre la Covid-19 et à celui des mesures de gestion et de protection des personnes.

Les deux-tiers des décès dus à la Covid-19 en 2021 ont eu lieu dans des établissements publics de santé, qui n’enregistrent par ailleurs que 43 % des décès toutes causes confondues.

Par ailleurs, la mortalité due à la Covid-19 s’est intensifiée dans les départements et régions d’outre-mer (DROM) par rapport à 2020, avec en particulier un pic épidémique marqué en août 2021 aux Antilles. Enfin, les régions de l’hexagone ont été touchées de façon hétérogène par l’épidémie, et on note, par rapport à 2020, une extension vers le sud et, plus légèrement, vers l’ouest.

 

Une rupture dans la tendance de certaines grandes causes en 2021

La mortalité due aux tumeurs continue de baisser tendanciellement, à l’exception des tumeurs du pancréas et des mélanomes, toujours en hausse.

L’analyse des causes de décès met en évidence des hausses notables de la mortalité due aux maladies de l’appareil circulatoire en 2021 et aux maladies endocriniennes et de l’appareil digestif dès 2020. Ces hausses sont en rupture par rapport aux tendances des années 2015-2019, comme le détaille l’article du BEH. Les écarts relevés par rapport à la tendance passée sont cohérents avec les résultats internationaux.

Une première estimation des taux et du nombre de décès par cause, fondée sur un premier traitement complètement automatique des certificats de décès de 2022, suggère que ces hausses se poursuivraient en 2022.

Ces hausses de la mortalité pourraient être liées à des effets indirects de l’épidémie de Covid-19 (retard de prise en charge, isolement social plus important jouant sur les comportements, hausse de la consommation nocive d’alcool, difficultés d’accès aux soins, séquelles pour ceux dont la Covid-19 est en cause associée, …) sans qu’il soit à ce stade possible d’évaluer la part de ces facteurs sur la hausse observée. D’autres facteurs sans lien avec l’épidémie ne peuvent être exclus. Ces résultats incitent à mener des études complémentaires pour approfondir l’analyse de ces hausses de mortalité.

Enfin, la crise sanitaire a accentué la tendance à la hausse de la proportion des décès qui surviennent à domicile, alors que la majorité des décès dus à la Covid-19 a lieu à l’hôpital. On observe un déplacement des décès pour d’autres causes (notamment les tumeurs) des établissements vers le domicile. Cela peut s’expliquer en partie par le plus fort recours à l’hospitalisation à domicile, même en dehors des périodes de crise épidémique.

Manger de bonne heure pourrait réduire le risque cardiovasculaire

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Une étude pilotée par INRAE, l’Institut de santé globale de Barcelone, l’Inserm et l’université Sorbonne Paris Nord révèle que l’heure à laquelle nous mangeons au cours de la journée pourrait avoir une influence sur le risque de développer une maladie cardiovasculaire. Cette étude, menée sur un échantillon de plus de 100 000 personnes de la cohorte NutriNet-Santé, suivies entre 2009 et 2022, suggère que manger tardivement pour la première ou la dernière fois de la journée serait associé à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires. Il ressort également qu’une durée plus longue du jeûne nocturne est associée à une réduction du risque des maladies cérébrovasculaires, comme les AVC. Ces résultats, publiés dans Nature Communications, suggèrent l’importance du moment et du rythme de prise des repas au cours de la journée dans la réduction du risque de maladie cardiovasculaire.

Les maladies cardiovasculaires représentent la principale cause de mortalité dans le monde avec 18,6 millions de décès chaque année en 2019 selon le réseau Global Burden of Diseases, dont environ 7,9 seraient attribuables à l’alimentation. L’alimentation joue donc un rôle majeur dans le développement et l’évolution de ces maladies, et le mode de vie moderne des sociétés occidentales a conduit à des comportements alimentaires spécifiques comme la prise tardive du dîner ou le saut du petit-déjeuner. En plus de la lumière, le cycle quotidien des prises alimentaires (repas, collations…) en alternance avec les périodes de jeûne synchronise les horloges internes, ou rythmes circadiens, des différents organes du corps, influençant notamment des fonctions cardiométaboliques comme la régulation de la tension artérielle. La chrononutrition émerge donc comme un nouveau domaine d’importance pour comprendre la relation entre le moment de la prise alimentaire, les rythmes circadiens et la santé.

Dans ce contexte, les scientifiques ont utilisé les données de 103 389 participants de la cohorte NutriNet-Santé (dont 79 % de femmes avec un âge moyen de 42 ans) pour étudier les associations entre les rythmes de prise alimentaire et les maladies cardiovasculaires. Afin de réduire le risque de biais possibles, les chercheurs ont tenu compte d’un grand nombre de facteurs de confusion, en particulier les facteurs sociodémographiques (âge, sexe, situation familiale…), la qualité nutritionnelle de l’alimentation, le mode de vie et le cycle du sommeil.

Les résultats font ressortir qu’une première prise alimentaire de la journée plus tardive, par exemple liée au saut du petit-déjeuner, est associée à un risque plus élevé de maladie cardiovasculaire, avec une augmentation de 6 % du risque par heure. Par exemple, une personne qui a pour habitude de manger pour la première fois à 9 h 00 aurait 6 % de risque en plus d’avoir une maladie cardiovasculaire qu’une personne qui a l’habitude de manger à 8 h 00. Quant à la dernière prise alimentaire de la journée, manger tardivement, après 21 h 00, est associé à une augmentation de 28 % du risque de maladie cérébrovasculaire, comme les AVC (accident vasculaire cérébral), par rapport à une dernière prise alimentaire avant 20 h 00, en particulier chez les femmes. Enfin, une durée plus longue du jeûne nocturne, entre la dernière prise alimentaire de la journée et la première du lendemain, est associée à une réduction du risque de maladie cérébrovasculaire, ce qui serait donc en faveur d’une combinaison d’une heure précoce de la première et de la dernière prise alimentaire, simultanément.

Ces résultats, qui doivent être répliqués dans d’autres cohortes et via d’autres études scientifiques, soulignent un rôle potentiel du moment de la prise des repas dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Ils suggèrent qu’adopter l’habitude de prendre son premier et son dernier repas plus tôt avec une plus longue période de jeûne nocturne pourrait contribuer à prévenir les risques de maladie cardiovasculaire.

L’étude NutriNet-Santé est une étude de santé publique coordonnée par l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren-Cress, Inserm/INRAE/Cnam/université Sorbonne Paris Nord/université Paris Cité), qui, grâce à l’engagement et à la fidélité de plus de 175 000 « nutrinautes », fait avancer la recherche sur les liens entre la nutrition (alimentation, activité physique, état nutritionnel) et la santé. Lancée en 2009, l’étude a déjà donné lieu à plus de 270 publications scientifiques internationales. Un appel au recrutement de nouveaux nutrinautes est toujours lancé afin de continuer à faire avancer la recherche sur les relations entre la nutrition et la santé.

En consacrant quelques minutes par mois à répondre, via Internet, sur la plateforme sécurisée etude-nutrinet-sante.fr aux différents questionnaires relatifs à l’alimentation, à l’activité physique et à la santé, les participants contribuent à faire progresser les connaissances sur les relations entre l’alimentation et la santé.

Une nouvelle étude éclaircit le lien entre les symptômes de TDAH pendant l’enfance et plusieurs comorbidités médicales non psychiatriques

TDAH Le TDAH (ADHD en anglais) se manifeste par des niveaux élevés d’inattention et/ou d’agitation et d’impulsivité. © Adobe Stock

Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) touche de nombreux enfants et s’accompagne souvent de comorbidités, dont des troubles métaboliques, de l’asthme ou encore des caries dentaires. Cependant, des incertitudes demeurent concernant la chronologie de l’apparition de ces troubles, notamment pour savoir à quelles comorbidités le TDAH est associé au cours du temps et inversement, quelles conditions médicales augmentent le risque de développer des symptômes de TDAH. Des scientifiques de l’Inserm et de l’université de Bordeaux au sein du Centre de recherche sur la santé des populations, en collaboration avec des équipes au Royaume-Uni, en Suède et au Canada, ont mené l’analyse la plus complète jusqu’ici en évaluant les liens temporels entre les symptômes du TDAH et un large éventail de conditions médicales. Leurs résultats, publiés dans la revue Lancet Child and adolescent health, soulignent l’importance d’une prise en charge multidisciplinaire des patients TDAH, fondée sur une collaboration renforcée entre professionnels de santé physique et mentale.

Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est un trouble du neurodéveloppement qui débute dans l’enfance et se caractérise par des niveaux élevés d’inattention, et/ou d’agitation et d’impulsivité. Au-delà des difficultés qu’il engendre à l’école ainsi que dans la vie professionnelle et sociale, des travaux ont mis en évidence que le TDAH est associé à plusieurs comorbidités médicales (troubles métaboliques, asthme, obésité, addictions…) et à un risque accru de blessures accidentelles.

Néanmoins, les études publiées jusqu’ici pour y voir plus clair entre ces associations présentaient des limites méthodologiques. Réalisées sur des petits échantillons de patients, sans suivi de leur état de santé sur le long terme, elles ne permettaient pas de déterminer la direction des associations observées et la temporalité selon laquelle elles se mettaient en place. En outre, des facteurs de confusion comme les inégalités sociales de santé ou la prise de traitements médicamenteux étaient souvent insuffisamment pris en compte.

Il était donc difficile pour les scientifiques de répondre à un certain nombre de questions : les comorbidités apparaissent-elles avant ou après le développement du TDAH ? Sont-elles directement liées à ce trouble ou bien causées par d’autres facteurs ? Le TDAH peut-il être favorisé par des conditions médicales antérieures ? Comprendre les séquences temporelles de ces différentes associations est pourtant essentiel pour élaborer des stratégies de prise en charge et de prévention appropriées pour les patients.

L’équipe de Cédric Galera, chercheur au Centre de recherche sur la santé des populations de Bordeaux (Inserm/Université de Bordeaux) et pédopsychiatre, en collaboration avec des équipes britanniques, suédoises et canadiennes, a donc décidé d’analyser les données de plus de 2 000 enfants participant à une grande cohorte, l’Étude longitudinale du développement de l’enfant du Québec, menée au Canada. Les enfants ont été suivis de l’âge de 5 mois à 17 ans. Ils ont été vus à de multiples reprises, dans leur petite enfance (entre 5 mois et 5 ans), dans l’enfance (entre 6 et 12 ans) et à l’adolescence (entre 13 et 17 ans).

 

TDAH et autres troubles

À ces occasions, les enfants ont été évalués sur la gravité des éventuels symptômes de TDAH qu’ils présentaient ainsi que sur leur état physique (état de santé général, maladies éventuelles…). Ces données étaient rapportées aux chercheurs par la personne connaissant le mieux l’enfant dans la petite enfance, par les enseignants au milieu de l’enfance et par l’enfant lui-même à l’’adolescence.

S’appuyant sur ces données et en tenant compte de multiples facteurs de confusion, les scientifiques ont réalisé des analyses statistiques pour mesurer les associations entre le fait de présenter des symptômes de TDAH et celui de développer certains troubles physiques ultérieurs, et à l’inverse, entre le fait de présenter des problèmes physiques pendant l’enfance et de développer ensuite des symptômes du TDAH ultérieurs.

« Il s’agit de l’analyse la plus complète évaluant les liens temporels entre les symptômes du TDAH et un large éventail de conditions médicales, y compris les problèmes dermatologiques, les infections, les traumatismes, les conditions de sommeil et d’autres maladies chroniques. Nous avons cherché à évaluer les associations longitudinales possibles entre les symptômes du TDAH et un large éventail de conditions physiques, en tenant compte de plusieurs facteurs de confusion », explique Cédric Galera, qui est aussi le premier auteur de l’étude.

Les scientifiques ont ainsi montré que le fait d’avoir des symptômes de TDAH pendant la petite enfance était associé à un IMC élevé au milieu de l’enfance et à l’adolescence ainsi qu’à des blessures non intentionnelles pendant l’adolescence. À l’inverse, le fait d’avoir présenté des blessures involontaires pendant la petite enfance était associé à l’apparition ultérieure de symptômes de TDAH au milieu de l’enfance et à l’adolescence. Enfin, le syndrome des jambes sans repos pendant la petite enfance augmentait aussi le risque de TDAH au milieu de l’enfance.

« En éclaircissant les liens entre le TDAH et différentes comorbidités, ainsi que l’échelle temporelle à laquelle elles se mettent en place, notre étude renforce l’idée que les problèmes de santé physique et mentale sont imbriqués, et souligne la nécessité pour les professionnels de santé de toutes les disciplines de mieux travailler ensemble. Il faudrait par exemple que les médecins puissent réorienter vers d’autres champs disciplinaires au besoin. Plus on intervient tôt, plus on prévient les risques évolutifs associés au TDAH », souligne Cédric Galera.

Pour aller plus loin, l’équipe va continuer à s’intéresser à ces associations en étudiant les données recueillies chez le jeune adulte, entre 20 et 25 ans. En outre, les scientifiques souhaiteraient aussi mener des travaux similaires à partir des données françaises, en s’appuyant sur les grandes cohortes mises en place sur le territoire, comme la cohorte Elfe (Étude longitudinale française depuis l’enfance).

Antibiorésistance : un nouveau mécanisme observé en temps réel grâce à des techniques de microscopie innovantes

Depuis plusieurs années, le problème de l’antibiorésistance gagne du terrain. © Photo Hal Gatewood/Unsplash

Mieux comprendre la manière dont les bactéries acquièrent des résistances aux antibiotiques est un enjeu de recherche pour répondre à la problématique majeure de santé publique qu’est l’antibiorésistance. Le principal mécanisme de dissémination de ces résistances est appelé « transfert d’ADN par conjugaison bactérienne ». Jusqu’ici, on pensait qu’il ne pouvait se faire qu’entre bactéries en contact direct l’une avec l’autre. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS et de l’université Claude-Bernard – Lyon 1, au sein du laboratoire Microbiologie moléculaire et biochimie structurale, ont mis en lumière un nouveau mode de transfert de résistances entre bactéries, en démontrant pour la première fois, grâce à des techniques innovantes de microscopie, qu’un transfert d’ADN entre des cellules physiquement distantes est en fait possible. Ces résultats, ainsi que leurs nombreuses implications théoriques et cliniques, sont publiés dans le journal PNAS

Les antibiotiques ont permis de faire considérablement reculer la mortalité associée aux maladies infectieuses au cours du xxe siècle et ont donc constitué une avancée majeure dans le domaine de la médecine. Cependant, depuis plusieurs années, le problème de l’antibiorésistance gagne du terrain. En France, on comptabilise environ 5 500 décès liés à ce phénomène chaque année. De nombreuses équipes de recherche s’intéressent donc désormais au sujet, ce qui a permis d’accroître considérablement nos connaissances sur l’origine des résistances aux antibiotiques.

Ces résistances peuvent survenir par exemple via une mutation génétique affectant le chromosome de la bactérie, ou bien être liées à l’acquisition de matériel génétique étranger porteur d’un ou plusieurs gènes de résistance en provenance d’une autre bactérie.

Dans ce second cas, le transfert d’ADN de la bactérie résistante « donneuse » à la bactérie « receveuse » peut se faire selon plusieurs mécanismes, le principal étant connu sous le nom de « conjugaison bactérienne ». Il est au cœur des travaux de recherche menés par Christian Lesterlin, directeur de recherche Inserm, et son équipe de l’unité Microbiologie moléculaire et biochimie structurale (CNRS/Université Claude-Bernard – Lyon 1).

Pendant longtemps, la conjugaison bactérienne a été décrite comme un transfert d’ADN qui ne pouvait se faire que lorsque la bactérie donneuse était en contact physique direct avec la bactérie receveuse. L’établissement de ce contact implique un « pilus de conjugaison », un petit appendice tubulaire présent à la surface des bactéries donneuses qui permet la fixation à une bactérie receveuse.

« Le pilus peut être décrit comme une sorte de “grappin moléculaire” exposé à la surface de la bactérie donneuse et capable de s’étendre pour rechercher et s’arrimer à une bactérie receveuse. Le pilus est ensuite capable de se rétracter pour établir un contact de membrane à membrane entre les bactéries, avant le transfert d’ADN. Cependant, il y a 60 ans, des scientifiques ont proposé que ce pilus puisse aussi servir de tunnel par lequel passerait l’ADN, permettant au transfert de se faire à distance entre deux bactéries qui ne seraient pas directement en contact. Mais les recherches visant à obtenir une preuve directe d’un tel transfert sont longtemps restées infructueuses, laissant cette hypothèse en suspens », explique Christian Lesterlin.

Jusqu’à récemment en effet, il n’existait pas de technique de visualisation permettant d’observer directement le transfert d’ADN entre bactéries. Avec ses collègues, le généticien à l’Inserm a donc décidé d’utiliser des approches de microscopie à fluorescence innovantes, développées au sein de son laboratoire, pour visualiser directement la conjugaison entre cellules vivantes. Ce type d’approche avait déjà porté ses fruits une première fois en 2019, quand l’équipe avait observé en direct l’acquisition de résistances aux antibiotiques par une bactérie E. Coli[1].

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont développé une technique permettant de visualiser en temps réel et pour la première fois le transfert d’ADN à travers le pilus étendu, qui établit un contact entre deux bactéries physiquement distantes.

Image de microscope à fluorescence Image de microscope à fluorescence montrant le transfert de l’ADN (en jaune) à travers le pilus de conjugaison de la bactérie donneuse (vert) à une bactérie receveuse (rouge). © Kelly Goldlust – Lesterlin LAB (MMSB, Lyon)

« Nos observations en microscopie démontrent sans équivoque que le pilus a une double fonction. Il permet d’établir un contact direct entre deux cellules, mais il peut aussi servir de conduit pour l’ADN pendant le transfert entre des cellules physiquement éloignées. Ces résultats contribuent à actualiser nos connaissances à propos du transfert de résistance par conjugaison bactérienne, en montrant que, dans certains cas, il n’est pas nécessaire que les bactéries soient en contact direct pour que l’ADN soit transféré et qu’une dissémination de résistance ait lieu », souligne Christian Lesterlin.

Ces travaux favorisent ainsi une meilleure compréhension des mécanismes de dissémination de l’antibiorésistance. En effet, le fait de savoir que deux bactéries physiquement distantes peuvent échanger leur ADN permet d’envisager que des transferts de résistance puissent avoir lieu dans différents environnements où le contact direct entre bactéries est rendu plus difficile par la complexité ou la viscosité du milieu, comme au sein de l’intestin par exemple.

Enfin, en mettant en lumière un mode de transfert de l’ADN jusqu’alors mal caractérisé, ce travail pourrait aussi à plus long terme ouvrir la voie au développement d’outils thérapeutiques visant à cibler et à inhiber ces mécanismes de transmission de la résistance aux antibiotiques entre bactéries.

Pour en savoir plus : consulter le dossier Résistance aux antibiotiques sur  inserm.fr

[1]S. Nolivos et al., Science, 24 mai 2019 ; doi : 10.1126/science.aav6390

Les paquets de couches pour bébés véhiculent des images non conformes aux recommandations de prévention de la mort subite

Image conforme aux recommandations de couchage des nourrissons

La position de couchage sur le ventre a été identifiée comme le facteur de risque majeur du syndrome de mort subite du nourrisson au début des années 1990.  Image libre de droits – Association Naître et Vivre et ANCReMIN.

Dans plusieurs pays européens où les taux d’incidence de la mort subite du nourrisson sont élevés, il est noté aussi une fréquence élevée de pratiques parentales de couchage « à risque ». On sait aussi que les images véhiculant des messages de santé implicites ou explicites modifient les pratiques en santé. Des chercheuses et chercheurs de l’Inserm, des enseignants-chercheurs d’Université Paris Cité et de HEC Paris, en collaboration avec l’AP-HP, le CHU de Nantes et d’autres structures de recherche européennes, ont étudié les images présentes sur les emballages de couches pour bébés dans 11 pays européens dont la France. Ils ont montré qu’un taux très élevé de visuels était non conforme aux recommandations de couchage des nourrissons, avec de très nombreuses images représentant des bébés endormis couchés sur le ventre ou le côté, sur une literie molle ou entourés d’accessoires pouvant les étouffer ou encore partageant la surface de couchage avec une autre personne. Ces résultats soulignent le décalage entre les visuels utilisés sur les emballages et les recommandations de couchage des nourrissons. Ils devraient inciter les fabricants et le législateur à prendre des mesures pour rendre ces produits, et plus généralement toutes les photographies commerciales et officielles, conformes aux recommandations pour la prévention de la mort subite du nourrisson. L’étude est publiée dans The Journal of Pediatrics.

Le syndrome de mort subite du nourrisson est la mort inattendue d’un nourrisson[1] de moins d’un an qui reste inexpliquée après une enquête complète, comprenant un examen des antécédents, une observation de la scène du décès et une autopsie. La position de couchage sur le ventre a été identifiée comme le facteur de risque majeur du syndrome de mort subite du nourrisson au début des années 1990. D’autres facteurs de risque liés à l’environnement de couchage ont ensuite été identifiés, notamment des surfaces de couchage ou environnantes molles (oreiller, jouet ressemblant à un oreiller, peluche, couette, édredon, peau de mouton, couverture, drap de matelas non ajusté, ou tour de lit) et le partage de la surface de couchage avec une autre personne (parent, frère, sœur…).

Ces travaux épidémiologiques ont conduit à l’élaboration et à la diffusion de recommandations internationales pour le couchage sécurisé des nourrissons. L’implémentation de ces recommandations, à partir des années 1990, a permis de diminuer de 80 % l’incidence de la mort subite en France, qui se situe aujourd’hui entre 250 et 350 décès par an. Cependant, dans plusieurs pays européens dont la France, les taux d’incidence de la mort subite du nourrisson ne baissent plus ou très faiblement, et une fréquence élevée de pratiques parentales de couchage non conformes aux recommandations a été notée.

D’après la littérature scientifique, on sait que les images véhiculant des messages de santé implicites ou explicites se sont montrées efficaces pour modifier de nombreuses pratiques en santé (consommation d’alcool pendant la grossesse, allaitement maternel…). On sait aussi que si les images publicitaires ont historiquement constitué d’importants outils de persuasion, elles ont également toujours été une source d’information auprès des consommateurs.

Des études sur l’évaluation d’images de bébés endormis dans des magazines pour parents, des journaux, des brochures de lits pour bébés, des sites internet de banques de photos commerciales ou encore sur le réseau social Instagram® ont montré des taux alarmants de non-conformité avec les recommandations pour le couchage sécurisé des nourrissons allant de 35 à 93 % selon les supports.

Dans ce contexte, des chercheurs et enseignants-chercheurs de l’Inserm, d’Université Paris Cité, de HEC Paris, de l’AP-HP et du CHU de Nantes, en collaboration avec d’autres structures de recherche européennes, ont eu l’idée d’étudier, en Europe, la conformité avec les recommandations pour le couchage sécurisé des nourrissons des images présentes sur une surface à laquelle les parents sont très souvent exposés : les emballages de couches.

Les scientifiques ont recherché de manière systématique sur internet les emballages de couches pour bébés vendus dans 11 pays européens pour les nourrissons de moins de 5 kg, car ce sont eux les plus à risque de mort subite.

Pour chaque emballage identifié, ils ont extrait les données suivantes : y avait-il une image représentant un bébé, le bébé dormait-il et, le cas échéant, le bébé dormait-il en conformité avec 3 des 7[2] recommandations de prévention de mort subite du nourrisson pouvant être facilement évaluées sur des images ? Des analyses statistiques (dites « méta-analyses ») ont ensuite été réalisées à partir des données obtenues dans chaque pays pour fournir des taux de non-conformité.

L’équipe de recherche a ainsi identifié 631 emballages de couches pour bébés de moins de 5 kilos. Sur 49 % d’entre eux, une image représentait un bébé endormi. Les analyses indiquent que 79 % des paquets représentant un bébé endormi, soit 39 % de l’ensemble des paquets, étaient non conformes avec au moins une recommandation de prévention de la mort subite.

Ainsi, on pouvait observer un bébé endormi en position ventrale ou latérale sur 45 % de ces paquets, avec une literie ou un objet mous (oreiller, jouet ressemblant à un oreiller, peluche, couette, édredon, peau de mouton, couverture, drap de matelas non ajusté, ou tour de lit) sur 51 % d’entre eux, ou partageant la surface de couchage avec une autre personne sur 10 % d’entre eux.

 

Exemples d’emballages de couches pour bébés en Europe avec une image non conforme aux recommandations de prévention de la mort subite du nourrisson : bébé ne dormant pas sur le dos (A, C) ; bébé dormant avec une literie ou un objet mou (oreiller, couverture, peluche) (A, B, C, D) ; bébé partageant la surface de couchage avec une autre personne (D)

Les chercheurs ont conduit aussi une recherche, cette fois non systématique, sur les sites internet d’agences sanitaires ou de sociétés savantes et ont là encore trouvé des images non conformes.

« Nos résultats soulignent qu’il y a un décalage entre les messages qui sont véhiculés sur ces produits du quotidien ou des sites institutionnels, auxquels de nombreux parents sont fortement exposés, et les recommandations pour la prévention de la mort subite. Ces résultats suggèrent la nécessité d’actions de la part des fabricants et des législateurs pour empêcher cette exposition à des images commerciales ou officielles non conformes aux recommandations de prévention de la mort subite du nourrisson afin de prévenir des pratiques de couchage dangereuses. Fabricants et législateurs participeraient ainsi pleinement à la juste information en santé », conclut Martin Chalumeau, dernier auteur de l’étude, épidémiologiste à l’Inserm, professeur à Université Paris Cité et pédiatre à l’AP-HP.

 

[1]S de Visme et al., J Pediatr 2020 Nov; 226:179-185.e4. doi : 10.1016/j.jpeds.2020.06.052

[2] Les 7 recommandations de l’American Academy of Pediatrics : (1) coucher bébé sur le dos, (2) sur une surface ferme dans (3) un lit sécurisé (lit à barreaux, berceau, lit parapluie, parc), (4) dans la chambre des parents, (5) sans objets ou accessoires de literie mous sur, sous, à côté de bébé (oreiller, jouet ressemblant à un oreiller, peluche, couette, édredon, peau de mouton, couverture, drap de matelas non ajusté, ou tour de lit), (6) sans partager la surface de couchage avec une autre personne, et (7) en utilisant une tétine.

 

Améliorer son sommeil peut protéger sa santé cardiovasculaire

Des scientifiques ont étudié le risque d’accidents cardiovasculaires en lien avec cinq composantes du sommeil. © Adobe Stock

L’association entre troubles du sommeil et risque cardiovasculaire est déjà bien documentée. Apnées, déficit de sommeil, ou encore insomnie sont liés à un risque accru de maladies ou d’accidents cardiovasculaires. Mais une nouvelle étude parue dans l’European Heart Journal va beaucoup plus loin dans l’exploration de cette association. Menée par l’équipe de Jean-Philippe Empana, directeur de recherche Inserm, au sein du Centre de recherche cardiovasculaire à Paris (Inserm/Université Paris Cité), en collaboration avec le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV, Lausanne), cette étude montre que cinq composantes du sommeil pèsent un poids quasiment équivalent dans l’association avec le risque d’accidents coronariens et d’accidents vasculaires cérébraux, et que l’amélioration de l’une d’elle au cours du temps peut apporter un bénéfice significatif. Ces composantes sont la durée de sommeil chaque nuit, le chronotype (être du matin ou du soir), la fréquence des insomnies, les somnolences diurnes excessives et les apnées du sommeil.

Le sommeil est indispensable à la santé et au bien-être, et plusieurs mécanismes physiologiques sous-tendent cela. Ainsi, une mauvaise qualité ou quantité de sommeil est associée à une détérioration de la santé : problèmes d’humeur, dépression, prise de poids, infections, diabète, hypertension… Un lien a notamment été établi avec le risque cardiovasculaire et l’équipe Inserm de Jean-Philippe Empana, au Centre de recherche cardiovasculaire à Paris, a souhaité approfondir ce point.

Pour cela, elle a étudié le risque d’accidents cardiovasculaires (syndrome coronaire aigu ou accident vasculaire cérébral) en lien avec cinq composantes du sommeil : la durée de sommeil chaque nuit, le chronotype (être du matin ou du soir), la fréquence des insomnies, des somnolences diurnes excessives et les apnées du sommeil.

« Habituellement, les études se focalisent sur une seule dimension du sommeil, majoritairement la durée du sommeil ou la présence d’apnée du sommeil, or un bon sommeil ou un sommeil sain englobe plusieurs dimensions », clarifie Aboubakari Nambiema, premier auteur de ce travail et chercheur postdoctoral à l’Inserm.

Les chercheurs et chercheuses ont intégré ces cinq dimensions dans un score unique afin de rendre compte de la nature multifactorielle du sommeil. Chacune d’elle est évaluée grâce à un questionnaire spécifique validé par la communauté scientifique et adapté aux études de grande taille (Pittsburgh sleep quality index-PSQI, Berlin questionnaire ou encore Epworth Sleepiness Scale) et compte pour 1 point lorsqu’il est optimal ou 0 point dans le cas contraire. Le score global varie ainsi de 0 (plus mauvais score) à 5 (score optimal correspondant à : 7 à 8 heures de sommeil par nuit, être du matin, ne pas avoir d’insomnies, d’apnées ni de somnolence excessive en journée).

Un suivi dans le temps

Ce score a été utilisé dans deux enquêtes de population destinées à étudier les déterminants de la santé cardiovasculaire.

L’une a été menée à Paris et a inclus 10 157 adultes de 50 à 75 ans (Étude prospective parisienne n° 3, EPP3). L’autre a été menée en Suisse à Lausanne et a réuni 6 733 participants de plus de 35 ans via l’étude CoLaus|PsyCoLaus du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).

Le score a été calculé à l’inclusion puis deux à cinq ans après. La survenue d’évènements cardiovasculaires a ensuite été surveillée pendant 8 à 10 ans environ.

« L’utilisation d’un score composite pour étudier les habitudes de sommeil avait déjà été expérimentée par le passé mais c’est la première fois à notre connaissance qu’une étude s’intéresse à son évolution dans le temps et son association potentielle avec les maladies cardiovasculaires », explique Jean-Philippe Empana.

En combinant les données des deux enquêtes, une première analyse confirme que plus le score initial (à l’entrée dans l’étude) est élevé, plus le risque d’accident cardiovasculaire est faible. Par rapport aux personnes qui ont un score de 0-1 (10 % des participants), le risque de pathologies cardiovasculaires est réduit de 10 % pour les participants qui ont un score de 2 (21 % des participants), 19 % pour ceux qui ont un score de 3 (32 % soit la majorité des participants), 38 % pour un score de 4 (27 % des participants) et 63 % pour ceux qui ont le meilleur score de 5 (10 % des participants).

« Autrement dit, près de 60 % des accidents cardiovasculaires pourraient potentiellement être évités si les individus présentaient tous un score optimal de sommeil (score de 5), soulignant ainsi les implications potentielles de santé publique des résultats », clarifie Jean-Philippe Empana.

Une seconde analyse portant pour la première fois sur l’évolution du score de sommeil au cours du temps montre que le sommeil s’est amélioré chez 8 % des participants, détérioré chez 11 % et est resté stable chez la majorité des participants (2/3 d’entre eux sont restés avec un score égal ou supérieur à 3). Point important, ces changements sont associés à la survenue de pathologies cardiovasculaires. En particulier, ce risque a diminué de 16 % pour chaque point de score gagné au cours du temps, quelle que soit la composante du score qui a été améliorée. « Chacune semble avoir autant d’importance que les autres », précise Aboubakari Nambiema.

Les chercheurs et chercheuses espèrent maintenant que les professionnels de santé et la population générale se saisiront de cet outil : « la facilité et la rapidité d’utilisation des questionnaires ainsi que la simplicité du calcul du score de sommeil devraient favoriser leur compréhension et une bonne adhésion », prévoient-ils.

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